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      <titleStmt>
        <title>Extraordinaire du Mercure galant, quartier de janvier 1678 (tome I)<note resp="editor">Achevé d'imprimer daté du 15 mai 1678.</note>.</title>
      </titleStmt>
      <editionStmt>
        <edition>OBVIL/IREMUS</edition>
        <respStmt>
          <name>Anne Piéjus</name>
          <resp>Responsable d'édition</resp>
        </respStmt>
        <respStmt>
          <name>Nathalie Berton-Blivet</name>
          <resp>Responsable d'édition</resp>
        </respStmt>
        <respStmt>
          <name>Alexandre De Craim</name>
          <resp>Édition numérique</resp>
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        <respStmt>
          <name>Vincent Jolivet</name>
          <resp>Édition numérique</resp>
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          <name ref="mailto:frederic.glorieux@fictif.org">Frédéric Glorieux</name>
          <resp>Informatique éditoriale</resp>
        </respStmt>
      </editionStmt>
      <publicationStmt>
        <publisher>Sorbonne Université, LABEX OBVIL</publisher>
        <date when="2014"/>
        <idno>http://obvil.sorbonne-universite.fr/corpus/mercure-galant/MG-1678-03e/</idno>
        <availability status="restricted">
          <licence target="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/"><p>Copyright © 2019
              Sorbonne Université, agissant pour le Laboratoire d’Excellence « Observatoire de la
              vie littéraire » (ci-après dénommé OBVIL).</p>
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              électronique, notamment en intégrant toutes les contributions extérieures, la
              diffusion de versions modifiées de cette ressource n’est pas
            souhaitable.</p></licence>
        </availability>
      </publicationStmt>
      <sourceDesc>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, <publisher>Claude
            Blageart</publisher>, quartier de <date>janvier 1678</date> (tome I).<hi rend="i">Achevé
            d’imprimer le 15 mai 1678</hi>.</bibl>
      </sourceDesc>
    </fileDesc>
    <profileDesc>
      <creation>
        <date when="1678"/>
      </creation>
      <langUsage>
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      </langUsage>
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  <text>
    <body>
      <head><hi rend="i">Extraordinaire du Mercure galant</hi>, quartier de janvier 1678 (tome
        I).</head>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_000a" resp="mercure">
        <head>Aux Dames</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          non-paginé.</bibl>
        <label rend="center">Aux Dames.</label>
        <p>CE n’est point vous faire un Présent, Mesdames, que de vous donner <hi rend="i"
            >l’Extraordinaire</hi>, c’est vous rendre un Ouvrage qui vient de vous. Il est tout
          plein, ou de ce que vous avez produit vous mêmes, ou de ce que vous avez fait produire aux
          autres. Quelle joye ne ressent pas <hi rend="i">le Mercure</hi> de voir que vos Plumes
          ayent travaillé à l’embellir ! Il n’a pû se taire de ce bonheur ; &amp; si aprés s’estre
          borné pendant plus d’un An à paroître reglément dans le monde tous les mois, il emprunte
          aujourd’huy un nouvel éclat pour s’y montrer à des temps extraordinaires, il ne le fait
          que dans le dessein de publier vos faveurs. Il croit même que ce n’est qu’en les publiant
          qu’il peut s’acquiter de celles qu’il a reçeuës, &amp; s’en attirer de nouvelles. Il
          prétend vous faire passer son indiscretion pour une marque de sa reconnoissance, &amp;
          pour vous engager à le combler toûjours des mêmes bontez, il vous jure qu’il sera
          éternellement indiscret. Il n’y en a aucune entre vous qui ne sçache par l’expérience
          qu’elle en a veu faire à ses Amans, que quand on aime, il est fort naturel de ne pouvoir
          s’empescher de le publier, &amp; que ceux dont le cœur est bien engagé, croiroient
          beaucoup perdre, s’ils perdoient le plaisir de dire que leur cœur est engagé. Le <hi
            rend="i">Mercure</hi> a suivy cet exemple. Il n’a pû estre aussi remply d’estime pour le
          beau Sexe qu’il l’estoit, sans en instruire le Public ; &amp; cette passion qui est de la
          nature de celles que vous inspirez, c’est à dire, tres-forte &amp; tres-agreable, n’a pû
          se taire ny se renfermer. Si vous soufrez que <hi rend="i">le Mercure Galant</hi> vous
          fasse des Déclarations d’amour à sa maniere, il vous dira que luy à qui il passe entre les
          mains assez d’Ouvrages spirituels, &amp; qui se mesle un peu de ce mestier-là, il fait
          bien plus de cas de vous que des Hommes ; &amp; je trouve qu’il a raison.</p>
        <lg>
          <l><space/>    L’esprit des Hommes d’ordinaire</l>
          <l><space/>    Est un pur ouvrage de l’Art.</l>
          <l>Si les Grecs, les Latins, en reclamoient leur part,</l>
          <l><space/>Il ne nous en resteroit guére.</l>
          <l>Nous parer sans façon de ce qu’ils ont écrit,</l>
          <l><space/>    Voila nôtre plus grande gloire,</l>
          <l><space/>    Et nous appellons bel Esprit</l>
          <l><space/>    Ce qui n’est que belle Memoire.</l>
          <l>Mais nous avons tout lieu de paroître jaloux</l>
          <l>De ce que la Nature a soin de vous apprendre.</l>
          <l>Grecs, ny Latins, n’y peuvent rien prétendre,</l>
          <l><space/>Et tout vôtre esprit est à vous.</l>
        </lg>
        <p><hi rend="i">Le Mercure Galant</hi> va plus loin, &amp; ce n’est point une exagération
          d’Amant. Il prétend que les Hommes vous ont l’obligation de toute la politesse de leur
          Esprit, &amp; que vous leur en inspirez plus que la plus heureuse naissance ne leur en
          sçauroit donner ; car enfin</p>
        <lg>
          <l>Aprés qu’on en a pris des leçons dans vos yeux,</l>
          <l><space/>    Il est certain que c’est toute autre chose ;</l>
          <l><space/>    Je sçay par là combien le Cœur s’expose,</l>
          <l><space/>    Aussi l’Esprit s’en trouve beaucoup mieux.</l>
          <l>La Nature, il est vray, l’ébauche &amp; le commence,</l>
          <l>Mais (&amp; cela soit dit sans qu’elle s’en offence)</l>
          <l><space/><space/>        Quand il s’agit de le polir,</l>
          <l><space/><space/>        C’est un honneur que l’Amour luy dispute ;</l>
          <l>De tous ses agrémens luy seul peut l’embellir,</l>
          <l>Et l’Esprit sans l’Amour est un Diamant brute.</l>
          <l>Luy seul le met en œuvre, &amp; le portrait au jour,</l>
          <l>Pour peu que de sa part la Nature y répondre ;</l>
          <l>Quelque esprit que l’on ait, il faut un peu d’amour,</l>
          <l><space/><space/>        Cela fait tous les biens du monde.</l>
        </lg>
        <p>Voila, Mesdames, les sentimens passionnez que <hi rend="i">le Mercure Galant</hi> a pour
          vous. Il vous répond de sa constance, &amp; vous assure que si chaque Amant en a autant
          pour chacune de vous, qu’il en aura pour tout le beau Sexe, vous ne vous plaindrez jamais
          d’aucune infidelité ; mais aussi il veut estre récompensé de l’attachement qu’il a pour
          vous, &amp; il vous demande à toutes en general, ce que chaque Belle en particulier fait
          quelquefois acheter si cher à un Amant, je veux dire un peu d’estime pour luy, &amp; s’il
          se peut, un peu d’empressement de le voir.</p>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_000b" resp="mercure">
        <head>Préface</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          non-paginé.</bibl>
        <label rend="center">Préface.</label>
        <p>SI la France a de tout temps passé de l’aveu mesme des autres Nations, pour le Royaume du
          monde où les Personnes d’esprit, les Gens galans, &amp; les vrais Braves se trouvent en
          plus grand nombre, on a toûjours regardé Paris comme la Ville où il s’en rencontre le
          plus, &amp; dans laquelle tout ce que les Provinces ont de plus illustre vient prendre des
          Leçons pour se polir. Ainsi il ne faut pas s’étonner si ces Villes sont à l’égard du reste
          du monde, ce que Paris est à leur égard, c’est à dire, les plus polies de toutes celles
          qui ont quelque Nom. L’Esprit n’y regne pas seulement, mais la modestie, quoy qu’il soit
          rare de la trouver avec le merite, dont la présomption est presque toûjours inséparable.
          Il est certain que la plûpart des Gens de Province ont si peu de cette vanité ordinaire à
          ceux qui se piquent de bel Esprit, qu’ils sont les premiers à s’abaisser &amp; à se
          traiter de Provinciaux. Cependant beaucoup de leurs Lettres qui rendent témoignage de
          cette modestie, le rendent en même temps de la délicatesse de leur goût pour les bonnes
          choses, &amp; il est bien juste de parler à leur avantage lors qu’ils témoignent s’estimer
          si peu. La pensée qu’ils ont qu’ils ne sçavent rien parce qu’ils ne demeurent pas à Paris,
          leur fait apprendre avec tant de soin tout ce qui s’y passe, qu’ils en sont beaucoup mieux
          informez que quantité de Personnes de Paris même. Si j’y mis dans le Mercure ou quelques
          vieilles Pieces, ou quelque Air qui n’ait pas esté nouveau, ce sont eux qui m’en ont donné
          le premier Avis. C’est par eux que j’ay commencé à recevoir d’agreables Explications sur
          les Enigmes ; &amp; ceux qui voudront se donner la peine d’examiner tous les Volumes du
          Mercure, outre qu’ils y trouveront un tres-grand nombre d’Ouvrages achevez qui ont esté
          faits en Province, remarqueront que la plûpart des Festes Galantes en viennent. Elles ont
          fait honneur à la France, &amp; j’en ay décrit quelques unes que plusieurs Souverains
          n’auroient pas voulu desavoüer. Joignez à cela que ceux qui ont excellé dans quelque genre
          d’ecrire ont presque tous esté de Province. Cela se justifie par la plûpart de nos plus
          considerables Autheurs qui en sont, aussi bien qu’un assez grand nombre de ceux qui ont
          esté choisis pour étre Arbitres de la Langue dans l’Académie Françoise. Comme ils sont
          connus de tout le monde, il seroit inutile de les nommer. Les Lettres qui me sont venuës
          de tous les endroits du Royaume ayant donné lieu à cet Extraordinaire, me servent
          aujourd’huy à faire voir qu’il n’y a pas seulement de beaux Esprits de profession, mais
          qu’il s’en trouve beaucoup parmy ceux qui ne se mélent d’écrire que pour leur
          divertissement. Cela est si vray, que si leurs Ouvrages estoient meslez avec les
          Productions de nos Autheurs, on pourroit avoir peine à les reconnoître. On verra dans cet
          Extraordinaire que la plûpart donnent un tour à leurs Vers aussi agreable &amp; aussi aisé
          que spirituel. Il est vray qu’ils les ont presque faits tous sur l’Explication des
          Enigmes. Ainsi l’on trouvera beaucoup de Pieces sur une même matiere. Cependant ce qui
          pourroit ennuyer quelques Esprits mal tournez doit attacher davantage des Esprits bien
          faits, &amp; il y a dequoy admirer dans la mesme chose le tour diférent que chacun luy
          donne. Ce sont des Explications des mesmes Enigmes qu’on ne peut mieux comparer qu’aux
          Visages qui sont tous formez des mesmes parties sans qu’on en ait jamais vû aucun qui ait
          entierement ressemblé à l’autre. Ceux qui ont fait ces Explications doivent recevoir un
          fort grand plaisir de celles des autres ; &amp; comme on n’en peut faire sur les Enigmes
          en figures qui ne soient remplies de choses aussi utiles à sçavoir que curieuses, s’il
          doit estre agréable à toute sortie d’Esprits de se divertir en s’instruisant, il doit
          l’estre beaucoup plus aux Interessez qui par amitié ou par alliance prennent quelque part
          dans la gloire de ceux qui nous en fournissent les moyens. Quoy qu’il n’y ait rien de plus
          difficile qu’une belle Lettre, je suis assuré qu’on en trouvera quelques unes de
          tres-belles dans ce Volume. Il y en a beaucoup du beau Sexe, &amp; on ne doit pas douter
          qu’elles n’ayent de la délicatesse &amp; un tour fin, puis que tout ce qui vient de ce
          côté-là a toûjours un caractere spirituel. Comme toute la France se plaît à ce qui exerce
          l’esprit, l’Extraordinaire en ouvrira une carriere tres-ample. Chacun y pourra trouver de
          la matiere à son goust, puisqu’il contiendra trois choses qui ne seront jamais dans le
          Mercure ; une Lettre en Chiffres, dont on laissera la Clef à chercher, une Question
          Galante sur laquelle on pourra dire son sentiment ; une Histoire Enigmatique qui aura son
          sens envelopé ; &amp; une autre Histoire Etrangere. On prie chacun d’estre court. On le
          sera necessairement sur la Lettre en Chiffres, puisque l’Explication n’en peut estre que
          de peu de lignes. La Question proposée demande quelque étenduë, car il faut établir,
          raisonner, prouver, &amp; resoudre. Pour l’Histoire Enigmatique, quoy qu’elle pust estre
          expliquée par un seul Mot, si on avoit l’avantage de le trouver, on pourra faire un petit
          Discours sur chacune en forme d’Histoire, pour expliquer plus agreablement ses pensées.
          Ceux qui expliquent en Prose les Enigmes que le Mercure propose en Vers, sont priez de
          n’en mander que le Mot, parce qu’on ne fait imprimer que les Explications qu’on envoye en
          Vers, de peur que trop de Prose sur le mesme sujet n’ennuyât. Il n’en est pas de mesme des
          Enigmes en figures, dont on fera imprimer les Explications en Prose &amp; en Vers, parce
          qu’elles sont toûjours accompagnées de quelque trait d’érudition ou d’Histoire, &amp; que
          peu de Personnes leur donnant le mesme sens, la diversité qui s’y rencontre fait trouver
          de l’agrément dans chacune. Celles qui seront en Vers ne laisseront pas d’estre préferées
          aux autres. Chacun pourra envoyer des Questions galantes qu’on proposera ; &amp; les
          diférens Ouvrages que tant de choses attireront, produiront à l’avenir un agreable mélange
          dans l’Extraordinaire, &amp; seront cause qu’on n’y trouvera plus tant d’Explications
          d’Enigmes de suite. On donnera dans le premier qui paroistra, celles qui auront esté
          faites sur les Enigmes des Mois de Mars, d’Avril, &amp; de May, &amp; elles seront
          précedées par des Lettres tres-curieuses en forme de Dissertation, sur la maniere dont les
          Enigmes en figures doivent estre faites. On tâchera de donner ce second Extraordinaire le
          quinziéme de Juillet, pour regagner le temps, &amp; remettre chaque Extraordinaire dans
          son Quartier. Jusqu’icy les seules Enigmes ont fait recevoir cinq à six cens Lettres par
          mois ; &amp; comme on en recevra sur la Question proposée dans chaque Extraordinaire, sur
          la Lettre en Chiffres, &amp; sur l’Histoire Enigmatique, cela iroit à un nombre infiny
          &amp; à des sommes tres-considérables, s’il falloit en payer le port. C’est pourquoy on
          prie ceux qui écriront, d’adresser leurs Lettres à quelque Amy, qui les rendra franches au
          Sieur Blageart Imprimeur du Mercure Galant, ou d’en acquiter le port dans les lieux d’où
          elles seront envoyées. Ce sera peu de chose pour chaque Particulier ; &amp; tous ces Ports
          de Lettres payez par un seul, font une somme qui diminuë beaucoup le plaisir de les
          recevoir. La priere qu’on fait de n’envoyer à l’avenir aucune Lettre qui ne soit franche,
          est d’autant plus juste, que beaucoup de Gens qui n’ont jamais fait de Vers, envoyent
          leurs coups d’essay, sans songer qu’à moins d’un tres-heureux naturel, il en faut
          quelquefois faire dix mille, avant que de réüssir à en faire un bon. On verra par quelques
          Lettres de ce Volume, qu’on n’a pas esté moins content des Articles qui instruisent dans
          le Mercure, que de ceux qui divertissent. Ainsi quand on voudra envoyer de petits Traitez
          d’érudition, on les mettra dans les Extraordinaires, pourveu qu’ils ne soient pas trop
          longs, afin que l’utile y soit meslé avec l’agreable. On a déja commencé à le faire dans
          celuy-cy, où l’on trouvera d’abord en huit ou dix petites Lettres tout ce qui se peut dire
          de plus curieux sur les Enigmes &amp; sur la maniere dont il les faut faire. Beaucoup de
          Personnes ont expliqué celles qui ont esté proposées dans le Mercure. Quoy que je me sois
          contenté de les nommer sans rien dire de chacun d’eux, il ne faut pas croire qu’ils ne
          sçachent que trouver un Mot d’Enigme. Ce sont Gens d’esprit qui sçavent tous écrire
          agreablement en Prose &amp; en Vers, &amp; qui n’ont pas seulement envoyé un Mot comme
          plusieurs ont crû, mais des Explications tres-ingénieuses. Je n’avance rien dont la preuve
          ne se trouve dans cet Extraordinaire. Il ne faut que lire les Lettres qui le composent
          pour en demeurer d’accord. À l’égard des Modes, il contient toutes celles de l’Hyver &amp;
          du Printemps. Si l’on souhaite encor quelque chose de plus particulier pour la
          connoissance qu’on en donnera à l’avenir, on n’épargnera rien pour satisfaire le Public
          sur le moindre avis qu’on en recevra, &amp; on ne manquera point à luy rendre compte par
          ordre dans chaque Extraordinaire de tout ce qui aura paru de nouveau depuis le
          commencement d’une Saison, jusqu’à ce qu’une autre luy ait succedé.</p>
        <p>On donnera un Volume du Mercure Galant, le premier jour de chaque Mois sans aucun
          retardement. Tous les Volumes de l’année 1678. à commencer par celuy de Janvier, ne se
          donneront plus à l’avenir chez le Sieur Blageart, Imprimeur-Libraire, Rue S. Jacques, à
          l’entrée de la Ruë du Plastre, qu’au prix de Vingt sols en feüilles, &amp; au Palais à
          Trente sols relié en Veau, &amp; à Vingt-cinq sols en Parchemin. Les dix Volumes de
          l’Année 1677. se donneront toûjours au prix ordinaire, c’est à dire vingt sols en Veau,
          &amp; quinze en Parchemin au Palais, &amp; dix sols en feüilles chez ledit Sieur
          Blageart.</p>
        <p>Et pour l’Extraordinaire, il se distribuera au mesme lieu au prix de cinquante sols en
          feüilles, de cinquante-cinq sols relié en parchemin, &amp; de soixante sols relié en
          veau.</p>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_001" resp="mercure">
        <head>Lettre sur les Enigmes de ce temps, À Monsieur le D.D.S.A.</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 1-45.</bibl>
        <p>VOUS le voulez, Madame, &amp; il n’y a pas moyen de m’en dispenser. Le commerce que les
          Lettres que je vous écris, me donnent avec le Public, attire vostre curiosité. Il est
          juste de vous en rendre compte, &amp; de vous faire voir une partie de ce qu’on m’écrit
          sur les Ouvrages des Particuliers, que je prens soin de recüeillir pour vous tous les
          Mois. Les Enigmes ont êté la matiere sur laquelle on s’est le plus generalement expliqué.
          On ne s’est pas contenté d’en chercher le sens. La plûpart de ceux qui l’ont trouvé, me
          l’ont envoyé en Vers, &amp; je puis dire que de longtemps rien n’a esté si fort à la mode.
          Ce que je vous ay dit des Devises dans ma Lettre de Fevrier, a esté cause qu’on m’a
          demandé quelques Remarques sur les Enigmes, &amp; pour satisfaire ceux qui s’en sont faits
          une occupation d’eux-mesme, &amp; leur faire connoistre que bien loin d’étre une
          bagatelle, elle a fait autrefois le plaisir des plus grands Hommes de l’Antiquité, j’avois
          commencé des Recherches sur ce sujet, lors qu’il m’est tombé entre les mains plusieurs
          Lettres qui m’ont épargné une plus grande suite de soins. Elles sont si belles &amp; si
          pleines d’érudition, que je suis obligé de vous avoüer qu’il me seroit impossible de rien
          trouver qui les égalât. Lisez-les, je vous prie. Elles viennent d’Aix en Provence.
          L’Autheur ne m’en est pas connu, mais elles sont si finement &amp; si sçavamment écrites,
          que vous partagez sans doute avec moy l’estime particuliere qu’elles me donnent pour luy.
          Je n’ay pû sçavoir à qui elles sont adressées. Il y a lieu de croire que c’est à
          l’Illustre Duc dont je vous ay entretenuë si souvent.</p>
        <quote>
          <label rend="center">Lettres</label>
          <label rend="center">sur les Enigmes</label>
          <label rend="center">de ce temps,</label>
          <label rend="center">À Monsieur le D.D.S.A.</label>
          <label rend="center">Lettre I.</label>
          <p>AUjourd’huy que les Enigmes sont à la mode, par le rang considérable que le Mercure
            Galant leur donne regulierement dans ses Nouvelles de chaque Mois, vostre curiosité,
            Monsieur, est de saison, de vouloir apprendre l’art d’en faire un juste discernement,
            &amp; toutes les autres choses qui en peuvent donner une connoissance plus particuliere
            que celle que l’on a communément : mais malgré tout le panchant que j’ay de vous écrire
            au plutost ce que mes Livres m’en ont appris, je ne trouve pas qu’il soit possible de
            renfermer dans une seule Lettre ce qui se presente déja à mon esprit, sans conter sur
            les nouvelles découvertes que l’on a coûtume de faire en écrivant. Il faut mesme un
            temps raisonnable pour vous dire que l’on ne doit pas faire entrer au rang des Enigmes
            tout ce qui a quelque apparence d’être Enigme. L’Apologue ne l’est point ; l’Apologue,
            ce voile ingénieux dont le Sage Esope, dont le Divin Socrate, pour ne nommer pas tous
            les autres Anciens, couvroient la verité, toutesfois il en a quelque air. Il ne presente
            d’abord que des Figures éloignées du sens que l’on représente ; mais ces Figures se
            démélent plus facilement que celles de l’Enigme ; on ne s’en approche point, sans y
            découvrir quelques-uns de leurs secrets, car ils en ont souvent pour toute sorte de
            Personnes. Ce sont des Miroirs, on ne les regarde point, sans y voir quelque chose de
            soy même. L’Enigme est beaucoup plus mysterieuse. Elle est neantmoins semblable à ces
            traits incomparables d’Eloquence, en ce que tout le monde les trouve d’une facilité si
            naturelle, qu’il n’y a personne qui ne presume qu’ils se seroient presentez à luy s’il
            avoit eu la même chose à exprimer, quoy qu’ils soient en effet le desespoir de tous ceux
            qui s’efforcent le plus à les imiter. C’est ce qui rend une belle Enigme une chose fort
            rare. Elle doit avoit tout l’art du fameux Gygés. Il se trouvoit exposé au milieu du
            monde avec des traits fort visibles, cependant on ne le voyoit point. Vous jugez bien
            déja, Monsieur, qu’il faut plus d’une Lettre, je ne dis plus pour finir, mais pour
            commencer mesme cette matiere ; &amp; à vous dire vray, quand on est éloigné de vous, il
            y a du plaisir à trouver des prétextes à vous écrire souvent. Cette lettre n’est donc
            que la premiere de quelques autres que j’auray à vous envoyez, &amp; vostre curiosité
            sur les Enigmes vous coûtera au moins le temps de les lire.</p>
          <label rend="center">Lettre II.</label>
          <p>JE trouve, Monsieur, que ne voulant vous faire connoistre que les Reflexions de nos
            Sçavans sur les Enigmes, il arrivera que je vous parleray encor aujourd’huy de toute
            autre chose, il ne faut pas vous en étonner. C’est la méthode des habiles Gens. Ils
            n’avancent jamais une Definition sans l’avoir preparée, &amp; cette préparation est de
            démesler ce qu’une chose n’est pas, avant que de prononcer précisement sur ce qu’elle
            est. On ne doit pas s’en plaindre. Ils payent avec interest l’attention qu’on se plaist
            à leur donner. Je ne vous promets pas de vous satisfaire avec la même abondance, mais
            vous ne demandiez des nouvelles que sur les Enigmes, &amp; vous en aurez sur les
            Emblêmes, aussi bien que sûr l’Apologue. Ces Emblêmes sont encore des voiles ingénieux
            de nos pensées, mais ces voiles ne sont jamais plus propres à l’Emblême que lors qu’ils
            sont si fins qu’ils servent seulement à faire mieux paroistre toutes les beautez d’une
            chose. Ce sont de ces toiles déliées, de ces crespes, de ces gazes qui donnent un nouvel
            éclat aux couleurs, &amp; de l’embellissement à la lumiere mesme. La Peinture nous parle
            par leur moyen de la Morale &amp; de la Nature, en donnant de la couleur &amp; du corps
            à nos pensées. C‘estoit la premiere Ecriture des Hommes qui ne s’exprimoient que par des
            Images naturelles qui pouvoient estre de l’intelligence de tout l’univers &amp; de tous
            les Siecles. Il seroit à desirer, pour la gloire des Egyptiens, ces premiers Peuples du
            monde, ces Fondateurs des Sciences, que leur posterité eust mieux compris leur Ecriture.
            On n’auroit pas crû qu’ils adoroient des Animaux, puis que les Images qu’ils en
            consacroient dans leurs Temples, n’estoient que de mistérieuses manieres de representer
            la Divinité. C‘est de cette premiere source que nous avons encor des Emblêmes, dont
            Alciat a fait un Recüeil fort curieux. Les Grecs, qui plus que toutes les autres nations
            du Monde ont aimé les fictions, tourenerent en Contes toute la profonde sagesse de ces
            premiers Hommes. Il n’y eut plus rien de régulier dans les Enblémes. Ils firent un
            mélange incroyable de toutes choses. L’ingénieux Ovide en a recüeilly ses Livres des
            Métamorphoses. On réüssiroit plutost à déchiffrer quelque Grimoire, qu’à comprendre les
            Mysteres qui y sont peut-estre, ou qui peut-estre n’y sont pas. Je ne sçay si ce Poëte
            tout spirituel qu’il estoit y avoit entendu quelque chose. Les Enigmes ne sont pas du
            genre de ces fictions, ny de celuy des Emblêmes. Ce ne sont pas des fictions vagues,
            incertaines, imaginaires, comme les Fables des Grecs que le sage Plutarque comparoit aux
            Toiles des Araignées, qui les forment d’elles-mesmes, qui les étendent en l’air, &amp;
            qui n’ont rien de solide. Mais à propos de cette Comparaison, en voicy une autre du
            mesme Autheur (il y estoit admirable) qui est fort propre pour les belles Emblêmes. Il
            veut qu’elles ressemblent à l’Arc-en-Ciel. Ce n’est qu’une apparence charmante des plus
            belles couleurs ; mais c’est le Soleil mesme qui fait cette apparence. C’est sa lumiere
            qui forme toutes ces couleurs, comme c’est la verité qui se peint elle-mesme dans
            l’Emblême &amp; qui en fait toute la beauté. Il faut une troisiéme Comparaison pour
            l’Enigme. Elle enferme tout l’éclat de la Verité dans un nüage. Il ne m’ennuye pas,
            Monsieur, de vous écrire, mais je dois craindre qu’il ne vous ennuye de lire une Lettre
            trop longue ; c’est ce qui m’oblige de n’entrer pas aujourd’huy dans un autre sujet.</p>
          <label rend="center">Lettre III.</label>
          <p>JE vous deviendrois insuportable, Monsieur, si pour traiter exactement des Enigmes, je
            m’arrestois encor sur le seul Article des Préliminaires. Je vois bien qu’il faut estre
            plus expéditif. Je crains neantmoins de ne l’estre pas encor aujourd’huy. Car enfin,
            admirez un peu la bizarrerie de nostre imagination. Nous masquons presque dans nos
            Discours toutes choses. Nous parlons des Esprits comme s’ils estoient des Corps ; &amp;
            nous parlons aussi des Corps, comme s’ils estoient des Esprits. Sans mentir, nous sommes
            de merveilleuses Gens. Nous allons chercher la verité dans tous les Siecles, &amp; dans
            tous les Climats du monde ; à peine l’a-t-on trouvée, qu’on se fait un plaisir, &amp;
            mesme une necessité de la voiler. Nous parlions de l’Apologue, de l’Embléme. Mais qui
            est-ce qui pourroit conter toutes les manieres ou sçavantes, ou spirituelles, ou
            galantes, dont on se sert pour n’exposer pas communément la beauté de ses pensées aux
            Profanes ? Voit-on dans les Poëtes, ou la Mer, ou les Fontaines, ou la Guerre, ou la
            Paix ? C’est Neptune en colere, ce sont des Naïades, c’est Bellone au front d’airain,
            c’est une Filles du Ciel couronnée d’Oliviers &amp; de Myrthes. Ce n’est pas un grand
            effort d’Esprit, de ne nommer plus les beautez d’un Discours, qu’un amas de fleurs dont
            il est parfumé, qu’un coloris merveilleux qui en fait un admirable Tableau. On n’aime
            pas plutost une belle Personne, qu’on ne l’embellisse encor de lys &amp; de Roses. On ne
            bannira jamais l’Allégorie, ny la Métaphore de la Poësie, ou du Discours des Hommes.
            Elles animent trop agreablement les expressions. Au reste ce seroit un scrupule fort
            extraordinaire de les prendre pour des mensonges. Quoy, ces agreables Portraits de la
            Verité, ou plutost cette Verité elle-mesme, mais cette Verité qui paroist avec toute sa
            force &amp; avec tous ses charmes, peut-elle ne se faire pas sentir à tout ce qui est un
            peu raisonnable ? Cependant je ne songe pas que ma Lettre est déja longue, &amp; que je
            n’ay point encor parlé de la Devise, cette galante invention née pour la Cour &amp; pour
            les Tournois. On y voit briller la Verité, qui surprend &amp; qui frape agreablement
            l’Esprit, dont sans cela j’aurois comparé la lumiere à celle de l’Eclair. Elle n’a pas
            toute l’étenduë de la Comparaison, mais elle en a toute la beauté. Il n’y a rien de plus
            achevé que les traits de cette Comparaison qu’on n’acheve pas. Ce sont comme ces goutes
            d’Essence, qui contiennent toute la force d’un long Discours. Ce ne sont que des
            semences de pur Esprit, qui produisent leur fruit aussitost qu’elles y sont reçeuës.
            Mais je voulois d’abord entrer en matiere. Voila pourtant la mesure d’une Lettre déja
            remplie. Si vous ne m’entendiez bien, Monsieur, il faudroit adjoûter que l’Enigme est un
            voile plus épais que l’Allégorie, &amp; plus étendu que la Devise. Mais il n’importe pas
            d’oublier ce détail. Il faut icy pratiquer l’Art de la Devise, &amp; laisser à l’Esprit
            quelque chose à faire. Cet Esprit se plaist à se conduire par sa lumiere. C’est assez
            qu’on luy ait découvert le terme où l’on vouloit le mener.</p>
          <label rend="center">Lettre IV.</label>
          <p>ENfin, Monsieur, toutes mes digressions sont finies, &amp; apres avoir erré tantost sur
            l’Apologue, ou sur l’Embléme, tantost sur l’Allégorie, ou sur les Devises, me voila
            arrivé à définir l’Enigme. Aujourd’huy que l’on n’aime que ce qui est commode, &amp; que
            l’on est accoûtumé à des études si délicates, que l’ont se trouve dégoûté de ce qui
            paroist un peu fort, ce ne sera pas apparemment faire bien valoir mon sujet, que
            d’avoüer que l’essence, que la nature de l’Enigme est d’estre une question obscure,
            difficile, &amp; dont le nœud est si caché, qu’on ne peut le délier sans peine. On a eu
            sans doute plus d’égard que moy à cette humeur paresseuse de nostre Siecle, dans presque
            toutes les Enigmes qui y ont paru. On les a faites si aisées, si libres, que leur secret
            ne coustoit rien à trouver. Mais peut-estre seroit-il assez important de faire changer
            par cette espece de Jeu, l’extréme passion que l’on a pour la commodité, jusqu’à vouloir
            monter sans peine sur le Parnasse, comme si cette fameuse Montagne n’estoit plus en nos
            jours qu’une Plaine &amp; une Campagne rase. On ne peut dire combien les Lettres ont
            esté désolées par cette molle &amp; délicate maniere de traiter toutes choses. Je ne
            prétens pas continuer longtemps sur ce ton. Il est plus à l’usage des Satyres, qu’au
            mien. Et d’ailleurs je ne suis pas assez Misantrope, Monsieur, pour ne pas faire de
            grandes exceptions à ce que je dis. Je ne suis pas aussi tellement entesté des Enigmes,
            que la lumiere me soit une chose odieuse. Mais l’Esprit n’en joüit jamais avec plus de
            plaisir, que quand elle luy a cousté quelque peine. Un peu d’application, de travail, le
            fortifie. Ces sages Grecs se servoient des Enigmes, comme d’un exercice tres-propre à
            donner à l’Esprit cette impression de force, de liberté, de vigueur, que la Promenade,
            ou la Danse, ou la Paume, donnent au Corps. Apres le Repas, ils se proposoient de ces
            Questions embarassantes, &amp; ils accoûtumoient leur Esprit à ne considerer point
            l’application comme une gesne, ou une torture, mais comme un jeu, un divertissement.
            Sçavez-vous que ce jeu cousta pourtant la vie au grand Homere ? L’avanture en est
            bizarre. De misérables Pescheurs qu’il rencontra par hazard, &amp; ausquels il demanda
            ce qu’ils avoient pris, luy répondirent, <hi rend="i">Qu’ils avoient laissé ce qu’ils
              avoient pris, &amp; qu’ils apportoient avec eux ce qu’ils n’avoient pû prendre</hi>.
            Il ne pût démesler cette Enigme. Le sens qu’on luy donna, luy parut si peu digne de luy,
            qu’il mourut de cette confusion d’avoir esté contraint de l’apprendre de ces chétives
            Gens. J’en aurois trop moy-mesme de vous dire ce que c’estoit. Quand vous seriez en
            defaut sur cela, comme Homere, je suis seûr que vous n’en mourriez pas de déplaisir.
