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<title>Mercure galant, septembre 1680 (première partie) [tome 11]</title>
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<edition>OBVIL/IREMUS</edition>
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<name>Nathalie Berton-Blivet</name>
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<name>Anne Piéjus</name>
<resp>Responsable éditorial</resp>
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<name>Vincent Jolivet</name>
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<publisher>Sorbonne Université, LABEX OBVIL</publisher>
<date when="2015"/>
<idno>http://obvil.sorbonne-universite.fr/corpus/mercure-galant/MG-1680-09a/</idno>
<availability status="restricted">
<licence target="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/"><p>Copyright © 2019
Sorbonne Université, agissant pour le Laboratoire d’Excellence « Observatoire de la
vie littéraire » (ci-après dénommé OBVIL).</p>
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<p>Pas de Modification : l’OBVIL s’engage à améliorer et à corriger cette ressource
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souhaitable.</p></licence>
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<bibl><title>Mercure galant</title>, septembre <date>1680</date> (première partie) [tome
11].</bibl>
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<div type="article" xml:id="MG-1680-09a_151" resp="mercure">
<head>[Tout ce qui s’est passé à Rome touchant la Reception faite à M. le Prince de
Radzevill Ambassadeur d’Obedience de Pologne]</head>
<bibl><title>Mercure galant</title>, septembre 1680 (première partie) [tome 11], p.
151-182.</bibl>
<p>Le Dimanche 4. de l’autre Mois, M<hi rend="sup">r</hi> le Prince Radzevill, arrivé <hi
rend="i">incognito</hi> à Rome dés la fin de May, y fit sa Cavalcade publique, en
qualité d’Ambassadeur d’Obédience de Pologne. Les Roys ont accoûtumé d’envoyer de
pareilles Ambassades une fois pendant leur Regne, pour témoigner au S. Siege une
obeïssance filiale au nom du Roy & du Royaume, & ce fut une fonction que fit
l’Amirante de Castille sous Innocent X. au nom de celuy d’Espagne. Le Roy de Pologne,
voulant s’acquiter de ce devoir, crût ne le pouvoir faire avec plus d’éclat, qu’en jettant
les yeux sur M<hi rend="sup">r</hi> le Prince Radzevill. Outre son mérite particulier qui
le distingue par tout, il est un des plus considérables Seigneurs de ce Royaume ; &
pour dire tout en un seul mot, il a l’avantage d’estre Beaufrere de Sa Majesté. Vous
pouvez croire qu’un Roy aussi éclairé & aussi judicieux que l’est celuy de Pologne,
n’a pû choisir qu’un digne sujet pour le faire entrer dans son Alliance. Le jour marqué
pour la Cavalcade estant arrivé, (on donne ce nom aux Entrées qu’on fait à cheval, à la
diférence de celles où il ne se trouve que des Carrosses, & où l’on voit ordinairement
plus de confusion que de beauté,) cet illustre Ambassadeur se rendit avec toute sa Maison
à la Vigne du Pape Jule, qui est un Palais à un demy-mille de la Porte <hi rend="i">del
Popolo.</hi> C’est de là que partent les Ambassadeurs, lors qu’ils font leur Entrée à
Rome. Le Pape y envoya M<hi rend="sup">r</hi> Mathei son Majordome, pour le complimenter
de sa part, & l’accompagner dans sa Cavalcade. Elle commença à vingt & une heure
& demie d’Italie, & à cinq ou environ de France. [Description du cortège] Cette
Compagnie<note resp="editor"><p>La compagnie des gardes de l’ambassadeur d'Obédience de Pologne.</p></note> estoit composée de trente-six Chevaux-Legers, de trois
Hautbois, d’un Timbalier, & de six Trompetes. Ces derniers précedoient les Valets de
pied de M<hi rend="sup">r</hi> l’Ambassadeur, qui estoient en fort grand nombre, &
vestus superbement. Il n'y a rien de plus beau que sa Livrée. Les Habits sont de Velours
rouge cramoisy, garnis de Bandes aussi de Velours, jaunes, bleuës & noires, chaque
Bande bordée d'un Galon d'or, avec des Rubans de diférentes couleurs, & des Cravates
de Point de Venise. En suite venoient trois Chameaux couverts de Housses de soye de
diférentes couleurs, avec une grosse Broderie d’or. Ils estoient montez par des Etiopiens
qui tenoient des Flutes, & trois Turcs à cheval les conduisoient. Apres eux parut la
Cavalerie-Legere du Pape, composée de deux cens Chevaux-Legers, de leurs Officiers &
Trompetes. Ils précedoient les Estafiers de M<hi rend="sup">rs</hi> les Cardinaux, montez
sur les Mules de Leurs Eminences, & ayant un Chapeau rouge qui pendoit sur leurs
épaules. L'Ecuyer de M<hi rend="sup">r</hi> l'Ambassadeur suivoit, habillé superbement à
la Polonoise, & monté sur un Cheval du Païs richement enharnaché. On voyoit derriere
luy douze Polonois aussi à cheval, menant chacun un Cheval de main enharnaché à la Turque,
les Selles couvertes de grandes Plaques de vermeil doré, avec des Housses enrichies de
perles & d'or. Chaque Selle armée d'un Sabre, d'un Bouclier, ou d'une Masse d'armes.
Les Fers des Chevaux estoient d'argent, & quelques-uns d'or, appliquez de telle sorte,
que la plus grande partie se détacha, au profit de ceux qui les pûrent ramasser. Il faut
observer que les Chevaux Polonois n'ont que de petites Selles, sans croupiere ny poitrail,
une Bride extrémement déliée, & que les Etriers sont fort courts. En suite on voyoit
paroistre douze Tambours du Peuple Romain, portant chacun l'Etendard de M<hi rend="sup"
>r</hi> l'Ambassadeur ; & derriere eux, la Chambre du Pape, composée de Gens à
Soutanes rouges. Ils estoient suivis d'une Troupe de Polonois, qui faisoit trois files ;
les uns vestus richement, selon l'usage de la Nation, avec des Echarpes de soye tissuë
d'or, le Sabre au costé, & le Casque en teste ; leurs Chevaux couverts de Housses de
broderie à bords d'argent, & sur le front, des Enseignes de pierreries, avec des
Plumes de diférentes couleurs. Les autres montez comme ces premiers, avoient des Bonnets
bordez d'une Peau de Renard noir, avec des Aigretes & une Attache d'Emeraudes & de
Diamans, & derriere les épaules, une grande aîle de Plumes blanches. Cette Milice
s'appelle Hussars, & est la terreur de la Cavalerie Ottomane. Les derniers ne
diféroient de ceux-cy, qu'en ce qu'au lieu de la grande aîle de Plumes blanches, une Peau
entiere de Tygre leur pendoit sur les épaules. Ils tenoient une Masse d'or enrichie de
grosses Turquoises, & d'autres Pierres de prix. Ces derniers sont Soldats Hussars,
& ils portoient ces Masses, pour marque du Generalat qu'a M<hi rend="sup">r</hi>
l'Ambassadeur sur la Lituanie. Plusieurs Chevaliers Romains estoient meslez avec cette
Troupe, apres laquelle marchoient en bon nombre les Chevaliers Titrez de Pologne, &
les autres Gentilshommes de M<hi rend="sup">r</hi> l'Ambassadeur. M<hi rend="sup">r</hi>
le Comte Stanislas Ckovalski Majordome, s'y faisoit particulierement distinguer, tant par
la richesse de son Habit, que par la beauté de son Cheval. On y distinguoit aussi fort
aisément M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis Stanislas Gonsague Myskouski, magnifiquement
vestu à la Françoise, d'un Brocard d'or couleur de musc, avec un Manteau doublé de Toile
d'or, enrichy d'une fine Broderie, & un Tour de Diamans à son Chapeau. Il montoit un
Cheval des plus superbes, & estoit accompagné de six Estafiers de ses Livrées, toutes
brillantes de lames d'or & d'argent sur un fond bleu, avec des Plumes incarnates. Le
Capitaine des Suisses marchoit apres, avec la Garde du Pape, divisée en deux aisles, qui
prenoient au milieu la Personne de M<hi rend="sup">r</hi> l'Ambassadeur ; puis deux
Massiers de Sa Sainteté, avec les Maistres des Cerémonies dans leur Habit violet &
noir ; & enfin M<hi rend="sup">r</hi> le Prince Radzevill, au milieu de M<hi
rend="sup">r</hi> Matei & de M<hi rend="sup">r</hi> Brancacci, qui sont les plus
anciens d'entre les Prélats. Il estoit sur un Cheval Polonois richement enharnaché, avec
une Selle à la Françoise, couverte d'or & de Pierreries meslées sur une fine broderie,
& une Housse de brocard d'or enrichy de Diamans. Tout le Harnois estoit de mesme
parure. Des Emeraudes & d'autres Pierres prétieuses, tenoient dans la Bride la place
des Boucles, le reste estant d'or massif, travaillé à l'Arabesque. Les Etriers & les
Fers du Cheval, estoient aussi d'or ; & afin qu'il ne manquast rien à ce superbe
Animal, une grande Rose de Diamans qui attachoit des Aigretes luy couvroit le front. M<hi
rend="sup">r</hi> l'Ambassadeur estoit en Manteau, vétu d'un brocard à grandes Fleurs or
& argent, le fond couleur de gris de musc, tout couvert de Broderie d'or enrichie de
Perles, avec des Boutonnieres de gros Diamans, une Garniture de Rubans couleur de Rose, un
Chapeau gris retroussé d'une riche Agrafe, une Plume blanche, & du Ruban de la couleur
de la Garniture. À l'Etrier de M<hi rend="sup">r</hi> l'Ambassadeur, marchoient douze
Pages portant ses Livrées, mais entierement couvertes de galon d'or, & derriere le
Cheval, on voyoit suivre trente Janissaires & Spahis, ceux-cy habillez d'un Satin
verd, traînant jusqu'à terre à la mode de Turquie, & ceux-là de Satin jaune, avec une
hache en main, & une espece de Mitre blanche sur la teste, qui est le Bonnet dont ils
ont accoûtumé de se servir. On voyoit encore plusieurs Prélats, Evesques &
Archevesques, Protonotaires Apostoliques, avec leurs Manteaux & Chapeaux Pontificaux,
& une infinité d'autres qui accoururent en foule pour faire honneur à la Cavalcade.
Elle estoit fermée par six Carrosses à six Chevaux de M<hi rend="sup">r</hi>
l'Ambassadeur, & par quelques autres à deux. Le premier estoit d'un Velours rouge,
relevé de grosse Broderie d'or, peint & doré jusqu'aux extrémitez des Roües, &
orné de grandes Figures dorées d'une tres-belle Sculpture, doublé d'un Brocard à fond
d'or, semé de fleur d'argent, & d'un fort beau rouge-cramoisy. Le second estoit de
l'Etofe de la doublure de ce premier, & aussi riche en dorure & en sculpture. Il
n'y avoit rien de si beau que les Chevaux qui estoient Frisons, Polonois, ou Turcs. M<hi
rend="sup">r</hi> le Prince Radzevill estant arrivé à la Porte de son Palais, s’y
arresta quelque temps, jusqu’à ce que M<hi rend="sup">r</hi> Mateï, & tous les autres
Prélats qui l’avoient accompagné, eussent pris congé de luy. Le concours du Peuple estoit
si grand, qu’on fut obligé de luy permettre l’entrée des Apartemens dont il admira les
riches Meubles. J’ay oublié de vous dire que le Pape ayant voulu voir cette Cavalcade,
elle avoit pris un grand tour, afin de passer devant le Palais de Montecavallo.</p>
<p>Le Jeudy suivant 8. du Mois, Sa Sainteté ayant fait intimer le Consistoire pour
l’Audience publique, où M<hi rend="sup">r</hi> l’Ambassadeur devoit estre admis, les
Cardinaux se rendirent au Palais sur les neuf heures du matin. [Description de la
cérémonie, p. 170-177]</p>
<p>Le Consistoire ayant duré environ une heure, & toutes la Suite de M<hi rend="sup"
>r</hi> l’Ambassadeur ayant esté reçeuë à baiser les pieds de Sa Sainteté, il fut mené
par le Majordome à l’Apartement où on l’estoit venu prendre, & reconduit de la mesme
sorte quelque temps apres à celuy du Pape. Il y trouva deux Tables dressées. L'une estoit
pour le S.Pere, au fond de la Chambre, sur une Estrade couverte d'un Tapis de Velours
rouge, avec un Dais, & un Fauteüil de mesme parure. L'autre estoit pour M<hi
rend="sup">r</hi> l'Ambassadeur, dressée à costé, plus basse d'un pied que l'autre, avec
une Chaise à dos de bois peint. Chaque Table fut servie à quatre Services, avec cette
diférence, que celle du Pape estoit couverte de dix Plats, & l'autre de neuf, toutes
deux pleines de Triomphes & d'Ornemens de toiles tres-fines, qui dans la maniere
adroite dont on les avoit pliées, faisoient paroistre les Armes de sa Sainteté. Sitost
qu'Elle entra, M<hi rend="sup">r</hi> l'Ambassadeur fit une genufléxion, &
l'accompagna jusqu'à l'endroit où son Dîné estoit préparé, où apres qu'elle eut lavé la
main, il luy présenta la Serviete à genoux, & attendit la Benédiction de la Table,
pour aller s'assoir à celle qui luy avoit esté préparée. Il mangea couvert, servy par les
Officiers du Palais. Ce Repas fut accompagné d’un Concert de Voix & de divers
Instrumens. Sa Sainteté but à la Santé du Roy & de la Reyne de Pologne, & chaque
fois qu'elle but, M<hi rend="sup">r</hi> l'Ambassadeur se leva. Toute sa Suite, au nombre
de trois cens Personnes, fut aussi traitée en plusieurs Tables. L'apresdînée il visita le
Cardinal Ludovisio, comme Doyen, & se rendit de là au Palais de la Reyne de Suede.
Pendant tout le jour il y eut une Fontaine de Vin, qui descendoit de la Colomne Antonine,
& le soir tout son Palais fut illuminé d'un nombre infiny de Flambeaux de Cire
blanche, & on tira un Feu d'artifice. Le Dimanche II. du Mois il alla au Cours, où il
parut avec tous ses Carrosses, & sa Livrée, les uns habillez à la Françoise, & les
autres à l'usage de son Païs. Une seconde Fontaine de Vin coula tout le jour. On fit joüer
un nouveau Feu d'artifice ; & tout son Palais ainsi que la Colomne Antonine, fut
encore illuminé.</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1680-09a_186" resp="mercure">
<head>[Nouvelles Compagnies nommées Soldats Gardiens des Vaisseaux]</head>
<bibl><title>Mercure galant</title>, septembre 1680 (première partie) [tome 11], p.