            Nous ne prenons plus un si grand interest à la gloire, que l’explication des Enigmes
            peut faire acquerir. Vous aurez demain une Lettre sur la maniere de faire de belles
            Enigmes.</p>
          <label rend="center">Lettre V.</label>
          <p>SI l’on veut avoir une intelligence un peu exacte de quelque Ouvrage d’Esprit, on ne
            peut guéres y réüssir, que l’on ne consulte Aristote. C‘est une chose fort malhonneste,
            de ne rien faire de beau, que les Autheurs ne l’empruntent de ce Philosophe, &amp; de se
            déclarer neantmoins contre la gloire qu’il s’est conservée jusqu’à nos jours. Il parle
            de l’Enigme dans sa Poëtique. Elle y est avec tous les plus illustres Ouvrages de
            l’Esprit, la Tragédie, &amp; le Poëme héroïque. C‘est luy-mesme, Monsieur, qui commande,
            car c’est un des Legislateurs du Parnasse, que l’Enigme soit une Question obscure, que
            son secret soit presque impénetrable. Je vous l’ay déjà dit. Mais il adjoûte un moyen de
            former cette obscurité. Car enfin c’est une obscurité d’art &amp; de méthode, comme
            celle des ombres d’un Tableau, qui servent à faire sortir les Figures, à donner un plus
            grand éclat au coloris. Il prétend donc qu’il n’y a rien qui cache mieux le sens de
            l’Enigme, que de l’exprimer par des Images opposées, par un mélange de raports
            diferents, &amp; par ces Antitheses, qui sont une des plus éclatantes Figures de la
            Rhétorique. La fameuse Enigme de Thébes, Monsieur, servira de Commentaire à son
            Texte.</p>
          <lg>
            <l>Quel est cet Animal, dont voicy le destin ?</l>
            <l>Rampant à quatre pieds, on me voit le matin ;</l>
            <l>À midy j’en ay deux, sur le soir un troisiéme ;</l>
            <l>La nuit m’enleve tout, &amp; n’ay rien de moy-mesme.</l>
          </lg>
          <p>Oedipe devina que c’estoit l’Homme. Car il rampe dans son Enfance, qui est le matin de
            sa vie. Il s’éleve sur ses deux pieds dans son midy, dans un temps plus avancé. Au
            déclin de sa vie, qui est pour luy bien pres de cette longue nuit qu’est la mort, qui
            luy enleve tout, il a besoin de soûtenir d’un bâton les démarches de son Corps tout
            chancelant. Mais Oedipe eust esté plus heureux, s’il eust deviné que la récompense de
            son Explication luy seroit funeste. Il y a longtemps que les Oedipes, ces habiles
            Connoisseurs des fortunes d’autruy, sont en possession d’ignorer leur propre destinée.
            Je ne sçay pas celle de cette Lettre. Elle est fort succincte. Je crains pourtant
            qu’avec toute sa bréveté, elle ne vous paroisse encor trop longue.</p>
          <label rend="center">Lettre VI.</label>
          <p>VIrgile merite bien, Monsieur, qu’on le consulte aussi sur la maniere de faire une
            belle Enigme. Il en propose dans ses Eclogues. Tout l’artifice de la plus remarquable
            consiste dans une Equivoque. Quelle croix ç’a esté pour ses Interpretes que cette
            Equivoque ! Je ne sçay, Monsieur, si c’est que la Doctrine des Equivoques n’a esté
            familiere que depuis peu, qu’ils n’ont pas crû que ce Poëte, dont la Morale est fort
            réguliere, s’en fust permis l’usage ; mais quand nous appludirions à la plus grande
            severité du monde, il faudroit pourtant avoüer que dans l’Enigme, dont la fin est
            d’éluder la penetration de l’Esprit, l’Equivoque non seulement est permise, mais qu’elle
            y est de precepte ; car enfin on ne propose pas des Enigmes pour dire clairement la
            verité, pour découvrir d’abord sa pensée. On veut qu’elle couste quelque chose à celuy
            qui écoute. Il se fait mesme un plaisir de la chercher, &amp; c’est un plaisir aussi
            pour l’Autheur de l’Enigme de voir qu’il l’a cherchée par une méthode fort éloignée,
            &amp; qu’il a donné des Explications contraires, au lieu de celles qu’il estoit aisé de
            rencontrer dans l’expression mesme. Il est vray qu’il n’y a point de commerce entre les
            Langues sur la beauté de cette Figure. Chaque Langue a ses Equivoques qu’elle ne
            communique guere à une autre ; car le moyen, par exemple, de traduire celle dont il
            s’agit ? <hi rend="i">Cœli</hi> du Vers de Virgile estoit le Genitif du nom de Cœlius.
            Il l’est aussi de celuy qui signifie le Ciel. Voila le jeu du Poëte le plus sérieux
            &amp; le plus sage qui ait jamais esté ; mais un jeu que l’on ne sçauroit joüer
            également en nostre Langue ; car il n’est pas ordinaire qu’un Homme s’y appelle <hi
              rend="i">du Ciel</hi>, comme en nomme tous les jours <hi rend="i">de la Riviere, du
              Pré, de la Haye</hi>. Cependant vous entendez bien, Monsieur, que c’estoit un
            Divertissement pour Virgile, comme il l’avoüa luy-mesme à un de ses Amis, de voir que
            cette espace du Ciel, qu’il disoit n’estre que de trois aunes, estoit pris par les uns
            pour le fond d’un Puits, par les autres pour le dessous d’une Cheminée, d’où l’on n’en
            découvre pas davantage ; au lieu de le prendre pour l’espace ou Cœlius, ce Prodigue qui
            avoit mangé tout son bien, estoit réduit dans le Tombeau. Voila l’espace du Ciel dont
            Virgile parloit ; mais si cette Equivoque ne convient pas à nostre Langue, nous en avons
            un assez grand nombre d’autres dont on peut se servir pour former des Enigmes de ce
            genre. Car enfin, Monsieur, il n’est pas une seule Nation sur la Terre où la fécondité
            des pensées ne soit plus grande que celle des expressions. Ainsi le mesme terme y est
            tantost pour une autre. La place mesme &amp; la situation qu’il a dans le Discours luy
            fait acquerir souvent une nouvelle force, ou luy fait perdre la force qui luy est
            naturelle. Il n’est pas necessaire de vous avertir icy, Monsieur, qu’il n’y a pas dans
            toute la Rhétorique une figure dont l’intempérance soit sujete à de plus fâcheux
            inconveniens. Je ne dis pas seulement qu’on doit la bannir de la société civile, avec
            autant de soin que le Mensonge. Je dis mesme qu’elle n’entre pas aujourd’huy dans la
            plaisanterie, qu’elle ne la des-honore beaucoup. Elle est abominable en galanterie,
            &amp; il y a longtemps qu’on ne l’y souffre pas ; mais elle a ses momens heureux où elle
            a de la beauté, &amp; on la trouvera toûjours avec plaisir dans une Enigme semblable à
            celle dont je vous ay entretenu.</p>
          <label rend="center">Lettre VII.</label>
          <p>JE sors presentement, Monsieur, du sçavant Festin des sept Sages, c’est à dire de lire
            un Traité de Plutarque, qui nous a donné un de ses Ouvrages sous ce titre. J’y ay appris
            une nouvelle maxime de faire des Enigmes sans antitheses &amp; sans équivoques. Tout le
            secret est de proposer habilement une Question ; mais cette habileté-là est fort
            diférente de celle que Socrate faisoit paroistre dans ses Interrogations. Ce Philosophe
            prétendoit que toute la science d’un habile Maistre consistoit, non à donner une
            lumiere, car il croyoit impossible cette transmigration de lumiere, mais à la découvrir
            dans celuy qui écoute ; de se servir de celle qu’on y trouve, pour éclairer ce qu’il y a
            de nuit &amp; de tenebres dans l’Ame. Ce qu’il nommoit quelquefois servir de Sage-Femme
            aux Esprits, qui ne peuvent produire au dehors leurs propres conceptions, sans quelque
            secours étranger. Il conduisit de cette sorte l’Esprit mesme de quelqu’un de vulgaire,
            de lumiere en lumiere, par ses Interrogations qu’il faisoit avec tant de justesse, qu’il
            n’estoit pas possible de ne pas voir l’objet qu’elles présentoient à l’Esprit, au point
            de veuë, que personne n’a jamais mieux entendu que luy. Il faut suivre une méthode
            contraire pour l’Enigme. Il est vray en cette rencontre, comme en beaucoup d’autres, que
            par diférentes voyes on arrive à la mesme fin. Socrate alloit à la Sagesse par la
            facilité de la lumiere. Il est bon quelquefois pour montrer le prix de la Sagesse, que
            la lumiere qui y conduit, couste quelque chose. Il faut donc proposer la Question par
            l’endroit où l’Ame a coûtume d’estre la plus tenébreuse. Or on a communément un grand
            fond d’obscurité sur le prix, &amp; l’excellence des choses, quand l’Esprit en fait la
            comparaison. Ce discernement se fait si mal, que l’on peut luy attribuer cette bizarre
            varieté des Hommes dans le choix qu’ils font de toutes choses. Il est donc assez rare de
            sçavoir résoudre précisement une Question où il s’agit de comparer ensemble plusieurs
            choses, &amp; de satisfaire par la justesse &amp; l’exactitude de la Réponse tous les
            gousts diférens du monde. Mais je philosophe peut-estre trop. Au moins quelques exemples
            des Enigmes qui furent proposées à ce Festin de Plutarque, donneront de
            l’éclaircissement à mes Remarques. Qu’y a-t-il de plus fort, demandoit le sage Thalés ?
            Chacun répondoit selon quelque veuë particuliere qui se présentoit à son Esprit, sur la
            Force. Mais ce Philosophe s’élevant jusques à une idée universelle, qui fust celle de
            tous les Hommes, répondit que c’estoit le Destin, puis qu’enfin il surmonte toutes
            choses, &amp; qu’il est impossible de le surmonter. C‘est encor luy-mesme qui demanda ce
            qui estoit le plus commun. Au lieu d’une Réponse, on en trouvoit mille. On ne fut
            satisfait que de celuy qui répondit que c’estoit l’Esperance, qui est un bien que la
            Fortune n’enleve pas aux plus malheureux. Mais à propos de tous ces Sages, il me
            souvient de cette Question, qui a le plus de sagesse au monde ? Elle fut réponduë, sans
            desobliger tous ces Sages qui estoient de ce Repas, &amp; qui faisoient grosse chere de
            ces subtilitez. On donna la préference de la Sagesse au Temps, qui est le Pere de tous
            les Arts, &amp; l’Inventeur de toutes les Sciences. Il y a dans ce traité de Plutarque
            un tres-grand nombre de ce genre d’Enigmes, qui a esté longtemps l’entretien de ces
            Anciens Grecs, &amp; de ces sages Egyptiens plus anciens de beaucoup que les Grecs.
            Apparemment ils s’accoûtumoient par cette méthode à se former des idées universelles,
            dont la verité ne dépendist ny du goust de leur Siecle, ny de celuy de leur Païs. On
            sçait aujourd’huy plus que jamais, combien il est important à la Sagesse de délivrer son
            Esprit des phantômes des opinions singulieres. Vous sçavez l’avanture heureuse de celuy
            qui adoroit avec tant de devotion une Idole. Elle est dans un Apologue d’Esope. Voyant
            que tous les honneurs qu’il luy rendoit estoient perdus, de dépit il la jetta de grande
            force contre terre, &amp; aussitost qu’il l’eut ainsi brisée, il s’enrichit de l’or dont
            le dedans de l’Idole estoit plein. Il faut renoncer à l’Idole de l’Opinion, la mettre en
            pieces, la briser, &amp; on trouvera le tresor de la verité, de la Sagesse.</p>
          <label rend="center">Lettre VIII.</label>
          <p>QUelles Lettres, Monsieur, pourroient expliquer toutes les diférentes manieres dont on
            peut faire les Enigmes ? Je ne prétens pas les dire toutes dans celles que j’ay
            l’honneur de vous écrire, je prétens mesme vous en avoir assez dit ; mais quoy que l’on
            donne un rang fort honneste aux Enigmes, &amp; qu’on les voye aujourd’huy dans les
            Nouvelles d’un Siecle florrissant, je puis néantmoins vous assurer qu’elles estoient
            dans une estime bien plus haute aux premiers Siecles de l’Univers. Elles entroient au
            nombre des Affaires où l’Etat estoit interessé. Jocasse la Princesse de Thébes, fut la
            récompense de celle d’Oedipe. Esope estoit recherché par tous les Princes de son temps,
            à cause de l’intelligence particuliere qu’il avoit du sens de toutes les Enigmes. Sans
            mentir c’estoit un Siecle qui nous paroist presque fabuleux, que celuy de ces anciens
            Roys de Babylone &amp; d’Egypte. Le croirez-vous, Monsieur, sur la bonne foy de Planude
            qui en a écrit fort sérieusement l’Histoire ? Ces Princes s’envoyoient alors les uns aux
            autres des Enigmes à répondre, à condition de se payer un tribut selon ce qu’ils
            répondroient bien ou mal aux questions proposées. Voila toute leur guerre, en laquelle
            Lycerus Roy de Babylone remportoit toûjours de grands avantages sur Nectanabo Roy
            d’Egypte ; car apres qu’Esope eut quitté la Cour du Roy de Lydie, par la passion de
            voyager, qui estoit celle de tous les grands Hommes de ce temps-là, il se fit bien-tost
            distinguer dans celle de Babylone par la merveilleuse subtilité de son Esprit. Ce fut
            luy qui démesla dans un Repas avec une heureuse présence d’esprit une Enigme, par
            laquelle Nectanabo s’estoit flaté de remporter enfin la victoire sur Lycerus. Il y a,
            disoit-il, un grand Temple qui est appuyé sur une Colomne, &amp; cette Colomne est
            entourée de douze Villes, chacune de ces Villes a trente Arc-boutans, &amp; il y a deux
            Femmes, l’une blanche, l’autre noire, qui en mesurent le tour. C’estoit là sans doute
            une fort mysterieuse peinture &amp; assez peu réguliere. Il y avoit assez de confusion
            pour embarrasser les yeux &amp; fatiguer l’esprit. Le Temple, dit d’abord le Phrigien,
            est le Monde ; la Colomne, l’Année ; les Villes en sont les Mois, &amp; les Arcs-boutans
            les Jours, autour desquels la Lumiere &amp; la Nuit se promenent alternativement. Ce qui
            irritoit le plus les Egyptiens, est que cet Ingénieur des Chaldéens estoit un personnage
            d’une étrange figure. C’estoit de l’Enigme d’un Homme. Oserois je hazarder cette
            expression pour vous dire qu’il en avoit si peu l’apparence, qu’on ne l’auroit pas pris
            pour un Homme sans estre un peu Devin comme luy ? Ils aimerent pourtant en braves Gens
            la Sagesse jusques dans un tel ennemy. Nectanabo le combla de Presens. Il n’y eut pas
            jusques à Rhodopé, celle qui des liberalitez de ses Amans fit élever une des trois
            Pyramides qui subsistent encor, qui ne témoignât de l’estime pour les subtilitez
            d’Esope, le traitant tel qu’il estoit d’une maniere fort diférente de celle dont
            l’éloquent Demosthene fut depuis reçeu à Corynthe ; lors que voyant que dans cette
            rencontre il ne pouvoit pas persuader, il ne voulut pas acheter un repentir ; mais la
            passion de voir &amp; d’apprendre le fit renoncer à toute la gloire qu’il avoit acquise
            à la Cour de ces Princes, &amp; aux faveurs de la belle Rodopé. Je n’ose mesler icy la
            triste avanture de ce Voyageur. Il fut pendu comme un Voleur à Delphes, aux yeux
            d’Apollon. Quel desordre ? Les Delphiens furent condamnez de rendre de grands honneurs à
            la Memoire de ce sage Suplicié. Mais, Monsieur, tout cela n’est pas de mon sujet, &amp;
            ne doit point entrer dans mes Lettres.</p>
        </quote>
        <p>Tout ce que vous venez de lire est si juste, le stile en est si aisé, &amp; il y a tant à
          profiter des sçavantes Remarques qu’on y trouve, que je ne doute point qu’elles ne vous
          fissent aimer les Enigmes, quand vous ne vous en seriez pas fait jusqu’icy un amusement
          d’esprit agreable.</p>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_045" resp="mercure">
        <head>Pour l’Autheur du Mercure Galant</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 45-53.</bibl>
        <p>Tout ce que vous venez de lire est si juste, le stile en est si aisé, &amp; il y a tant à
          profiter des sçavantes Remarques qu’on y trouve, que je ne doute point qu’elles ne vous
          fissent aimer les Enigmes, quand vous ne vous en seriez pas fait jusqu’icy un amusement
          d’esprit agreable. Elles sont de quelque utilité pour le rendre plus vif &amp; plus
          prompt, &amp; la Lettre qui suit vous fera voir qu’on s’en est quelquefois servy pour le
          disposer à des Connoissances plus relevées. Comme elle m’a esté adressée sans Nom, je ne
          puis que vous donner le plaisir de sa lecture.</p>
        <quote>
          <label rend="center">Pour</label>
          <label rend="center">l’Autheur</label>
          <label rend="center">du</label>
          <label rend="center">Mercure Galant</label>
          <p>ON vous écrivoit il y a quelque temps, Monsieur, que je prenois plaisir aux Enigmes,
            &amp; que j’en trouvois l’Explication sans peine. On cherchoit mesme à faire valoir ce
            talent en moy, en vous apprenant mon âge ; mais il faut que je vous oste la surprise que
            vous aurez pû avoir d’une chose qui paroist assez rare en une Fille de seize ans, &amp;
            qui devient aisée à croire par les soins qu’on a eus de moy dés mon enfance. On a tâché
            de me donner toutes les lumieres qui peuvent élever l’Esprit &amp; le rendre plus
            agreable ou plus penetrant, &amp; je n’avois pas dix ans, que mon Pere m’exerçoit non
            seulement à expliquer des Enigmes, mais encor à démesler en tous lieux la Verité des
            apparences qui la cachent, &amp; il eust voulu faire de moy, s’il eust pû, quelque chose
            qui tinst des Magiciens &amp; des Prophetes. Le succés d’une si excellente nourriture
            n’a pas répondu à ses souhaits. Je le perdis que je n’avois pas encor treize ans, &amp;
            c’estoit alors qu’il alloit achever de me découvrir les secrets d’une Philosophie simple
            &amp; naturelle qui s’accommode de tout ce qui fait trouver la vie plus douce, é qui
            rebute tout ce qui n’est pas accompagné d’agrément ou d’esprit. Lors qu’il me donnoit
            quelques Enigmes à deviner, je me souviens que c’estoit toûjours en me disant qu’il y
            avoit de meilleures choses à faire, mais que cela pourroit m’accoûtumer à mieux observer
            tout ce qui s’offre à nos yeux, &amp; que si l’étude de ce qui est difficile &amp; où il
            faut assembler plusieurs choses à la fois pour penetrer ce que c’est, donne de la force
            &amp; de l’étenduë à l’Esprit, il aimoit bien mieux que je m’exerçasse de cette sorte
            sur des choses réelles, que sur les chimériques comme tant de Gens faisoient. On ne voit
            guere d’Enfans si bien élevez, &amp; c’est si peu la mode de leur donner cette sorte
            d’éducation, que mon Pere se cachoit aux autres des plus rares Leçons que j’en recevois.
            Ce n’est pas que je n’aye quelque reputation de sçavoir un peu plus que les plus
            spirituelles de nostre voisinage. Il m’échappe mesme assez souvent des choses qui me
            feroient passer pour Sçavante, si l’on ne me trouvoit d’ailleurs assez bien faite ; car
            la pluspart des Gens sont si dupes, qu’on ne se rend guere suspecte de science quand on
            a un peu d’adresse, qu’on est habillée comme les autres, qu’on sçait égayer la
            Compagnie, &amp; qu’avec une belle taille on a le teint, les yeux &amp; la bouche d’une
            jolie Personne. Peu s’en faut que je ne vous aye fait mon Portrait mais il n’est pas
            question de cela, &amp; je ne voulois guere vous parler que de vostre derniere Enigme.
            Il me semble qu’elle ne convient pas mals à un <hi rend="i">Parterre</hi>. On croit que
            je n’ay pas si bien deviné cette fois qu’à l’ordinaire, &amp; nous le sçaurons
            bien-tost. Nous songeons cependant, Monsieur, à vous proposer dans quelque temps des
            façons de parler douteuses. Vous pourrez seul décider nos difficultez si vous voulez ;
            mais si vostre modestie vous en empesche, vous n’estes qu’à deux pas de l’Académie
            Françoise. Je vous parle aussi en cet endroit de la part d’une Dame qui vous écrivit il
            y a plus d’un mois ; &amp; comme elle a lû fort curieusement les plus belles choses de
            nostre Langue, &amp; qu’elle la sçait fort bien, les plus polis pourront profiter des
            Décisions que vous donnerez. Nous nous réjoüissons, Monsieur, de tant de Chef-d’œuvres
            que vous nous faites esperer des plus beaux Esprits &amp; des meilleurs Ouvriers, &amp;
            nous croyons que ce grand Prince qui gouverne &amp; qui commande si bien, &amp; qui ne
            pense qu’à rendre son Siecle heureux &amp; illustre, voit avec plaisir que vous
            répandiez de tous costez le merite &amp; les lumieres de ceux qui luy obeïssent. Son
            Regne déja si glorieux de ce qu’il a fait luy-mesme, ne recevra pas peu d’éclat des
            Inventions de tant de grands Hommes ; &amp; de leur costé les beaux Arts, &amp; les
            belles Connoissances, n’ont jamais esté en si grand honneur que de nos jours, car outre
            l’affection &amp; la retraite mesme en son Palais dont Loüis le Grand les honore, un
            jeune Héros qui se forme sur le plus haut modele du Monde, aimant ce que vous donnez
            tous les mois, va laisser sur le Mercure &amp; sur les Ouvrages de ceux qui
            l’embellissent avec vous, un bonheur &amp; une gloire qui ne leur pouvoit venir
            d’ailleurs, &amp; qui ne finira jamais.</p>
        </quote>
        <p>Il me semble, Madame, que la Beauté ne devroit point estre le partage d’une Fille qui a
          autant d’esprit que vous en voyez dans cette Lettre. Ce sont de trop grands avantages dans
          une mesme Personne.</p>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_054" resp="mercure">
        <head>À Monsieur le President de Boissieu</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 53-59.</bibl>
        <p>Lisez cependant ce que vous allez trouver écrit sous le nom de l’Hermite de S. Giraud. La
          Lettre m’a esté envoyée avec un Billet particulier qui m’apprend que ce spirituel
          Solitaire s’appelle M<hi rend="sup">r</hi> Allard ; qu’il est President en l’Election de
          Grenoble, &amp; Autheur de quelques Ouvrages Genealogiques. C‘est à M<hi rend="sup">r</hi>
          le President de Boissieu qu’il adresse l’Explication de l’Enigme que je vous ay envoyée
          avec les Nouvelles du Mois de Decembre. Il tourne d’une maniere si ingénieuse les veritez
          qu’il publie de ce grand Homme que j’affoiblirois l’Eloge qu’il en fait, si j’entreprenois
          d’y rien adjoûter.</p>
        <quote>
          <label rend="center">À Monsieur</label>
          <label rend="center">le Président</label>
          <label rend="center">de Boissieu.</label>
          <p>MONSIEUR,</p>
          <p>Vous m’avez témoigné de tant de satisfaction de ce que le sens de l’Enigme du 9. Tome
            du Mercure Galant n’avoit pas tout à fait échapé à ma connoissance, que je ne puis
            m’empescher de vous écrire les sentimens que j’ay sur celle du dixiéme Tome.</p>
          <p>Il me semble que ce ne doit estre <hi rend="i">le premier Jour de l’Année</hi>, que les
            Avares &amp; les Ingrats redoutent, que les honnestes Gens, les Amans &amp; les
            Personnes bienfaisantes attendent avec impatience pour donner des marques de leur
            generosité, &amp; qui est reçeu avec joye de bien des Gens, à cause des Etrennes qu’on
            leur donne. Le Regne de ce jour là est toûjours d’éclat, mais il dure peu. Le jour qui
            suit, qui veritablement est son Cadet, en avance la fin. Il meurt pour renaistre,
            l’Année qu’il demeure à revenir se peut appeller un long temps. Ses Heures sont bornées
            par celles du Jour, &amp; il est aussi vieux que le Monde.</p>
          <p>Voila, Monsieur, toute l’Explication que j’ay pû donner à cette Enigme. Peut-estre la
            trouverez-vous assez juste pour meriter vostre approbation. Je ne sçay si l’Autheur du
            Mercure Galant voudroit bien l’avoüer. Ces sortes de Jeux donnent bien de l’occupation
            par tout où ses Ouvrages sont veus, &amp; il seroit à souhaiter qu’il nous fist part de
            toutes les Lettres qu’on luy écrit sur ses Enigmes ; ce ne seroit peut-estre pas le
            moindre ornement de son Livre. En tout cas il nous apprendroit par là que chaque
            Province a ses Sçavans &amp; ses beaux Esprits. Pour vous, Monsieur, que toute l’Europe
            connoist, vous n’avez pas besoin de l’avantage qu’il procure aux autres. Vostre illustre
            naissance, vostre merite &amp; vostre profond sçavoir qui vous ont attiré l’admiration
            de tout le monde, vous ont acquis tant de reputation, que celle que vous pourriez tirer
            de quelque endroit du Mercure Galant n’en seroit pas plus grande. Je souhaiterois
            neantmoins que l’Autheur qui sçait loüer si à propos, &amp; qui n’a pas oublié Messieurs
            de Montauban, de Montanegre &amp; de la Cordinniere, trois de nos Illustres Dauphinois,
            voulust parler de vous avec les Eloges que vous merite ; Qu’il voulust dire que
            l’origine que vous tirez des anciens Comtes d’Alinges, &amp; cette suite d’Illustres
            Ayeux que vous comptez dans vostre Race, la font l’une des plus considérables du
            Royaume ; Que tant de rares &amp; excellens Ouvrages que vous avez donnez au Public,
            rendent vostre memoire immortelle ; Que ce fameux Génie qui vous a fait paroistre avec
            éclat dans Rome lors de l’Ambassade de feu Monsieur le Duc de Créquy, &amp; avec tant
            d’honneur dans la premiere Place d’un Corps Souverain, vous a acquis une estime
            generale ; Que vous estes connu du Roy &amp; des Ministres, &amp; qu’il ne tient qu’à
            vous de paroistre dans la Pourpre à la teste d’un des plus Augustes Parlemens de France.
            J’ay dit tout cela dans quelques-uns de mes Ouvrages ; mais la plume d’un Solitaire
            &amp; d’un Homme peu connu comme moy, n’est point assez forte pour aller aussi loin que
            va le Mercure, &amp; celuy qui le compose donnant l’Immortalité à ceux qui la meritent,
            je suis persuadé que vous serez bien-tost l’objet d’un de ses Eloges.</p>
          <p rend="sc">L’Hermite de S. Giraud. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_059" resp="mercure">
        <head>[Air de M. Fleury]*</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 59-61.</bibl>
        <p>Un peu d’interruption, Madame. Vous continuërez à lire plus volontiers quand vous vous
          serez divertie à chanter un Air qui a esté fait sur le Printemps. Il est de saison, &amp;
          vous n’en trouverez point qui ne le soient dans les Lettres extraordinaires que vous
          recevrez de moy. Vous ne sçavez peut-estre pas que tous les Maistres de Musique commencent
          toûjours chaque Saison de l’Année par des Chansons qui y conviennent, &amp; qu’ils ne
          donnent que dans ce temps-là. Ainsi vous en aurez un sur l’Esté dans l’Extraordinaire de
          Juillet, comme vous en avez aujourd’huy sur le Printemps. Ce premier Air de la composition
          de M. Fleury, non pas de celuy qui jouë si bien du Theorbe, mais de celuy qui se fait
          admirer par la maniere dont il touche le Clavessin. C‘est l’unique Ecolier qui montre de
          tous ceux qu’a eus feu Monsieur Hardel, qui est mort depuis quelques jours. La perte d’un
          si grand Maistre ne pouvoit estre mieux reparée que par un si habile Ecolier. Voicy les
          Paroles sur lesquelles il a fait ce que vous verrez noté en suite.</p>
        <quote>
          <l rend="i"><space/><space/>        Ah, le beau temps,</l><note resp="author"
            place="margin"><hi rend="i">Avis pour placer les Figures</hi> : la Chanson qui commence
            par <hi rend="i">Ah le beau temps</hi>, doit regarder la page 61.</note>
          <l rend="i"><space/><space/>            Bergere !</l>
          <l rend="i"><space/><space/>        Ah, le beau temps !</l>
          <l rend="i"><space/>    Allons sur la fougere</l>
          <l rend="i">Nous donner de l’Amour les plaisirs innocens.</l>
          <l rend="i"><space/><space/>        Ah, le beau temps,</l>
          <l rend="i"><space/><space/>            Bergere !</l>
          <l rend="i"><space/>    Pour les Bergers contents !</l>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_061" resp="mercure">
        <head>Lettre I</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 61-70.</bibl>
        <p>Je reviens aux Lettres. Il y en a beaucoup dont je retranche des choses fort
          spirituellement tournées, mais elles me flatent trop pour me laisser en pouvoir de vous
          les envoyer entieres. Je rougis mesme de ce que j’y laisse de trop avantageux pour moy,
          &amp; je l’aurois suprimé comme le reste, s’il ne faisoit connoistre qu’on peut tirer
          quelque utilité du soin que je prens de recüeillir tout ce qui est digne d’estre sçeu.
          J’ay reçeu ces Lettres de toutes les Provinces du Royaume, sans que je sçache par qui la
          pluspart m’ont esté écrites. Il y en a mesme une Italienne. Vous ne serez pas fâchée
          d’apprendre qu’on sçait jusqu’à Rome le commerce que vous m’avez permis avec vous. Si la
          mesme matiere est traitée dans quelques-unes, au moins le tour en est diférent. J’y ai
          meslé quelques Explications en Vers des Enigmes que je vous ay proposées. Ceux qui ont crû
          voir trois Femmes dans la Figure qui représente l’Ecran, doivent avoir pris Mars pour
          Minerve. Vous vous en souviendrez, s’il vous plaist, afin de n’y estre point
          embarrassée.</p>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre I.</label>
          <p>IL me semble, Monsieur, que pour peu qu’on en sçache plus que les autres, c’est assez
            la mode de vous écrire, &amp; je croy qu’on se trouve bien de vous donner à connoistre
            ce qu’on sçait faire en Vers &amp; en Prose. De trois Personnes que nous sommes qui
            voulons vous faire quelquefois penser à nous, j’ay laissé passer devant moy les plus
            éloquentes, &amp; peu de Gens parmy nos Voisins pourroient disputer de Bel-Esprit avec
            celle dont vous reçeutes la premiere Lettre, &amp; peut-estre encor moins avec l’autre
            qui vous a écrit depuis, &amp; qui ne se mesle pas moins de déveloper les choses les
            plus obscures, que de gagner &amp; d’enchanter tous ceux qui l’approchent. Nous luy
            avions pourtant bien prédit qu’elle n’avoit pas réüssy dans l’Enigme de Decembre comme
            dans les autres. Elle s’en défioit elle-mesme, &amp; commençoit à croire que le mot de
            cette Enigme estoit <hi rend="i">la Mode</hi> ; mais elle n’eut pas le moindre soupçon
            que ce fust <hi rend="i">le premier Jour de l’Année</hi>. Si elle estoit présomptueuse
            de ses Connoissances, nous l’eussions fort assurée que puis qu’elle se trompoit en une
            chose qui n’estoit pas si difficile, nous devions estre moins crédules pour les
            Prédictions qu’elle fait quelquefois, &amp; que si elle expliquoit mal les Enigmes, elle
            pouroit bien plutost faire de fausses Centuries. Cela veut dire que parmy nous à qui
            elle se communique tout-à-fait, nous ne faisons pas moins de cas de ses Propheties, que
            vous faites à Paris de l’Almanach de Milan. Si-tost qu’elle eut veu le Mot de l’Enigme,
            elle dit de son air ordinaire ; <hi rend="i">Voila un grand affront &amp; j’en devrois
              mourir comme celuy qui se noya pour n’avoir pû comprendre un Secret de la
            Nature</hi> ; &amp; en mesme temps pour se conbler, elle chercha l’Enigme du Mois
            dernier. Elle la leut deux ou trois fois, &amp; nous assura que c’estoit <hi rend="i"
              >L’Académie Françoise</hi>. Je la voulus aussi lire, &amp; je fus convaincuë qu’elle
            en avoit trouvé le vray sens. C‘est avoir bien viste réparé son malheur à l’égard de
            l’autre Enigme. Cette petite disgrace n’empescha pas que le talent qu’elle a d’éclaircir
            les choses les plus embarassées, ne reçeust force loüanges d’un excellent Homme qui
            prend quelque soin d’elle, &amp; qui vous sera d’usage à quelque heure pour orner le
            Mercure Galant de mille choses curieuses qu’il a remarquées dans ses Voyages depuis
            quarante ans, &amp; que les autres Voyageurs ont negligées. Jugez, Monsieur, si une
            Histoire naïve des plus belles Femmes du monde, &amp; si des Entretiens de leur Esprit,
            de leurs Divertissemens, &amp; du tour qu’elles donnent aux choses qui viennent d’elles,
            avec une peinture fidelle &amp; charmante du procedé des plus galans Hommes de l’Europe
            &amp; de l’Asie, &amp; mesme de quelques-uns de l’Affrique, &amp; des bonnes &amp;
            mauvaises Coustumes de ces Païs-là, ne tiendroient pas agreablement leur place parmy ce
            que vous pouvez donner de plus curieux au monde. <hi rend="i">La Musique de la
              Chine</hi>, dit-il quelquefois, <hi rend="i">est plus excellente que la nostre. Ils
              ont de meilleurs Comediens que nous. Nos Medecins n’y seroient pas soufferts, &amp; il
              y a bien d’autres choses où ils excellent sur nos plus grands Maistres ; mais pour ce
              qui est de la vie, de la bienseance, &amp; de ce qu’il y a de plus élevé dans la
              Nature, quoy que j’aye veu là, &amp; parmy les autres Nations, des Personnes
              d’ailleurs assez fines &amp; d’autres fort sages, &amp; qu’on en trouve presque par
              tout qui font plusieurs choses de fort bonne grace, ce ne sont pourtant d’ordinaire
              que des Gens de Païs &amp; d’habitude qui ne connoissent pas bien eux-mesmes ce qu’ils
              ont de meilleur ; &amp; à a Chine ny ailleurs je n’ay veu personne à qui cette jeune
              Fille ne pust faire des Leçons.</hi> Il montre en mesme temps une de celles qui vous
            ont écrit. Elle vous envoyera dans quelques mois des Remarques qu’elle fait sur les plus
            belles Poësies du Mercure. Leurs Autheurs en devront estre les plus contens, car elle
            découvre quelquefois dans leurs Ouvrages des beautez qu’Ils n’y ont pas toûjours
            observées eux-mesmes, &amp; si elle fait quelque Censure, ils en recevront de l’honneur.