186-190.</bibl>
<p>M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis de Seignelay, dont tant de choses marquent tous les
jours son entiere & continuelle application pour le service du Roy, & sur tout en
ce qui regarde la Marine, a étably au Port de Toulon deux Compagnies de Cent Hommes
chacune, qu’on nomme Soldats Gardiens des Vaisseaux. L'une est commandée par le Capitaine
du Port, & l'autre par M<hi rend="sup">r</hi> le Chevalier de Levy Ayde-Major des
Armées navales de Sa Majesté. Ce dernier voulant faire quelque chose qui répondit au zele
qu'il a pour ce Grand Monarque, a choisy cent Hommes qui avoient déja servy à la Marine,
tous d'une taille bien prise & bien dégagée, & ayant chacun cinq pieds, ou cinq
pieds & demy de hauteur. De ce nombre il y a vingt-cinq Sergens, vingt-cinq Caporaux,
& cinquante Soldats, qu'il a habillez d'un tres-beau Drap de Berry gris-blanc, doublé
de Ratine bleuë, avec les Culotes & les Bas rouges. Il a fait mettre sur toutes les
coutures des Justes-à-corps des Sergens, un Galon d'argent de la largeur de deux doigts,
& deux tout autour des Manches. Ils ont chacun un Baudrier de Peau d'Elan, & un
Galon d'or dessus, les Gans de mesme, leurs Chapeaux bordez aussi de Galon d'argent, avec
une veritable Pluche blanche, l'Epée d'argent haché à Gardes unies. Les vingt-cinq
Caporaux sont habillez à proportion, à la réserve des Plumes qu'ils ont bleuës &
blanches, & assortissantes au reste. Les Soldats en ont de bleuës. Les deux Tambours,
les quatre Hautbois & les Fifres, sont si bien choisis, qu’à l’exception de ceux du
Roy, il n’y en a point de plus habiles. Ils sont vestus de veritable Ecarlate doublée de
bleu, & un gros Galon d’argent par tout. Ce fut dans cet équipage que M<hi rend="sup"
>r</hi> le Chevalier de Levy passa dernierement en reveuë devant M<hi rend="sup">r</hi>
de Vauvray Intendant de la Marine à Toulon. Il estoit à la teste de sa Compagnie, à
laquelle il fit faire l’Exercice au bruit du Tambour. Il reçeut l’approbation qui luy
estoit deuë, & tous ceux qui s’y trouverent tomberent d’accord que Sa Majesté n’avoit
pas de plus belles Troupes.</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1680-09a_190" resp="mercure">
<head>[Prise de possession de l’Archevesché de Roüen]</head>
<bibl><title>Mercure galant</title>, septembre 1680 (première partie) [tome 11], p.
190-203.<note resp="editor">L'article du <hi
rend="i">Mercure galant</hi> <ref target="MG-1680-08_137">d'août 1680</ref> complète cette relation.</note></bibl>
<p>Je vous parlay la derniere fois du Sacre de M<hi rend="sup">r</hi> le Coadjuteur de
Roüen. J’ay aujourd’huy à vous faire part des Cerémonies de sa Prise de possession le 26.
de l’autre mois. Il arriva à Gaillon, accompagné de M<hi rend="sup">r</hi> le Coadjuteur
d’Arles, de M<hi rend="sup">r</hi> l’Evesque de Lisieux, & de M<hi rend="sup">r</hi>
l’Abbé de Grignan, nommé à l’Evesché d’Evreux. Ils y furent reçeus par M<hi rend="sup"
>r</hi> l’Archevesque de Roüen avec une magnificence digne de ce grand Prélat.
L’empressement qui parut dans toutes ses actions, fit assez connoistre combien il estoit
sensible à l’honneur que le Roy luy avoit fait, en luy donnant M<hi rend="sup">r</hi>
l’Abbé Colbert pour Coadjuteur. M<hi rend="sup">r</hi> le Blanc Intendant de la Generalité
de Roüen, & M<hi rend="sup">r</hi> de Mascarani Grand-Maistre des Eaux & Forests,
s'estoient déja rendus à Gaillon, & ils furent les premiers qui firent leurs
complimens au nouveau Prélat qu'on y attendoit. L'exactitude de l'un & de l'autre à
remplir tous les devoirs de leurs Charges est si connu, qu'il me seroit inutile de vous en
rien dire, aussi-bien que de Gaillon, que vous sçavez estre un des plus beaux Lieux du
monde, & la Maison de plaisance de M<hi rend="sup">rs</hi> les Archevesques de Roüen.
M<hi rend="sup">r</hi> le Coadjuteur en partit le lendemain apres midy avec M<hi
rend="sup">r</hi> de Lisieux, & estant arrivé sur les cinq heures au Port S. Oüen à
deux lieuës de Roüen, il y trouva plus de trente de ses Chanoines, & plusieurs
Personnes de qualité, qui estoient venuës au devant de luy. En suite il rencontra M<hi
rend="sup">r</hi> Pelot, Premier Président du Parlement, & plusieurs des plus
considérables de toutes les autres Compagnies, qui luy ayant fait un Cortege de plus de
cinquante Carrosses, l'accompagnerent jusque dans le Palais Archiépiscopal. Quoy qu'il
fust déja tard, lors qu'il entra dans la Ville, les Ruës & les Places ne laisserent
pas d'estre remplies d'un monde infiny, qui fit paroistre une joye extraordinaire du digne
choix qu'avoit fait Sa Majesté.</p>
<p>Le Mercredy 28. il<note resp="editor"><p>L’abbé Colbert, coadjuteur de Rouen.</p></note> donna audience sur les neuf heures du matin aux Députez du
Chapitre. M<hi rend="sup">r</hi> du Hamel, Chanoine & Archidiacre de Nostre-Dame,
porta la parole. Pour vous donner une juste idée de son mérite, il me suffira de vous
apprendre que M<hi rend="sup">r</hi> l'Archevesque de Paris, quand il l'estoit de Roüen,
l'avoit choisy par préference sur tout le Chapitre, pour le faire son Grand Vicaire à
Pontoise. M<hi rend="sup">r</hi> du Hamel ménagea si bien les Personnes de ce Païs par ses
manieres honnestes & obligeantes, qu'il se rendit maître de leur esprit, & leur
procura la paix, que des intérests particuliers avoient troublée depuis fort longtemps.
Aussi estoit-il si estimé de cette illustre Prélat, que jamais il n'en parloit sans dire
que M<hi rend="sup">r</hi> du Hamel faisoit merveilles par tout, soit qu'il parlast ou
pontifiast, & qu'il auroit de la joye qu'il fust Pontife achevé. Ce sont ses termes.