            Ils verront qu’on ne s’y prend guere d’une façon si galante, &amp; qu’elle laisse
            toûjours quelque nouvelle grace sur tout ce qu’elle touche. J’ay remarqué qu’elle disoit
            peu de choses d’ordinaire des Livres &amp; des Personnes si elle n’en avoit beaucoup
            d’endroits à loüer. Tout ce qui vient d’elle est également bien reçeu, le blâme &amp;
            les loüanges, tant elle sçait bien préparer tout ; &amp; si l’on se plaint quelquefois
            d’elle, c’est pour son silence, parce qu’on craint que ce ne soit une marque que les
            choses n’aillent pas si bien qu’elle eust souhaité. Nous vous envoyons nos Lettres sans
            les signer, &amp; sans qu’elles soient datées du lieu d’où nous vous écrivons. Nous
            continuërons d’en user de la mesme sorte, si vous ne le desirez autrement. Il n’importe
            guere de sçavoir si nous sommes des environs de Xaintes, de Nantes, ou de Blois, &amp;
            si la Riviere qui embellit nos Prairies, nos Bois &amp; nos Cabanes, &amp; qui en rend
            le séjour si doux &amp; si agreable, s’appelle la Charante ou la Loire. Quant à moy je
            n’en sçay pas encor assez pour meriter de voir mon Nom dans un Livre comme le
            Mercure.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_071" resp="mercure">
        <head>Lettre II</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 71-75.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre II.</label>
          <p rend="i">À Thoüars. </p>
          <p>JE n’ay encor leu que quatre Tomes de vostre Mercure Galant. Ce sont les quatre
            derniers, mais c’est assez, Monsieur, pour pouvoir juger favorablement des autres. On ne
            pouroit pas trouver un plus seur moyen pour avoir, comme vous avez, des correspondances
            dans toutes les Provinces, s’il falloit estre aussi ingénieux que vous l’estes, pour
            instruire les Provinciaux sans sortir de leurs Cabanes, &amp; leur rendre Paris commun
            sans les obliger d’y aller faire de la dépense. Apres cela vous ne vous attendez pas,
            Monsieur, que les Dames de cette Ville ont dessein de vous quereller par ma plume.
            Cependant il n’y a rien de plus vray, &amp; il m’a esté impossible de n’en pas accepter
            la commission. Ces Dames se plaignent de ce que vous avez parlé presque de tous les
            environs de cette Ville, sans avoir pensé à elles. Vous ne sçavez peut-estre pas,
            Monsieur, que Thoüars est une ancienne Ville, arrosée par une Riviere qui s’appelle <hi
              rend="i">Thoüe</hi>, dont elle tire son nom, &amp; qu’elle est embellie par un
            magnifique Chasteau que le Seigneur de la Trimoüille y ont fait bastir. Mais pour vous
            faire concevoir une plus forte idée de cette Ville vous sçaurez qu’on y a envoyé sept
            Compagnies du Regiment d’Anjou en Quartier d’Hyver. Voyez s’il ne faut pas que la Ville
            soit bonne. Vous comprenez bien, Monsieur, que nos Dames ont quelque raison de se
            plaindre de vous, &amp; qu’à l’imitation de celles de Saumur leurs Voisines, elles ont
            fort bien fait de m’établir leur Secretaire, pour vous dire que quoy que le nom de
            Thoüars veüille dire Forteresse de Thoüe, cependant ce n’est pas une Ville si forte que
            l’Amour n’y puisse entrer. En efet, Monsieur, je vous assure qu’on n’y avoit jamais tant
            parlé de Guerre que depuis qu’on y a mis en Garnison les Troupes dont je vous viens de
            parler. L’Amour é les Jeux avoient jusques-là fait toute l’occupation des Compagnies,
            &amp; donné lieu à de petites Intrigues dont on vous feroit part, s’il se trouvoit icy
            quelqu’un qui écrivist assez bien pour cela. Il ne me reste plus qu’à vous dire,
            Monsieur, que nous avons icy des Dames qui ont extrémement de l’esprit, &amp; le goust
            tres-bon. La meilleure marque que je puisse vous en donner, c’est qu’elles en prennent à
            la lecture de vostre Mercure Galant, jusque-là qu’il y en a eu qui ont condamné la trop
            grande vertu de la Comtesse du Mois de Janvier, &amp; qui luy auroient conseillé la
            vangeance. Elles se sont mises en peine pour deviner vos Enigmes ; mais en verité,
            Monsieur, elles ne veulent point passer pour Sorcieres. Il n’y en a qu’une d’elles qui
            s’est mis dans l’esprit de trouver celle des quatre Vers, qui commence par <hi rend="i"
              >Jamais par moy lieux bas ne furent habitez</hi>, &amp; elle veut que ce soit une
            Etoille. Voila, Monsieur, un peu plus que m’acquiter de ma Commission. Je souhaite que
            nos Dames donnent bientost lieu à quelque Histoire veritable, afin de vous en faire
            part, &amp; vous assurer encor une fois que quoy qu’Inconnu, je suis,
            &amp;c.        B.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_076" resp="mercure">
        <head>Lettre III</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 76-77.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre III.</label>
          <p rend="i">À Ham. </p>
          <p>PArce que je présume, Monsieur, que des trois Explications que je donne aux trois
            Enigmes de vostre Mercure de Frevrier, il s’en poura trouver une bonne, il ne m’est pas
            possible de ne vous les pas envoyer. Les voicy donc. Il me semble assez juste de dire de
            la premiere en Vers, que c’est le <hi rend="i">Baston de Mareschal de France</hi>. Ce
            que la seconde nous marque paroît convenir au <hi rend="i">Papier</hi>, ou <hi rend="i"
              >à la Lettre missive</hi> ; &amp; je crois avoir trouvé le sens de <hi rend="i"
              >Pandore</hi> &amp; d’<hi rend="i">Epimethée</hi>, quand je dis que ce n’est autre
            chose <hi rend="i">que le Depart du Roy, &amp; l’Ouverture de la Campagne</hi> ; ce qui
            à mon sens est tout-à-fait exprimé par l’ouverture de la Boëste &amp; la sortie de
            toutes sortes de maux, qui figurent ceux dont nous voyons aujourd’huy la Flandre
            accablée. Quoy qu’il en soit, Monsieur, je suis vostre, &amp;c.</p>
          <p><hi rend="sc">De Croix</hi>, <hi rend="i">Procureur</hi></p>
          <p rend="i">du Roy, de Ham. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_078" resp="mercure">
        <head>Lettre IV</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 78-81.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre IV.</label>
          <p rend="i">À Paris. </p>
          <p>ENfin, Monsieur, j’ay obtenu d’une belle Personne de mon Quartier la permission de vous
            envoyer un Quatrain de sa façon. Je l’avois priée de souffrir que je vous la nommasse,
            mais elle ne me l’a voulu accorder qu’à condition que je ne vous la ferois connoistre
            que sous le nom de la Belle Dégrail. Au reste c’est une Demoiselle d’une naissance
            illustre, &amp; dont la Famille a donné depuis peu des Chefs au Corps de la Justice.
            Elle est jeune, bien-faite, &amp; on peut dire que la beauté de l’Esprit ne cede point
            en elle à celle du Corps. Le jour mesme que le dernier Mercure parut, elle commença de
            l’ouvrir dans une Compagnie qui se trouva chez elle, &amp; leut l’Enigme de la page 332.
            Chacun s’empressa d’en deviner le Mot. Moy mesme je fis comme les autres, &amp; ne
            réüssis pas mieux ; mais la Belle Dégrail riant de la peine qu’elle me voyoit prendre,
            me dit tout d’un coup, &amp; avec un certain air qui enleve ceux qui la regardent.</p>
          <lg>
            <l>À quoy bon si longtemps chercher qui vous l’enseigne,</l>
            <l>Ce Mot qui porte tout, &amp; ne refuse rien ?</l>
            <l>Vous l’avez entendu, si vous m’écoutez bien,</l>
            <l>Ce Mot si propre à tout, Tircis, c’estu ne Enseigne.</l>
          </lg>
          <p>Ce fut alors que pour vous témoigner le ressentiment de toute nostre Compagnie qui
            prend un plaisir singulier à la lecture du Mercure, je proposay de contribuer desormais
            à le grossir, comme nous avons contribué jusqu’à cette heure à son debit, &amp; de
            commencer par ce Quatrain que je ne vous envoye. Ma proposition ne fut combatuë que par
            la Belle Dégrail, qui se rendit neantmoins, mais sous les conditions que je vous ay
            marquées. Elle m’a pourtant permis encor de vous dire qu’elle entretient quelque
            connoissance &amp; quelque habitude avec des Personnes de Crespy en Valois, d’où elle
            voit que vous recevrez des Mémoires. Apres cela je vous laisse, en vous priant de
            souffrir que je me dise vostre, &amp;c.</p>
          <p rend="sc">De Beauregard. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_081" resp="mercure">
        <head>Lettre V. Sur les deux Enigmes du Tome de Janvier</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 81-83.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre V.</label>
          <label rend="center">Sur les deux Enigmes du Tome de Janvier.</label>
          <p rend="i">À Périgueux. </p>
          <lg>
            <l>JE ne prens pas ainsi les Enigmes d’emblée,</l>
            <l>Et ce n’est pas à moy d’en pénetrer le sens ;</l>
            <l>Consultez pour cela la Royale Assemblée,</l>
            <l>Qui seule des Sçavans merite tout l’encens.</l>
          </lg><lg>
            <l>Pour l’Enigme qui suit, elle est trop relevée,</l>
            <l>Et je suis trop petit pour y pouvoir toucher ;</l>
            <l><space/>Mais j’espere d’en approcher,</l>
            <l>Et pour y réüssir du fond de ma Valée,</l>
            <l>Je m’élève aussi haut que le Coq d’un Clocher.</l>
          </lg>
          <p>Ayant esté assez heureux, Monsieur, pour deviner la plûpart de vos Enigmes précedens,
            j’ay crû que je pouvois vous envoyer l’Explication de celles-cy, &amp; je l’aurois fait
            plutost, si je n’avois pas reçeu si tard vostre Mercure de Janvier. J’attens celuy de
            Fevrier pour sçavoir si cette Explication est juste, &amp; suis, Monsieur, tout à
            vous.</p>
          <p>I. <hi rend="i">Conseiller au Présidial</hi></p>
          <p rend="i">de Périgueux. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_083" resp="mercure">
        <head>Lettre VI</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 83-85.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre VI.</label>
          <p rend="i">À Moulins. </p>
          <p>VOstre Mercure vivra toûjours, Monsieur ; Vous vous estes tres-bien acquité de ce qu’on
            attendoit de vous &amp; de luy au commencement de cette Année. Vous avez donné au Public
            des Estrennes fort agreables. Il n’est point d’Amant qui ne se soit fait un plaisir de
            le recevoir pour en faire un autre à sa Maistresse en le luy présentant. C’est le plus
            joly travail qu’il pouvoit luy offrir. Une chose pourtant m’y déplaist, aussi-bien que
            dans tous les autres. C’est que vous nommez tous ceux qui ont eu des avantures
            guerrieres, &amp; vous estre fort reservé sur les amoureuses. Tout ce que vous dites de
            galant est par Enigmes. Tout de bon, Monsieur, cela n’est pas bien, &amp; il seroit
            juste que la Balance fust égale entre Mars &amp; l’Amour. Si vous osez dire, <hi
              rend="i">Monsieur un tel a vaincu tel Ennemy</hi>, pourquoy ne dites-vous pas avec la
            mesme liberté, <hi rend="i">Monsieur un tel a eu une galanterie avec Mademoiselle une
              telle</hi> ? Je trouverois cela fort raisonnable. Je crains que vous ne le trouviez
            pas de mesme, &amp; je doute si ma remontrance aura effet. Je vous imiteray donc
            Monsieur ; &amp; puis que vous ne voulez pas qu’on sçache les Noms de ceux dont vous
            publiez les galanteries, vous ne sçaurez pas non plus le mien. Celuy que je prens à la
            fin de cette Lettre m’estant commun avec tous les honnestes Gens qui lisent le Mercure,
            vous ne m’y reconnoistrez pas sans doute, &amp; vous aurez de la peine à me distinguer
            dans le nombre de ceux qui se disent vos tres, &amp;c. Il n’y a pourtant personne qui
            soit plus vostre Serviteur que moy.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_086" resp="mercure">
        <head>Lettre VII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 86-89.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre VII.</label>
          <p>LE Sonnet que vous trouverez dans cette Lettre a esté envoyé du fond de l’Allemagne
            depuis huit ou dix jours. Vous voyez par là, Monsieur, quelque chose qu’on dise, qu’il y
            encor de bons François en ce Païs-là, &amp; que nous n’y sommes pas si décreditez, qu’il
            ne s’y rencontre toûjours quelqu’un qui veüille bien prendre nostre party. Ces Vers
            viennent de la Cour d’un Grand Prince qui est demeuré neutre depuis le commencement de
            la Guerre, &amp; qui ayant beaucoup de discernement, aime avec passion les Gens
            d’esprit. Ils ont esté faits par un Gentilhomme qui n’est pas un des moindres ornemens
            de sa Cour, &amp; valent bien la peine d’estre publiez. On a crû ne pouvoir mieux
            s’adresser pour cela qu’à l’Autheur du Mercure Galant. Ses Ouvrages sont veus par toute
            l’Europe, &amp; on est persuadé qu’il n’y a point de meilleur moyen pour mettre une
            Piece en crédit, que de le prier de luy ménager une place dans les Mémoires qu’il donne
            tous les Mois au Public. Je suis, Monsieur, quoy que je n’aye pas l’honneur d’estre
            connu de vous, avec tous les sentimens d’estime imaginables, vostre, &amp;c.</p>
          <p rend="sc">De Saveuse. </p>
          <label rend="center">Sur le Projet de Paix.</label>
          <label rend="center">Sonnet.</label>
          <lg>
            <l>LE Ciel prend le party d’un Monarque invincible,</l>
            <l>À la confusion de tous ses Ennemis ;</l>
            <l>Leurs desseins confondus, &amp; leurs cœurs plus soûmis,</l>
            <l>Les rendent aujourd’huy d’une humeur plus paisible.</l>
          </lg><lg>
            <l>Contre luy trop longtemps ils ont fait leur possible ;</l>
            <l>Mais sans faire pourtant ce qu’ils s’estoient promis,</l>
            <l>Ils gagneront bien plus d’estre de ses Amis,</l>
            <l>Et d’éviter les maux d’une Guerre nuisible.</l>
          </lg><lg>
            <l>LOUIS dont les bontez ne peuvent s’épuiser,</l>
            <l>Leur en offre un moyen qui va l’éterniser</l>
            <l>Autant qu’ont déja fait son Bras &amp; son Courage.</l>
          </lg><lg>
            <l>Il consent au repos quand ils n’en peuvent plus.</l>
            <l>Que pourroient-ils de luy souhaiter davantage,</l>
            <l>Qu’une Trève, ou la Paix, apres estre vaincus ?</l>
          </lg>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_089" resp="mercure">
        <head>Lettre VIII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 89-91.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre VIII.</label>
          <p rend="i">De Provence à Tarascon. </p>
          <p>JE croy, Monsieur, que vous avez résolu avec vos Enigmes, de nous faire tourner la
            cervelle à nous autres pauvres faineants &amp; petits Esprits de Province. Il n’en est
            pas un parmy nous, petit ny grand, qui ne se rompe la teste à les deviner, &amp; c’est
            un plaisir de voir dans nos petites Societez des Personnes de l’un &amp; de l’autre Sexe
            se debatre tous les jours à qui leur donnera un meilleur sens. En verité, Monsieur, vous
            perdez le plus agreable fruit de vostre travail, de n’estre pas témoin des plaisantes
            &amp; crotesques choses qui se disent de temps en temps à cette occasion, &amp; des
            combats que nous faisons entre nous à tout propos pour soûtenir chacun nostre sentiment.
            Mais enfin comme il n’est point de si chétif coin de Province où parmy tant d’Esprit
            rebours il ne s’échape par hazard quelque honneste Homme &amp; d’un peu d’esprit, je
            croy vous devoir dire à la gloire de nostre petite Troupe, qu’à l’égard de vostre
            premier Enigme plusieurs de nos Messieurs tomberent d’accord que rien n’y convenoit
            mieux que <hi rend="i">l’Armée des Conféderez</hi> ; que <hi rend="i">les Orgues, la
              Riviere glacée</hi>, &amp; <hi rend="i">le Nuage</hi>, ont esté dits icy comme
            ailleurs, &amp; que pour cette derniere vous devez attribuer l’honneur de l’avoir
            trouvée, à un Gentilhomme de cette Ville, qui a tres-bien imaginé <hi rend="i">le
              Carnaval</hi>. Ce sens me paroist fort juste, &amp; je le croy celuy de l’Autheur.</p>
          <p rend="sc">L’Inconnu Indien. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_092" resp="mercure">
        <head>Lettre IX</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 92-94.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre IX.</label>
          <p>IL y a de tres-honnestes Gens dans la Province de Languedoc, qui font toutes leurs
            délices de la lecture de vos Livres, &amp; qui ne cherchent des Nouvelles de Guerre
            &amp; de Ruelle dans le Mercure Galant. Aussi, Monsieur, rencontre-t-on dans vos Ecrits
            dequoy se satisfaire de quelque humeur qu’on se trouve. Ceux qui ont le goust fin, quoy
            qu’ils soient Gens à prendre le temps comme il vient, se plaignent neantmoins à present
            de sa lenteur, &amp; trouvent que les premiers jours de chaque Mois tardant trop à
            venir, diférent trop le plaisir qu’il se proposent des nouveaux Tomes que vous
            promettez. Je crains que leur impatience &amp; leurs vœux ne hastent la chose du monde
            la plus réguliere, &amp; que vous n’ayez déja fait imprimer dans vostre neuviéme Volume
            l’Explication de l’Enigme que vous avez donnée dans le huitiéme. À tout hazard j’ay
            résolu de vous envoyer ma conjecture.</p>
          <lg>
            <l><space/>Je suis Dave, &amp; non pas Oedipe,</l>
            <l>J’abandonne au hazard mon Explication.</l>
            <l>Quelqu’autre la prendroit pour une bonne Nipe ;</l>
            <l>Pour moy, je ne veux pas estre sa Caution.</l>
          </lg>
          <p>Vous verrez bien, Monsieur, que j’ay raison de m’en défier, car je n’ay pû trouver
            aucun autre sujet de cet Enigme que la derniere lettre du Nom que prend pour cette heure
            vostre tres-humble &amp; tres-obeïssant Serviteur,</p>
          <p rend="sc">L’Inconnu. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_094" resp="mercure">
        <head>Lettre X</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 94-99.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre X.</label>
          <p>ON ne peut, Monsieur, vous sçavoir trop de gré des soins que vous prenez pour rendre
            utiles &amp; agreables au Public les belles Relations que vous luy donnez tous les Mois,
            &amp; je croy que ce seroit en diminuer le prix, que d’entreprendre de l’exprimer. Il
            n’y a, selon mon sens, que le grand succés du Mercure qui puisse bien parler à
            l’avantage de son Autheur. Quelques-uns icy trouvent à redire que vous parliez si
            avantageusement de tout le monde ; mais je ne suis pas l’avis de ces Gens que la Satire
            a gastez. Outre que je vois que vous ne donnez d’ordinaire les grands aplaudissemens
            qu’aux Sujets qui en sont dignes, il ne me paroit pas qu’un Historien en doive user
            autrement, quand il raconte des évenemens si nouveaux, &amp; je soûtiens que cette
            maniere de parler obligeamment dans vostre Histoire, de tous ceux que vous y nommez, est
            profitable plutost que desavantageuse. La raison en est évidente. Ceux dont vous dites
            du bien, &amp; qui le méritent en effet, trouvent dans la justice que vous leur rendez,
            un second motif aux belles Actions où leur propre inclination les porte ; &amp; ceux que
            vous traitez favorablement, s’ils ne voyent pas la veritable peinture de ce qu’ils ont
            fait, au moind voyent-ils dans ce Portrait un peu flaté la belle Image de ce qu’ils ont
            dû faire ; d’où ils doivent conclure, que si quelques Actions médiocres ont esté reçeuës
            de si bonne grace, les grandes sont regardées avec une parfaite admiration. Les
            Critiques ont bau condamner ce genre d’écrire, je suis seur que l’évenement fera voir, à
            la ocnfusion de ceux qui le desaprouvent que ce style obligeant qui engage, &amp; qui
            plaist à ceux qui se trouvent marquez dans cette Histoire, est capable de faire plus de
            fruit dans le monde que les Censures bilieuses &amp; les virulentes Satires des autres
            qui irritent ceux qu’elles representent, &amp; ne les corrigent presque jamais.</p>
          <p>Comme je suis dans un Païs reculé où le Mercure vient tard, &amp; où mesme avant les
            précautions que vous avez prises dans ce dernier, il venoit souvent contrefait, je ne
            pûs lire le précedent que le 22. Janvier, &amp; encor dans une Edition fausse, où l’on
            avoit obmis l’Avertissement que vous donnez à ceux qui cherchent à vous écrire. C‘est ce
            qui est cause que je ne l’ay pas fait plutost.</p>
          <p>Au reste, Monsieur, vous avez tellement rendu à la mode le Genre Enigmatique, qu’on
            s’en sert à tout. Si un Galant veut faire une déclaration à une Belle, il ne sçauroit
            s’empescher d’employer ce style dans son Madrigal ; &amp; s’il la veut consoler de
            quelque perte, la violence de sa passion ne l4engage pas plus fortement à luy dire
            quelques mots de sa peine en la consolant, que la Mode le pousse à luy en parler en
            Enigme. Les deux Pieces qui suivent font la preuve de ce que j’avance. Je voudrois vous
            pouvoir faire connoistre aussi lentement l’estime que je fais de vous, &amp; avec quel
            zele je suis vostre tres-humble Serviteur,</p>
          <p>D. L. G.</p>
          <label rend="center">À Iris.</label>
          <l>IRis, depusi deux mois il est né dans mon sein</l>
          <l>Certain petit Poupon le plus joly du monde.</l>
          <l>Il doit vivre longtemps, car il paroist fort sain ;</l>
          <l>Il est gras, potelé, sa tresse sera blonde.</l>
          <l><space/>    Vous l’aimeriez, tant il est beau.</l>
          <l><space/>    D’une main il tient un Flambeau,</l>
          <l><space/>    De l’autre un Arc de bonne grace.</l>
          <l><space/>    Sur l’épaule il porte un Carquois ;</l>
          <l><space/>    Quand nous luttons, il me terrasse,</l>
          <l>N’est-ce pas estre fort pour n’avoir que deux mois ?</l>
          <l><space/>Outre sa force redoutable</l>
          <l>Qui fait craindre en croissant qu’il devienne indomptable,</l>
          <l><space/>Chacun déja juge à le voir,</l>
          <l>Que sa ruse dans peu passera son pouvoir.</l>
          <l>Je tiens de tres-bon lieu que vous estre sa Mere,</l>
          <l>Et viens vous demander ce qu’il en faudra faire.</l>
          <l>Je ne puis étouffer ce Fruit qui vient de vous ;</l>
          <l>Mais vous pouvez l’instruire, apres l’avoir fait naistre,</l>
          <l>À ne prendre pour moy qu’un air traitable &amp; doux ;</l>
          <l>Alors de tres-grand cœur je le laisseray croistre.</l>
          <label rend="center">À la mesme.</label>
          <l>UN Rossignol est mort l’autre a pris la volée.</l>
          <l><space/>    Sans regreter tant ces Oyseaux,</l>
          <l><space/>    Sans en estre si desolée,</l>
          <l><space/>    Sans mesler vos regrets au murmure des eaux,</l>
          <l>Acceptez un Oyseau d’une forme nouvelle,</l>
          <l>Plus charmant mille fois qu’un Fils de Philomelle.</l>
          <l><space/>    Il a des bras, il a des mains,</l>
          <l><space/>    Il a pour son bec une bouche,</l>
          <l>Tout son Corps est formé comme les Corps humains,</l>
          <l>Et fait comme un Poupon étendu fut sa couche.</l>
          <l><space/>    Cependant ce n’est qu’un Oyseau,</l>
          <l><space/>    On le reconnoist à ses aisles,</l>
          <l><space/>    Que l’adresse d’aucun Pinceau</l>
          <l><space/>    Ne sçauroit vous peindre assez belles.</l>
          <l><space/>    Ecoutez ses douces Chansons,</l>
          <l><space/>    Il en sçait de toutes façons :</l>
          <l>Mais pour rendre sur tout son ramage agreable,</l>
          <l>Recevez-le chez vous d’un accueil favorable ;</l>
          <l>Alors ma foy, jamais il ne prendra l’essor,</l>
          <l>Ny jamais, belle Iris, vous n’en verrez la mort.</l>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_102" resp="mercure">
        <head>Lettre XI</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 102-106.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XI.</label>
          <p>NOs Dames ont toûjours le mesme empressement de voir vostre Mercure ; &amp; ce que vous
            avez adjoûté au dernier Tome, augmente l’obligation que vous ont tous les honnestes Gens
            des Provinces. Cependant, Monsieur, j’ose vous dire que le Mercure du Mois de Janvier
            n’a pas eu pour moy tut l’agrément des autres, &amp; je n’y ay pû voir sans quelque
            chagrin les Vers que j’ay envoyez au commencement de l’Année à Madame la Comtesse de
            Montrevel. Je les fis avec si peu d’aplication, &amp; j’employay si peu de temps à
            instruire mon petit Amour, qu’il estoit difficile que osn compliment fust juste. J’ay
            remarqué en vous le donnant, qu’on l’a redressé en quelque chose ; mais celuy qui a
            rendu ce service à mon Cupidon, auroit esté plus obligeant, s’il se fust passé de le
            produire. Vostre nouveau Mercure a d’ailleurs mille agrémens. <hi rend="i">L’Année
              1677</hi>. en finissant son cours, s’explique de la maniere du monde la plus
            spirituelle. <hi rend="i">La grande Prairie</hi> ne peut témoigner son dépit plus
            ingénieusement, &amp; rien n’est mieux imaginé que <hi rend="i">l’Empire de la
              Poësie</hi>. Tous ces Ouvrages ont des beautez particulieres. Rien n’est mieux tourné,
            ny plus naturel. Quant à la grande <hi rend="i">Enigme</hi>, je n’en trouve pas le
            Monstre plus dangereux que celuy de Psyché, &amp; je croy que parmy tant de Bras &amp;
            de testes, il ne nous cache que <hi rend="i">l’Académie Françoise</hi>. Beaucoup de Gens
            le croyent, &amp; nos Dames l’assurent. Ce qui pourroit me flater à cet égard, est qu’il
            ne m’a échapé jusqu’icy aucune de vos Enigmes, &amp; que j’ay heureusement toûjours
            rencontré le véritable Mot. Cette facilité m’a poussé à faire les deux que je vous
            envoye. C’est à dire vray un peu de vanité pour un Homme qui n’a eu habitude qu’avec les
            Muses des Alpes. Le territoire n’est pas heureux pour les Vers, mais vous avez donné
            lieu à cette vanité. Mes folies n’auroient esté connuës que d’une Philis Provinciale, si
            vous ne m’eussiez point placé dans vostre Mercure. Nos Dames ne demandent point d’autre
            raison de la bonté d’un Ouvrage, que la place qu’il tient dans les vostres. Elles sont
            tellement persuadées de vostre délicatesse, que vostre choix suffit pour attirer leur
            approbation, &amp; je suis à leur sens un habile Homme depuis que mes Vers ont paru dans
            vostre Livre. La bonté avec laquelle Madame la Comtesse de Montrevel a reçeu mon
            Présent, avoit déja autorisé ma Poësie, &amp; m’avoit acquis quelque estime dans
            l’esprit de ceux qui connoissent la délicatesse du sien, mais quand l’opinion qu’on a de
            vostre discernement, n’acheveroit pas de me justifier par tout, je vous dois du moins
            beaucoup pour tout ce qu’elle a fait pour moy en ce Païs. Je n’espere plus de pouvoir
            répondre à cette obligation, ne voyant pas qu’un Homme comme moy puisse faire autre
            chose que vous dire inutilement, je suis vostre, &amp;c.</p>
          <p><hi rend="sc">De Montaney</hi>,</p>
          <p>
            <hi rend="i">Conseiller</hi></p>
          <p rend="i">au Présidial de Bourg </p>
          <p rend="i">en Bresse. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_107" resp="mercure">
        <head>Lettre XII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 107-109.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XII.</label>
          <p>VOstre Mercure, Monsieur, fait le divertissement de tous les honnestes Gens. La maniere
            dont il est écrit, &amp; cette certaine Urbanité, s’il est permis de se servir de ce
            terme, si rare dans les autres Ouvrages, &amp; qui regne par tout dans le vostre, y font
            trouver tous les jours de nouveaux agrémens. Je ne suis point surpris qu’on ait de
            l’ambition pour y occuper quelque place, je la trouve au contraire tres-raisonnable,
            &amp; j’estime davantage mes Amis depuis qu’ils se sont laissez toucher d’une envie si
            noble. Les Enigmes non moins poliment écrites, qu’ingénieusement imaginées, que vous y
            proposez, font naistre une émulation dans les Compagnies, qui contribuë beaucoup au
            plaisir. Dans une de celles où je me suis trouvé on expliqua l’Enigme de la Demoiselle
            de Vernon, sur un <hi rend="i">Jaquemart</hi>, sur un <hi rend="i">Coq</hi> au haut d’un
            Clocher, &amp; sur <hi rend="i">le Soleil</hi>, &amp; je reçeus hier de Blois les
            Explications que je vous envoye. J’aurois deû, Monsieur, commencer cette Lettre par des
            excuses de ne vous les pas porter moy-mesme ; mais j’espere que celle que j’ay déja pris
            la liberté de vous écrire me fera obtenir le pardon d’une faute qui porte sa punition
            avec soy ; car je vous proteste que je me fais une extréme violence, dans la crainte de
            vous importuner, si je vous faisois perdre quelque moment d’un temps qui vous est si
            précieux.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_109" resp="mercure">
        <head>Lettre XIII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 109-116.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XIII.</label>
          <p>PArmy ceux qui se divertissent le plus de tant d’agreables nouvelles que vous nous
            apprenez dans le Mercure Galant, je suis d’un des Quartiers de France où l’on a le plus
            de curiosité de voir ce Livre. Nous y lisons quelquefois le Nom de nos Amis, apres
            qu’ils ont fait quelque chose de remarquable, &amp; nous les toruvons bien plus braves
            &amp; plus honnestes Gens quand vous leur avez rendu justice, que nous ne faisions
            auparavant. Un d’eux m’écrivoit il y a quelque temps qu’il avoit bien moins de joye
            d’avoir fait son devoir dans une occasion assez dangereuse, que de ce qu’il sçavoit que
            je l’estimerois plus qu’à l’ordinaire, des loüanges que vous luy aviez données. Jamais
            dessein ne fut plus approuvé que celuy que vous avez de faire connoistre le mérite par
            tout où il se trouve, autant parmy les Autheurs que parmy les Guerriers ; &amp; bien
            qu’il y en ait quelquefois de secret &amp; de caché, personne n’aura plus sujet de se
            plaindre en cela de son malheur, puis qu’on n’a qu’à recourir à vous pour estre connu.
            En effet, peut-on exceller en quoy que ce soit, &amp; n’estre pas assuré qu’en
            s’adressant à une Personne si bienfaisante &amp; si juste, on verra bientost tout le
            royaume, &amp; les Païs Etrangers mesme, instruits de ce qu’on sçait faire ? Avec le
            temps, Monsieur, &amp; par vostre moyen, nous connoistrons les plus rares Ouvriers,
            &amp; il n’y aura plus guére de talent extraordinaire qui soit obscur &amp; inconnu, car
            peu à peu vous verrez que ceux qui n’ont pas d’empressement à se produire d’eux-mesmes
            aront des Amis qui vous parleront en faveur de ces Personnes trop modestes. Quoy que je
            sois d’un Sexe où la Science &amp; les belles Connoissances sont assez rares, je les
            aime assez neantmoins pour me réjoüir autant que les plus sçavans, qu’il se soit trouvé
            un Ecrivain assez officieux pour instruire tout le monde de tout ce qui se fait de plus
            curieux &amp; de plus achevé. Combien y a-t-il peu de Gens qui connoissent les excellens
            Maistres en toutes sortes d’Ouvrages ? Pour moy je croirois volontiers qu’on ne sçauroit
            guére faire une perquisition plus necessaire, ny qui fust plus agreablement reçeuë.
            Cependant un peu d’exactitude &amp; de severité ne siéroit pas mal dans les rangs que
            vous leur donnez. Mais à porpos de choses bien faites &amp; de ceux qui en sçavent
            faire, nous avons trouvé la Nouvelle des Vendangeurs &amp; des Vendangeuses fort bien
            écrite, &amp; nous sommes trois ou quatre qui voudrions bien avoir quelque Livre d’un
            style si naïf &amp; qui nus a tant plû Il n’y a aucune de nous qui ne soit tres-fort
            persuadée que ce n’est pas là un coup d’essay, &amp; que celuy qui s’est si bien acquité
            d’une Relation si galante, pourroit faire des nouvelles plus agreables que toutes celles
            qu’on a veuës, quand on y mettroit celles de Bocace dont nous avons lû quelques-unes des
            plus belles &amp; des plus honnestes : Celle-cy qu’on nous a donné est bien d’un
            meilleur air. On n’en pouvoit pas mieux représenter tous les Personnages ; ce seroit
            avoir bien peu de goust &amp; de discernement à mon avis, que de passer legerement par
            dessus sans s’appercevoir qu’elle de main de Maistre. Bous nous obligeriez beaucoup,
            Monsieur, si vous nous en pouviez donner d’autres de la façon de celuy qui l’a faite,
            &amp; si vous nous vouliez apprendre qui il est. Une autre fois nous nous ferons
            connoistre aussi à vous, car je ne vous parle pas plus pour moy que pour trois ou quatre
            Personnes qui ne sont pas moins éloquentes que belles. Nous sommes toutes extrémement
            reconnoissntes de certaines choses que vous avez touchée encor plus en galant Homme
            qu’en fidelle Historien, d’une Famille dont nous sommes venuës, &amp; beaucoup plus
            reconnoissantes encor du soin que vous avez eu de faire valoir deux de nos plus proches
            Parens qui sont aussi bons ailleurs qu’à la Guerre, &amp; peut-estre qu’à quelque heure
            vous vous en appercevrez. Pour ce qui est des Enigmes, une Fille qui n’a pas quinze ans,
            mais qui a l’esprit admirable, nous oste toûjours la peine de les deviner ; elle les
            cherche fort curieusement dés que nous avons reçeu le Livre : Elle n’a pas si-tost lû
            deux ou trois fois celle qu’elle trouve, qu’elle nous dit ce que c’est. La derniere est
            sur la lettre <hi rend="i">V</hi> ; cela fut bientost démeslé, &amp; Monsieur de
            Chandoré n’y sçauroit aller plus viste.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_116" resp="mercure">
        <head>Lettre XIV</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 116-119.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XIV.</label>
          <p rend="i">À Moulins. </p>
          <p>TOute la France vous est obligée, Monsieur, de l’honneur que vous luy faites dans les
            Païs Etrangers. Les glorieuses &amp; presque incroyables Conquestes de nostre Invincible
            Monarque ont forcé les Nations les plus envieuses de nostres gloire, d’avoüer que rien
            ne peut égaler la bravoure de nos François ; mais vostre Mercure leur apprenant en
            détail les actions de valeur &amp; de conduite de nos Braves, leur fait remarquer
            combien nostre France est fertile en Héros. Ils y voyent avec étonnement que les belles
            Lettres n’y fleurissent pas moins que les Armes, &amp; que Mars &amp; les Muses y sont
            d’une si parfaite intelligence, que la plûpart de nos Guerriers se servent également
            bien de l’Epée &amp; de la Plume, &amp; que de la mesme main qu’ils rompent les
            Escadrons &amp; forcent les Villes des Ennemis, ils écrivent des Billets aussi tendres
            &amp; des Vers aussi galants, que s’ils avoient employé toute leur vie à ces sortes de
            galanteries. J’ay veu avec plaisir combien à Rome les honnestes Gens qui aimant nostre
            Langue &amp; la gloire de nostre Nation, estiment vostre Mercure ; &amp; j’ay appris
            avec une joye extréme, en arrivant en Provence, que vous n’avez pas travaillé pour des
            Ingrats, qu’on vous rendoit justice, &amp; que vous Lettres avoient une approbation
            generale de tout ce qu’il y a de Gens d’esprit. Quoy que je sois bien éloigné d’estre de
            ce nombre, je ne laisse pas de prendre part au plaisir que vous leur donnez. À mon
            arrivée à Lyon j’ay devoré les derniers Tomes que je n’avois pas veus. Si j’avois pû les
            lire plus-tost je vous aurois envoyé une Explication de vostre grande Enigme, que j’ay
            crû estre <hi rend="i">la Grammaire</hi>. Elle ne seroit plus de saison, &amp; dans
            quelques jours vostre second Tome m’aprendra le veritable Mot. Je crois avoir trouvé
            celuy de la petite.</p>
          <lg>
            <l><space/>Pour vous en dire ma pensée,</l>
            <l>Jamais la Girouette en lieux bas n’est placée,</l>
            <l><space/>Son Corps se meut au moindre vent,</l>
            <l>Elle tourne les yeux du Couchant au Levant ;</l>
            <l>Enfin quoy qu’ïnsensible elle est aussi légere</l>
            <l><space/>Que mon infidelle Bergere.</l>
          </lg>
          <p>S’il se passe quelque chose de nouveau à Bourbon, où je dois me rendre dés que la belle
            Saison y amenera les Malades, je vous en feray part ; car pour ne vous estre pas connu,
            je n’en suis pas moins vostre, &amp;c.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_120" resp="mercure">
        <head>Lettre XV</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 120-126.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XV.</label>
          <p>IL y a longtemps, Monsieur, que je resiste à la tentation de vous faire un remercîment
            du plaisir de la lecture de vostre Livre ; ais ayant veu dans le dernier de l’Année que
            vous en receviez de toutes parts, je n’ay pû m’empescher de vous apprendre que vostre
            agreable Ouvrage fait beaucoup plus de bien que vous ne pensez, &amp; qu’il est d’une
            utilité plus importante que celle de divertir &amp; de plaire, en debitant des Pieces
            galantes, ou en faisant l’éloge de ceux qui se signalent à la guerre. Vous sçaurez donc,
            Monsieur, que sans faire le reformateur, &amp; sans parler de morale, vostre Mercure
            galant a fait plus de reforme que les meilleurs Sermons de l’Avent, puis qu’il a bany de
            beaucoup de Compagnies la médisance &amp; la cruelle raillerie, &amp; qu’il a fait voir
            qu’on pouvoit estre fort agreable, en disant toûjours du bien de tout le monde. Vous
            avez corrigé des Femmes qui ne pardonnoient à Personne, qui piquoient leurs meilleurs
            Amis, qui trouvoient des defauts en toutes choses, qui ne voyoient dans les plus
            parfaites que le costé qui n’estoit pas achevé, &amp; enfin qui ne croyoient pas qu’On
            pust rire sans tourner quelqu’un en ridicule. Une Veuve tres-bien faite estoit de ce
            caractere. Sa Famille est nombreuse. Elle a de la qualité &amp; du rang. Elle n’est ny
            du jeu ny de la promenade ; mais bornant tout son plaisir à visiter &amp; à estre
            visitée, elle ne faisoit autre chose que debiter de Quartier en Quartier les Nouvelles
            de la Ville dont elle est toûjours informée la premiere. Elle y ajoûtoit régulierement
            une glose malicieuse, comme si elle avoit un interest particulier à décrier chaque
            Famille. Elle sçait par cœur le foible des Genealogies. Elle tient registre de tous les
            fâcheux accidens qui ont rendu des Personnes malheureuses. Elle n’oublie jamais ce qui
            peut ternir le mérite, obscurcir la naissance, ou rabaisser la dignité. Enfin elle ne
            dit du bien de personne, à moins qu’il ne luy serve à offencer un autre plus vivement.
            Cette Dame que tant de malignité environne, ne s’est pourtant pû défendre de loüer
            vostre Livre. D’bord elle a trouvé qu’il donnoit trop de loüanges, qu’il y avoit mille
            agreables malices à débiter dans les Nouveles, &amp; qu’on pouvoit inocemment ne pas
            toûjours dire du bien de ceux de qui on parle ; mais ayant veu que son sentiment
            n’estoit pas approuvé, que les Gens d’esprit &amp; de bon sens prenoient vostre party
            contre elle, que l’on blâmoit la raillerie, que chacun avoit interest à la bannir, elle
            a commencé à se dégoûter de ce plaisir ; &amp; entendant partout qu’on loüoit l’Autheur
            du Mercure de son honnesteté &amp; de la maniere civile &amp; obligeante avec laquelle
            il traite tout le monde, elle s’est insensiblement accoûtumée à ne plus médire. Ainsi,
            Monsieur, ce que le Confesseur n’avoit pû faire avec penitences en plusieurs années,
            vostre Livre l’a fait en badinant, si j’ose le dire ainsy. Il a bien fait encor plus de
            merveilleuses conversions. Il a pacifié des Familles, réüny des Ménages qui grondoient,
            adoucy des Peres de qui la mauvaise humeur empeschoit les Enfans d’entrer en commerce
            avec eux, parce que ces Gens sauvages auroient tary toutes les sources de la joye par un
            pénible travail des affaires de longue haleine, ou par des refléxions chagrines. Le
            Mercure Galant est venu au secours de ce Malheureux. Il leur a fourny agreablement à
            tous des sujets de conversation de plaisir et de joye. Mesme ces petits Ménages
            grondeurs, où la dépense &amp; le détail des frais qui se font est la matiere la plus
            ordinaire de l’entretien, qui par là retombent incessament dans l’ennuy &amp; la
            mélancolie, ont enfin appris à parler de choses plus agreables. Ils se contentoient
            autrefois de ******* qui ne servoit pas à leur polir l’Esprit, ny à leur rendre l’humeur
            moins sauvage, comme fait vostre aimable Mercure, où chacun apprend mille agreables
            &amp; galantes Nouvelles, sans qu’on y puisse rien critiquer. Les plus severes n’y
            sçauroient trouver à redire, eux qui se revoltent au seul titre de Roman ou de Comédie.
            Vostre Ouvrage, Monsieur, est donc plus utile que vus ne l’avez peut-estre crû. Je ne
            vous dis qu’une partie de ses bons effets, une autrefois je vous en diray quelques
            autres. J’adjoûte que l’Enigme de vostre dernier Livre estoit facile à deviner à ceux
            qui le leûrent le premier jour de l’Année.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_127" resp="mercure">
        <head>Lettre XVI</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 127-135.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XVI.</label>
          <p rend="i">À Paris. </p>
          <p>L’On m’ordonne de vous écrire &amp; de vous gronder, Monsieur ; ce sont bien des
            affaires tout-à-la-fois pour un Homme qui n’est ny assez spirituel pour vous faire un
            joly Billet, ny assez mal-honneste pour vous brusquer. Il faut pourtant obeïr ; &amp; si
            je ne le fais, j’encourray l’indignation de la pus aimable Societé du monde. Fâcheuse
            alternative qu’on ne peut prendre que d’un mauvais costé ! Je me fixe au premier,
            monsieur, &amp; je vous prie en mesme temps de trouver bon que mes Amis tous injustes
            qu’ils sont, soient plus contens de moy que vous. Ils veulent que je vous dise que vous
            avez tort d’avoir diferé jusqu’à L’Année 1677. à nous donner le Mercure Galant, à moins
            que cette Année ne soit vostre Année favorite, &amp; que vous n’ayez voulu la distinguer
            des autres par un endroit qui vous distingue si fort vous-mesme du commun des habiles
            Gens. On ne voit pas torp bien pourquoy vous n’avez pas ouvert plutost une Carriere où
            vous deviez cueillir tant de Lauriers, &amp; semer de si doux plaisirs à ce qui
            s’appelle le beau Monde. Il y a déja longtemps que le Roy est victorieux &amp;
            conquérant, qu’il est le Prince le plus accomply de l’Univers, &amp; vostre plume a
            manqué tout ce temps-là à ses Exploits &amp; à ses Vertus. Il y a déja longtemps aussi
            que les Avantures de Paris, de la Cour, &amp; de la France, ont besoin d’un Historien ;
            &amp; cependant vous vous estes tû, vous à qui le silence sied si mal. En verité,
            Monsieur, vous avez grand tort. Encor une fois, c’est un reproche que je vous fais de la
            part de Personnes qui ont plus de droit de vous le faire que moy, parce que la
            délicatesse &amp; la vivacité de leur Esprit leur en donne davantage aux belles choses.
            Je ne sçay pas si le soin que vous avez eu de nous choisir un Courrier aussi illustre
            qu’est celuy de Jupiter &amp; des Dieux, pour nous apporter vos jolies Nouvelles, ne
            vous pourra point un peu disculper ; mais je crains pour vous que non, puis qu’enfin
            cela ne nous dédommage point de vostre dur silence, &amp; qu’au contraire nous n’en
            connoissons que mieux le bien dont il nous a privez. Selon moy, Monsieur, il y a dix ans
            que vous devriez avoir commencé à donner le Mercure au Public ; parce qu’îl y a dix ans
            que je commence à prendre goust aux productions d’Esprit, &amp; à les savourer. Les
            autres disent quinze, les autres vingt, &amp; chacun à proportion qu’il est plus ou
            moins avancé dans l’âge du bon sens. En effet, Monsieur, c’est un Ouvrage qui plaist à
            tout le monde. Il a une force magique pour gagner les cœurs de tous ceux qui le lisent ;
            en sorte mesme que tel qui dit mille &amp; mille biens de vous, ne fait point de
            difficulté de dire en mesme temps qu’il faut que vous soyiez Magicien ; &amp; pour moy
            j’adjoûte que vostre Magie est contagieuse, puis qu’apres avoir enchanté les Gens, elle
            les rend eux-mesmes Magiciens. Vous n’en disconviendrez pas sans-doute, si vous faites
            refléxion au grand nombre de Devins que vos Enigmes ont produits. Je ne sçay pas si le
            mal seroit venu jusqu’à moy, qui ne m’entendis jamais à deviner ; mais il me semble que
            j’ay trouvé celle du Tableau. C‘est <hi rend="i">le Temps</hi>. Celle des trois Femmes
            qui est entre l’Homme &amp; les deux autres, est <hi rend="i">l’Heure</hi>. L’Homme qui
            est à sa droite, &amp; qui tient en main un Maillet élevé &amp; prest à tomber sur elle,
            c’est le Marteau qui frape &amp; qui fait sonner l’heure. Le Cupidon qui est aux pieds
            de cette Femme, comme éperdu &amp; effaré, ayant son Caruqois renversé par terre, &amp;
            ses Fleches brisées, marque la ruine &amp; la destruction de toutes choses, qui est
            causée par le Temps. Il n’est rien plus fort que l’Amour, &amp; neantmoins le Temps ne
            laisse pas d’en venir à bout, à plus forte raison de toute autre chose. La seconde Femme
            qui est au costé gauche de la premiere, &amp; qui la suit, c’est <hi rend="i"
              >l’Ombre</hi> qui suit chaque Heure, ou bien encor une autre <hi rend="i">Heure</hi>.
            Elle montre avec sa main Minerve, le symbole de la Sagesse, qui est derriere tous ces
            diférens Personnages, &amp; qui semble les suivre &amp; venir apres eux, pour marquer
            que le Temps amene la Sagesse &amp; la Prudence avec luy. Mais, Monsieur, au lieu du
            Temps qui amene la Sagesse, ne seroit-ce point <hi rend="i">la Sagesse</hi> elle mesme ?
            Voicy comment. Ses trois grands Ennemis sont la Beauté, la Jeunesse, &amp; l’Amour, qui
            font faire tous les jours mille folies. Le Vieillard qui tient en main un Marteau élevé,
            &amp; qui est en posture d’homme qui menace &amp; qui veut fraper, represente <hi
              rend="i">Saturne</hi> ou <hi rend="i">le Temps</hi>, qui détruit ces choses en la
            personne de cette jeune Belle éplorée &amp; de Cupidon desarmé &amp; comme tout éperdu,
            qui est à ses pieds. La seconde Femme qui en montre une troisiéme derriere elle, sçavoir
            Minerve, figure <hi rend="i">la Vieillesse</hi>, qui semble dire aux jeunes &amp; belles
            Personnes, aussi-bien qu’aux Amans, qu’ils doivent se consoler de leur perte, puis que
            la Sagesse en doit estre la récompense &amp; le prix. Voila, Monsieur, dequoy choisir.
            Je ne sçay lequel des deux Mots sera le plus à vostre gré ; mais je sçay bien que vos
            interests paroissent trop meslez avec ceux de la Sagesse, pour appréhender que vous la
            rebutiez tout-à-fait. Pour moy qui ne suis pas de si bonne intelligence avec elle, je me
            tiens au Temps, quoy que je n’aye pas trop sujet d’estre satisfait du présent &amp; du
            passé, mais j’espere que l’avenir me sera plus favorable. Je suis, Monsieur, avec toute
            l’estime que je dois, vostre, &amp;c.</p>
          <p rend="sc">L’Abbé Droüyn. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_135" resp="mercure">
        <head>Lettre XVII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 135-136.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XVII.</label>
          <l>AUtheur, dont chacun est le zelé Partisan,</l>
          <l>Quand on reçoit vostre Enigme en Etrenne,</l>
          <l><space/>Sans se donner beaucoup de peine,</l>
          <l>On songe en mesme temps au premier Jour de l’An.</l>
          <l>Ce sens est naturel, je le crois veritable ;</l>
          <l><space/>Peut-estre aussi qu’il n’en est rien :</l>
          <l>Mais au moins si j4en puis croire le vray-semblable,</l>
          <l>Chaque Vers à ce Mot se rapporte fort bien.</l>
          <l><space/>    Le détail seroit une affaire,</l>
          <l><space/>    Je n’entreprens point de le faire,</l>
          <l>Je laisse à qui sçaura cette Explication</l>
          <l><space/>D’en faire l’application ;</l>
          <l>Je me sers seulement de cette conjoncture,</l>
          <l><space/>    Pour vous offrir icy mon petit compliment,</l>
          <l><space/>    D’avoir placé frot honorablement</l>
          <l><space/>    Ma Devise en vostre Mercure.</l>
          <l><space/>    Elle n’estoit belle que par le choix</l>
          <l><space/>    Que ma Muse avoit osé faire</l>
          <l>Du plus auguste &amp; du plus digne Frere</l>
          <l>Du plus auguste &amp; du plus grand des Roys.</l>
          <p>C‘est vostre, &amp;c.</p>
          <p rend="sc">Gauthier. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_137" resp="mercure">
        <head>Lettre XVIII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 137-139.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XVIII.</label>
          <p rend="i">À Lyon. </p>
          <p>JE ne doute pas, Monsieur que bien des Gens ne se soient meslez d’expliquer vostre
            Enigme. Je ne sçay s’ils auront heureusement rencontré, mais la conjoncture du Mois où
            elle paroist, m’en facilite le dénoüement, car je pense que son premier jour en est la
            clef, aussi-bien que de l’Année. Parmy tant de nuages, on ne laisse pas de voir luire un
            tres beau <hi rend="i">Jour de l’An</hi>, &amp; il ne perd rien de son éclat dans les
            agreables obscuritez dont vous l’envelopez. Vos expressions sont si heureuses &amp; si
            justes, qu’on ne peut rien dire qui y vienne mieux. Les Enigmes ne sont pas les seuls
            ornemens de vos Ouvrages. Pour moy, je compte pour rien tous les momens que je dérobe à
            vostre Mercure. De bonne-foy, il est si insinuant, qu’on ne peut luy refuser toute
            l’approbation qu’on luy donne. Je m’avise un peu tard d’en dire ma pensée, aussi-bien
            que de vostre Enigme, dont je n’ay pû vous envoyer plutost l’Explication. Je desespere
            que vous luy puissiez faire l’honneur de la citer. Celuy que vous me ferez de croire que
            je suis entierement dévoüé à vostre service, me sera une assez douce consolation, &amp;
            me tiendra lieu de tout, parce que dans la verité je n’ay pas de plus forte passion que
            de rendre justice à vos Ouvrages, &amp; d’estre vostre, &amp;c.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_139" resp="mercure">
        <head>Lettre XIX</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 139-144.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XIX.</label>
          <p><hi rend="i">À Langres</hi>.</p>
          <p>JE croy ne m’estre pas inutilement appliqué à l’Explication des Enigmes du dernier Tome
            de vostre Mercure ; &amp; si les Mots que j’ay à vus proposer ne sont pas les
            véritables, ils y conviennent ce me semble assez bien pour me permettre de m’en flater.
            Ce Corps que tant de testes, de bras, &amp; de pieds, devroient rendre tres-monstrueux,
            ne l’est aucunement ; &amp; bien loin de là, c’est un Corps des plus accomplis, non
            seulement de la France, mais mesme de tout le monde. Cela n’a rien de surprenant, puis
            que c’est un Corps composé de quarante des plus beaux Esprits du Royaume. En un mot
            c’est <hi rend="i">l’Academie Françoise</hi>. Quant au mot de l’Enigme qui n’a que
            quatre Vers, ce n’est à mon avis autre chose qu’un de ces <hi rend="i">Coqs</hi> qu’on
            met au dessus des Clochers. Il tourne sans estre animé, &amp; regarde de tous costez
            sans rien voir. Pour l’Enigme en figure, elle est bien plus mysterieuse. Je l’explique
            sur <hi rend="i">la Constance</hi>, qui est representée par Vénus nuë &amp; dépoüillée
            de tous les ornemens étrangers. Cette Déesse est Mere de l’Amour. Aussi arrie-t-il
            souvent que la Constance fait naistre cette passion ; &amp; combien a-t-on veu d’Amans
            qui n’estans pas heureux dans les commencemens, le deviennent par la perséverance ?
            Faveur pourtant tres-signalée, &amp; qui n’est reservée qu’aux plus fortunez. Heureux
            ceux qui peuvent en servir d’exemple !</p>
          <lg>
            <l>Heureux l’Amant dont la constance</l>
            <l>Réduit à ses desirs une fiere Beauté !</l>
            <l><space/>    Un cœur si longtemps disputé,</l>
            <l><space/>    Qui cede à la perséverance,</l>
            <l><space/>    Est la plus digne récompense</l>
            <l>Dont on puisse payer un amour rebuté.</l>
          </lg>
          <p>Vénus est assise, c’est à dire dans la posture la plus ferme &amp; la moins sujette à
            estre ébranlée. Aussi ne l’est-elle pas par les menaces ny par les soûmissions des deux
            Personnes qui sont à ses costez ; &amp; comme elle regarde avec intrépidité le coup dont
            il semble que l’on veüille la fraper, elle ne témoigne aussi nulle complaisance pour les
            respects de l’autre qui est à genoux devant elle. Le Dieu d’Amour &amp; celuy de la
            Guerre sont dans cette peinture, parce que c’est dans ces deux occasions où la constance
            éclate davantage, &amp; rien ne la met à de plus difficiles épreuves que les peines de
            l’Amour &amp; les dangers de la Guerre. Mais cette vertu sort toûjours victorieuse de
            tous les deux. Si les Histoires feintes, je veux dire les Romans, nous donnent de fameux
            exemples de l’un, l’Histoire veritable de nostre incomparable Monarque nous fournit de
            grandes épreuves de l’autre, en nous faisant voir un Roy qui par sa fermeté triomphe de
            tant de Puissances unies contre la sienne.</p>
          <p>Je suis ravy, Monsieur, d’avoir eu cette occasion de vous témoigner en particulier ma
            reconnoissance pour les présens que vous faites au Public. C’est une obligation à
            laquelle tout le monde doit prendre part, puis qu’il n’y a personne qui ne profite de
            vostre travail. Il est dans une approbation generale, &amp; vous pouvez vous assurer
            d’avoir celle de tous les honnestes Gens de ce païs. Vostre Livre y est lû avec bien du
            plaisir. S’il s’y fait quelque chose qui mérite de vous estre mandé, j’auray soin de
            vous en faire part. Cependant soyez persuadé que parmy tous ceux qui ont pour vous
            l’estime qui vous est deuë, il n’y en a point qui ait une plus forte inclination que moy
            à estre, &amp;c.</p>
          <p>D.L.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_145" resp="mercure">
        <head>Lettre XX. Illustrissimo signore</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 145-147.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XX.</label>
          <label rend="center">Illustrissimo Signore.</label>
          <p>Vengono in queste parti di Toscana portate sulle ale del Mercurio Galante le glorie del
            suo Autore, il di cui fertile ingenio come partorisce ogni mese tanti gratiosi
            ragguaglij, ne nascono ancora al suo merito infiniti ammiratori tanto piú che
            maggiormente si accresce in noi il desiderio di haverlo, che si vedono in esso piu
            distinte le relationi de gloriosi successi dell’ Invittissimo Re dé Galli, che tiene
            hormai arrolata sotto li suoi stendardi la Vittoria per rendersela inseparabile dalle
            sue armi, onde possa dirsi naturalizzata Francesce, che se da ci„o ne risalta nelli
            nostri animi un contento estremo, vien’ ancora accompagnato dal gusto che proviamo da
            quei scherzi di spirito, di che è ripieno tanto in Versi che in Prosa, &amp; fra
            gl’altri dalle ingeniose Enimme che ei propuone &amp; particolarmente quella del primo
            Giorno di quest’ anno, il dit cui senso è al mio parere l’Academia Francese de Belli
            Spiriti, composta di quaranta huomini, che sono tanti Heroi letterati che possono tener
            i primi luoghi sul Parnasso &amp; publicar la fama delle Muse Francesi. Ma perche le
            Muse Italiane non siano gelose di tanti applausi, vuol bene eh’jo li mandi questo
            Sonetto de loro parte, per non voler essere loro mute in cosi belle occasione, venendo à
            comparire alla Francese per esser meglio accolte dal Mercurio &amp; essendoselu jo de
            piú partiali di vero cuore le faccio riverenza &amp; mi sotto scrivo. Di V.S.
            Illustrissima.</p>
          <p>Devotissimo Servitore</p>
          <p>vero,</p>
          <p>LO SCONOSCIUTO.</p>
          <label rend="center">Les Muses</label>
          <label rend="center">italiennes,</label>
          <label rend="center">aux Muses</label>
          <label rend="center">françoises.</label>
          <lg>
            <l>MUses, qui joüissez d’une heureuse abondance,</l>
            <l>Pour fournir de matiere à vos accens divers,</l>
            <l>Depuis que le Mercure a pris naissance en France,</l>
            <l>Vous allez de vos chants remplir tout l’Univers.</l>
          </lg><lg>
            <l>Quoy, faudra-t-il toûjours vous prêter audience ?</l>
            <l>Ne sçauroit-on avoir de part en vos Concerts ?</l>
            <l>Le Parnasse n’est pas le sejour du silence,</l>
            <l>Il faut bien aujourd’huy que nous meslions nos Airs.</l>
          </lg><lg>
            <l>Nostre méthode plaist, elle est tendre &amp; polie ;</l>
            <l>Mais pour ne point troubler vostre douce harmonie,</l>
            <l>Nous prendrons vos accens pour mieux unir nos voix ;</l>
          </lg><lg>
            <l>Et nous partagerons par des accords de même</l>
            <l>Avec vous le plaisir que vous sentez extrême,</l>
            <l>De chanter que LOUIS est le plus grand des Roys.</l>
          </lg>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_149" resp="mercure">
        <head>Lettre XXI</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 149-151.</bibl>
        <quote><label rend="center">Lettre XXI.</label>
          <p rend="i">À Paris. </p>
          <p>APres avoir consideré vos Enigmes, j’ay crû, Monsieur, que la premiere ne signifie
            autre chose que cet illustre &amp; sçavantissime Corps de <hi rend="i">l’Académie
              Françoise</hi>, composé de quarante doctes Chefs de diverse qualité, sçavoir, Ducs
            &amp; Pairs, Evesques, Presidens, Conseillers, Ecclesiastiques, &amp; Gens d’épée. Si
            j’ay deviné le Mot, il suffira pour moy ; J’auray le plaisir de voir les belles
            Explications que les Sçavans vous en auront données. Je trouve que la seconde Enigme
            nous cache <hi rend="i">le Soleil</hi>. Je vous en donne l’Explication en ce Sixain.</p>
          <lg>
            <l><space/>L’Enigme qu’un beau Quatrain fonde,</l>
            <l>Cache sous un nuage un Astre sans pareil,</l>
            <l><space/>Assurément c’est le Soleil,</l>
            <l>Qui sans vie, &amp; bien loin des quatre parts du Monde,</l>
            <l>D’un mouvement reglé poursuit son premier cours.</l>
            <l>Quoy que sans vouloir voir, il regarde toûjours.</l>
          </lg>
          <p>Ou si vous aimez mieux ces quatre Vers.</p>
          <lg>
            <l><space/>Vostre Quatrain Enigmatique</l>
            <l>Cache comme un nuage un Astre sans pareil.</l>
            <l><space/>Si j’en croy l’Esprit Prophétique,</l>
            <l>Au travers des broüillards j’apperçoy le Soleil.</l>
          </lg>
          <p>L’Enigme en figure m’a embarassé. Je l’ay laissé à de plus habiles Gens que moy. J’en
            ay toutefois tiré une Explication que je me suis contenté de communiquer à quelques-uns
            de mes Amis, en attendant que vous nous en disiez le secret. Je suis, &amp;c.</p>
          <p rend="sc">Desnes. </p></quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_152" resp="mercure">
        <head>Lettre XXII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 152-154.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XXII.</label>
          <p rend="i">À Paris. </p>
          <p>IL y a deux jours, Monsieur, que je pris la liberté de vous écrire un Billet, où je
            vous disois ma pensée sur l’Enigme en taille douce de vostre dernier Mercure. Depuis ce
            temps-là j’ay lû une seconde fois celles que vous y proposez en Vers, &amp; si je ne me
            trompe, plus heureusement que la premiere, puis que j’en ay trouvé les Mots. Ce sont <hi
              rend="i">l’académie</hi> &amp; <hi rend="i">le Coq d’un Clocher</hi>. Elles sont si
            justes &amp; si claires, qu’elles n’ont pas besoin d’explication, &amp; je m’étonne
            comment elles ne m’ont point sauté d’abord aux yeux. Il faut pourtant que vous
            permettiez à ma Muse familiere de s’égayer un peu, &amp; de vous dire à sa façon ce
            qu’elle en pense.</p>
          <lg>
            <l><space/>Cette Enigme est l’Académie</l>
            <l>Où le Mérite met les petits &amp; les grands :</l>
            <l>Comme elle est en tous lieux chere aux habiles Gens,</l>
            <l><space/>L’Ignorance est son ennemie.</l>
          </lg><lg>
            <l>Ses Membres sont au nombre de quarante,</l>
            <l>Qui bien que différens, forment un mesme Corps,</l>
            <l>Et qui font mieux que la Troupe sçavante</l>
            <l>Connoistre les Vivans, &amp; revivre les Morts.</l>
          </lg><lg>
            <l>De nostre Langue elle est l’Arbitre Souveraine ;</l>
            <l><space/>    Aussi LOUIS la traite-t-il en Reyne,</l>
            <l><space/>    Il la soûtient par ses bienfaits,</l>
            <l>Et pour comble d’honneur, la place sous le Dais.</l>
          </lg><lg>
            <l>D’Arles &amp; de Soissons elle se dit la Mere ;</l>
            <l>Mais quoy qu’elle ait donné mille Ouvrages divers,</l>
            <l>Qu’on admire par tout &amp; sa prose &amp; ses Vers,</l>
            <l>Elle n’a pas encor achevé sa Grammaire.</l>
          </lg>
          <p>Je vous donne le bonjour, Monsieur, &amp; suis, &amp;c.</p>
          <p rend="sc">L’Abbé Droüyn. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_154" resp="mercure">
        <head>Lettre XXIII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 154-162.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XVIII.</label>
          <p>JE suis l’Homme du monde le plus malheureux, Monsieur. J’ay une envie prodigieuse de me
            faire imprimer, &amp; je n’en sçaurois venir à bout. Je m’estois donc donné l’honneur de
            vous écrire une grande Lettre il y a trois semaines, où je vous demandois un peu
            d’Immortalité ; mais je n’en ay point reçeu, quoy que pourtant j’en aye attendu jusqu’à
            l’arrivée de vostre Mercure où je ne me suis point veu. Cela, comme vous pouvez croire,
            m’a jetté dans une fort grande consternation, car je m’estois flaté de l’espérance
            d’estre bientost M<hi rend="sup">r</hi> l’Autheur, &amp; formant mille projets
            là-dessus, j’avois commencé à renoncer à mes anciennes connoissances, parce que je ne
            voulois plus voir que les Gens à Stances, Sonnets, Madrigaux, &amp; le reste. J’ay esté
            vilainement trompé, &amp; je me trouve obligé de demeurer encor dans la foule, ou de
            n’avoir point du tout d’Amis. Tirez-moy de détresse, je vous en suplie, Monsieur. Faites
            dire un mot pour moy à vostre Mercure. Je ne veux que cela pour m’ériger en Bel Esprit,
            &amp; je suis assuré qu’on ne verra pas plutost mes Ouvrages avec ceux de l’incomparable
            Madame des Houlieres, &amp; les grands Poëtes M<hi rend="sup">rs</hi> de Fontenelle
            &amp; Ferrier, que sans autres preuves de ce que je vaux, on me viendra rendre visite
            comme à un Homme extraordinaire, &amp; pour me faire plaisir, aussitost on mettra le
            Mercure sur le tapis. Les uns dirons que ce que j’ay fait emporte le prix par dessus le
            reste. Les autres qui voudront paroistre plus raffinez, loüeront mon Ouvrage, faisant
            semblant d’ignorer qu’il soit de moy. Alors un Amy aposté, dira, <hi rend="i">C’est
              Monsieur</hi>, en me montrant au doigt, <hi rend="i">qui a fait cela</hi>. Et l’autre
            répondra ; <hi rend="i">Quoy, c’est Monsieur ? Ah, je n’en sçavois rien. Ainsi mes
              loüanges ne doivent point paroistre suspectes, &amp; c’est un simple effet du mérite
              de la Piece</hi>. Toutes ces belles choses, Monsieur, sans celles que je ne dis pas,
            ne valent-elles pas bien la peine que vous prendrez de faire mettre mes petites
            badineries dans vostre Livre ? Je vous en envoy une. Je ne sçay comment l’appeller, car
            elle tient un peu de l’Elegie. Aussi avois-je d’abord résolu d’en faire une, &amp; pour
            cet effet je m’estois un peu attendry contre mon ordinaire ; &amp; m’imaginant que
            j’estois hay de ma Maistresse, que je nommois Iris (ce qui est un vray conte, car je
            n’ay jamais esté amoureux depuis que j’ay l’honneur de me connoistre) j’avois commencé
            là-dessus d’un ton plaintif ; mais quand je fus au 7. ou 8. Vers, comme je n’avois pas
            un grand fond de douleur, les tendres sentimens disparurent aussitost. Je suivis ma
            pente naturelle, qui est de badiner, de sorte que je réduisis ce que j’avois fait dans
            une espece de Stances, si cela peut avoir ce nom-là ; en tout cas, Monsieur, vous en
            serez le Parrain, &amp; vous pourrez l’appeller comme il vous plaira. Je leur souhaite à
            ces pauvres Enfans de mon Esprit, plus de prosperitez qu’à leurs aisnez, qui se sont
            perdus pour n’avoir pas sçeu vostre adresse. S’ils se pouvoient trouver chez le Maistre
            de la Psote, je donnerois bien quelque chose, &amp;qu’on allast les y chercher, car
            j’aurois bien de la joye de voir toute ma petite famille ensemble. Je condamne pourtant
            celuy qui se nomme <hi rend="i">la Parque</hi>, à estre jetté au feu, pour avoir osé,
            luy indigne, loüer le plus grand Roy du Monde. Pour son grand Frere qui l’a accompagné,
            à la bonne heure, qu’on le voye, pourveu qu’il parle plus juste une autre fois, &amp;
            qu’il dise,</p>
          <lg>
            <l>Que l’on grave son No où le leur le sera,</l>
          </lg>
          <p>&amp; non pas,</p>
          <lg>
            <l>Que son Nom soit gravé où le leur le sera.</l>
          </lg>
          <p>Mais parlons d’autre chose. Vostre derniere Enigme me paroist si difficile, que si
            j’estois Juge, je croy que je ferois mourir celuy qui la devineroit, comme estant
            Sorcier. Pour moy, je me rends. Je ne sçay ce que c’est. J’espere que vous nous en
            instruirez bientost. J’attens vostre Mercure prochain avec grande impatience. Les autres
            m’avoient bien mis en goust, mais le dernier m’a achevé, c’est…. Mais arrestez-vous, ma
            plume, on ne m’imprimeroit point, si vous écriviez des loüanges ; &amp; de peur de
            n’estre pas maistresse de vous-mesme, finissez viste, &amp; dites à l’Autheur du Mercure
            que je suis plus que personne son tres, &amp;c.</p>
          <p>L.</p>
          <p>Je croyois, Monsieur, vous envoyer mes prétenduës Stances ; mais comme je ne sçay
            presque ce que c’est que faire des Vers, elles ont un certain goust de Prose que je n’ay
            pû souffrir, &amp; qui m’empesche de vous les faire voir. J’ay mis en leur place un
            petit Inpromptu que je viens de faire, par lequel des Gens qui ne me connoistroient pas,
            jureroient que je suis amoureux. Le voicy, Monsieur. Si vous le jugez à propos, vous le
            mettrez en quelque coin de vostre Mercure.</p>
          <lg>
            <l>De toutes les autres Bergeres</l>
            <l>Helas que me sert l’amitié ?</l>
            <l>Leurs douceurs pour moy sont ameres,</l>
            <l>Et je me ris de leur pitié.</l>
            <l>Rien ne peut soulager ma peine,</l>
            <l>Que la cruelle Célimene ;</l>
            <l>Mon mal fut sa seule rigueur,</l>
            <l>Mon seul remede est la douceur.</l>
          </lg>
          <p>Mon dessein estoit de faire noter ces Vers ; mais comme j’aurois peut-estre esté trop
            longtemps sans les donner au Public, j’ay crû les devoir mettre icy, de crainte que si
            un galant Homme mouroit, on n’imputast sa mort au chagrin de n’avoir pas esté
            imprimé.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_163" resp="mercure">
        <head>Lettre XXIV</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 163-166.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XXIV.</label>
          <p rend="i">À Lyon. </p>
          <p>PUis que les Enigmes du Mercure exercent si agreablement l’Esprit, je ne puis vous
            cacher, Monsieur, le plaisir que j’ay reçeu à chercher le sens de celle du Mois de
            Janvier, qui m’a paru fort spirituelle. Il me semble qu’on peut l’appliquer assez
            justement à <hi rend="i">l’Académie Françoise</hi>. Vous en jugerez par les Vers
            suivans. Je seray peut-estre plus heureux dans cette Explication, que je ne le fus dans
            celle de l’Enigme des Conféderez, qui n’eut pas le bonheur d’aller à vous. Ce n’est pas
            que je prenne à cœur un silence qui ne pouvoit estre qu’avantageux aux petits Ouvrages
            que je vous envoyois ; mais je ne me console pas d’en estre encor réduit à vous assurer
            que je suis vostre, &amp;c.</p>
          <p rend="sc">Da… </p>
          <label rend="center">Explication de l’Enigme du Mois de Janvier 1678.</label>
          <l>Je suis cette fameuse &amp; sage Académie,</l>
          <l>Sur qui du beau Parler la grace est affermie.</l>
          <l>Des Quarante Sçavans qui composent mon Corps,</l>
          <l>En faveur du bon sens, j’assemble les efforts.</l>
          <l>Le langage poly qui brille dans leur bouche,</l>
          <l>De l’antique François a banny l’air farouche,</l>
          <l>Et de mon noble Employ l’illustre autorité</l>
          <l>Dans les Mots que j’admets choisit la pureté.</l>
          <l>De Gens de tous états dignement occupée,</l>
          <l>J’ay l’éclat de la Plume, &amp; celuy de l’Epée,</l>
          <l>Et l’on voit dans ce rang des Esprits les plus beaux,</l>
          <l>Présidens, Cordons bleus, Evesques, Cardinaux.</l>
          <l>Ce Grand chez qui souvent j’annonce mes Oracles,</l>
          <l>C’est l’auguste LOUIS, cet amas de Miracles,</l>
          <l>Qui d’un heureux concours fait admirer en soy</l>
          <l>Le Modelle parfait d’un Héros &amp; d’un Roy.</l>
          <l>J’appelle mes Enfans ces celebres Ouvrages</l>
          <l>Qui de tous les Sçavans s’attirent les suffrages,</l>
          <l>Et qui peuvent prétendre au droit de tout charmer,</l>
          <l>Aussitost qu’une fois j’ay pû les estimer.</l>
          <l>Les deux Filles que j’ay, l’une c’est l’Eloquence,</l>
          <l>L’Autre est l’Art de Rimer avecque bienséance :</l>
          <l>Dans ces deux beaux talens je sçay me signaler,</l>
          <l>Quoy que j’en sois encor à l’Art de bien parler.</l>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_167" resp="mercure">
        <head>Lettre XXV</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 167-172.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XXV.</label>
        </quote>
        <p>Fragment d’une Lettre de Richelieu, dans laquelle il est marqué que plusieurs Dames de
          cette magnifique Ville ont deviné les Enigmes de l’Académie Françoise &amp; du Coq. Voicy
          ce qui suit &amp; ce que cette Lettre en dit.</p>
        <quote>
          <p>POur l’Estampe, on luy donne icy plusieurs sens. Les uns veulent que ce soit <hi
              rend="i">la Triple Alliance étonnée</hi> ; les autres, <hi rend="i">la Jalousie</hi> ;
            &amp; les autres, <hi rend="i">la Paix</hi>. Mais pour moy,</p>
          <lg>
            <l><space/><space/>        Quand le tout en un point j’assemble,</l>
            <l><space/><space/>        Dedans cette Enigme il me semble</l>
            <l><space/>    Apercevoir le Depart de mon Roy,</l>
            <l><space/><space/>        Dont les apprests cette Campagne</l>
            <l><space/><space/>        Jettent la terreur &amp; l’effroy</l>
            <l><space/><space/>        Dans la Holande &amp; dans l’Espagne,</l>
            <l><space/>        On nous les peint dans ce Tableau</l>
            <l><space/><space/>        Par ces deux Femmes étonnées</l>
            <l><space/><space/>        Que ce Héros de son Marteau</l>
            <l><space/><space/>        Etourdit toutes les Années ;</l>
            <l><space/><space/>        Car enfin ce Roy glorieux,</l>
            <l><space/>    Quand une fois à partir il s’apreste,</l>
            <l><space/><space/>        Leur donne à tous martel en teste,</l>
            <l><space/><space/>        Et les fait trembler en tous lieux.</l>
            <l><space/><space/>        Mais l’Amour voyant que la Guerre</l>
            <l>Soustrait à son Empire un grand nombre d’Amans,</l>
            <l>Tend à mon Roy les mains, &amp; craignant son tonnerre,</l>
            <l>Luy demande la Paix avec mille agrémens.</l>
          </lg><lg>
            <l><space/><space/>        Il auroit pû toucher le cœur</l>
            <l><space/><space/>        De ce redoutable Vainqueur,</l>
            <l>Sans l’obstination ce l’Espagne oprimée,</l>
            <l>Qui ne pouvant dompter son effroyable orgueil,</l>
            <l><space/><space/>        Conserve encor pres du Cercueil</l>
            <l><space/><space/>        Sa vaine gloire accoûtumée.</l>
            <l>Ainsi l’Amour tout nu, sans Armes, sans Carquois,</l>
            <l>A beau pleurer, gémir, crier à haute voix,</l>
            <l><space/><space/>        Mon Prince est sourd à tous ses charmes ;</l>
            <l><space/><space/>        Et jettant l’œil sur le Dieu Mars,</l>
            <l>Charmé de sa posture, il suit ses Etendards,</l>
            <l>Et fiérement méprise &amp; l’Amour &amp; ses larmes.</l>
          </lg>
          <p>Nous verrons dans le Tome de ce Mois, si <hi rend="i">le Depart du Roy</hi> est le vray
            sens de l’Enigme du Tableau. Je l’attens avec impatience, &amp; suis vostre, &amp;c.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_170" resp="mercure">
        <head>Lettre XXVI</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 170-176.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XXVI.</label>
          <p>Je vous écris d’une Ruelle où vous ne sçauriez croire combien l’on parle de vous.