Il s'acquit dans la mesme Place les bonnes graces de M<hi rend="sup">r</hi> le Cardinal de
Boüillon ; & ce Prince qui ne fait rien qu'avec un entier discernement, voulant luy
marquer la bienveillance particuliere dont il l'honore, l'a choisy aussi pour son
Grand-Vicaire. Tant d'éclatans témoignages vous disent assez quel est le caractere de M<hi
rend="sup">r</hi> du Hamel, & avec combien de succés il dût s'acquiter de la
commission qu'il avoit de parler pour le Chapitre. Cette Audience finie, M<hi rend="sup"
>r</hi> le Coadjuteur se rendit à S. Herbland, où il fut reçeu par le Curé de cette
Paroisse. Il y quita sa Chaussure, & s'estant mis en Rochet & en Camail, il
s'avança les pieds nus vers l'Eglise Cathédrale, accompagné des Prieurs & Religieux de
l'Abbaye de S. Oüen, tous en Chapes. Je dis, des Prieurs, car les Anciens & les
Réformez marchent ensemble, & les uns & les autres ont leur Prieur. On avoit naté
tout le passage depuis S. Herbland jusqu'à Nostre-Dame. M<hi rend="sup">r</hi> de
Gremonville qui en est Doyen, estoit à la Barriere du Parvis avec tout les Chanoines &
Chapelains, revêtus de riches Chapes. Il n'y en a peut-estre point dans toute l'Europe de
plus magnifiques, ny dont le travail soit plus estimé. Apres qu'il eut présenté
l'Eau-benite, & donné la Croix à baiser à M<hi rend="sup">r</hi> le Coadjuteur, le
Prieur des Anciens de S. Oüen, s'adressant à tout le Chapitre, luy dit, <hi rend="i">Nous
vous donnons vostre Archevesque vivant, vous nous le rendrez mort.</hi> Ce qui donne
lieu à ces paroles, c'est que quand les Archevesques de Roüen sont morts, on expose leurs
Corps en parade à S.Oüen, avant leur enterrement. Cette Cerémonie achevée, M<hi rend="sup"
>r</hi> le Doyen luy présentant son Eglise, luy demanda sa protection, & luy fit
faire le Serment accoûtumé sur les Evangiles. M<hi rend="sup">r</hi> le Coadjuteur reprit
sa Chaussure à l'Autel de S. Pierre, apres avoir offert un Ecu d'or à celuy des Voeux.
Enfin ayant esté reçeu dans le Chapitre comme Chanoine, & conduit dans la Chaire
Pontificale du Chœur comme Archevesque, il entendit la Messe qu’on chanta avec Musique,
& donna en suite à tout le Chapitre un magnifique Repas, qui fut servy en trois Tables
diférentes. Le lendemain, les Compagnies le vinrent complimenter. M<hi rend="sup">r</hi>
de Vernoville Président à Mortier, porta la parole pour le Parlement. Vous sçavez, Madame,
qu'il mesle tout l'agrément d'un Cavalier avec la gravité d'un Magistrat ; & qu'outre
toutes les qualitez qu'on peut souhaiter dans un tres-bon Juge, il a toutes celles qui
font un fort galant Homme. La Harangue de ce digne Président, & la Réponse de M<hi
rend="sup">r</hi> le Coadjuteur, furent également admirées ; l'une, par le tour aisé des
pensées & des expressions, & par l'air noble dont elle fut prononcée ; &
l'autre, par la justesse qui y régnoit, quoy qu'elle n'eust pû estre l'effet d'aucune
méditation. M<hi rend="sup">r</hi> de Machonville - d'Anviray, Président de la Chambre des
Comptes ; M<hi rend="sup">r</hi> d'Hoquille le Fils, Premier Président de la Cour des
Aydes ; & M<hi rend="sup">r</hi> de Brevedent, Lieutenant General, parlerent en suite,
chacun pour sa Compagnie. Ils le firent tous avec succés, & donnerent occasion à M<hi
rend="sup">r</hi> le Coadjuteur de faire paroistre avec éclat toute la présence d'esprit
qu'il faut avoir, pour faire sur l'heure à tant de diférens Compliement autant de
diférentes Réponses, toutes proportionnées aux Personnes de ceux qui parloient, &
appliquées juste à ce qui luy avoit esté dit.</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1680-09a_215" resp="mercure">
<head>Air nouveau</head>
<bibl><title>Mercure galant</title>, septembre 1680 (première partie) [tome 11], p.
215.</bibl>
<p>La Chanson nouvelle que j’adjoûte icy, est de l’Illustre qui m’en donne tous les
mois.<note resp="editor">L'« illustre qui m'en donne tous les mois » est probablement Bacilly, auteur de douze des vingt-trois airs publiés entre octobre 1679 (première publication d'un air de Bacilly dans le <hi rend="italic">Mercure galant</hi>) et la publication de l'air précédant celui-ci. Six de ces airs sont attribués à un autre compositeur et cinq sont anonyme.</note></p>
<quote>
<label>AIR NOUVEAU.</label><note resp="author" place="margin"><hi rend="i">Avis pour
placer les Figures</hi> : l’Air qui commence par <hi rend="i">Beaux Lieux frais &
charmans</hi>, doit regarder la page 215.</note>
<lg>
<l rend="i">Beaux Lieux frais & charmans, où le chant des Oyseaux</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space>Se mesle au murmure
des Eaux,</l>
<l rend="i">Pardonnez si je suis vostre aimable présence.</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space>Ah, je craindrois, par vos charmes surpris,</l>
<l rend="i">De soulager les maux que me cause l’absence</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space>De mon aimable
Iris.</l>
</lg>
</quote>
<ref target="images/1680-09a_215.JPG">
<figure>
<graphic url="images/1680-09a_215.JPG"/>
</figure>
</ref>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1680-09a_219" resp="mercure">
<head>[Mort de trois Musiciens du Roy, d’un Musicien de l’Opéra]</head>
<bibl><title>Mercure galant</title>, septembre 1680 (première partie) [tome 11], p.
219-220.</bibl>
<p>M<hi rend="sup">rs</hi> Tiphaine, Beaulieu, & Valmont, sont morts aussi presque en
mesme temps, c’est à dire, depuis le retour de Sa Majesté. La chose mérite d’estre
remarquée. Ils estoient Prestres tous trois, tous trois de la Musique du Roy, & tous
trois Basses. Le Mois estoit fatal aux Musiciens, puis que ceux que je viens de vous
nommer ont esté suivis de M<hi rend="sup">r</hi> de Nouveau, l’aîné, qui chantoit à
l’Opéra.</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1680-09a_220" resp="mercure">
<head>[Honneurs Funebres rendus à la memoire de M. d’Evreux]</head>
<bibl><title>Mercure galant</title>, septembre 1680 (première partie) [tome 11], p.
220-224.</bibl>
<p>Je viens d’apprendre les honneurs qu’on a rendus à la mémoire de feu M<hi rend="sup"
>r</hi> l’Evesque d’Evreux. Apres qu’il fut mort, on porta son Corps à l’Abbaye de S.
Taurin, où le Chapitre le mit en dépost suivant la coûtume entre les mains des Religieux.
Il l’alla reprendre le lendemain au matin sur les 7. heures, accompagné d’un tres grand
nombre de Prestres, & des Capucins, Jacobins, Cordeliers & Freres de la Charité.
Quatre des plus anciens Chanoines portoient les coins du Drap mortuaire. Le Présidial
& Bailliage suivoit en Corps, les deux Présidens menant les deux Fils de M<hi
rend="sup">r</hi> le Comte de Coligny. La Ville marchoit apres à la teste de laquelle
estoit M<hi rend="sup">r</hi> de Langlade Lieutenant General, avec les deux Avocats du
Roy, & M<hi rend="sup">r</hi> de la Musse, son Procureur General dans ce Bailliage.
Les Echevins avoient des Habits conformes à cette lugubre Cerémonie, & estoient
accompagnez de leurs Hallebardiers, dont on en voyoit six revétus de Bablours noirs, qui
les couvroient depuis la teste jusques aux pieds. Chacun tenoit une Torche aux Armes
mi-parties, du Defunt Evesque & de la Ville. Tout le reste estoit en Crêpe, & une
foule presque inombrable de Peuple fermoit cette marche. On arriva à la Cathédrale dans
cet ordre, le tout précedé des Enfans gris & bleus de la Ville, & de plus de six
cens Pauvres, chacun un Cierge à la main. Le Corps ayant esté deposé sous une Chapelle
ardente dressée magnifiquement au pied du grand Autel, le Chapitre prit sa place, &
tous les autres en suite. Apres la Messe que l’on chanta en Musique, il fut inhumé sous
cette Chapelle ardente, avec toute la pompe qui estoit deuë au mérite du Defunt. On vint
de là dans la Nef, pour y entendre l’Oraison Funebre.</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1680-09a_224" resp="mercure">
<head>[Mariage de M. de Sayve Président à Mortier au Parlement de Grenoble]</head>
<bibl><title>Mercure galant</title>, septembre 1680 (première partie) [tome 11], p.
224-229.</bibl>
<p>Comme le monde est tout remply de diversitez, il y a eu de la joye en Dauphiné, tandis
qu’on a esté en chagrin ailleurs. Cette joye estoit causée par le Mariage de M<hi
rend="sup">r</hi> de Sayve, Marquis d’Ornacica, & Président à Mortier au Parlement
de Grenoble, qui épousa Mademoiselle de la Tour Vidaud, le Jeudy 5. de ce Mois. La
Cerémonie s’en fit à deux heures du matin par M<hi rend="sup">r</hi> l’Evesque de
Grenoble, avec une égale satisfaction des deux Parties. Le Mariage se consomma chez M<hi
rend="sup">r</hi> le Procureur General de ce mesme Parlement, Pere de la Mariée, qui
reçeut le lendemain les visites de tout ce qu’il y a de Gens de qualité, dans la Ville.
Vous sçavez qu’ils y sont en tres grand nombre, & qu’elle passe pour une des plus
polies du Royaume. Le soir, tous ceux de la Nôce se rendirent chez le Pere de l’Epoux,
& furent reçeus par le Quartier sous les armes en tres bon ordre, & au son des
Violons, des Fifres & des Tambours. L’un des Officiers de cette Milice porta la
parole, & fit à la Mariée un Compliment tres galant. Apres la décharge des Mousquets,
la grande Bande de Violons se fit entendre, & l’on servit sur deux Tables un Repas à
cinq Services, avec autant de magnificence que de propreté.</p>
<p>On voit peu de Mariages aussi accomplis que celuy dont je vous parle. M<hi rend="sup"
>r</hi> le Président de Sayve, quoy que jeune, a de tres-grandes lumieres, une prudence
admirable, & une intégrité digne de la réputation de ses Ayeux qui ont exercé de
pareilles Charges. Il est Fils de M<hi rend="sup">r</hi> Chevrieres, second Président dans
le mesme Parlement, qui passe pour un des plus grands Hommes de la Robe, & Frere de
M<hi rend="sup">r</hi> le Comte de S. Valier, Capitaine des Gardes de la Porte du Roy,
& de M<hi rend="sup">r</hi> l'Abbé de S. Valier., Aumônier ordinaire de sa Majesté. Ce
sont trois Freres, en trois diférens états, dont il s'acquitent chacun tres-dignement.
Pour vous donner une entiere connoissance de cette Maison, j'ajoûteray que M<hi rend="sup"
>r</hi> le Président de Chevrieres a aussi marié trois de ses Filles ; la premiere à
M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis de Buous, de l'illustre Famille de Ponterez, alliée à
celle de Grignan en Provence, autrefois Guidon des Gendarmes de la Reyne Mere, &
Syndic de la Noblesse de cette Province ; la seconde à M<hi rend="sup">r</hi> le Président
de Bochaine, l'un des plus sçavans & des plus équitables Magistrats de l'Europe, Frere
de M<hi rend="sup">r</hi> de S. André, Premier Président au mesme Parlement de Grenoble,
qui s'est acquité avec tant de gloire de son Ambassade de Venise ; & la troisiéme à
M<hi rend="sup">r</hi> le Comte de Montoison, de la Maison de Clermont, connuë à toute
la Terre. Il y a peu que je vous parlay de cette derniere.</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1680-09a_229" resp="mercure">
<head>[Mariage de Mademoiselle de la Tour Vidaud] *</head>
<bibl><title>Mercure galant</title>, septembre 1680 (première partie) [tome 11], p.
229-232.</bibl>
<p>Mademoiselle de la Tour Vidaud, dont je vous apprens le Mariage, a toutes les qualitez
qui peuvent rendre recommandable une Personne de son Sexe, & de sa naissance. Elle
joint une modestie toute charmante, & une pieté exemplaire, à beaucoup de beauté &
de bonne grace. C’est une Brune qui a l’air fort doux, & la taille haute &
dégagée. Elle parle avec autant de prudence que d’esprit, écrit parfaitement bien, sçait
mille choses dignes de l’éducation qu’on luy a donnée, & joüe du Lut merveilleusement.
M<hi rend="sup">r</hi> le Procureur General son Pere, est un des plus polis & des
plus genéreux Hommes de la Province, aimé universellement de tous les honnestes Gens. Le
choix qu'en a fait Sa Majesté pour remplir l'importante Charge qu'il exerce, fait assez
connoistre combien Elle est persuadée de son mérite. Madame sa Femme est de la Maison de
Seve, fameuse non seulement dans le Lyonnois, mais dans le Conseil du Roy où ce nom est
estimé.</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1680-09a_238" resp="mercure">
<head>[Cerémonies faites à la Benediction de Madame l’Abbesse de Chelles]</head>
<bibl><title>Mercure galant</title>, septembre 1680 (première partie) [tome 11], p.