            Vostre Mercure, Monsieur, est un Homme si galant &amp; si genéreux, que vous ne devez
            pas vous étonner qu’il vous fasse regner dans des Provinces éloignées. En effet, de vous
            dire que vostre Livre soit le divertissement de tout le monde, c’est ce que vous sçavez
            déjà ; mais il faut vous dire plus, c’est une partie si essentielle à nous plaisirs, que
            nous ne sçaurions nous en passer ; &amp; je suis chargé particulierement d’une
            tres-belle Compagnie, de vous en faire compliment, de vous conjurer de continuer
            toûjours ce qu’elle appelle sa consolation. L’on n’est jamais trop assuré de ce qui
            plaist ; &amp; pour y contribuer, je sçay qu’il ne tient pas à celles de qui je parle
            d’avoir chacune une demy-douzaine d’Avantures. Vous voyez, Monsieur, par là, le bruit
            que vous faites dans nos Provinces. L’on attend le Mercure comme l’on attend son Revenu.
            Quand on le tient, on le lit tout d’une haleine ; on le relit cinq ou six fois ; on ne
            saute pas une ligne ; tout y plaist, &amp; sur tout vos Enigmes. Elles attachent
            extrémement, &amp; moy qui m’y applique avec plaisir, je suis bien aise de vous en dire
            ma pensée. Je suis bien trompé si la premiere est autre chose que <hi rend="i"
              >l’Académie Françoise</hi>. La seconde est une <hi rend="i">Giroüette</hi> ; Et pour
            la troisiéme en figure, je vous avouë que je ne l’ay pas devinée. Mais ce bel endroit de
            vostre Lettre n’est pas le seul qui aye plû à nostre belle Assemblée. <hi rend="i">Le
              Ruisseau &amp; les Prairies</hi> ont touché particulierement une jeune Personne tout
            esprit &amp; toute beauté, qui témoigna qu’elle auroit bien du plaisir si elle voyoit
            leur Diférent terminé. On jetta les yeux sur une jeune Poëte, qui apres s’estre défendu
            quelque temps, fut enfermé dans un Cabinet, où il fit les Vers que voicy.</p>
          <label rend="center">Le Diférend</label>
          <label rend="center">des Prairies</label>
          <label rend="center">terminé.</label>
          <lg>
            <l><space/><space/>        Ma foy, je vous trouve admirables,</l>
            <l><space/><space/>        Prairies, qui que vous soyez,</l>
            <l><space/><space/>        De nous venir conter des Fables</l>
            <l><space/><space/>        Dans les Vers que vous employez.</l>
            <l>Il semble que Ruisseau ne peut couler sans crime,</l>
            <l><space/><space/>        S’il ne vous aime éperdûment,</l>
            <l><space/><space/>        Et cependant dans son estime</l>
            <l>Je sçay que vous n’entrez que fort legerement.</l>
          </lg><lg>
            <l>L’une fait la Maistresse, &amp; l’autre la Rivale ;</l>
            <l><space/>    Pour celle-là Ruisseau s’est égaré,</l>
            <l><space/><space/>        Et sur un ton énamouré</l>
            <l><space/>    Elle luy fait compliment pour régale.</l>
            <l><space/>    L’autre jalouse &amp; pleine de dépit,</l>
            <l><space/><space/>        Prétend s’attirer le crédit,</l>
            <l>Quoy que pour toutes deux la chance soit commune,</l>
            <l><space/>    Car ce Ruisseau ne vous aima jamais,</l>
            <l><space/><space/>        Et jamais semblable fortune</l>
            <l><space/><space/>        N’a dû s’attirer vos souhaits.</l>
          </lg><lg>
            <l>Mais pour qui donc couler, direz-vous en colere ?</l>
            <l><space/><space/>        Ruisseaux sont-ils indifférens ?</l>
            <l><space/><space/>        Sont-ils comme ces fiers Torrens</l>
            <l><space/><space/>        Qui ne coulent que pour mal faire ?</l>
            <l>Eh vrayment non, ils aiment comme nous,</l>
            <l>Ou bien si vous voulez, ils aiment comme vous,</l>
            <l><space/>    Et celuy-cy ne sort de sa taniere</l>
            <l><space/><space/>        Que pour une belle Riviere.</l>
          </lg><lg>
            <l><space/><space/>        Ainsi pendant que vainement</l>
            <l><space/><space/>        Vous en disputez la conqueste,</l>
            <l>Ce Ruisseau qui s’est mis une autre amour en teste,</l>
            <l><space/><space/>        Rit &amp; s’échape promptement.</l>
            <l><space/><space/>        Il court à sa belle Maistresse,</l>
            <l><space/><space/>        Qui luy fait accueil, le reçoit</l>
            <l>Comme un Aant digne de la tendresse</l>
            <l>Qu’à qui sçait bien aimer une Maistresse doit.</l>
            <l><space/><space/>        Ils se meslent, ils s’entrelassent,</l>
            <l><space/><space/>        Ils se caressent, ils s’embrassent,</l>
            <l><space/>        Et vont dormir sous un Berceau</l>
            <l><space/><space/>        Formé de jonc &amp; de bruyere :</l>
            <l>Ainsi cette Riviere aime son cher Ruisseau,</l>
            <l><space/><space/>        Le Ruisseau sa Riviere,</l>
            <l>Et toûjours le Ruisseau la Riviere aimera,</l>
            <l><space/><space/>        Tant que Riviere elle sera.</l>
          </lg>
          <p>Nous avons trouvé dans ces Vers beaucoup de génie, &amp; un caractere si aisé, que nous
            avons esté bien aise de vous les envoyer. Toute la Compagnie vous prie de les recevoir,
            &amp; moy en particulier, qui suis vostre, &amp;c.</p>
          <p>D***</p>
          <p rend="i">À Lyon le 12. Fevrier, &amp; du </p>
          <p rend="i">Mercure le Tome II. 1678. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_176" resp="mercure">
        <head>Lettre XXVII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 176-181.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XXVII.</label>
          <p rend="i">À Lyon. </p>
        </quote>
        <p>C‘est de l’Enigme des Conféderez qu’il est parlé dans cette Lettre.</p>
        <quote>
          <p>AVoüez-le, monsieur. Vous vous estes flaté de pouvoir dépaïser nos Provinciales, en les
            conduisant d’un plein saut de l’Alphabet aux recherches de la Philosophie. Vous n’avez
            pas fait sans-doute refléxion, que depuis que M<hi rend="sup">r</hi> de Lesclache est
            venu dans nostre Ville, nous sommes toutes devenuës sçavantes, au grand chagrin mesme de
            la plûpart de nos marys, qui à peine en sçavent autant que nous. Il ne faut pourtant pas
            faire les fines. Avec toute nostre érudition, nous avons eu quelque peine à donner dans
            le sens de vostre Enigme ; &amp; si nous avons esté assez heureuses pour penétrer
            dedans, ç’a esté par une avanture semblable à celle de ce Peintre, qui par hazard
            réüssit merveilleusement à representer l’écume d’un Cheval, en jettant le dépit de son
            Pinceau contre sa Toille, apres avoir longtemps essayé inutilement à la peindre suivant
            la force de son idée. Vous jugerez si le desespoir nous aura esté aussi heureux, quand
            nous aurons dit que la plus spirituelle de nous ne pouvant souffrir la raillerie d’une
            de ses Compagnes, qui luy reprochoit que son bel Esprit luy manquoit bien au besoin,
            puis qu’elle ne pouvoit répondre à vostre défy, est entrée dans une colere qui l’a fait
            sauter aux nuës. S’estant trouvée tout-à-coup sur ces Chariots volans, elle n’a pas crû
            en devoir descendre sans avoir examiné si elle ne découvriroit point dans ce Païs toutes
            les convenances qui sont renfermées dans vostre Enigme.</p>
          <p>Il luy semble que <hi rend="i">le Nuage</hi> est véritablement ce vaste Corps qui a
            plus de bras que le fabuleux Briarée, avec lequel il couvre plusieurs Provinces.</p>
          <p>Les parties de ce Corps rejoüissent extrémement la veuë, quoy qu’elles soient sans
            proportion ; &amp; leur irrégularité paroist d’autant plus agreable, qu’elle est plus
            éclairée contre l’ordinaire des autres beautez.</p>
          <p>La grandeur &amp; l’épaisseur de ce Corps en fait la foiblesse, puis qu’il cesse de se
            pouvoir soûtenir en l’air quand il est fort épais. Sa chute est souvent accompagnée des
            frayeurs du Tonnerre.</p>
          <p>Ses parties s’unissent en s’entrechoquant par l’impétuosité des vents : elles se
            séparent quelquefois sans douleur, &amp; se rejoignent quand il leur plaist.</p>
          <p>Enfin le Soleil &amp; la Foudre, dont l’un en est le Pere, &amp; l’autre l’Enfant,
            deviennent son plus cruel ennemy, puis que l’un par ses rayons les dissout, &amp; que
            l’autre luy déchire les entrailles qui luy ont donné naissance.</p>
          <p>Si nostre Explication est mal pensée, nous serons étonnées comme si nous estions
            tombées des nuës : mais enfin, Monsieur, le Roy vous a donné le privilege de tourmenter
            quelquefois la cervelle des Dames qui se piquent d’esprit.</p>
          <p>Si quelques-unes en souffrent, il est d’un grand secours aux autres, à qui il fait
            passer tous les Mois une couple d’heures le plus agreablement du monde. Nous nous
            engagerions volontiers à en faire l’éloge, si son débit extraordinaire n’y réüssissoit
            beaucoup mieux que ne pourroient faire les Ecolieres d’Apollonius, qui sont toutes vos
            tres-humbles Servantes.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_181" resp="mercure">
        <head>Lettre XXVIII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 181-183.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XXVIII.</label>
          <p rend="i">D’un Village entre Tours &amp; Saumur, ce 14. Fevrier 1678. </p>
          <p>JE suis peut-estre, Monsieur, la premiere Fille de Village qui vous aye écrit, de mesme
            que je crois estre la premiere qui ait entrepris d’expliquer les Enigmes que vous mettez
            dans vos Mercures. Je vous assure que j’y ay toûjours réüssy, à l’exception de celle du
              <hi rend="i">Trictrac</hi> dont je ne pûs penétrer le sens. J’ay toruvé l’Illustre
            Corps de <hi rend="i">Messieurs de l’Académie Royale des Beaux Esprits</hi> dans la
            premiere de vostre dernier Mercure. Tout y vient si juste, qu’il ne se peut rien de
            mieux. Pour la seconde Enigme, elle est trop élevée pour moy, &amp; j’avoüe de bonne-foy
            que je ne suis pas si hardie que la Belle à qui le Public la doit. Celle qui est en
            figure doit estre reservée aux Sçavans, &amp; j’attens le Mois de Fevrier pour sçavoir
            sans peine ce que toutes mes resveries me pourroient faire découvrir. J’avois résolu de
            vous faire part d’une petite Histoire arrivée dans nostre Village depuis quinze jours ;
            mais apres l’avoir écrite, j’ay eu des raisons pour la suprimer. Ce n’a pas esté sans
            chagrin, puis que je me vois privée par là du plaisir de vous rien envoyer, à moins que
            je ne sçeusse que des Fruits de nostre incomparable Païs seroient bien reçeus de
            l’Autheur du Mercure Galant, à qui je suis tres-humble Servante.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_184" resp="mercure">
        <head>Lettre XXIX</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 184-185.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XXIX.</label>
          <p>PUis que vous estes le grand Océan où se viennent rendre les Fleuves &amp; les
            Ruisseaux, pour estre derechef rendus à toute la Terre, &amp; que vous recevez des
            Matereaux de toutes parts, pour en dresser tous les Mois un Edifice agreable aux yeux
            des Curieux, vous ne rebuterez pas, Monsieur, ce qui peut vous venir de la Marne, &amp;
            ce que quelque petit coin de la Champagne pourroit vous fournir de propre à vos
            Ouvrages. L’Avanture arrivée nouvellement en ces Quartiers, &amp; dont je vous envoye
            les Memoires, a semblé digne à plusieurs d’y avoir place, &amp; c’est ce qui m’a fait
            vous l’envoyer. Si vous jugez qu’elle mérite de tenir quelque rang dans le Mercure, je
            vous l’abandonne absolument, &amp; suis, &amp;c.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_185" resp="mercure">
        <head>Lettre XXX</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 185-191.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XXX.</label>
          <p rend="i">À Châlons sur Saône. </p>
          <p>COmme il n’y eust peut-estre personne en France qui ressentit plus de chagrin que moy
            de l’interruption du Mercure Galant en 1673. il n’y a personne aussi, Monsieur, qui ait
            reçeu plus de joye du rétablissement d’un Dessein qu’on ne doit pas estimer moins
            profitable que galant. L’utilité de vostre Ouvrage se découvre, &amp; paroist mesme plus
            grande de jour en jour. Vous ne sçauriez croire combien la lecture de ce Livre a
            déroüillé &amp; déroüille tous les jours d’Esprits dans les Provinces. On se raffine
            insensiblement le goust en examinant les beautez des Pieces choisies que l’on y trouve ;
            &amp; les Esprits se subtilisent par les divers tours qu’ils sont obligez de se donner
            pour trouver le Mot d’une Enigme. Le mien ne s’est pas employé inutilement à cette
            recherche. Plusieurs de mes Amis me sont témoins que je devinay le <hi rend="i"
              >Trictrac</hi> &amp; la <hi rend="i">lettre V</hi> ; &amp; le dixiéme Tome du Mercure
            que nostre Libraire reçeut seulement hyer vient de m’apprendre que j’avois aussi trouvé
            le Mot de l’Enigme du neuviéme, en disant que c’estoit <hi rend="i">l’Armée
            Ennemie</hi>. Ceux en présence de qui j’avois trouvé ce Mot vers le milieu du Mois
            passé, m’ont felicité de ce que j’estois si heureusement tombé dans la pensée d’un aussi
            grand Homme que Monsieur le Duc de S. Aignan ; &amp; je vous assure, Monsieur, que cela
            ne m’a pas causé une joye médiocre. Je ne sçay si je seray aussi heureux dans
            l’Explication de celle du dixiéme Tome. Du moins elle m’a cousté plus de méditation que
            les trois précedentes, car je devinay le <hi rend="i">Trictrac</hi> à la premiere
            lecture de l‘Enigme, &amp; <hi rend="i">l’Armée Ennemie</hi> à la seconde ; au lieu
            qu’il m’a fallu repasser sur celle-cy plus de douze fois avec attention, avant que d’y
            pouvoir appliquer un Mot, encor n’osay-je m’assurer que ce Mot soit le veritable, comme
            j’avois fait celuy de cette derniere Enigme, ayant voulu gagner quelque chose de
            considérable, contre un de mes Amis, que le Tome suivant nous apprendroit que j’aurois
            heureusement deviné. Quoy qu’il en soit, Monsieur, je me hazarde à vous dire que le sens
            de l’Enigme dont je vous parle doit estre <hi rend="i">le premier Jour de l’Année</hi>,
            ou si vous voulez, <hi rend="i">le Jour des Etrennes</hi>. Cependant faites-moy la grace
            de ne pas regarder cette Lettre comme d’un Devineur d’Enigmes, mais comme d’un Curieux
            qui a esté bien aisé de se servir de l’Explication bonne ou mauvaise qu’Il vous envoye,
            comme d’une occasion favorable à vous témoigner en son particulier les sentimens de
            reconnoissance, &amp; les obligations que vous doivent avoir toutes les Personnes bien
            nées, pour les soins que vous prenez de satisfaire leur curiosité. Voilà l’essentiel de
            ma Lettre, qui vous assurera de la forte estime que j’ay pour vous, &amp; du zele ardent
            avec lequel je veux estre vostre, &amp;c.</p>
          <p><hi rend="sc">Miconet</hi>, <hi rend="i">Avocat à</hi></p>
          <p rend="i">Châlons sur Saône. </p>
          <label rend="center">Rondeau</label>
          <label rend="center">qui sert d’Explication à l’Enigme</label>
          <label rend="center">du Coq.</label>
          <lg>
            <l>C’est le Coq d’un Clocher. Voyons comment.</l>
            <l>Toûjours en haut il change au premier vent,</l>
            <l>Bien que son Corps n’ait jamais eu de vie ;</l>
            <l>Je tiens l’Enigme, ou du moins en partie,</l>
            <l>Il faut trouver le reste promptement.</l>
          </lg><lg>
            <l>Il a les yeux tantost vers l’Orient,</l>
            <l>Tantost ils sont tournez vers l’Occident,</l>
            <l>Sans que de voir il ait aucune envie,</l>
            <l><space/>C‘est le Coq d’un Clocher.</l>
          </lg><lg>
            <l>Ce que je dis n’est que mon sentiment,</l>
            <l>Il est pemris d’en penser autrement,</l>
            <l>Chacun croira selon sa fantaisie ;</l>
            <l>Mais quoy qu’on pense, ou quoy que l’on me die,</l>
            <l>Je répondray toûjours assurément,</l>
            <l><space/>C’est le Coq d’un Clocher.</l>
          </lg>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_191" resp="mercure">
        <head>Lettre XXXI</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 191-194.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XXXI.</label>
          <p rend="i">De Villedavray. </p>
          <p>J’Avons prins la libarté que de vous récrire ce pety mot de Lettre à cause de vostre
            Marcure. Je l’avons déja ly tras foüas, &amp; j’alons vous dire comman. À celle fin que
            vous le sçachiais. Un gran Monsieu y a environ quatre Moüas, passant par not Lieu pour
            s’en aller à Varsaille, son Carosse rompisit var cheux nous, &amp; en attendis qu’on le
            racommodoit, je le voyains qui liset vostre Marcure. Mais qu’arriva-ty ? Nostre Charron
            ayan mis des chevilles il remonty dans son Carosse avec tant de haste, que parsangué son
            Livre nous demeury. Je le lismes donc parmy nous autres, &amp; je le trouvismes si biau,
            que du depusi j’en ons acheté des autres. Stuila ou ste Prairie au bout de son roulet ne
            dit quasi plus rien, &amp; stuicy que j’avons dont je som tous émarveilé. Ste petite
            Gazette est divartissante, &amp; ce biau gran Comba où stimage est si belle, est queuque
            chose de fort biau. Je le lisions encor Dimanche apres Vespres ; &amp; quand j’en fusmes
            à ces Enimes, chacun tâchy à deviner. Le gran Rubart diset commeça, <hi rend="i">C’est
              un Sapire</hi>. Piarre Malet diset, <hi rend="i">Noufra sn’est pas un Sapire, c’est
              bian putost la Patuisane d’un Gard’ Manche</hi> ; Et à la fin la grosse Margo
            s’approchy afin de deviner à son tour. <hi rend="i">Pargué</hi>, dit-elle, <hi rend="i"
              >les vela bien ampesché, &amp; c’est un Baston de Marichal de France ; parguenne y
              vous creve les yeux. Lé grans Seigneux t-achons-y pas de l’avoir ? &amp; faisons-ty
              pas trambler quan c’est qui sont Marichaux à l’Armée</hi> ? Je disme tant de choses
            sur l’autre que rian pus. Je disme de la Toille à pointure, je disme une grande feüille
            de Papier, &amp; enfin je disme jusqu’à une Enseigne de Paris. C‘est parsangué l’un de
            tout ça, car je nous en maslons queuque foûas, &amp; j’en avons déja deviné une. Je
            n’aurions pas pris la hardiesse que de vous récrire ce mot de Lettre, si ne fut la
            gageure qui est entre Colin la Fosse, &amp; moy Collecteur. Il m’a soûtin que c’estet du
            Papier, &amp; moy que c’est une Enseigne. La gageure est grosse ; vous nous direz par
            vostre parmission quesqu’a gagné. Je vous demandon escuse de l’importunation. Je sçavon
            bian que je ne som pas de vostre égalité, c’est pourquoy je som</p>
          <p rend="i">Vos tres-humbles &amp; tres-obeïssans </p>
          <p><hi rend="i">Serviteurs, Les Païsans, Habi</hi>-</p>
          <p><hi rend="i">tans &amp; Manas de Villedavray</hi>,</p>
          <p rend="i">par les mains du Collecteur. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_195" resp="mercure">
        <head>Lettre XXXII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 195-198.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XXXII.</label>
          <p>PLus on lit vostre Livre, Monsieur, &amp; plus on y remarque de beautez diférentes. Je
            trouve que le Titre est trop particulier pour tant de Sujets qu’il renferme. Il pourroit
            à bon droit estre appellé le Livre universel, non seulement parce qu’il traite de tout
            ce que l’Esprit est capable d’inventer, mais aussi parce qu’il donne des lumieres pour
            mettre en pratique tut ce que la Théorie ne peut executer. Cependant comme ce Titre a
            quelque chose de trop sérieux, &amp; que l’on s’en est déja servy pour la Science
            Universelle, qu’on ne peut mieux trouver que dans le vostre, il semble que celuy de
            l’Art, pour ne pas dire de l’Ecole du beau Monde, seroit celuy qui luy conviendroit le
            mieux ; car où peut-on mieux apprendre la maniere de s’y introduire, que par sa lecture
            qui fait l’entretien des Compagnies ? Les Nouvelles, les Histoires, les Avantures, les
            bonnes Pensées, les Modes, enfin tout ce que la Galanterie peut inventer de plus poly
            &amp; de plus spirituel, tant en Vers qu’en Prose, &amp; où rencontrer tout cela
            ensemble dans un seul Livre.</p>
          <p>En verité, Monsieur, vous avez trouvé un Secret qui est merveilleux ; car on peut dire
            que vous faites aujourd’huy ce que fit autrefois l’Amour du débroüillement du Cahos. Il
            est inutile de vous en parler, c’est une chose que tout le monde sçait ; mais il est
            constant que vous tire les Esprits malgré eux à la découverte des choses dont ils ne se
            seroient peut-estre jamais avisez, &amp; que de grossiers &amp; terrestres vous en
            faites de tres-spirituels.</p>
          <p>Je ne veux point d’autre preuve que les Pieces diferentes que l’on vous envoye, &amp;
            que vous recevez si honnestement, ayant assez d’indulgence pour n’en rebuter aucune ;
            &amp; c’est ce facile accés que vous leur donnez, qui vous pourra un jour faire
            connoistre le profit que vostre Livre fait dans le Monde, &amp; qui a déja fait dire de
            vous, à l’occasion de ce qu’on disoit de Monsieur Baptiste, que comme il avoit rendu le
            Monde Musicien, vous le rendiez tout galant &amp; tout spirituel.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_198" resp="mercure">
        <head>Lettre XXXIII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 198-201.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XXXIII.</label>
          <p rend="i">À Villars en Bourbonnois. </p>
          <p>QUoy que vostre Mercure de Fevrier ait peut-estre déja paru, il n’est pas encor venu
            jusqu’à moy. J’attens, Monsieur, avec impatience, qu’on me l’envoye de Lyon pour y
            apprendre le sens de vos Enigmes. Lors que je vous écrivis de Moulins ce que je pensois
            des deux qui sont en Vers, je n’avois fait aucune refléxion sur celle qui est en
            figure ; mais une belle Dame ayant prétendu que c’estoit <hi rend="i">le Mariage</hi>,
            m’a obligé de luy fournir des Rimes pour expliquer plus agreablement sa pensée. La voicy
            à peu pres.</p>
          <lg>
            <l>Voyez-vous, belle iris, cet Homme si sauvage</l>
            <l><space/><space/>        Qui menace cet Amour ?</l>
            <l><space/>    Vous le connoistrez quelque jour ;</l>
            <l>C’est, si je ne me trompe, oüy, c’est le Mariage.</l>
            <l>Il doit à cet Enfant ses plaisirs les plus doux,</l>
            <l>L’Ingrat, &amp; cependant voyez comme il le frape,</l>
            <l><space/>    Il va l’assommer de ses coups,</l>
            <l><space/>    C‘est merveille s’il en échape.</l>
            <l>La Déesse sa Mere en vain, le croiriez-vous,</l>
            <l>Aux yeux de ce Tyran étale tous ses charmes ;</l>
            <l>Des appas si touchans, ses plaintes, ny ses larmes,</l>
            <l>Ne peuvent du cruel appaiser le couroux.</l>
            <l><space/>    La Nuit, ténébreuse Déesse,</l>
            <l><space/>    Qui préside à cet attentat,</l>
            <l><space/>    En frémit, en est en détresse,</l>
            <l>Et plaint du Dieu mourant le pitoyable état.</l>
            <l><space/>Pallais, qui n’aime que la guerre,</l>
            <l>Du pacifique Enfant voyant la trousse à terre,</l>
            <l>Veut qu’au lieu du Carquois son Casque soit placé,</l>
            <l><space/><space/>    Dés qu’    Amour sera trépassé.</l>
            <l>Mais qu’a-t-elle à la main, cette Déesse fiere,</l>
            <l>À qui tous nos Amans font aujourd’huy la cour ?</l>
            <l><space/>    C’est un Cercueil, c’est une Biere,</l>
            <l><space/>    C’est le Suaire de l’Amour.</l>
            <l>Ainsi Tirsis d’Aminte ayant fait la conqueste,</l>
            <l>Dés qu’Hymen les eut joints, méprisa ses appas.</l>
            <l>Peu de Guerriers ont l’amour dans la teste</l>
            <l><space/>Pendant le regne de Pallas.</l>
          </lg></quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_201" resp="mercure">
        <head>Lettre XXXIV</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 201-204.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XXXIV.</label>
          <p>QUoy que je ne sois pas de S. Maixent en Poitou, &amp; que cette Ville soit fameuse par
            les Histoires qu’on fait de la naïveté de ses Habitans, je n’ay point appréhendé de vous
            écrire de ce lieu-là. On luy fait injustice, j’y connois quantité d’honnestes Gens,
            &amp; vous sçavez, Monsieur, qu’il y en a par tout. J’avois bien un autre sujet de
            craindre, &amp; je l’aurois encor, si parmy tant de jolies choses qui sont dans le
            Mercure, je n’eusse veu que vous y avez aussi mis quelqu’une de celles que je vous ay
            envoyées. En verité, Monsieur, je ne puis avoir trop de reconnoissance du soin que vous
            prenez de me tirer de l’obscurité où je passe ma vie, &amp; je vous en remercie de tout
            mon cœur. Vous m’avez appris que je ne suis pas le seul qui ait crû que <hi rend="i">la
              Mode</hi> pouvoit estre le Mot de l’Enigme du dixiéme mercure. J’ay veu &amp; leu fort
            legérement &amp; à la haste celles du dernier, &amp; je ne me suis aresté qu’à la
            seconde dont je me suis souvenu, parce qu’elle n’est que de quatre Vers. Voicy ce que
            j’en pense.</p>
          <lg>
            <l><space/>    Quand la Nuit de ses sombres voiles</l>
            <l><space/><space/>        Couvre les objets du Jour,</l>
            <l><space/><space/>        Le Ciel tout brillant d’Etoilles</l>
            <l><space/><space/>        Fait mieux remarquer son tour,</l>
            <l><space/><space/>        Et dans sa vaste carriere</l>
            <l><space/><space/>        Tout remply de majesté,</l>
            <l><space/><space/>        Il a plus de lumiere,</l>
            <l><space/><space/>        Il a plus de beauté.</l>
            <l>C‘est alors qu’on le voit tel que Vernon le chante,</l>
            <l><space/>        Et nous le represente ;</l>
            <l>C‘est alors que du Ciel on dit ces veritez ;</l>
            <l><hi rend="i">Jamais par luy plus bas lieux ne furent habitez</hi>,</l>
            <l><hi rend="i">Son Corps est agissant sans vie</hi>,</l>
            <l><hi rend="i">Et l’on luy voit tourner les yeux de tous costez</hi>,</l>
            <l rend="i">Quoy que de regarder il n’ait aucune envie. </l>
            <l><hi rend="sc">Le Solitaire</hi><hi rend="i">d’aupres de</hi>
            </l>
            <l rend="i">S. Maixent en Poitou. </l>
          </lg>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_204" resp="mercure">
        <head>Lettre XXXV</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 204-207.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XXXV.</label>
          <p rend="i">À la Rochelle. </p>
          <p>JE croirois faire tort au Mestier dont je suis, &amp; la curiosité de l’Autheur du
            Mercure Galant, si je negligeois de luy faire part de ces Pieces d’un Amy, qui sans se
            piquer de Poësie ny de bel Esprit, peut montrer que tous les Péagers ne sont ny de
            mauvaise vie comme on les croyoit au temps des Juifs, ny ennemis des belles Lettres. Cet
            Amy qui est renfermé dans l’Isle de Ré, ignore que je dispose de ses Ouvrages, &amp; il
            prend si peu d’interest à ce qui se dit dans le monde, que je ne sçay s’il ne me sçaura
            pas mauvais gré de le déterrer ainsi, &amp; de le faire sortir des resveries que luy
            inspire la veuë d’une Mer sauvage. Si l’on juge à propos de donner à ces petites Pieces
            une place dans le Mercure, l’on sçait mieux que personne le moyen de les y introduire ;
            &amp; celuy qui sçait distribuer la gloire &amp; le rang à tout le monde, n’a besoin
            d’aucun avis sur cela. On se contente de luy fournir la matiere, &amp; de l’assurer que
            si ces Vers sont bien reçeus, ils seront suivis de beaucoup d’autres.</p>
          <label rend="center">Sonnet.</label>
          <lg>
            <l>TIrannique respect, froids mouvemens de crainte,</l>
            <l>Qui retenez mon feu dans un profond secret,</l>
            <l>C‘est trop m’épouvanter du vain nom d’Indiscret,</l>
            <l>C‘est trop cacher l’ardeur dont mon ame est atteinte.</l>
          </lg><lg>
            <l>Il faut me declarer, &amp; dans ma triste plainte,</l>
            <l>Faire voir de mes maux le sensible portrait ;</l>
            <l>Quel que soit le succés, je seray sans regret,</l>
            <l>Si ma douleur cruelle y peut estre dépeinte.</l>
          </lg><lg>
            <l>Mon mal triomphe icy de ma discretion,</l>
            <l>Je ne suis plus à moy, mais à ma passion,</l>
            <l>Et c’est elle qui regne en ce desordre extrême.</l>
          </lg><lg>
            <l>Tout ce que ma raison peut encore en cecy,</l>
            <l>C‘est qu’apres avoir dit, Philis, que je vous aime,</l>
            <l>Je ne le diray plus, si vous m’aimez aussi.</l>
          </lg>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_207" resp="mercure">
        <head>Lettre XXXVI</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 207-211.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XXXVI.</label>
          <p rend="i">À Paris du Palais Royal. </p>
          <p>Vus ne serez pas fâché sans-doute, Monsieur, d’apprendre que la plûpart des
            Conversations roulent presentement sur les divers Sujets qui composent vostre Mercure.