238-252.</bibl>
<p>Le Dimanche 25. du dernier mois, Dame Catherine de Roussille de Fontange, nommée par le
Roy à l’Abbaye de Chelles, y fut beniste par M<hi rend="sup">r</hi> l’Archevesque de
Paris, en présence de l’une des plus illustres & des plus nombreuses Assemblées qu’on
ait veuës depuis longtemps. Elle estoit composée de M<hi rend="sup">r</hi> le Cardinal de
Bonzi, de M<hi rend="sup">r</hi> l'Archevesque de Sens, de M<hi rend="sup">rs</hi> les
Evesques de Bayeux, de Sarlat, du Mans, de Montauban, & d'Evreux ; de M<hi rend="sup"
>rs</hi> les Abbez de Brissac, de Fontange, & de Polignac ; de M<hi rend="sup"
>rs</hi> les Ducs de Gesvres, de S. Simon, & de Brissac ; de M<hi rend="sup">r</hi>
le Comte de Brancas, de M<hi rend="sup">r</hi> le Prince de Mekelbourg, & de M<hi
rend="sup">r</hi> le Prince de Saxe son Neveu ; de M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis de
S. Remy, de Madame la Princesse de Lislebonne, & de Mesdemoiselles ses Filles ; de
Mesdames les Duchesses de Vantadour, de Fontange, de Vitry, & de Villars, de Madame de
Louvoys, & de Madame la Princesse de la Rocheguyon sa Fille ; de Mesdemoiselles de la
Rochefoucaud, de Madame la Maréchale de la Ferté, de Madame de Brancas, de Mesmoiselles
d'Aumont, de Mayenne, Fille de M<hi rend="sup">r</hi> de Mazarin, de Rane & Femelon,
de Mesdames les Marquises de Bournonville & de Castres ; de Madame de Bourlon, de
Madame l'Abbesse de Montmartre, & de Madame la Princesse d'Harcourt sa Parente ; de
Madame l'Abbesse de Farmoustier, & de Mesdames de Beringhen ses Niéces ; de Madame
l'Abbesse de Bly, & de plusieurs autres Personnes de qualité dont on n'a pû me dire
les noms. Il y avoit deux Tribunes, l’une pour les Dames, & l’autre pour la Musique du
Roy, qui estoit conduite par M<hi rend="sup">r</hi> du Mont. L'Eglise estoit toute ornée
de riches Tapisseries de soye relevées d'or & d'argent ; & le Grand-Autel, remply
de Vazes d'argent, de six beaux Chandeliers, & d'une fort grande Croix. Je ne parle
point des Lustres, des Girandoles, & des Flambeaux disposez par tout en tres-bon
ordre. Depuis l'Autel jusqu'au fond du Chœur, il y avoit des Tapis de pied. Tout le Chœur
estoit couvert d'un seul Tapis de Perse de soye. Madame l'Abbesse de Chelles avoit
Mesdames les Abbesses de Montmartre & de Farmoustier pour Assistantes. Les trois
Prie-Dieu destinez pour elles, & le Trône de la nouvelle Abbesse, estoient couverts de
Tapis de Perse à fond d'or, avec des Carreaux de Velours bleu tous brodez d'or. On ne peut
rien voir de plus magnifique qu'estoit le Dais qu'on avoit mis sur le Trône de M<hi
rend="sup">r</hi> l'Archevesque de Paris. Le Fauteüil & le Carreau estoient de mesme
parure, tout cela un peu moins riche à l'égard du Trône de Madame l'Abbesse de Chelles.
Voicy quelle fut la Cerémonie.</p>
<p>Ce Prélat venant à l'Autel se préparer, la nouvelle Abbesse le salüa en passant, ainsi
que Mesdames de Montmartre & de Farmoustier, dont la premiere estoit à sa droite,
& l'autre à sa gauche. Ensuite elles se mirent à genoux sur les Prie-Dieu, tous trois
rangez sur la mesme ligne, au haut du Chœur des Religieuses. On en avoit fait oster la
Grille, afin de laisser le passage libre. On commença la Messe jusqu'au Graduel. Alors les
trois Abbesses vinrent à l'Autel, précedées de leurs Crosses. Les deux Assistantes se
mirent à genoux sur le premier degré du Marchepied, & Madame de Chelles sur le second,
tenant dans sa main le Serment qu'elle devoit prononcer. Il estoit écrit sur du parchemin,
& scellé de son Sceau. Apres qu'elle l'eut prononcé entier, & presté serment sur
les Evangiles, elle le donna à Monsieur de Paris, qui le mit sur l'Autel. En suite elle se
prosterna un peu à costé sur des Carreaux, pendant que ce Prélat qui estoit dans son
Fauteüil fit quelques prieres, lesquelles finies, elle vint de nouveau se mettre à genoux
devant luy. Il luy mit sur la teste un Voile noir, qu'on nomme une Truffe, & que les
Assistantes luy accomoderent. Cela fait, il luy donna le Livre de la Regle de Saint
Benoist, puis la Crosse & l'Anneau en suite ; apres quoy, les trois Abbesses se
leverent, salüerent Monsieur de Paris & les Evesques présens, & retournerent à
leurs Prie-Dieu, les deux Assistantes précedées de leurs Crosses, & la nouvelle
Abbesse portant elle-mesme la sienne de la main droite, & tenant le Livre de la Regle
dans la main gauche. Elles demeurerent à genoux jusqu'à l'Offertoire. Dans ce temps la
nouvelle Abbesse vint jusqu'au pied de l'Autel, & là à genoux, elle présenta à
Monsieur de Paris deux grands Flambeaux de cire blanche ; deux Pains, l'un doré, &
l'autre argenté ; deux petits Barils, l'un aussi doré, & du Vin rouge dedans, l'autre
argenté, remply de Vin blanc ; & sur les uns & les autres estoient les Armes de
Monsieur l'Archevesque, & celles de Madame de Fontange. Cette Cerémonie achevée, elle
retourna sur son Prie-Dieu, toûjours conduite par le Maistre des Cerémonies, & y
demeura jusqu'à ce qu'elle vint faire ses devotions au pied de l'Autel, avant la fin de la
Messe. Aussi-tost qu'elle fut dite, Monsieur l'Archevesque de Paris, avec tous ses
Assistans, entra dans le Chœur des Religieuses, où il conduisit la nouvelle Abbessse
depuis son Prie-Dieu jusques à son Trône, & là, luy ayant donné la main pour luy aider
à monter, il la fit asseoir dans son Fauteüil, se mit debout à sa droite, & luy donna
sa Crosse. En suite les Abbesses assistantes estant à sa gauche toutes deux, & Madame
de Chelles tenant toûjours sa Crosse à la main droite, elle embrassa toutes ses
Religieuses, qui venant deux à deux les unes apres les autres, apres avoir salüé Monsieur
de Paris, les deux Assistantes, puis leur Abbesse, se mettoient à genoux sur son Trône. Ce
fut de là que Monsieur l'Archevesque, qui estoit toûjours demeuré debout pendant ces
embrassemens, donna sa Benediction à cette grande Assemblée. La nouvelle Abbesse se mit à
genoux comme les autres, pour la recevoir. Le Régal suivit. Il fut magnifique. On servit
cinq Tables en deux diférentes Salles, quatre de vingt-quatre Couverts, & une de
quinze. L'abondance, la délicatesse, la propreté, tout s'y trouva dans le plus haut point.
Les Salles où l'on mangea estoient tenduës de tres-riches Tapisseries. La nouvelle Abbesse
a donné pour présent à la Sacristie de Chelles une Lampe de dix-sept marcs d'argent, dont
la cizelure est admirable.</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1680-09a_252" resp="mercure">
<head>[Feste de S. Loüis solemnisée par M. de l’Académie de Villefranche]</head>
<bibl><title>Mercure galant</title>, septembre 1680 (première partie) [tome 11], p.