            Jamais les Historietes n’ont esté plus agreablement racontées. N’attendez pas que je
            vous donne icy les loüanges que vous méritez. Outre que vous avez témoigné qu’elles ne
            vous plaisoient pas, il faudroit pour cela une auttreplume que la mienne ; &amp; le seul
            dessein que j’ay en vous écrivant, est de vous dire qu’il y a deux ou trois jours que je
            me trouvay dans une Compagnie où la lecture du Mercure de Decembre donnoit un fort grand
            plaisir. Chacun se réjoüissoit de la résolution que vous aviez prise de l’embellir,
            &amp; il y en eut beaucoup qui trouverent que pour mettre cet Ouvrage dans son entiere
            perfection, vous deviez donner les Armes de ceux dont vous parlez. Ils adjoûterent que
            cela seroit tres-utile pour le Public, &amp; fort agreable pour bien des Gens qui
            voudroient ne rien ignorer, puis qu’en mesme temps que vous leur appendriez la
            Genéalogie des Familles, vous leur en feriez connoistre les Armes. Toute la Compagnie
            demeura d’accord que le Mercure en seroit encor plus estimé. J’en suis persuadée, &amp;
            trouve dans la Science du Blazon tant de choses qui doivent plaire à nostre Sexe, que si
            vous m’en vouliez croire, vous adjoûteriez les Armes des Villes à celles des Familles
            qu’on vous demande. Apres qu’on eut raisonné lon-temps là-dessus, il fut question de
            trouver quelqu’un qui vous donnast avis de ce qu’on avoit pensé. Je me chargeay
            volontiers de cette commission. Je m’en acquite ; &amp; si sans trop d’embarras vous
            pouvez faire entrer dans vostre Mercure l’embellissement que je vous porpose, je vous
            prie de ne le refuser pas au Public, à nostre Compagnie, &amp; à moy qui suis vostre
            tres-humble Servante,</p>
          <p>D.G.</p>
          <label rend="center">Explication de la premiere Enigme</label>
          <label rend="center">du Mercure de Janvier 1678.</label>
          <l>J’Ay developé, ce dit-on,</l>
          <l>Graces au fameux Pelisson,</l>
          <l>L’embarras de plus d’une Amie ;</l>
          <l>Car s’il n’avoit jamais écrit,</l>
          <l>Qui pourroit enfin m’avoir dit</l>
          <l>Que l’Enigme est l’Académie ?</l>
          <l>De la Place Royale.</l>
          <label rend="center">Explication de la seconde Enigme du</label>
          <label rend="center">mesme Mois, sur la Lune.</label>
          <l>LEs Lieux bas ne sont point habitez par la Lune,</l>
          <l><space/><space/>        Son Corps agit &amp; ne vit pas.</l>
          <l>On voit tourner ses yeux suivant l’erreur commune,</l>
          <l>Et pourtant les objets n’arrestent point ses pas ;</l>
          <l><space/><space/>        Et puis’que son Corps est sans vie ;</l>
          <l><space/><space/>        Elle ne peut former l’envie</l>
          <l><space/>    De regarder les choses d’icy bas.</l>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_212" resp="mercure">
        <head>Lettre XXXVII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 212-214.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XXXVII.</label>
          <p rend="i">À Troyes. </p>
          <p>JE vous envoyay, Monsieur, l’Explication sur l’Enigme des Armes des Conféderez assez
            tard. Je la fis sur <hi rend="i">le Melon</hi>, &amp; je voy qu’elle ne vous a pas
            déplû, puis que vous avez bien voulu en parler dans vostre derniere Lettre. Cela
            m’engage par la part que j’ay dans la liberté commune, à tâcher d’expliquer vostre
            Tabeau du Volume de Janvier. Voyez si j’ay rencontré le Mot, quand je prétens que cette
            belle Femme nuë nous represente <hi rend="i">l’Enclume</hi>, sur laquelle il ne se
            trouve aucune matiere. Elle tend les bras pour se défendre de l’outrage que luy veut
            faire ce brusque Forgeron qui est prest de la fraper en cet état. Cet Amour qui semble
            vouloir empescher le coup, est le Feu qui prend part à la défense de l’Enclume de tout
            son pouvoir. Il s’aigrit, il s’anime, il sort impétueusement par l’effort qu’on luy
            fait, &amp; tâche par son éclat d’arrester la violence dont on la menace. Le Carquois
            que cet Amour foule aux pieds, figure les cendres qui sont ordinairement sous le Feu.
            Cette Fille qui paroît à costé toute épouvantée, est l’Eau inséparable de la Forge où se
            passe l’action. Elle n’a pas moins de pitié de l’Enclume que le Feu en a, mais elle
            resiste avec moins d’éclat. Ce Soldat est un autre Forgeron qui tire la corde des
            Soufflets representée par la Hallebarde qu’il tient d’une main. Le Bouclier qu’il tient
            de l’autre, nous fait connoistre le Fer, qui est la matiere dont on se sert dans les
            Forges.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_214" resp="mercure">
        <head>Lettre XXXVIII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 214-219.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XXXVIII.</label>
          <p rend="i">À Bruxelles. </p>
          <p>COmme vous écrivez à tout le monde, pour ainsi dire, par le moyen de vostre Mercure
            Galant, il est à croire, Monsieur, que vous voulez bien que tout le monde vous écrive
            aussi sur le mesme sujet, &amp; cela sans distinction d’Amis ou d’Ennemis. En effet, on
            n’y en doit mettre aucune, quand c’est d’une semblable matiere qu’il s’agit. L’Enigme
            que vous avez mise dans vostre Mercure de Decembre, me donne lieu de prendre cette
            liberté pour vous faire sçavoir comme je l’entens. Voicy ce que je m’en suis imaginé Il
            me semble, Monsieur, que cette Enigme ne peut signifier autre chose que <hi rend="i">le
              premier Jour de chaque Année</hi>, qu’on appelle communément <hi rend="i">le nouvel
              An</hi>, &amp; que les demandeurs d’Etrennes n’aiment pas moins que les donneurs le
            haïssent. Il fait du bien aux uns, &amp; du mal aux autres ; &amp; s’il réjoüit ceux qui
            reçoivent, il afflige en mesme temps ceux qui sont sujets à l’ingratitude, ou à
            l’avarice. Il est certain que ces derniers ne s’accommodent pas trop bien de la coûtume
            de ce jour-là, qui les met dans l’obligation de faire des libéralitez où leur
            inclination répugne. C‘est tout le contraire pour les Amans, puis que cette mesme
            coûtume leur donne lieu d’écrire des Billets, d’envoyer des Vers, &amp; de faire des
            présens, &amp; peut-estre des déclarations d’amour à leurs Belles. Au reste, l’on peut
            dire avec raison que ce jour-là est de grand éclat &amp; de peu de durée, puis que le
            bruit des Tambours &amp; des Trompettes, des Hautbois &amp; des Violons, que l’on entend
            ordinairement en cette Feste, ne dure que jusques à la fin de cette journée, &amp; que
            le jour d’apres que l’on appelle son cadet, ne manque jamais de la terminer. Mais si
            elle meurt, c’est pour renaistre ; &amp; si elle disparoist, ce n’est que pour revenir
            un An apres avec le mesme éclat &amp; les mesmes cérémonies. N‘est-il point vray aussi
            que ce jour-là est bien vieux, puis qu’il ne l’est pas moins que le Monde, &amp; qu’ils
            sont nez ensemble, s’il est permis de parler ainsi ? On a cependant raison de dire que
            ses heures sont bornées, puis qu’elles ne peuvent aller au dela de vingt-quatre heures,
            qui estant comptées toutes ensemble, ne font qu’un certain nombre de jours, quoy que
            celuy dont il s’agit soit chargé d’une fort grande quantité d’années. Voila, Monsieur,
            comme j’entens vostre Enigme ; cela est pardonnable à un Flamand, qui peut-estre
            n’entend pas trop bien le François ; &amp; puis n’est-ce point beaucoup de pouvoir dire
            fiérement dans quelque conversation, <hi rend="i">J’ay écrit aujourd’huy au galant
              Autheur du Mercure Galant, &amp; je l’ay assuré que je ne suis pas moins son
              admirateur que son tres, &amp;c.</hi></p>
          <p>B.B.B.</p>
          <p>Il est bon aussi, Monsieur, que vous sçachiez que vostre Enigme du Trictrac a esté
            déchiffré icy à l’ouverture du Livre par une Femme de qualité ; mais pour celuy de
            vostre Corps sans teste, nous avoüons franchement, elle &amp; moy, qu’il a pensé nous
            faire tourner la nostre : neantmoins, nous faisons une partie de ce Corps monstrueux,
            &amp; voila, Monsieur, ce qui prouve fort bien que l’on ne se connoist point soy-mesme.
            L’on parle de mettre une teste de Leopard sur ce Corps si diforme, &amp; l’on dit que
            cela augmentera de beaucoup ses forces &amp; sa fierté.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_220" resp="mercure">
        <head>Lettre XXXIX</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 220-224.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XXXIX.</label>
          <p rend="i">À Bruxelles. </p>
          <p>QUand ce ne seroit que pour faire un peu d’honneur aux pauvres Flamans, que vous autres
            François tournez si souvent en Ridicules, &amp; particulierement sur le Chapitre du
            Langage, je veux continuer à vous faire part de mes conjectures sur vos Enigmes, &amp;
            tâcher à vous faire connoistre par ce moyen-là que nous ne pensons point justement si
            mal que nous parlons. Je dis donc, Monsieur, &amp; je puis le dire hardiment ce me
            semble, que la premiere Enigme de vostre premier Mercure de cette Année nous cache cet
            Illustre Corps de <hi rend="i">l’Académie Françoise</hi>, qui fait tant de bruit &amp;
            tant de bien de tous costez ; &amp; à compter depuis le premier Vers jusques au dernier,
            j’en trouve le raport si clair &amp; si juste, que je ne crois point qu’il soit
            necessaire d’en faire icy l’explication, car il est certain qu’elle saute aux yeux, pour
            ainsi dire, au mesme instant que l’on a trouvé le Mot ; mais sur tout les quatre
            derniers Vers qui parlent de cette premiere Leçon que ces sçavans Hommes n’ont point
            encor passée, me paroissent tournez fort ingénieusement, &amp; je les explique de ce
            fameux Dictionnaire auquel on travaille depuis si longtemps, &amp; que l’on attend avec
            beaucoup d’impatience. Quant à vostre petite Enigme de Vernon, elle a esté déchiffrée
            sans aucune peine par la mesme Femme de qualité qui avoit déja déchiffré si aisément
            l’Enigme du Trictrac, &amp; elle soûtient que l’on veut parler de ces petits <hi
              rend="i">Coqs</hi> que l’on met ordinairement sur nos Clochers en forme de Giroüettes.
            Dites-nous, s’il vous plaist, Monsieur, avons-nous bien deviné elle &amp; moy, &amp;
            pouvons-nus nous vanter d’entendre passablement le François ? Nous ne prendrons pas la
            mesme vanité au sujet de vostre Enigme en figure, car nous avoüons de bonne-foy que nous
            nous rendons, comme l’on dit ordinairement ; mais peut-estre que nous serons plus
            heureux, quand nous aurons veu par vostre Mercure du Mois de Fevrier de quelle maniere
            on aura expliqué vostre Tableau énigmatique, &amp; principalement si vous voulez bien
            nous faire sçavoir si cette sorte d’Enigmes se doit expliquer par un Mot, par une
            Sentence, ou pas une Moralité, car à mon avis il y peut entrer de tout cela sans aucune
            contrainte. Au reste, Monsieur, je vous fais excuse de la longueur &amp; de la
            familiarité de ma Lettre, &amp; au pis aller elle vous fera connoistre qu’on liticy vos
            Mercures avec plaisir &amp; avec attention, &amp; qu’on en parle de la mesme maniere,
            mais particulierement vostre, &amp;c.</p>
          <p>B.B.B.</p>
          <p>L’on vous connoist, Monsieur, &amp; l’On vous obéit comme vous voyez sur le Chapitre
            des loüanges que vous méritez ; car autrement j’en remplirois tout ce vuide, &amp; encor
            ne dirois-je point tout ce que je pense de vous.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_225" resp="mercure">
        <head>Lettre XL</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 225-226.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XL.</label>
          <p rend="i">À Paris. </p>
          <p>LA justice que vous m’avez renduë touchant l’Enigme de <hi rend="i">l’Académie
              Françoise</hi>, ne m’auroit rien laissé à desirer, si vous vous estiez souvenu que
            j’avois aussi expliqué celle du <hi rend="i">Coq</hi> sur le Clocher. J’espere,
            Monsieur, que vous ne prendrez pas ce petit reproche en mauvaise part, &amp; que vous me
            ferez la grace de considérer que la belle ambition ne sied pas mal à un jeune Homme de
            mon âge. Vostre Volume du Mois de Fevrier a tant de varietez agreables, que j’ay pris un
            singulier plaisir à le lire. J’ay tâché de déveloper les Enigmes que j’y ay trouvées,
            &amp; croy que celle en Tableau est <hi rend="i">l’Ecusson</hi>, que cet Ecusson est la
            Boëste de Pandore, &amp; qu’Epimethée &amp; Pandore qui la tiennent l’un &amp; l’autre
            dnas une égale distance, en sont les deux Supost. Pour la premiere Enigme en Vers, je ne
            doute point que ce ne soit <hi rend="i">un Baston de Mareschal de France</hi>, &amp; la
            seconde <hi rend="i">une Enseigne</hi>. Vostre premier Tome m’apprendra si j’ay
            aussi-bien deviné que je me le persuade. Que je sois trompé ou non, je me tiendray
            avantageusement payé de mes peines, si vous voulez bien me croire vostre, &amp;c.</p>
          <p><hi rend="sc">Baisé</hi><hi rend="i">le jeune</hi>.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_227" resp="mercure">
        <head>Lettre XLI</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 227-229.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XLI.</label>
          <p rend="i">À Brie-Comte-Robert. </p>
          <p>JE m’estois imaginé jusqu’à présent, Monsieur, que le Mercure n’estoit fait que pour
            recevoir les Ouvrages des Hommes, mais j’ay perdu cette pensée en lisant tous les Tomes
            que vous en avez donné au Public. Je n’en ay lu aucun dans lequel je n’aye trouvé
            quelque nom de Fille, soit dans l’Explication des Enigmes, soit dans quelque Composition
            particuliere. C’est ce qui me fait prendre aujourd’huy la plume ; car à vous dire le
            vray, si je me fusse persuadé qu’il eust esté permis à celles de mon Sexe de se faire
            voir dans le Mercure, il y a long temps que je vous aurois envoyé quelques Vers, ou que
            je me serois expliquée avec vous sur les Enigmes que vous proposez. Mais il vaut mieux
            tard que jamais, &amp; puis que les Dames s’étudient aussi à faire éclater leur Esprit
            si publiquement (je dis publiquement, n’y ayant rien qui soit ublic que le Mercure) je
            ne vous cacheray point que je serois fort trompée si vostre premiere Enigme du Mois de
            Fevrier ne nous marquoit pas <hi rend="i">un Baston de Mareschal</hi>. Je croy que cette
            Explication si juste, que j’attens avec impatience le nouveau Mercure pour sçavoir si
            j’ay heureusement rencontré pour la premiere fois que je me mesle de deviner. Je suis
            vostre, &amp;c.</p>
          <p><hi rend="sc">Portats</hi>, <hi rend="i">Fille de Monsieur</hi></p>
          <p rend="i">Portats Gouverneur de </p>
          <p rend="i">Brie-Comte-Robert. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_229" resp="mercure">
        <head>Lettre XLII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 229-232.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XLII.</label>
          <p>CE n’est pas tout, Monsieur, que de penser apres vous. L’affaire est de penser comme
            vous. Si je ne découvre pas le veritable sens de l’Enigme dont j’entreprens de chercher
            le Mot, j’espere que sa subtilité me justifiëra du manque de succés. Apres cela j’ose
            vous dire que si les Figures de vostre Tableau ne representent pas la Jalousie, elles y
            ont assez de raport pour le faire croire. Il semble que Vulcain s’estant trouvé dans la
            Chambre de Vénus dans un temps où l’on se seroit bien passé de luy, il ait raison de se
            mettre en colere, &amp; qu’il s’y mette en effet. Je trouve qu’un Mary est jaloux en
            forme, quand estant aussi mal-fait que Vulcain, il a une Femme aussi belle que Vénus,
            &amp; dont le Galant est du mérite de Mars. Estre Jaloux &amp; Forgeron, c’est avoir un
            double privilege d’emportement. Aussi Vulcain effraye-t-il jusqu’à Mars avec son action
            menaçante. Mais il semble pourtant n’en vouloir qu’à l’Amour, parce qu’il sçait que
            c’est luy seul qui a lié la Partie.</p>
          <lg>
            <l>Contre luy devroit-il avoir tant de colere ?</l>
            <l>Un Enfant croit bien faire alors qu’il sert sa Mere ;</l>
            <l>Mais Vulcain ne voit pas en son mortel ennuy,</l>
            <l><space/>Que l’Amour est plus fort que luy.</l>
          </lg>
          <p>L’exemple de Vulcain devroit adoucir la peine de tous les Jaloux ; &amp; quand on a un
            Dieu pour compagnon, on se peut aisément consoler. Je ne sçay s’il s’en trouvera
            beaucoup de ce sentiment ; mais laissons-les resver aux maux que leur cause une
            imagination trop vive, &amp; qui ne cherche qu’à les tourmenter. Si mon sentiment s’est
            trouvé faux sur vostre Enigme, il n’est rien de si veritable que ceux d’estime que j’ay
            pour vous, &amp; que je suis vostre, &amp;c.</p>
          <p rend="sc">De Roux. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_232" resp="mercure">
        <head>Lettre XLIII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 232-234.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XLII.</label>
          <p rend="i">À Troyes. </p>
          <p>VOstre Mercure, Monsieur, a tant de galanterie, qu’Il en inspireroit à la gravité
            mesme. J’ay fait d’abord quelque difficulté de m’y rendre ; &amp; le sérieux que demande
            mon employ, m’y fournissoit plus d’un obstacle. Mais enfin tout cela s’est évanoüy, lors
            que j’ay consideré que plusieurs Personnes que vous nommez n’en ont pas de fort éloignez
            du mien, &amp; que les Muses peuvent sans indécence habiter aussi bien des Cloistres,
            que paroistre sur des Theatres. Toutes ces refléxions m’ont laissé persuader par vostre
            Mercure, &amp; d’autant plus, que c’est une occasion pour vous témoigner que je suis
            vostre tres, &amp;c.</p>
          <p><hi rend="sc">N. Denise</hi>, <hi rend="i">Chanoine</hi></p>
          <p rend="i">&amp; Official de Troyes. </p>
        </quote>
        <p>Cette Lettre estoit accompagnée de l’Explication qui suit sur l’Enigme de Pandore.</p>
        <quote>
          <lg>
            <l>MUse, à quoy bon rester sur cent mots partagée ?</l>
            <l>Pandore nous figure une Ville assiegée,</l>
            <l><space/>Et cette Boëte est un Mortier</l>
            <l>Qui jette sur la Ville en diférentes Places</l>
            <l><space/>Toutes ces fumantes Carcasses,</l>
            <l>Si-tost qu’il reçoit feu par ce vieux Bombardier.</l>
          </lg><lg>
            <l>Ces Carreaux figurez pres des pieds de Pandore,</l>
            <l>Sont, Paté, Demy-Lune, &amp; Bastion encore.</l>
            <l><space/>Ce Pavillon est nostre Camp,</l>
            <l>Ce Banc entrecoupé nous sert de Baterie ;</l>
            <l><space/>Enfin suivant ma resverie,</l>
            <l>Mercure sous Pandore aux François donne un Gand.</l>
          </lg>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_276" resp="mercure">
        <head>Lettre XLIV</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 276-289.</bibl>
        <p>Je reviens aux Lettres, dont je n’ay interrompu la suite que pour vous donner à
          déchifrer. Il y en a qui contiennent d’agreables incidens. La premiere que vous allez voir
          est du nombre. Les autres sont sur diférentes matieres.</p>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XLIV.</label>
          <p>Il est donc bien vray, Monsieur, que vous avez reçeu les deux Billets que nous vous
            avons écrits, &amp; que vous avez mesme donné des loüanges à ce qui nous sembloit fort
            provincial. Vous inspirez par l’Ouvrage que vous donnez tous les Mois au Public, une
            certaine envie de faire quelque chose d’agreable qui nous fait aisément succomber à la
            tentation que nous avons de vous écrire. Et le moyen de s’en dispenser apres le soin que
            vous prenez de nous faire valoir dans vostre Mercure ? Il n’y a rien de plus obligeant
            pour des Personnes inconnuës &amp; éloignées de vous de pres de cent lieuës, qui ne
            pouvoient se promettre que vous en feriez tant pour elles. En verité, Monsieur, il faut
            que vous ayez autant de bonté que vous paroissez Galant. Nous en sommes si touchées ma
            Cousine &amp; moy, que nous ne ferons point difficulté de vous avoüer que vous avez
            presque deviné, quand vous avez crû nous connoistre, au moins pour ce qui regarde nostre
            Maison qui est scituée sur l’une des deux Rivieres dont vous parlez. Elle est sur le
            haut d’un Côteau entouré de Plaines, de Bocages, de Ruisseaux &amp; de Prairies, où
            coulent doucement des Fontaines d’une eau tres-vive &amp; tres-claire qui nous font
            souvenir assez souvent des Driades &amp; des Hamadriades dont les Poëtes font de si
            agreables Peintures. Ce fut dans ce lieu charmant que ma Cousine &amp; moy nous allâmes
            jusqu’à un Bois qui n’est pas fort éloigné du Côteau que nous habitons. Le jour qui
            estoit le plus beau du monde, quoy que dans la plus rigoureuse saison de l’année,
            sembloit destiné aux plaisirs de la Promenade, &amp; rien ne nous avoit paru plus propre
            à faire passer la migraine qui tourmentoit cruellement ma belle Parente. Apres nous
            estre un peu promenées, nous nous reposâmes au pied d’un Chesne, vis à vis de la
            Riviere, où mon aimable Cousine ayant un de ses bras appuyé sur mes genoux &amp;
            soûtenant sa teste de l’une de ses mains, me fit voir dans une douce langueur où son mal
            l’avoit fait tomber, que les Beautez les plus vives &amp; les plus enjoüées ne sont pas
            toûjours les plus touchantes. Je m’occupois pour la divertir à la lecture de vostre
            dernier Mercure, &amp; j’avois à peine lû l’Histoire des deux Cousines que vous faites
            trouver si ingénieusement dans un Bain, quand un bruit qui paroissoit venir d’assez
            loin, me fit quitter mon Livre &amp; suspendit la douleur de ma Compagnie. Ayant tourné
            la teste l’une &amp; l’autre vers l’endroit d’où il venoit, nous fûmes surprises de voir
            de l’autre costé de la Riviere deux Hommes bien montez, courans à toute bride, déguisez
            par de grands Bonnets fourrez qui leur couvroient le visage, dont le dernier portoit une
            Dame masquée en croupe. Nous revenions à peine de nostre premiere surprise, que nous
            entendismes un nouveau bruit. Il estoit causé par quatre Cavaliers qui joignirent
            aussi-tost les premiers, qu’ils parurent défier au combat en tirant leurs Epées ; mais
            les deux qui se crûrent trop foibles pour resister aux autres, se defirent de la Dame,
            la mirent à terre, &amp; se retirerent avec autant de vîtesse que nous leur en avions
            remarqué quand ils estoient arrivez. Ceux qui les obligerent à fuir estans descendus de
            cheval, prierent cette Dame d’y monter ; mais nous connûmes par ses cris qu’elle s’y
            opposoit de toute sa force, &amp; nous comprîmes mesmes qu’elle se seroit jettée dans la
            Riviere, sur le bord de laquelle se passoit cette Avanture, si on ne l’eust pas retenuë.
            Elle faisoit de grands efforts pour s’échaper, quand un de ces Messieurs se jetta à ses
            genoux, &amp; par ses actions supliantes nous fit connoistre que l’amour avoit grande
            part à cette affaire. Mais quelque grace qui nous parust dans tout ce qu’il faisoit,
            &amp; malgré toute l’éloquence que sa passion luy donnoit, &amp; dont on doit croire
            qu’il se servit de son mieux, la Dame ne paroissoit pas persuadée ; mais enfin un vieux
            Cavalier de la Troupe luy tint un langage qui sans doute luy réüssit, car soit qu’il
            parlast avec plus d’autorité, soit qu’il eust plus de bonheur que celuy que nous crûmes
            le plus amoureux, nous vismes diminuer le desespoir de la Dame qui se résolut un peu
            apres à monter en croupe, &amp; à s’abandonner à sa destinée. Il nous a esté impossible
            de rien démesler de plus de ce mistere. Si nous en pouvons découvrir la suite, nous vous
            en ferons part, comme nous faisons du malheur qui m’arriva de laisser mon Livre au pied
            de l’Arbre où nous nous estions reposées ; mais ma Cousine y perdit aussi sa migraine,
            &amp; la joye que j’en eus me consola de ma perte.</p>
          <p>Cette belle journée estoit pour nous une journée d’avantures. Nous trouvâmes en entrant
            dans nostre Chasteau un Carosse à six Chevaux, dont nous ne pûmes connoistre d’abord les
            Livrées ; &amp; quand nous fûmes dans la Salle, nous vismes trois Bergeres masquées
            conduites par trois Bergers qui ne cedoient point aux plus galants de ceux qui menoient
            paistre leurs Troupeaux aux bords de Lignon, dans les heureux temps d’Astrée. Les
            Bergers estoient habillez avec tant de magnificence &amp; de propreté, que vous n’auriez
            point douté en les voyant, qu’ils ne passassent tous les autres de leur Province. Je ne
            sçay mesme si dans vos quartiers vous en trouveriez aisément qui eussent quelque
            avantage sur eux. Les Bergeres avoient de petits Habits à la poitevine, dont les Corps
            estoient de toille d’argent de couleur de feu, enrichis de dentelles d’or fraisées,
            &amp; cet ajustement donnoit à ces aimables Villageoises un air qui ne déplairoit pas
            sans-doute aux plus délicats de vos Courtisans. Les Couvrechefs jaunes qui faisoient
            leur coôeffure, ne diminuoient rien des charmes qui paroissoient dans leurs visages,
            malgré le soin qu’elles prenoient de les cacher sous de petits Masques de Venise. Vous
            pouvez juger de l’agreable surprise où nous fûmes ma Cousine &amp; moy. Nous n’en
            pouvions attendre qu’une suite heureuse. Aussi ne manqua-t-il rien à cette Avanture de
            tout ce qui la pouvoit rendre plus divertissante. Ces Masques, suivant la coûtume du
            Païs, proposerent de joüer un Momon. Ils le mirent mesme sur la Table dans une Boëte
            aussi galante que magnifique. Je fus la plus hardie de la Compagnie. Je jettay ma Bourse
            sur la Table pour joüer, &amp; joüay heureusement, soit que la Fortune l’eust ainsi
            voulu, ou que celuy qui avoit fait le défy eust cherché à perdre. La Boëte fut ouverte,
            &amp; on trouva dedans une Taupe. C‘est, selon moy, un des plus vilains Animaux qu’on
            puisse voir. Il ne se cacheroit pas toûjours sous terre, s’il n’estoit convaincu
            luy-mesme de sa laideur. Mon gain me cousta un Souper. Je le donnay de mon mieux, &amp;
            ne fust point fâchée de régaler des Gens qui avoient pris tant de soin de nous divertir.
            En attendant le Souper, on dança des Menüets. Cette belle Troupe avoit amené avec elle
            six Haubois, qui ne gasteroient assurément aucune des Simphonies où on les voudroit
            employer. Les Sabots de nos Bergers &amp; de nos Bergeres, qu’un autre apelleroit des
            Souliers de bois, &amp; qui n’estoient pas moins galans &amp; moins magnifiques que les
            Souliers de vos Dames les mieux mises, ne les empescherent pas de dançer avec toute la
            propreté de celles que vous admirez tous les jours dans vostre grande Ville. Il fallut
            lever le Masque quand on servit le Souper. C’est là que nous vismes des Beautez qu’On ne
            peut assez loüer. Il sembloit que la Nature eust pris plaisir à faire exprés des Visages
            pour parer les plus belles Personnes qu’on vit jamais. Je ne vous dis rien de la bonne
            mine des Bergers. Ils estoient dignes de servir d’escorte à de si aimables Bergeres,
            &amp; on peut dire avec verité qu’il auroit esté difficile de faire une plus charmante
            Assemblée. Nostre Repas dura deux heures. Nous dançâmes en suite toute la nuit, &amp; je
            n’eus d’impatience dans toute cette Feste que de voir arriver le temps de vous l’écrire.
            Vous voyez, Monsieur, qu’au moins nous vous faisons part de nos plaisirs de la maniere
            que nous le pouvons, en reconnoissance de ceux que vous nous procurez par vos Ouvrages,
            &amp; de la bonté particuliere que vous avez bien voulu avoir pour deux Cousines qui
            sont vos tres, &amp;c.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_289" resp="mercure">
        <head>Lettre XLV</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 289-296.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XLV.</label>
          <p rend="i">À Paris. </p>
          <p>COmme la moindre faveur merite une reconnoissance, je me trouve engagé à vous faire
            paroistre la mienne, par l’honneur que je reçois de vostre souvenir. C’est un devoir,
            Monsieur, dont je m’acquite avec joye. J’avois desiré de vous expliquer de bouche
            d’estime que j’ay pour vous. Je révere naturellement les Sçavans, &amp; l’amour que j’ay
            toûjours eu pour l’étude des beaux Arts, m’a porté souvent à chercher accés aupres de
            ceux dont j’avois longtemps admiré les Ouvrages dans le silence du Cabinet. Quoy que ces
            Personnes soient des Esprits du premier ordre, avec lesquels la jeunesse où je suis
            encor semble ne me devoir pas souffrir de commerce, j’ay eu assez de bonheur pour
            entretenir quelquefois ces Génies éminens, &amp; pour leur témoigner la joye que j’avois
            d’estre né dans ces heureux temps, où la profondeur de leur érudition &amp; la beauté de
            leur langage leur ont attiré tanr de loüanges &amp; d’adorateurs. J’aurois eu la mesme
            curiosité pour Ciceron &amp; pour Demosthenes, si j’avois esté de leur temps, &amp; mon
            amour n’eust pas esté moindre pour Virgile &amp; pour l’incomparable Homere ; mais je ne
            me plains point de ma destinée. Nostre âge n’est inférieur en rien aux Siecles passez.