252-257.</bibl>
<p>Le mesme jour que se fit cette Benediction<note resp="editor">Celle de la nouvelle
abbesse de Chelles (cf. l'<ref target="MG-1680-09a_238">article précédent</ref>).</note>, la Feste de S. Loüis fut solemnisée avec grande pompe par l’Académie de Villefranche, Capitale du
Beaujollois, qui a choisy ce grand Saint pour son Patron. Ceux qui la composent avoient
fait inviter quelque temps auparavant, tout ce qu’il y a de Personnes de qualité & de
sçavoir dans la Ville, & dans tout le voisinage, pour assister aux Discours qui
devoient estre prononcez à la gloire de S. Loüis, & à l’avantage de Sa Majesté. Le
Lieu destiné pour l’Assemblée, fut la Salle de M<hi rend="sup">r</hi> Bessie du Peloux,
Secretaire de l’Académie, qui est une des plus magnifiques & des plus spacieuses de
tout le Païs. Elle fut disposée avec le somptueux appareil que méritoit la grandeur de
l’Action, & la dignité de la Compagnie. Le Portrait du Roy estoit élevé sous un riche
Dais de Velours rouge à franges d’or, sur un Fauteüil de la mesme Etofe. De l’autre costé
estoit celuy de M<hi rend="sup">r</hi> l’Archevesque de Lyon, Protecteur de l’Académie,
sur un grand Tapis de Satin violet. Le jour de la Feste, à dix heures du matin, les
Académiciens, qui sont déjà au nombre de quinze, se trouverent dans la grande Eglise, aux
Places qui leur avoient esté préparées. La Messe & les Prieres pour le Roy, furent
chantées en Musique. À deux heures apres midy, tous les Corps de Ville se rendirent dans
la Salle dont je vous viens de parler. Le Bailliage, l'Election, les Echevins, la
Prevosté, les Corps Ecclesiastiques, & les Réguliers, y prirent les Places qui leur
estoient destinées. Il y eut mesme grand nombre de Dames, qui y vinrent dans une
tres-grande parure, avec plusieurs Gentilhommes. On distribua d'abord des Copies imprimées
des Reglemens & Statuts de l'Académie ; & un peu apres, les Académiciens, tous en
habits de cerémonie, sortirent d'une Biblioteque qui est proche de cette grande Salle,
& se placerent sur des Fauteüils le long d'une Table, couverte de riches Tapis de
Turquie. Trois d'entr'eux, sçavoir, M<hi rend="sup">r</hi> Terrasson Directeur, M<hi
rend="sup">r</hi> Bessie du Peloux Secretaire, & M<hi rend="sup">r</hi> Mignot de
Bussy Lieutenant General du Bailliage de la Province, discoururent sur le Sujet que
l'Académie leur avoit donné. Ce Sujet estoit, <hi rend="i">Le Triomphe des Passions.</hi>
La matiere fut traitée avec beaucoup d'éloquence ; & la grace des Orateurs, jointe à
la beauté des expressions dont ils se servirent, charma toute l'Assemblée.</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1680-09a_257" resp="mercure">
<head>[Reception faite à Mayenne au General des Capucins]</head>
<bibl><title>Mercure galant</title>, septembre 1680 (première partie) [tome 11], p.
257-259.</bibl>
<p>Le R. Pere General des Capucins, dont je croy vous avoir déjà parlé, devant arriver à
Mayenne au Bas Maine le 30. d’Aoust sur le midy. On n’en fut pas sitost averty, que pour
reconnoître les services que cette Ville reçoit continuellement de ceux de cet Ordre, on
fit assembler les Processions pour aller à sa rencontre. Elles le joignirent à un quart de
lieuë de Mayenne, & le conduisirent solemnellement au Convent des Capucins, où il fut
en suite visité par toutes les autres Communautez de Religieux & Religieuses. M<hi
rend="sup">rs</hi> de Ville allerent le haranguer, & luy firent le Présent qu’ils
ont coûtume de faire dans des occasions de cerémonie. Les Officiers de l’Election, de la
Barre Ducale, Grenier à Sel, Maréchaussée, accompagnez des Députez de la Noblesse & de
la Bourgeoisie, les suivirent tous en Corps, & le haranguérent aussi apres eux. Ce ne
furent que marques de réjoüissance dans toute la Ville. Le son des Tambours, Fifres,
Trompetes, Violons, & autres Instrumens, se mesla au carillon de toutes les Cloches ;
& on luy auroit rendu de plus grands honneurs le lendemain, si ayant appris que la
Maison de Ville s’estoit assemblée pour en résoudre, il ne se fust par retiré secretement
dés le point du jour.</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1680-09a_279" resp="louise">
<head>[Theses soûtenuës par M. le Marquis de Croissy]<note resp="editor">La thèse de Jean-Baptiste Colbert de Croissy (« thèse de la paix ») a été soutenue le 13 septembre 1680 (cf. Véronique Meyer, <hi rend="i">Pour la plus grande gloire du roi. Louis XIV en thèses</hi>, Rennes, Centre de recherche du château de Versailles/Presses universitaires de Rennes, 2017, <ref target="https://books.openedition.org/pur/155165">Table des thèses dédiées au roi</ref>, p. 301-308.</note></head>
<bibl><title>Mercure galant</title>, septembre 1680 (première partie) [tome 11], p.
279-290.</bibl>
<p>M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis de Croissy, Fils de M<hi rend="sup">r</hi> Colbert de
Croissy Ministre & Secretaire d’Etat, a soûtenu depuis quelques jours des Theses sur
toute la Philosophie. Comme elles sont dédiées au Roy, il les présenta à Leurs Majestez, à
Monseigneur le Dauphin, à Madame la Dauphine, & à Monsieur, dans des Cadres
magnifiques, & leur expliqua en mesme temps, d’une maniere aussi aisée qu’agreable, ce
que toutes les Figures signifioient. Toute la Cour en fut fort contente ; & parmy les
loüanges qu’on luy donna, on fit paroître beaucoup de surprise de l’oüir parler avec tant
de présence d’esprit, & de le voir si avancé dans ses Etudes, quoy qu’il n’ait encor
guére plus de quatorze ans. Deux raisons faisoient que le Dessein de ces Theses ne pouvoit
estre que beau. Le Roy en fournissoit la matiere ; & cette grande matiere estoit
traitée par un des plus beaux Génies du Siecle. Vous le croirez, quand j’auray nommé M<hi
rend="sup">r</hi> Le Brun. Il faut vous en donner l’explication.</p>
<p>Le Roy paroist dans ces Theses, donnant d’une main la Paix à l’Europe. Elle est armée,
pour désigner sa puissance ; & la Thiare & les Clefs qui sont aupres d’elle,
marquent que c’est l’Europe Chrêtienne. Comme le Roy donne cette Paix apres avoir terrassé
la Discorde & la fureur de la Guerre, il les tient l’une & l’autre sous ses pieds,
pendant que de l’autre main il arreste la Victoire qui luy montre de nouveaux Trophées,
& de nouvelles Palmes à acquérir. Le Foudre de ce Grand Monarque est entre les mains
de l’Amour de la Paix. Cette Paix est suivie de l’Abondance, de la Magnificence, & de
la Tranquilité. On voit la Gloire au dessus du Roy. Elle luy met une Couronne sur la teste
; & l’Amour de l’Immortalité qui en porte une autre, paroist tout prest à l’en
couronner. Derriere la Gloire, sont la Pieté & la Douceur, fort empressées à fermer le
Temple de Janus. La Renommée, qui est de l’autre costé, déploye le Guidon que tient la
Victoire, pour faire lire ce qu’elle a publié avec sa Trompete. La Philosophie est au