            Il a porté &amp; porte encor des Hommes aussi fameux que les plus fameux Personnages de
            l’Italie &amp; de la Gréce ; &amp; n’en connoissons-nous pas, Monsieur, parmy ceux qui
            ont achevé leur course, &amp; parmy ceux qui vivent encor, qui ont surpassé dans tous
            les genres d’écrire les plus Celebres d’entre les Orateurs, les Historiens &amp; les
            Poëtes des temps passez ? Si la Fortune devient favorable à mes desirs, je pourray bien
            vous querellez un jour en bons termes de ce que vous ne voulez pas que l’on vous exprime
            par de justes loüanges le plaisir qu’on prend à lire vos Livres. Vous estes ingénieux à
            divertir l’esprit de vos Lecteurs par cent petites Histoires les plus agreables du
            monde, &amp; vous ne voulez pas que l’on vous cajole un peu sur l’industrie de vostre
            Esprit qui a trouvé le moyen de faire sçavoir à tout le monde ce qui se passe par tout
            le monde.</p>
          <p>Je connois de jeunes Demoiselles que leur humeur enjoüée n’a pas empeché de joindre à
            une vivacité d’esprit merveilleux, une connoissance entiere des beaux Arts, lesquelles
            sont toûjours tres-curieuses de ces Narrations de Balets &amp; de Divertissemens que
            vous raportez. Elles disent, Monsieur, que les Provençales ont tiromphé dans leur
            Mascarade, &amp; qu’il n’y a rien de si galant &amp; de si spirituel. Elles ont lû &amp;
            relû cet endroit, &amp; elles ont assuré qu’on ne pouvoit trop aimer ces belles
            Personnes. <hi rend="i">La Gazette Galante</hi> leur a paru encor tres-bien inventée,
            &amp; elles l’ont admirée plus d’une fois. Le Combat de <hi rend="i">la Loüange &amp; de
              la Satire</hi> est quelque chose de bien fin, l’invention en est subtile, &amp;
            quiconque l’aura lû, avouëra avec ces jeunes Demoiselles, que l’Autheur de ce Combat,
            soit qu’il l’ait donné en attaquant ou pour se defendre, doit estre regardé comme le
            victorieux &amp; le maistre du champ de Bataille. Je n’aurois jamais fait, Monsieur, si
            je voulois vous écrire tout le bien qu’elles disent de vostre Mercure, &amp; avec quel
            empressement elles l’attendent tous les Mois. Ces aimables Personnes m’ont ordonné
            d’expliquer les Enigmes de l’nziéme Tome. Elles ont crû qu’ayant esté assez heureux pour
            trouver l’<hi rend="i">Académie Françoise</hi> dans une Enigme, j’aurois encor le mesme
            bonheur dans les deux dernieres que vous venez de nous proposer. L consequence n’est pas
            infaillible, mais leur volonté a esté plus forte que mes raisons, &amp; en leur pouvant
            resister, je me suis mis en chemin pur chercher le Mot de la seconde. Je l’ay je croy
            trouvé par celuy de l’<hi rend="i">Enseigne</hi>.</p>
          <p>Dans la premiere, Monsieur, il me semble que j’y vois briller l’éclat des Fleurs de
            Lis, &amp; que ce Baston de couleur bleuë qui en est tout parsemé, doit estre <hi
              rend="i">un Baston de Mareschal de France</hi>, l’objet des vœux de tous les Braves de
            nos Armées. Le sort de ce Baston est sans doute bien éclatant, puis qu’il est destiné
            pour estre le prix glorieux des nobles fatigues de nos Héros. Ce Baston est comme un
            foudre qui donne la Paix à l’Etat, &amp; porte la Guerre aux Etrangers, qui rassure le
            Royaume, qui donne la terreur aux Ennemis, &amp; fait enfin trembler toute la Terre.</p>
          <p>Il faut estre aussi importun que je le suis, pour vous arrester si long-temps par une
            Lettre ; &amp; il faut estre aussi honneste que vous l’este, Monsieur, pour avoir la
            patience de la lire. Peut-estre avec tant de paroles n’auray-je rencontré que du vent,
            sans trouver le Mot ; mais puis que dans vostre Mercure vous me donnez la liberté de
            vous écrire, j’ay crû que vous ne trouveriez pas mauvais que je m’en servisse, quand ce
            ne seroit que pour vous assurer que je suis vostre, &amp;c.</p>
          <p rend="sc">Lagrené de Vrilly. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_297" resp="mercure">
        <head>Lettre XLVI</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 297-303.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XLVI.</label>
          <p rend="i">À Richelieu. </p>
          <p>JE pris dernierement la liberté, Monsieur, les sentimens de nos Dames de Richelieu sur
            les Enigmes du Mois de Janvier ; mais comme elles en ont fort heureusement découvert le
            vray sens, &amp; que vous n’en avez pourtant point fait de mention dans vostre dernier
            Volume, je me suis persuadé pour l’honneur de ces Dames qui ont &amp; de la qualité
            &amp; de l’esprit, que ma Lettre ne vous a pas esté mise entre les mains, puis que vous
            paroissez trop exact &amp; torp obligeant, pour ne leur pas rendre la mesme justice que
            vous avez renduë à tant d’autres, qui n’ont pas eu plus d’esprit &amp; de penétration
            qu’elles à en découvrir tout le mistere. Cependant comme je n’avois pas réüssy dans le
            soin que j’avois pris de vous faire sçavoir leur pensée, je les avois priées de choisir
            un autre que moy pour vous écrire à l’avenir leurs intentions ; mais ces Dames qui
            n’aiment pas beaucoup l’éclat, &amp; qui se contentent de deviner les Enigmes, sans
            songer plus loin, se sont servies du pouvoir qu’elles ont sur moy, pour m’obliger à ne
            pas quiter l’employ qu’elles m’ont donné de leur Secretaire aupres de vous. Je leur
            obeïs, &amp; pour le faire exactement, je vay vous apprendre de quelle maniere elles
            expliquent vos deux dernieres Enigmes en Vers, &amp; celle du Tableau de Pandore. Je
            commence par la premiere. Elles soûtiennent,</p>
          <lg>
            <l>Quand on devroit encor les passer sous silence,</l>
            <l><space/>    Que ce qu’on lit au premier Madrigal,</l>
            <l><space/>    Avec raison ne se peut dire en France,</l>
            <l><space/><space/>        Que d’un Baston de Mareschal.</l>
          </lg>
          <p>Pour la seconde Enigme elle leur a fait si peu de peine, que dés la premiere lecture
            qu’elles en firent, elles y trouverent un sens que je croy estre le veritable :</p>
          <lg>
            <l>Car quoy que l’Autheur en effet,</l>
            <l>Poiur paroistre obscur se contraigne,</l>
            <l>Il nous a dépeint un Enseigne,</l>
            <l>Bien mieux qu’aucun Peintre n’eust fait.</l>
          </lg>
          <p>Le Tableau de Pandore n’est rien à leur sens que la Pomme qui a produit sur la Terre
            toutes les Miseres que nous y voyons,</p>
          <lg>
            <l>Ou pour mieux m’expliquer c’est la chute de l’Homme</l>
            <l><space/>    Qui causa la fatale Pomme</l>
            <l><space/>    Qu’Eve offrit à son cher Epoux,</l>
            <l><space/>    D’où tout incontinent sortirent</l>
            <l><space/>    Les fâcheux Maux qui les saisirent,</l>
            <l><space/>    Et qui sont venus jusqu’à nous.</l>
          </lg>
          <p>Et en effet Eve presentant ce malheureux Fruit à Adam dans le Paradis Terrestre, luy
            donna l’envie d’en goûter, comme Pandore inspira à Epimethée une curiosité semblable,
            quand elle luy mit entre les mains la Boëte funeste d’où sortirent tous les Maux que les
            anciens Poëtes ont feint. Car enfin il n’est que trop assuré que ces Anciens-là nous ont
            fait par cette Fable un Portrait naïf de la chute de l’Homme. Par Pandore ils nous ont
            representé la Nature humaine dans l’état d’innocence, &amp; sa chute par la curiosité
            d’Epimethée, qui est le Peché. Ce que Jupiter fit lors qu’il envoya à cet Homme cette
            Boëte tres-précieuse au dehors, mais où en effet tous les Maux estoient cachez
            au-dedans ; la Providence Divine l’a fait, quoy que diferamment à l’égard d’Adam qui
            reçeut d’Evecette malheureuse Pomme qui nous a tous perdus, &amp; qui estant
            tres-agreable à voir, cachoit neantmoins dans soy toutes les miseres que nous
            ressentons. La seule diference qu’il y a, c’esr que l’une n’est qu’une fiction, &amp;
            que l’autre est une realité que nous n’experimentons que trop, &amp; que l’Ecriture
            Sainte nous oblige de croire.</p>
          <p>Mais pour rendre justice aux Personnes qui ont deviné toutes ces enigmes, je vous diray
            que la premiere l’a esté par Madame de Grand-Pré que vous connoissez. La seconde par
            Madame de Reveillon que vous ne connoissez pas, &amp; qui est une des plus aimables
            Personnes du monde ; &amp; la troisiéme par cinq ou six autres Dames, qui toutes vous
            estiment comme elles doivent, aussi bien que celuy à qui elles ont donné commission de
            vous en assurer, &amp; qui sera toute sa vie vostre tres, &amp;c.</p>
          <p rend="sc">De Grammont. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_303" resp="mercure">
        <head>Lettre XLVII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 303-306.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XLVII.</label>
          <p rend="i">À Arles. </p>
          <p>MOnsieur, Il faudroit que l’Académie Royale fust inspirée de ce mesme Dieu qui a donné
            son Nom à vostre Livre, pour vous remercier dignement des loüanges qu’il nous a données.
            Il faudroit avoir son éloquence &amp; sa galanterie pour vous exprimer comme il faut
            toute nostre reconnoissance. Mais comment remplir nos devoirs en cette rencontre ? La
            maniere de faire la chose surpasse le bienfait. Vous nous avez fait connoistre à toute
            l’Europe, avant mesme que nous fussions connus de vous. On dira peut-estre que c’est
            nostre bonne fortune qui l’a fait, ou pour mieux dire vostre génie bienfaisant, &amp;
            que c’est luy qui sçait faire quand il veut des Portraits qui passent de bien loin les
            Originaux. On peut dire encor que vous redressez souvent la Nature, &amp; que vous
            n’avez pas simplement dit de nous tout ce que nous sommes, mais encor ce que nous devons
            estre. Qu’on en dise ce qu’on voudra ; que les Oyseaux &amp; les raisonnables ; que les
            Sçavans &amp; les Envieux s’en entretiennent, il sera toûjours vray de dire que de la
            mesme main dont vous encensez les Dieux de la Terre, &amp; dont vous avez accoustumé de
            montrer les Braves &amp; les Héros, vous avez encor dépeint les Académiciens de la Ville
            d’Arles. On dira que vous les avez comptez entre les miracles de Sa Majesté, &amp; qu’il
            faut estre Impie ou Libertin pour douter de la verité des Miracles. Quoy qu’il en soit,
            Monsieur, si nous croyions pouvoir estre aussi heureux en matiere d’Impression que vous
            l’estes, nous ferons bien-tost connoistre à toute la terre que nous sommes ravis de vous
            estre obligez, &amp; qu’apres l’alliance de l’Académie Françoise, la protection de
            Monsieur le Duc de S. Aignan, &amp; les continuelles graces que nous recevons du Roy,
            nous n’estimerons rien tant que vostre amitié, &amp; que vous voulons toûjours estre vos
            &amp;c.</p>
          <p rend="i">Les Académ. De l’A.R. d’A. </p>
          <p><hi rend="sc">Estoublon</hi>, Sec. Perp.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_306" resp="mercure">
        <head>Reponse</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 306-310.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Reponse.</label>
          <p>MEssieurs, Si le Mercure estoit du prix que vous luy donnez, il seroit bien récompensé
            par l’obligeante Lettre que vous m’avez fait la grace de m’écrire. Je n’ay point
            pretendu de remerciëment quand j’ay entretenu le Public de l’Illustre Compagnie dont
            tous ensemble vous formez le Corps. J’ay cherché seulement à me faire honneur en luy
            apprenant qu’elle ne m’estoit pas inconnuë. Je diray plus encor, quelque succés que mon
            Livre eut paru avoir, je suis persuadé qu’on auroit crû que beaucoup des choses y
            auroient manqué, si on n’y avoit point lû vos Illustres Noms. Les plus éclairez
            m’auroient sans doute accusé de l’estre peu sur ce qui est le plus digne d’estre estimé,
            s’ils avoient apris par d’autres, ce que j’aurois negligé de leur apprendre de vous dont
            le Nom seul peut donner du poids à mon Ouvrages. Cette matiere mesme n’estoit pas
            difficile à trouver, &amp; quoy que rien ne soit si rare qu’une Assemblée où il y ait
            autant de merite qu’il s’en rencontre dans la vostre, ce merite est si connu &amp; fait
            un bruit si éclatant dans le monde, qu’il faudroit n’en estre point du tout pour ignorer
            que vostre Académie est remplie d’excellens Hommes qui ne cedent en rien en délicatesse
            &amp; en érudition aux Siecles les plus heureux de l’Antiquité. Ces Illustres Romains de
            qui vous tirez vostre origine, nous ont laissé avec leurs Esprits fins &amp; polis, un
            amour pour les belles choses qui vus donne aujourd’huy la preference sur la plûpart des
            Nations, aussi-bien que la valeur &amp; le courage qui vous ont distinguez dans tous les
            temps. Il y a bien des Siecles qu’on a reconnu en vous ce que nous admirons aujourd’huy,
            &amp; les Histoires sont remplies des marques de consideration que vous avez reçeuës de
            Rome ans son état le plus florissant ; c’est par elles que nous sçavons que dans le
            temps où elle faisoit paroistre son estime avec un plus entier des-interessement à ceux
            qu’elle croyoit qui la meritoient, elle a donné à vostre magnifique Ville le Nom de la
            petite Rome Gauloise. Je ne vous apprendrois rien, quand je vous dirois tout ce que les
            Autheurs en rapportent ; vous ne l’ignorez pas, &amp; je vous en parle seulement pour
            vous faire voir que c’est par le témoignage de plusieurs Siecles que je vous connois.
            Ceux d’Arles se sont rendus fameux dans l’un &amp; dans l’autre Empire, &amp; il vous en
            reste de glorieux Monumens. Apres cela, Messieurs, vous jugerez bien que je me serois
            fait grand tort, si je m’estois tû sur les choses que j’ay crû devoir publier de vous ;
            je vous ay seulement rendu justice, &amp; vous me la rendez en me faisant l’honneur de
            me croire, Messieurs, Vostre tres, &amp;c.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_311" resp="mercure">
        <head>Lettre XLVIII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 311-312.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XLVIII.</label>
          <p rend="i">À Vendosme. </p>
          <p>JE croirois dérober quelque chose à vostre gloire, Monsieur, &amp; à celle d’une
            Demoiselle des environs de cette Ville qui n’a pas moins d’esprit que de naissance &amp;
            de beauté, si je souffrois plus longtemps qu’elle vous demeurât inconnuë. Elle lit tous
            les Mois le Galant Ouvrage que toute la France doit à vos soins ; &amp; au hazard de
            faire souffrir la modestie qui l’oblige à cacher les talens qui l’élevent au-dessus de
            la plûpart de celles de son Sexe, je vous envoye un Rondeau qu’elle a fait pour servir
            d’Explication à vostre premiere Enigme du Mois de Fevrier. Elle a si heureusement deviné
            toutes les premieres depuis le Trictrac, jusqu’à celle de l’Academie, que je ne doute
            point qu’elle n’ait également réüssy à l’égard de cette derniere. Elle me sçaura mauvais
            gré, sans doute, du vol que je luy ay fait de ses Vers ; mais vous luy en avez fourny la
            matiere par vostre Enigme, &amp; il est juste de vous faire voir une Production où vous
            avez part.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_316" resp="mercure">
        <head>Lettre XLIX</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 316-318.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre XLIX.</label>
          <p rend="i">À Fleury. </p>
          <p>JE ne sçay pas bien, monsieur, le nom de l’Animal dont on fait les Bufles &amp; les
            Baudriers, &amp; il n’y a pas lieu de s’en étonner, puis que l’usage en est reservé tout
            entier à vostre Sexe ; mais il me semble que vostre premiere Enigme du Mois de Fevrier
            ne doit s’entendre que de cet Animal, soit Cerf, soit Elan, ou Bufle. Il habite dans les
            Bois. Il doit mourir avant qu’il puisse servir. Quand on l’a tué, on l’apporte à la
            Ville pour luy donner sa premiere préparation en le lavant, puis une autre en le
            corroyant. En suite le faisant passer par diférens Ouvriers, il acquiert de Maison en
            Maison toûjours de nouvelles perfections, jusqu’à ce qu’il ait celles d‘estre en usage
            parfait de Bufle &amp; de Baudrier. C’est pour lors qu’il est tres-utile à l’Etat, qu’il
            est desiré d’un chacun à la Cour, mesme de nostre Illustre Monarque, qui se sert si bien
            d’un Baudrier pour porter l’Epée (digne marque de son Empire) &amp; d’un Bufle pour
            relever encor cette Majesté toute guerriere si bien séante à <hi rend="sc">Loüis le
              Grand</hi>, &amp; si formidable à ses Ennemis. Enfin tout son usage est pour l’Armée,
            &amp; quand il est porté par un Homme qui a du cœur, il est la terreur de toute la
            Terre.</p>
          <p rend="sc">La Solitaire de Fleury. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_318" resp="mercure">
        <head>Lettre L</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 318.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre L.</label>
          <p rend="i">À Troyes. </p>
          <p>JE vous envoye, Monsieur, ce que j’ay pensé sur les trois Enigmes que vous proposez
            dans vostre dernier Mercure. Pandore peut estre la figure du Vin ; Epimethée, celle d’un
            Homme yvre, comme Noé ou Silene : Et que peut-on entendre autre chose par les maux qui
            sortent de la Boëte, que les fumées &amp; les chimeres qui montent à la teste d’un Homme
            qui est enyvré ? La premiere Enigme en Vers me paroist estre <hi rend="i">un Baston de
              Mareschal de France</hi> ; &amp; la seconde, <hi rend="i">l’Argent monnoyé</hi>, ou
              <hi rend="i">les Medailles</hi>.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_319" resp="mercure">
        <head>Lettre LI</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 319-321.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre LI.</label>
          <p>VOus sçavez, Monsieur, que Mars &amp; les Muses n’ont jamais bien vescu ensemble. <hi
              rend="sc">Loüis le Grand</hi> à qui rien n’est d’impossible, accommode aujourd’huy les
            fatigues &amp; la fierté de l’un avec le repos &amp; la douceur des autres. Jamais
            Guerre n’a esté si avantageuse que celle-cy ; Mars &amp; Apollon y trouvent également
            leur compte, puis qu’elle fait autant de Sçavans que de bons Capitaines. Aussi est-il
            bien juste qu’à mesure que la gloire de nostre Invincible Monarque augmente, le Ciel
            fasse naistre des Personnes qui la puissent publier. Pour moy je suis devenu Poëte par
            une espece de miracle aussi grand que ceux que le Roy fait en Flandres. Il ne vous sera
            pas difficile, Monsieur, de connoistre que le Sonnet que je vous envoye, est un coup
            d’essay. Aussi esperay-je que vous ne regarderez pas tant l’art que le sujet qui en fait
            tout le prix &amp; toute la beauté ; c’est pas là seulement qu’il se peut permettre
            d’estre inseré dans vostre Mercure, où vous meslez si bien les Actions de valeur avec
            les avantures de Galanterie, qu’elles surprennent.</p>
          <p><hi rend="sc">Le Jeune Solitaire</hi>
            <hi rend="i">de</hi>
          </p>
          <p rend="i">Langon, dans la Province de </p>
          <p><hi rend="i">Guyenne, à sept lieües de Bor</hi>-</p>
          <p><hi rend="i">deaux, sur le bord de la Ga</hi>-</p>
          <p rend="i">ronne. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_321" resp="mercure">
        <head>Lettre LII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 321-324.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre LII.</label>
          <p rend="i">Du Prieuré de Nostre-Dame </p>
          <p rend="i">de la Charité sur Loire. </p>
          <p>PArmy le peu de relâche que m’accorde tres-peu souvent la cruauté d’une goute
            universelle qui me tient à la torture, je viens, Monsieur, de lire avec beaucoup de
            plaisir vostre Mois de Fevrier de cette Année, &amp; j’ay tellement esté ravy de
            l’ingénieuse Description de vostre combat <hi rend="i">de la Loüange &amp; de la
              Satire</hi>, que j’ay mille fois autant estimé digne de la premiere, cette agreable
            Production de vostre génie, que son ennemie est odieuse à la Vertu &amp; aux grands
            Esprits. Le mien, Monsieur, est trop borné pour en rien attendre qui contribuë à vostre
            éloge. Aussi je ne me hazarderay pas à l’entreprendre. Je vous diray seulement ce que
            j’ay pensé sur l’Enigme de <hi rend="i">Pandore</hi>. La Boëte qu’elle apporte, signifie
              <hi rend="i">la Guerre</hi>. Jupiter nous marque un Dieu qui vange la Rebellion de la
            Nature humaine figurée par la triste Epimethée, qui reçoit cette Boëte de la main de la
            fausse Divinité. Elle est d’or à l’extérieur ; &amp; pendant qu’elle est fermée par
            l’Amour &amp; l’union des Peuples, ils ne s’en promettent que des trésors, des
            avantages, &amp; de la gloire. Mais depuis que la revolte des premiers Hommes eut fait
            une guerre ouverte aux Volontez du Createur, sa main irrité ne leur a fait naistre que
            des calamitez, des disgraces, des infortunes, &amp; des malheurs, avec la mort, qui sont
            les maux qu’on voit sortir de la Boête de Pandore, ou plutst les funestes suites de la
            Guerre, laquelle en ses préludes se montre d’or, par l’esperance des Palmes, des
            Lauriers, des Conquestes, des Victoires, des Triomphes, &amp; des Trophées qui animent
            les Guerriers mais lors qu’elle est ouverte &amp; allumée par les diférentes passions,
            qui comme le Rideau suspendu &amp; volant au gré des vents en vostre Figure Enigmatique,
            aveugle leur raison, elle enfante mille maux qui nous sont representez par ceux qui
            sortent de la Boëte de Pandore.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_324" resp="mercure">
        <head>Lettre LIII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 324-326.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre LIII.</label>
          <p rend="i">À Paris. </p>
          <p>JE me promenois tantost dans la grande Salle du Palais, &amp; je me promenois fort
            doucement, car, Monsieur, vous allez voir qu’ïl y a bien de mon adresse. J’ay veu à mes
            pieds un petit morceau de papier. Comme dans nostre Art il faut faire profit de tout,
            &amp; chercher toûjours, j’ay fait voltiger en l’air ce morceau de papier avec un petit
            Souflet que je porte toûjours sous le Manteau. Aussi tost j’ay apperceu qu’il y avoit
            quelque chose gravé d’un costé, je l’ay ramassé. Or j’avois entendu dire que Monsieur
            Jean Flamel mourut autre fois, &amp; que quand il fut mort, on luy fit resser une
            Epitaphe avec des Figures sous lesquelles estoit cachée la Pierre Philosophale ;
            tellement que qui auroit pû les deviner, l’auroit trouvée. J’ay donc dit, que peut-estre
            elle seroit cachée sous ces Figures-cy aussi bien que sous les autres. Je les ay
            regardées, considerées, &amp; examinées. D’abord j’ay reconnu Pandore à sa beauté :
            c’est nostre Art, <hi rend="i">la belle Chymie</hi>. Je me suis veu dans Epimethée, car,
            Monsieur, que d’obligations j’ay à la Fortune, &amp; qu’on est heureux, quand on doit
            l’estre : Il me ressembloit comme deux gouttes d’eau. Courage, mon Esprit, courage, luy
            ay-je dit, voilà la Chymie ; me voilà, il ne nous manque plus que la Pierre
            philosophale. Elle sera sans doute dans cette Boëte, dans cette Boëte bien-heureuse.
            Qu’ay-je fait ? J’ay pris mon Souflet des deux mains, j’ay souflé dans la Boëte de toute
            ma force, &amp; aussitost la Boëte s’est renversée. À la verité j’ay ressenty dans ce
            mesme moment-là de grands mots par tout le corps ; mais n’importe, j’ay relevé la Boëte,
            &amp; en mesme temps (car, Monsieur, on n’a point les beaux Secrets sans peine) il en
            est sorty une fumée épouvantable. J’ay regardé dedans, j’y ay veu l’espérance, &amp;
            voilà <hi rend="i">la Pierre Philosophale</hi> que le Chymiste a trouvée.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_327" resp="mercure">
        <head>Lettre LIV</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 327-333.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre LIV.</label>
          <p rend="i">À Troyes. </p>
          <p>JE voudrois, Monsieur, que vous puissiez estre témoin de ce qui se passe tous les Mois
            dans une belle Compagnie de cette Ville, lors qu’on y apporte vostre Mercure. Vous
            verriez dans le même temps tout ce que l’empressement, la joye, &amp; le chagrin peuvent
            produire. Chacun veut le premier regarder l’endroit qui le touche. L’un veut apprendre
            s’il a deviné l’Enigme du Mois precedent, &amp; si son nom est dans le Mercure. L’autre
            cherche celles que vous donnez de nouveau à expliquer, pour avoir l’avantage d’estre le
            premier à le faire. D’autres veulent chanter les Chansons, d’autre lire les Histoires,
            &amp; d’autres examiner les Tailles-douces. Les Curieux de Nouvelles se jettent avec le
            dernier empressement sur les Articles de Guerre. Chacun demande à la fois ce que le
            Volume contient, avant qu’aucun en soit éclaircy ; &amp; ceux qui n’y trouvent point ou
            les Ouvrages qu’ils vous ont envoyez, ou leurs noms pour avoir deviné les Enigmes,
            divertissent toute la Compagnie par leur chagrin. Enfin, Monsieur, tout ce qui se passe
            en un quart d’heure, est si réjoüissant pour ceux qui s’attachent à le considerer, qu’il
            m’est impossible de vous en faire une peinture qui en puisse approcher. Il faut avoûer
            que l’occupation que donne le Mercure est utile de plus d’une maniere. Le temps qu’on
            employe à le lire, à faire des reflexions sur les Articles qu’il contient, à deviner les
            Enigmes, &amp; à travailler à quelques petits Ouvrages dignes d’y estre placez, occupe
            si agreablement celuy qu’on employeroit au jeu, à la médisance, &amp; peut-estre mesme à
            la débauche, qu’on ne sçauroit assez exagerer l’obligation que toute la France a au
            Mercure, puis qu’il ne nous fait pas suelement passer les heures avec plaisir, mais
            encor qu’il nous donne lieu d’acquerir de l’Esprit. Il nous apprend toûjours quelque
            chose que nous ignorions, &amp; est cause que nous sommes instruits en peu de temps de
            ce que les autres n’ont souvent appris qu’en beaucoup d’années. Sçavez-vous bien comment
            cela se fait, Monsieur ? C‘est que chacun disant son sentiment sur les Enigmes en
            figures, ne les cite que pleines d’érudition, &amp; des morceaux d’Histoires ; &amp; que
            les Avis de plusieurs habiles Gens dits en mesme temps, apprennent tout d’un coup ce qui
            leur a cousté beaucoup de veilles. Ne vous imaginez pas que toutes ces loüanges soient
            sans interest ; on ne les done au Mercure que vous exciter à continuer un Ouvrage qui
            produit tant de bons effets, &amp; à nous donner <hi rend="i">l’Extraordinaire</hi>, où
            nous esperons voir bien des Gens de nostre Ville. Nous croyons qu’il nous fera
            connoistre tous les beaux Esprits de France ; nous entendons les beaux Esprits Cavaliers
            qui ne se meslent pas ordinairement d’écrire, &amp; qui ne se font point imprimer, car
            ceux de profession sont assez connus. Vous devez sçavoir le fort &amp; le foible de
            l’Esprit des premiers mieux que personne du monde ; c’est à vous qu’ils se confient,
            vous en sçavez la foiblesse &amp; l’étenduë, comme un Directeur sçait le fort &amp; le
            foible d’une conscience. Si pour vous animer à travailler, il ne reste plus qu’à vous
            féliciter sur le grand debit de vostre Livre, je vous puis dire que vous avez
            contentement sur cet Article, &amp; que monsieur Malbert Directeur des Postes de
            Champagne nous disoit dernierement que le Mercure grossissoit tous les ordinaires la
            Masle du Courrier qui vient en cette Province. Plaignez vous aprés cela, Monsieur ; mais
            je ne croy pas que vous soyez si injuste que d’accuser le Siecle de mauvais goust. Je
            suis persuadé du contraire, &amp; que vous ne refuserez pas de me faire la grace de
            croire vostre tres, &amp;c.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_333" resp="mercure">
        <head>Lettre LV</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 333-336.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre LV.</label>
          <p rend="i">De Châlons en Champagne. </p>
          <p>LE hazard m’ayant fait tomber aujourd’huy entre les mains le dernier Tome du Mercure
            Galant, je l’ay ouvert, Monsieur, avec une extréme curiosité. Je suis tombé heureusement
            sur les noms de ceux qui s’estoient meslez d’expliquer les ingénieuses Enigmes du Volume
            de Janvier, où parmy une sçavante multitude, j’ay remarqué avec plaisir qu’un bel Esprit
            de Troyes &amp; un venérable Chanoine de Rheims, avoient eu assez d’assurance pour
            prendre la liberté de vous écrire, &amp; de vous envoyer ce qu’ils avoient pensé de ces
            admirables Enigmes. J’ay achevé de lire la Page entiere ; j’ay retourné le feüillet avec
            un empressement sans pareil les Pages suivantes qui traitent du mesme sujet, dans
            l’espérance que j’avois d’y remarquer quelque galant Homme de Châlons ; mais helas, ç’a
            esté en vain que j’ay cherché, je n’y ay trouvé personne, &amp; dés ce moment j’ay senty
            mon cœur brûler d’une noble envie de faire connoistre que mon Païs où regne avec
            admiration toute la galanterie de Champagne, ne vouloit rien ceder à ces deux fameuses
            Villes dans l’art d’expliquer des Enigmes. Je me suis appliqué un bon quart-d’heure à la
            lecture des deux Enigmes de Fevrier, où enfin j’ay trouvé deux Mots que je ne puis me
            dispenser de vous envoyer, dans l’espérance que vous serez assez charitable pour les
            placer dans vostre Extraordinaire du 15. Avril. Une Ville toute entiere vous en aura
            obligation. Vostre charmant Mercure qu’on n’y voit que rarement, se trouvera par tout.
            Quantité de beaux Esprits qui ne s’éveillent qu’avec le temps vous envoyeront souvent de
            rares Productions, &amp; moy que vous connoistrez par le nom du Petit Medecin, je seray
            eternellement l’admirateur de vostre style enjoüé, &amp; le plus humble de vos
            Serviteurs,</p>
          <p rend="sc">Le Petit Medecin. </p>
          <p>Les deux Mots que je croy estre ceux de vos Enigmes, sont le <hi rend="i">Baston de
              Mareschal de France</hi>, &amp; <hi rend="i">la Lettre</hi>.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_337" resp="mercure">
        <head>Lettre LVI</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 337-339.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre LVI.</label>
          <p rend="i">À Paris. </p>
          <p>JE croy que la Guerre, l’Ambition, le Procés, &amp; l’Indigence, peuvent estre la
            source de toutes sortes de maux. Si le détail n’en estoit point trop long, ou plutost si
            j’en pouvois trouver la fin, je ferois voir qu’il n’y en a point au monde qui ne soient
            sortis &amp; qui ne sortent tous les jours de ce que je viens de nommer ; &amp; comme
            l’Amour produit tres-souvent ces quatre choses, on peut justement dire que tous les maux
            du monde viennent de luy, qu’il est renfermé dans la Boëte de Pandore, &amp; qu’ainsi le
            mot de l’Enigme est <hi rend="i">l’Amour</hi>. Ce fut luy qui alluma entre les Grecs
            &amp; les Troyens cette Guerre dont le feu ne s’éteignit que dans l’embrasement de
            Troye. Ce fut luy qui arma les Sabins contre Rome naissante, &amp; qui troublant le
            repos de la Republique Romaine, fit devenir publique la querelle particuliere de César
            &amp; d’Antoine. C’est luy qui n’étant pas ordinairement satisfait d’une dépense, si
            elle n’est outrée, dissipe les plus puissans heritages, &amp; cause par là une indigence
            &amp; des Procés qui engendrent mille autres maux. C’est l’Amour qui met souvent des
            desordres dans les Familles, &amp; le Barreau retentit tous les jours des plaintes qu’on
            fait contre luy. Je ne diray point que le desir de plaire à une Maistresse qu’il fait
            naistre dans le cœur d’un Amant, excite dans ce mesme cœur une ambition de s’élever pour
            en estre plus favorablement reçeu, qui fait souvent répandre du sang sans qu’on sçache
            le sujet qui le fait verser. Pourquoy dirois-je toutes ces choses ? On les sçait, puis
            que les Histoires en sont remplies. Il n’est donc pas necessaire que je grossisse cette
            Lettre, pour prouver que <hi rend="i">l’Amour</hi> est le Mot de l’Enigme de Pandore,
            &amp; il ne me reste plus qu’à vous assurer que je suis vostre, &amp;c.</p>
          <p rend="sc">De Roux. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_340" resp="mercure">
        <head>Lettre LVII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 340-350.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre LVII.</label>
          <p rend="i">À Caën. </p>
          <p>VOus avez déja veu, Monsieur, des Ouvrages de M<hi rend="sup">r</hi> Couture de Caën ;
            &amp; l’explication de l’Enigme dont le mot estoit <hi rend="i">le premier Jour de
              l’Année</hi>, que je vous adressay, &amp; que vous avez mise dans le Mercure qui a
            precedé celuy-cy, m’est un témoignage convaincant que vous estimez ce bel Esprit. Cela
            estant, je m’assure que vous ne trouverez pas mauvais que je vous fasse part d’une
            Lettre qu’il a écrite à une Dame de la premiere qualité de Basse Normandie, où il fait
            voir l’estime qu’il a pour tout ce que vous donnez au Public, &amp; explique les trois
            Enigmes de vostre dernier Tome. Cela est admirable en luy, qu’estant encor fort jeune,
            il gouste parfaitement les bonnes choses, &amp; possede quasi toutes les Langues de
            l’Europe. Je souhaiterois avoir la sienne, Monsieur, pour vous exprimer combien en mon
            particulier je vous suis redevable des bonnes heures que vos Livres me font passer.</p>
          <p>Du ***</p>
          <p>JE ne sçay, Madame, si vous avez remarqué que l’Autheur du Mercure Galant suit si
            ponctuellement l’ordre des Saisons, qu’on ne peut pas dire qu’il laisse échaper lam
            oindre occasion de paroistre le meilleur Oeconome du monde. Dans son dernier Mercure par
            exemple il nous avoit donné <hi rend="i">l’Ecran</hi> pour Enigme. Estoit-il rien qui
            fust plus de saison ? Il y avoit ajoûté <hi rend="i">l’Académie Françoise</hi>,
            veritable modele de toutes les agreables Assemblées qui se faisoient dans le temps du
            Carnaval. Il est vray que pour les jours gras il auroit pû nous servir quelque mourceau
            plus friand en soy qu’un <hi rend="i">Coq</hi> ; mais la belle Madame la Marquise de
            Leinville de qui il le tenoit, donnoit un grand relief à ce Mets. Pour moy qui ne me
            pique point d’une délicatesse si raffinée, j’avoüe que la maniere dont il estoit
            appresté, me l’a fait trouver fort à mon goust.</p>
          <p>Je ne m’accommode pas si bien de ce qu’il nous présente dans celuy-cy. La premiere
            Enigme, si je ne me trompe, est <hi rend="i">la Feüille de Papier</hi>, qui figure la
            maigreur, la pâleur, &amp; la secheresse des Visages de ce temps-cy. La seconde est <hi
              rend="i">la Pique</hi>, qui sert d’autant plus utilement le Roy dans ses Armées,
            qu’elle tombe en de meilleures mains, &amp; qui porte cette marque de l’Empire de
            France, que le fer est taillé en Fleur de Lys. Cette armure ne convient-elle pas encor
            fort bien au commencement de cette glorieuse Campagne ? Pour ce qui est de l’Enigme en
            figure, c’est bien un autre Baston que la Pique. C’est <hi rend="i">le Carême</hi>.