dessous, représentée par une Femme venérable, à qui la Nature fait part de tous ses
secrets. Cette dernière paroist en bas sous la figure d’une autre Femme couronnée du
Cercle du Zodiaque, ayant aupres d’elle un Lyon pour symbole du Feu ; des Fruits, &
des Animaux féconds, pour représenter l’humide ; & un Vautour devorant un autre
Oyseau, pour signifier le retour de toutes choses, la Nature se reproduisant par sa
destruction. Tout cela se voit par le moyen du Flambeau que l’Amour de la Sagesse tient
entre ses mains. Cet Amour est celuy qui fait connoistre au Roy les beautez de la
Philosophie, de laquelle il déploye aussi le Manteau, dont les plis sont comme autant de
degrez qu’il faut monter pour parvenir au comble de la sagesse. Ce mesme Amour représente
aussi le Génie de celuy qui soûtient la These. Toutes ces choses estant inventées
heureusement, jugez, Madame, combien de beautez l’exécution y a adjoûtées. Vous sçavez de
quelle manière M<hi rend="sup">r</hi> le Brun traite les Sujets qu’il entreprend, l’union
qu’il donne à chaque partie, & avec combien de vivacité & de force tout ce qui
part de sa main est exprimé. Ce n’est pas tout ce que je vous diray aujourd’huy de ce
merveilleux Génie. Cette Lettre sera accompagnée d’une seconde sur le Voyage que le Roy a
fait en Flandre, à la fin de laquelle vous trouverez la Description du superbe Escalier de
Versailles, si souhaitée de tout ce qu’il y a de Gens curieux. Quant à la These dont je
vous parle, elle a esté gravée par le fameux M<hi rend="sup">r</hi> Edelinck, & fut
soûtenuë au College de Harcourt sous M<hi rend="sup">r</hi> de Chantelou tres-habile
Professeur, apres que M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis de Croissy l’eut présentée aux
principales Personnes de l’Etat. L’Assemblée estoit composée de Messieurs les Princes de
Conty & de la Roche-sur-Yon, de Monsieur le Comte de Vermandois, de Messieurs les
Cardinaux de Boüillon, d’Estrées, & de Bonzy, de plusieurs Archevesques &
Evesques, de Monsieur le Premier Président, d’un fort grand nombre de Ducs & Pairs,
Maréchaux de France, Présidens à mortier, Ambassadeurs, & Ministres des Princes
Etrangers, & enfin d’une infinité de Personnes de la première qualité. Un des Fils de
M<hi rend="sup">r</hi> Pelletier fit l’ouverture de la These avec beaucoup
d’applaudissement. La force & la justesse des Réponses du Soûtenant furent admirées de
tous ceux qui l’entendirent, & il n’y eut personne qui ne demeurast d’accord que la
penétration de son esprit, & la solidité de son jugement, alloient beaucoup au dela de
tout ce qu’on en pouvoit attendre à son âge. Il n’a pris des Leçons publiques que pour la
Philosophie. Tout le reste, il l’a appris en particulier ; & M<hi rend="sup">r</hi> de
Flogny son Précepteur, Homme tres-éclairé, est le seul qui ait eu soin de son éducation
& de ses études. Vous ne sçauriez croire combien ce jeune Marquis a lû. Aussi peut-on
dire qu’il n’ignore presque rien. Il sçait l’Histoire sainte & profane, entend la
Fable admirablement, & parle Latin avec une facilité & une pureté qui surprennent.
Il a la mémoire fort heureuse ; & comme il est extrémement curieux, il prend plaisir à
se faire instruire des choses nouvelles. Beaucoup d’autres qualitez tres-dignes de luy,
soûtiennent ces avantages. Il est doux, sage, civil, d’une humeur commode & agreable,
& aussi honneste qu’il est vertueux.</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1680-09a_319" resp="mercure">
<head>[La Fille Veuve]</head>
<bibl><title>Mercure galant</title>, septembre 1680 (première partie) [tome 11], p. 319-326
[extrait p. 319-322].</bibl>
<p>La vie est pleine de revers si impréveus, qu’on ne doit presque jamais s’assurer sur son
bonheur. Ce que je vay vous conter nous le fait connoistre. Deux jeunes Amans s’aimant
depuis longtemps avec toute la tendresse imaginable, virent enfin arriver le jour heureux
où leur passion devoit estre satisfaite. La joye qu'ils en eurent fut d'autant
plus-grande, que depuis plusieurs années, divers obstacles leur avoient fait essuyer les
plus cruelles traverses qu'on ait jamais éprouvées. Rien n'avoit esté capable de les
desunir. Plus on s'estoit opposé à leur amour, plus il avoit paru violent, & leur
constance, vertu fort rare aujourd'huy, ayant fléchy leurs Parens, leur avoit fait obtenir
le consentement qui pouvoit finir leurs peines. Le Mariage fut celebré le Lundy 2. de ce
Mois ; & comme il devoit estre consommé à Garge, Maison de plaisance qui apartenoit à
l’un des deux, dans le voisinages de S. Denys, tous ceux de la Nôce s’y rendirent. Ce ne
fut que joye pendant tout le jour. Il y eut un grand Soupé, & les Violons ensuite.
[…]</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1680-09a_340" copyOf="JLB-MG-1680-09a_341" resp="angele">
<head>Air nouveau</head>
<bibl><title>Mercure galant</title>, septembre 1680 (première partie) [tome 11], p.
340-341.</bibl>
<p>Quoi qu’en disent les Amans, il y a un remede contre l’Amour, quand on est d’humeur à
s’en servir. Vous le trouverez marqué dans les Paroles qui suivent. Outre que la pensée en
est agreable, & l’expression heureuse, vous devez d’autant plus les estimer, qu’elles
ont esté mises en Air par une jeune Personne de vostre Sexe. On l’appelle Mademoiselle
d’O. Elle est du Quartier S. Paul, dont elle fait un des plus beaux ornemens, &
tres-digne Fille d’une Mere qui ayant esté dans son Printemps la plus aimable du monde,
conserve dans son Eté tous les agrémens que peuvent avoir celles de son âge.</p>
<quote>
<label>AIR NOUVEAU.</label><note resp="author" place="margin"><hi rend="i">Avis pour
placer les Figures</hi> : l’Air qui commence par <hi rend="i">Le moment de
l’absence</hi>, doit regarder la page 341.</note>
<lg>
<l rend="i">Le moment de l’absence est un moment heureux,</l>
<l rend="i">Pour qui veut surmonter un panchant dangereux.</l>
<l rend="i">N’allez pas négliger un temps si favorable,</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space>Tircis peut revenir
aimable.</l>
</lg>
</quote>
<ref target="images/1680-09a_340 copyOf_341.JPG">
<figure>
<graphic url="images/1680-09a_340 copyOf_341.JPG"/>
</figure>
</ref>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1680-09a_346" resp="mercure">
<head>[Divertissements] *</head>
<bibl><title>Mercure galant</title>, septembre 1680 (première partie) [tome 11], p.
346.</bibl>
<p> L'unique Troupe des Comédiens François, continuë à joüer tous les jours, & les
grandes Assemblées qu'elle attire au Theatre de Guenégaud, font assez voir combien elle
est estimée. Elle se prépare à donner quelques Représentations de l'<hi rend="i"
>Inconnu.</hi> Comme elle est composée d'un tres-grand nombre d'Acteurs par la jonction
qui s'est faite des deux Troupes, il y a sujet de croire qu'elle sera paroistre cette
galante Comédie avec tous ses agrémens.</p>
</div>
</body>
</text>
</TEI>