            Cette belle Dame qui fait un présent si précieux, mais si contraire à la santé, nous
            figure l’Eglise qui l’impose aux Hommes representez par Epimethée pour les punir de
            leurs crimes. Toutes ces maladies qui sortent en foule de cette Boëte, font voir assez
            clairement les diférentes indispositions que causent les viandes de Carême. S’il n’est
            pas tout-à-fait selon la verité, que ce soit de là qu’elles naissent, du moins
            pouvons-nous dire qu’il n’est pas contre les sentimens communs.</p>
          <lg>
            <l><space/>Demandez à la jeune Iris,</l>
            <l>Qu’est devenu ce teint de Roses &amp; de Lys,</l>
            <l><space/>    D’où luy vient ce visage blême ;</l>
            <l><space/>    La jeune Iris vous répondra,</l>
            <l><space/>    J’en suis en une peine extréme ;</l>
            <l><space/>    Mais qu’est-ce que l’on y fera ?</l>
            <l><space/><space/>        C’est le Carême.</l>
          </lg>
          <p>Je ne m’en trouve pas mieux que cette belle Personne, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> N***
            l’Hypocrate de nostre Village, ne raisonne pas autrement qu’elle. Vous ne connoissez que
            trop la suffisance affectée de l’Homme ; mais, Madame, voicy ce qui vous fera voir le
            caractere du Genie dans son naturel. Je luy disois ce matin que je me trouvois fort mal
            depuis cinq ou six jours ; que j’avois une inflâmation de poitrine qui m’exerçoit
            étrangement ; &amp; que enfin l’on pouvoit raisonner avec luy de la cause de ces sortes
            d’indispositions.</p>
          <lg>
            <l><space/>Pline, Hipocrate &amp; Galien,</l>
            <l>M’a-t-il dit, dans leur temps, la connurent fort bien ;</l>
            <l>Sur tout Galien dit en l’Article septiéme,</l>
            <l><space/>Que la cause des Fluxions,</l>
            <l>Des Fiévres, de la Toux, des Inflammations,</l>
            <l><space/><space/>        C’est le Caresme.</l>
          </lg>
          <p>N’est-il pas vray, Madame, que cette citation est fort à propos, &amp; fort bien
            placée, &amp; que s’il rencontroit toûjours aussi heureusement, il ne guériroit pas
            moins de monde par ses bons mots, que par ses mauvaises Ordonnances ? Pour moy, j’avoüe
            que celuy-cy m’a déchargé la rate sans le secours de l’Apoticaire. Ainsi voulant pousser
            la conversation plus loin, je me suis encor plain d’un furieux mal de teste qui
            m’interdisoit jusqu’à la moindre application. Luy me voyant un Livre entre les mains,
            m’a demandé quel il estoit, &amp; si je pouvois faire une pareille lecture, sans
            m’appliquer. <hi rend="i">C’est</hi>, luy ay-je répondu, <hi rend="i">le Mercure Galant.
              J’y cherche le sens d’une Enigme. Les autres endroits de cet Ouvrage, sont plus
              capables de délasser l’esprit, mais cette Enigme est d’une toute autre nature. J’avois
              deviné celles des Tomes précedens, mais franchement je me rends à celle-cy.</hi> Il
            faut, Madame, rendre justice à mon Medecin. Son grand esprit dans cette rencontre a
            infiniment servy au peu que vous m’avez tant de fois dit que j’en ay. Comme donc en
            poursuivant mes plaintes je luy disois, <hi rend="i">je suis dans une appréhension
              mortelle que mon mal n’ait quelque mauvaise suite, j’épouve déja que</hi></p>
          <lg>
            <l>L’Esprit se sent des foiblesses du Corps,</l>
            <l><space/>    Monsieur, je n’avois de ma vie</l>
            <l><space/>    Fait en vain de si grands efforts.</l>
            <l><space/>    De quelque longue maladie</l>
            <l><space/>    Ne serois-je point menacé ?</l>
            <l><space/>    Monsieur, m’a-t-il dit tout de mesme,</l>
            <l><space/>    N’en soyez point embarassé,</l>
            <l><space/><space/>        C’est le Caresme.</l>
          </lg>
          <p>Ce <hi rend="i">c’est le Caresme</hi>, m’a semblé si juste en cet endroit de nostre
            entretien, que j’ay fait une plus particuliere reflexion sur le Tableau de Pandore,
            &amp; qu’enfin graces à M<hi rend="sup">r</hi>. N. j’ay trouvé sans beaucoup de peine ce
            que je vous en écris. Je pourrois encor y ajoûter que l’esperance qui demeura seule au
            fond de la Boête, represente admirablement bien celle qui nous reste de voir bientost la
            fin d’une saison si fâcheuse aux malades comme moy, &amp; de recouvrir ce qu’elle nous a
            fait perdre d’enbonpoint. Vous voyez, Madame, que je suis redevable de mes lumieres à un
            Aveugle, &amp; que s’il eust mieux raisonné, je n’aurois peut-estre pas si bien deviné.
            J’en suis fort reconnoissant ; car enfin, de conter cela pour rien, c’est à mon avis ne
            connoistre pas le prix des choses. Je vous prie, Madame, quand vous serez de retour à la
            Campagne, de le féliciter nommément là-dessus, &amp; de me croire avec tout
            l’attachement possible, vostre tres, &amp;c.</p>
          <p rend="sc">Couture. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_350" resp="mercure">
        <head>Lettre LVIII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 350-354.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre LVIII.</label>
          <p rend="i">À Coutance. </p>
          <p>NOus venons enfin, Monsieur, de recevoir le Tome du Mercure, où vous nous avez si
            obligeamment placez. Nostre Societé de Coutance m’ordonne de vous en faire de
            tres-humbles remercîmens, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> le Président de Pierreville a
            prié M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de la Roque son Beaufrere qui est à Paris, de vous en
            faire les complimens. Nostre Compagnie, Monsieur, est encor médiocre, mais l’honneur que
            vous luy faites, ne manquera pas de contribuer à son augmentation, &amp; la maniere dont
            vous en parlez, nous engage à ne vous pas laisser ignorer quelles sortes de Personnes la
            composent. Je vay vous en dire seulement les noms : M<hi rend="sup">r</hi> le Président
            de Pierreville ; M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de la Mothe, Chanoine &amp; Archidiacre
            du Cotantin ; M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé des Viviers, Aumônier du Roy ; M<hi
              rend="sup">r</hi> Corbet, Chanoine &amp; principal du College, (M<hi rend="sup">r</hi>
            le Président de l’Isle qui est mort depuis un mois, avoit sa place apres ces Messieurs,
            comme ils m’ont fait la grace de me la donner apres ;) M<hi rend="sup">r</hi> de Vandôme
            Conseiller du Roy au Présidial ; M<hi rend="sup">r</hi> de la Fevrerie ; M<hi rend="sup"
              >r</hi> Langevin, Professeur de Philosophie ; M<hi rend="sup">r</hi> de S. André,
            Docteur en Medecine, Autheur <hi rend="i">des Entretiens sur l’Acide &amp; sur
              l’Alkali</hi>, M<hi rend="sup">r</hi> le Vavasseur, Prestre ; &amp; M<hi rend="sup"
              >r</hi> du Bosc, Professeur. Ce seroit trop à dérober à vos continuelles occupations,
            que de vous faire le portrait de ces Messieurs. Je vous diray seulement que M<hi
              rend="sup">r</hi> de la Ferrerie, dont le bel esprit est icy estimé, fit ces jours
            passez les trois Pieces que je vous envoye. Si vous les trouvez dignes d’entrer dans le
            Mercure, il vous en envoyera de semblables de temps en temps, sans parler de celles que
            ces autres Messieurs vous préparent. J’y joints une Fable que je viens de faire à
            l’imitation de celles de vos derniers Tomes, &amp; croyois y mettre une autre sorte de
            Conte intitulé <hi rend="i">les Amans malheureux</hi>, mais il est de plus de trois cens
            Vers, &amp; il vous faut des Pieces plus courtes. Je grossis d’ailleurs ce Paquet d’un
            Cahier de Refléxions que vous me permettrez, Monsieur, de vous presenter. Je ne sçaurois
            plus desavoüer qu’elles soient de moy, mes Amis en ayant reconnu le stile &amp; les
            lettres de mon nom à la vingtiéme Page. Je me dispose à en faire faire la seconde
            édition, qui sera augmentée de plus de la moitié. Elles furent examinées à une de nos
            Conférence où il n’y avoit point de Discours, car quelques-uns de ces Messieurs n’en ont
            point encor fait. Voicy les Sujets de ceux qui ont esté prononcez. <hi rend="i">Les
              Sciences renduës illustres par les soins du Roy ; L’Eloge de l’Histoire de France ; La
              maniere de bien employer le temps ; Quel caractere d’esprit doit avoir un
              Académicien ; Le Triomphe de l’Eloquence, de la Raison &amp; de l’Expérience, de la
              Beauté &amp; de la Diformité, de la Jeunesse &amp; de la Vieillesse</hi>. On espere,
            Monsieur, mettre au premier jour Monsieur de Servigny, Fils de Monsieur de Pontrilly
            Président au Présidial, à la place de Monsieur de l’Isle Président des Elûs, ce jeune
            Gentilhomme estant au mesme rang dans le Catalogue qu’estoit cet Illustre Mort. Je suis
            vostre, &amp;c.</p>
          <p rend="sc">Masseville. </p>
          <p>Monsieur le Président de Pierreville aura sans-doute de la joye de voir ce que je viens
            de lire dans vostre dernier Volume, de Monsieur Miromesnil, qui est Frere de Madame la
            Présidente sa Femme.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_354" resp="mercure">
        <head>Fragment d’une lettre du Païs de Maine</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 354-358.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Fragment d’une Lettre du Païs</label>
          <label rend="center">du Maine.</label>
          <p>J’Ay bien de diférentes pensées sur vostre Planche de <hi rend="i">Vénus</hi> &amp; de
              <hi rend="i">Vulcain</hi>. Je me contenteray de vous en dire une au hazard. Je me
            persuade que c’est la constance ou la fermeté d’esprit &amp; de courage figurée par ce
            Bastiment solide, &amp; dont la base est angulaire. Ce Soldat debout appuyé sur son
            Bouclier d’une main, &amp; sur sa Pique de l’autre, est une marque de stabilité, ne
            pouvant vaciler de costé ny d’autre. Cette Vénus dans sa molesse, est dans une posture
            stable. Si elle estoit pourtant entierement couchée, l’on ne pourroit pas la renverser ;
            alors elle seroit plus ferme ; mais en l’état qu’elle est, elle ne peut pas tomber de
            haut, estant assise contre terre. Il n’y a que ce pauvre petit Aveugle à plaindre, dont
            les armes sont renversées, &amp; qui me paroist foible ; c’est pourquoy il est obligé de
            chercher à tastons un Baston pour s’appuyer. Vous voyez de quelle maniere il tend les
            bras. S’il pouvoit attraper ce gros Homme qui tient un Maillet, il auroit un bon appuy ;
            car y a-t-il Rocher plus ferme que cet Homme ? Il voit une Divinité en état de toucher
            les choses insensibles, qui a épuisé le carquois de l’Amour pour le fléchir ; cependant
            il demeure ferme, &amp; veut mesme avec son Maillet émousser &amp; écraser toutes les
            Fleches qu’on peut darder contre luy. Voila, Monsieur, une de mes imaginations. Elle ne
            vous est pas expliquée en termes choisis, mais ce défaut est pardonnable à une Fille qui
            ne cherche qu’à vous dire ce qu’elle pense, &amp; qui est vostre tres, &amp;c.</p>
          <p rend="sc">Sans vous Je n’aime rien. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_360" resp="mercure">
        <head>Lettre LX</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 360-368.</bibl>
        <quote>
          <p>Avoüez, Monsieur, que ces Explications sont fort agreablement tournées, pour une
            Personne du sexe de Mademoiselle Loyseau, qui ne fait que commencer à noüer commerce
            avec les Muses. Voicy un Madrigal qui vous fera juger de son mérite. Il luy a esté
            envoyé depuis quelques jours par un galant Homme qui en est fort touché.</p>
          <lg>
            <l>Soyez, charmante Iris, plus traitable, ou plus fiere,</l>
            <l>Augmentez vos bontez, ou vostre humeur severe,</l>
            <l>Et declarez par là si je dois esperer</l>
            <l><space/>    De ne plus un jour endurer,</l>
            <l><space/>    Cet aveu sera le remede</l>
            <l><space/>    Du tendre amour qui me possede.</l>
            <l>Que dis-je, le remede ? Et je voudrois guérir</l>
            <l>Des maux que peut causer une flamme si belle ?</l>
            <l>Non, mon cœur, c’est un crime, on ne peut trop souffrir.</l>
            <l>Quand Iris deviendroit mille fois plus cruelle,</l>
            <l>Plutost que vostre amour change jamais pour elle,</l>
            <l><space/>Apprenez qu’il vaut mieux mourir.</l>
          </lg>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_368" resp="mercure">
        <head>Lettre LXI</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 368-379.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre LXI.</label>
          <p rend="i">À Sedan. </p>
          <p>VOstre Mercure, Monsieur, est fourny d’une si agreable diversité de Nouvelles, que tout
            le monde, de quelque âge, sexe, ou condition qu’il soit, le cherche avec empressement,
            &amp; le lit avec une avidité inoüye, &amp; j’en voy plusieurs qui souhaiteroient qu’on
            fist travailler incessamment à un nouveau Calendrier qui nous mist une trentaine de Mois
            dans l’Année, afin que l’on vist plus souvent un nouveau Tome de vostre façon. Cela ne
            vous paroistra pas hors d’apparence à l’égard du beau Sexe pour qui vous travaillez
            principalement ; mais vous aurez quelque peine à croire que des Barbons &amp; des
            Sçavans du plus gros calibre, ayent appris dans vos Préfaces avec des transports de
            joye, qu’il y aura tous les trois Mois un <hi rend="i">Extraordinaire</hi> du Mercure,
            sans préjudice des Volumes qui sont destinez à chaque Mois. C’est pourtant une verité,
            Monsieur. Je connois dans cette Frontiere quelques Personnes herissées de Science, &amp;
            enfoncées dans l’étude de la profonde Erudition, qui sont ravies de ce nouveau
            Suplément, &amp; qui voudroient voir toutes les Semaines un de vos Mercures, avoüant de
            bonne foy que jamais délassement d’Esprit n’a esté preparé avec tant de délicatesse que
            celuy que vous leur préparez sans y penser, car ils s’imaginent que vous ne travaillez
            que pour les beaux Esprits, du nombre desquels on a toûjours banny ces Gens qui se
            guindent vers les Sciences de l’autre monde. Comme j’ay quelque habitude avec eux, ils
            m’ont chargé de vous assurer de leur reconnoissance, &amp; quoy qu’on dise ordinairement
            que l’on est obligé qu’à ceux qui nous ont eu en veuë quand ils ont fait quelque chose
            dont nous avons sçeu tirer du profit, ils soûtiennent neantmoins qu’ils vous sont
            extrémement redevables, puis que vostre travail leur sert d’une agreable &amp; utile
            recreation. Je dis utile, Monsieur ; car ceux au nom de qui je vous parle, sont encor si
            retranchez au dela du monde, quoy que vostre Livre les ait humanisez en quelque façon,
            qu’ils content pour bagatelle le bel Esprit, à moins qu’il soit accompagné de quelque
            solidité scientifique ; de sorte que si vostre Mercure ne faisoit que les divertir, ils
            croiroient faire tort à leur gravité, s’ils vous faisoient faire leurs complimens : mais
            à cause des instructions qu’ils y trouvent sur plusieurs choses qui sont du ressort des
            Sciences, ils croyent qu’il est indispensablement de leur devoir de vous témoigner leur
            gratitude. C‘est à vous, Monsieur, à juger du prix de ce compliment. Vous faites des
            refléxions si judicieuses sur les choses qui vous passent par les mains, que ce seroit
            une extréme temerité à moy de vouloir vous faire prendre garde au merveilleux effet de
            vos Livres, &amp; aux éloges qu’ils tirent des Gens mesme du Païs Latin, tous infatuez
            qu’ils sont de l’ancienne Rome, &amp; de la doctrine des Universitez. Si vous croyez,
            Monsieur, que cette espece d’Hommes qui se veut servir de moy pour vous assurer de
            l’estime que l’on fait parmy eux de la maniere dont vous parlez de toutes choses, &amp;
            du caractere d’honneste Homme, &amp; de l’Esprit du monde qu’ils remarquent également
            dans vos Ouvrages, mérite quelque considération, vous n’aurez qu’à continuer sur le pied
            que vous avez commencé. Vous sçavez si bien deviner ce que le Lecteur doit demander
            qu’on luy éclaircisse, qu’il suffit que vostre Dame continuë à vous proposer ses
            difficultez, ou que vous les préveniez dans l’occasion mesme, comme vous le faites
            souvent. Je suis chargé de vous dire de la part de nos Docteurs, qu’ils vous remercient,
            1. De ce que vous instruisez le Public de plusieurs Points d’érudition que les Gens du
            monde ne viendroient jamais chercher dans leurs Livres, à cause qu’ils manquent des
            ornemens dont vous assisonnez vostre Mercure ; d’où il arrive que la Science se répand
            dans la plus belle partie du monde à la faveur d’une si charmante Compagnie, ce qui
            n’arriveroit jamais par leur moyen, quelque peine qu’ils se donnent pour étendre les
            bornes de la Republique des Lettres. 2. Ils vous remercient de ce que vous les
            instruisez eux-mesmes dep lusieurs choses qu’ils ont oubliées, où qu’ils n’ont jamais
            rencontrées dans leur immense Lecteur. L’un avoit oublié l’étymologie de l’Obelisque,
            &amp; la diférence de la Pyramide, &amp; sa destination originaire. Il ne songeoit à
            rien moins qu’à chercher tout cela dans ses Livres, lors que vous luy en avez épargné la
            necessité. Un autre n’avoit jamais bien sçeu ce que c’est que l’Acte de <hi rend="i"
              >Resumpte</hi>, ny les Ceremonies de la Reception d’un Duc &amp; Pair au Parlement. Un
            troisiéme n’avoit pas le loisir de lire la longue Dissertation du P. Bouhours sur la
            Devise, &amp; moins encor le gros Livre du P. le Moine sur le mesme sujet. Il a pû
            neantmoins apprendre en lisant trois de vos Pages ce qu’il y a de plus essentiel dans
            cet Art-là. Au reste, Monsieur, il y a un de nos Sçavans à qui vous avez donné une
            extréme envie de connoistre les circonstances personnelles de ceux qui font du bruit
            dans le monde. Il ne trouve rien de plus beau que de sçavoir en lisant le Mercure, qu’un
            Tel &amp; un Tel sont d’une telle Maison, &amp; c’est pour cela qu’il en est l’idolâtre.
            Sa curiosité, &amp; celle de quelques-uns de ses Confreres, va jusqu’à souhaiter qu’on
            luy dise la Province d’où sont les Familles, &amp; il se donna mille peines l’autre jour
            pour avérer si Messieurs de Valbelle sont Provençaux, ce qu’il ne voyoit pas assez
            clairement par tout ce que vous rapportez de curieux sur leur Maison. Je croy, Monsieur,
            qu’il vous sera facile de satisfaire toûjours en cela, comme vous le faites
            tres-souvent, ceux qui souhaitent de connoistre la Patrie des grands Hommes, soit dans
            les Armes, soit dans les Lettres ; car vous sçavez bien qu’il y a eu toûjours une grande
            émulation là-dessus entre les Nations &amp; les Provinces, &amp; que les Autheurs se
            batent souvent pour justifier la naissance de quelque Personne dans tel ou tel Lieu,
            parce que plusieurs Viles ou Provinces se la veulent attribuer.</p>
          <p>Dés que je me vis engagé à vous écrire, je m’avisay de chercher quelqu’un qui
            expliquast vos Enigmes du Mois de Fevrier, &amp; je crûs qu’il pourroit bien y avoir
            assez d’Esprit à Sedan pour cela, puis que je voy par vostre Mercure que des Villes qui
            ne sont pas plus celebres vous fournissent quantité d’Explications. Je n’ay trouvé
            personne qui ait pû mordre à la Figure énigmatique, mais j’en ay trouvé qui croyent que
            la premiere Enigme en Vers est <hi rend="i">un Baston de Mareschal de France</hi>, ils
            m’ont assez satisfait dans la maniere dont ils y appliquent tous les Vers. Ils ont voulu
            en faire autant de la seconde sur une Lettre, mais ils ne trouvoient pas leur conte,
            mesme selon leur goust ; ainsi je ne voudrois pas garantir leurs sens. Je vous demande
            mille pardons, Monsieur, de ce que j’ose vous adresser une si longue Lettre, pendant que
            de toutes parts on vous en envoye de si jolies, &amp; que vous n’avez pas trop de vostre
            temps pour lire toute cette affluence de bonnes Pieces, &amp; pour mettre en œuvre les
            diférens matéreaux de vostre Livre. Faites-moy la justice de croire que je suis un de
            ceux qui le lisent avec autant de plaisir pour un Ouvrage si utile au Public, &amp; si
            glorieux à la France, que d’estime pour vostre Personne ; &amp; que sans connoistre mon
            nom, vous avez en moy un tres, &amp;c.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_384" resp="mercure">
        <head>Lettre LXIII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 384-389.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre LXIII.</label>
          <p><hi rend="i">Du Païs du Maine</hi>,</p>
          <p rend="i">Ce 6. Mars 1678. </p>
          <p>JE suis, Monsieur, fort surprise, qu’apres vous avoir toûjours entendu parler dans vos
            Lettres à l’avantage du beau Sexe, vous ayez voulu en tracer une aussi funeste Image que
            celle que vous nous proposez sur vostre Enigme de Pandore. Si le temps de penitence où
            nous sommes, ne vous servoit d’excuse, j’aurois bien de la peine à vous le pardonner. Je
            veux croire que ce que vous en faites n’est que pour nous faire rentrer en nous-mesmes.
            Les Cendres que nous avons prises au commencement du Caresme, nous avoient assez
            humiliées, sans vostre Tableau, qui n’a pas produit à mon égard tout l’effet que vous en
            avez pû attendre. Il m’a fait faire des refléxions, qui loin de m’humilier, augmentent
            l’estime que j’avois déja de moy-mesme, &amp; me font connoistre combien nostre Sexe
            vaut mieux que le vostre. Elles m’ont fait voir que Dieu dans la Création du Monde avoit
            fait tous ses Ouvrages de bien en mieux, &amp; qu’ainsi la Femme ayant esté le dernier
            qu’il ait fait, il doit estre estimé le plus parfait : aussi l’avoit-il formé d’une
            matiere animée, &amp; dans le lieu de delices. Vous direz bien que Dieu a formé l’Homme
            de la bouë, mais je vous défie de dire le lieu. Il faut donc que vous demeuriez d’accord
            que la Femme est plus parfaite que l’Homme. Elle merite bien vostre estime, puis que
            Dieu mesme l’a tant estimée, que de choisir une si noble matiere &amp; un lieu si
            agreable pour la produire, comme son chef-d’œuvre. Ne vous lassez point, je vous prie,
            de la loüer, &amp; ne vous arrestez plus à nous mettre devant les yeux une Pandore.
            Vostre pensée est subtile, &amp; vous estes adroit, car vous voulez dire que c’est la
            Femme, pour ensuite tirer cette fâcheuse conséquence ; donc il faut mépriser le beau
            Sexe (c’est ainsi que vous l’appellez) puis que de la femme sont sortis tous les maux.
            C’est à mon sens aller un peu viste. Est-ce que dans vostre propre pensée les Hommes ne
            font pas un bien ? À vostre avis, d’où vient l’Homme ? ne vient-il pas de la Femme ? Et
            l’Homme estant l’abregé de tout ce qu’il y a de bien dans la Nature, tous les biens
            viennent donc de la Femme. Je ne voy point de repartie. Relevez vostre estime pour le
            beau Sexe. Cependant je dis que le Mot de vostre Enigme est <hi rend="i">la Femme</hi>
            figurée par Pandore. Vous la suposez dans le Paradis Terrestre, parce que Pandore estant
            assise, est dans un état de repos, &amp; le repos est la marque du Paradis. Je ne veux
            pas dire que ce soit par malice que vous employez la Figure de cette Déesse à nous
            representer le Serpent qui séduit la Femme. Ce Vase nous fait entendre le Fruit défendu,
            duquel l’Homme ayant mangé, tous les maux ont suivy, comme le travail, les maladies,
            &amp; tous les pechez. Aussi estoit-il, à ce que vous dites, defendu à Pandore d’ouvrir
            sa Boëte, de laquelle sortent tous les maux, comme le Rapt, representé par cette petite
            Figure enlevée ; le Vol par cette Figure aislée ; la Concupiscence et les ardeurs de la
            Fievre, figurée par ces fumées &amp; par ce demy corps.</p>
          <p>Pour vos deux Enigmes en Vers, le Mot de la premiere me paroist estre <hi rend="i">le
              Baston de Mareschal de France</hi>, &amp; celuy de la seconde, <hi rend="i">une
              Enseigne</hi>. Le sens y vient si naturellement, qu’elles n’ont point besoin
            d’explication. J’espere aller bientost à Paris, où je vous demanderay une heure
            d’audience pour celle qui ne prendra point jusque-là d’autre nom en vous écrivant, que
            celuy de</p>
          <p rend="sc">Sans vous je n’aime rien. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_390" resp="mercure">
        <head>Lettre LXIV</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 390-392.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre LXIV.</label>
          <p rend="i">À Paris. </p>
          <p>LE Printemps est encor si peu avancé, qu’il commence à peine de nous donner des Fleurs.
            Cependant, Monsieur, voicy un Fruit précoce que je vous envoye. C’est un Air composé par
            une aimable &amp; jeune Personne qui n’en avoit point encor fait. L’illustre Monsieur
            Sicard vous est connu. L’aimable Personne dont je vous parle est sa Fille, &amp; je croy
            qu’il ne vous faut rien de plus pour vous persuadez de ce qu’elle sçait déja dans la
            Musique. Son merite ne se borne pas à ce seul talent, &amp; j’ay à vous apprendre
            qu’elle chante, qu’elle jouë du Lut, de la Viole &amp; du Clavessin, qu’elle est bien
            faite, &amp; que tout cela se peut dire d’elle sans qu’on se rende suspect de flaterie.
            Les Vers qui suivent dont ceux qu’elle a choisis pour faire son coup d’essay.</p>
          <lg>
            <l rend="i"><space/>    L’Aimable Flore est de retour,<note resp="author" place="margin"
                  ><hi rend="i">Avis pour placer les Figures</hi> : la Chanson qui commence par, <hi
                  rend="i">L’aimable Flore est de retour</hi>, doit regarder la page 391.</note></l>
            <l rend="i"><space/>    Les Jeux, les Zephirs &amp; l’Amour</l>
            <l rend="i">Annoncent les douceurs de la Saison nouvelle.</l>
            <l rend="i"><space/>    Le Printemps regne dans ces lieux,</l>
            <l rend="i"><space/>    Mais helas ! je n’en suis pas mieux,</l>
            <l rend="i"><space/>    Puis qu’Iris m’est toûjours cruelle.</l>
          </lg>
          <p>Ces Paroles meriteroient par elles mesmes d’avoir place dans vostre Mercure, &amp; je
            ne doute point que vous ne les y fassiez paroistre notées avec plaisir, apres ce que je
            viens de vous dire de l’Admirable Mademoiselle Sicard. Adieu, Monsieur, vous voulez bien
            que je continuë à me conserver la qualité que j’ay prise d’abord avec vous de vostre
            tres-invisible Servante.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_392" resp="mercure">
        <head>Lettre LXV</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 392-400.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre LXV.</label>
          <p>IL faut, Monsieur, qu’à vous qui nous apprenez tout, je vous apprenne une chose qu’il y
            a grande apparence que vous ignorez. Les deux Lettres d’Apollon &amp; de l’Amour à la
            jeune Iris, dont vous ne nous avez point nommé l’Autheur, &amp; que vous avez mises dans
            vostre dernier Volume de l’Année 1677. sont de Monsieur de Fontenelle. Nous y avions
            remarqué un tour de Poësie aisé &amp; galant qui nous avoit persuadez que celuy qui les
            avoit faites avoit de grandes habitudes sur le Parnasse, &amp; il m’est tombé une Lettre
            entre les mains qui m’a heureusement fait trouver ce que je cherchois. Je vous l’envoye,
            parce qu’elle vous fera connoistre que malgré la Guerre vostre Mercure Galant est leu
            par tout. Cette Lettre est de Monsieur de S. Aman, qui pour un Hollandois parle assez
            bien nostre Langue pour meriter que vous l’écoutiez. Il fit amitié avec Monsieur de
            Fontenelle pendant quelques mois de sejour qu’il fut obligé de faire à Roüen pour ses
            affaires. Ils ont entretenu commerce depuis ce temps-là, &amp; voicy ce qu’il luy a
            écrit ces derniers jours.</p>
          <p>J’avois déja lû, Monsieur, vos deux Lettres en Vers d’Apollon &amp; de l’Amour, lors
            que vous me les avez envoyées, car nous avons icy le Mercure Galant tous les Mois. À
            vous dire le vray, je vous trouve un peu Coquet, &amp; il semble que veüillez me faire
            entendre que ce Troupeau de vos Amis, dispersé en diverses Parties de l’Europe, n’est
            que trop-bien remplacé par ces yeux si bien fendus, par ce beau teint &amp; par cette
            taille si bien prise. Seroit-ce tout de bon que vous seriez entesté, &amp; voudriez vous
            essayer de faire entrer dans vos Vers un peu de ce certain caractere doux &amp; aisé
            dont l’Amour se vante dans sa Lettre à Iris ? À la bonne heure, mais aussi souvenez-vous
            que</p>
          <lg>
            <l>Vous ne ferez jamais de Piece réguliere,</l>
            <l>Si ce petit Broüillon vous inspire vos Vers.</l>
          </lg>
          <p>En effet s’il vous arrive jamais d’estre amoureux, vous ne ferez rien moins que des
            Vers amoureux, puis que la Poësie n’est qu’une feinte, &amp; que l’on conteste la
            qualité de Poëte à un des plus beaux Génies de l’Antiquité, parce qu’il a dit des
            veritez, &amp; qu’il rapporte les choses dans les déguiser. Ce n’est pas pourtant que je
            voulusse vous faire peur de l’Amour, mais vous me paroissez d’une certaine humeur à
            sacrifier &amp; Amis &amp; Amitié aux pieds d’une Maistresse. Vous meritez bien que je
            vous parle comme je fais, pour vous punir ce que vous me traitez de Batave. Je ne vous
            le cele point, vous m’avez fâché, &amp; si je ne craignois point de vous faire un
            affront plus grand que celuy que vous m’avez fait, je vous appellerois Normand deux ou
            trois bonnes fois de suite. Cependant ce n’est pas tant vostre reproche qui m’a fâché
            que la peine qu’il m’a donéne, car j’avois lû vos Vers dans le Mercure, j’en avois avec
            la plus grande tranquilité du monde, admiré la pureté &amp; le génie, j’estois ravy de
            vous voir si bien soutenir le caractere d’Apollon &amp; de l’Amour ; mais apres avoir
            reçeu vostre injurieuse Lettre, j’ay esté forcé de vous faire voir qu’une oreille Batave
            est aussi délicate qu’une Françoise. Il a donc fallu vous critiquer, &amp; Dieu sçait
            quelle peine ce m’a esté. D’abord je vous diray que quelque haute opinion que j’aye de
            vos Vers, je n’ay point balancé à leur preferer ceux de la Belle, &amp; sa réponse ou
            son jugement que j’ay lû dans le Mercure. Je n’ay rien veu de plus juste ny de plus joly
            que ces deux petits Ouvrages, &amp; je ne sçay à quoy je ne les prefererois pas. La
            belle veine que celle qui les a produits ! je vous trouve plus heureux d’en avoir fait
            la découverte, que ceux qui ont les premiers trouvé les riches veines du Potose. Pour ce
            qui est du Compliment d’Apollon, il me semble qu’il se fait par tout trop connoistre
            pour le Maistre de la Maison, &amp; que le Dieu du Parnasse auroit pû salüer céte
            Etrangere qui abordoit à son Costeau d’une maniere un peu plus civile, &amp; sans luy
            faire sentir si souvent chez moy que les Personnes qui se meslent de sçavoir vivre ont
            tant de soin d’éviter. Je croy aussi que vous vous faites tort de croire que vostre
            Belle ne sçache pas encor le nom d’Amour, &amp; que vous ne luy faites pas moins de tort
            à elle même. Comme le dépit m’a inspiré cette Critique, j’en ay un tres-grand, de ne pas
            trouver la moindre chose à critiquer dans les Vers de l’Amour, &amp; de vous laisser
            passer aussi vostre Sonnet d’Apollon &amp; de Daphné sans vous reprocher autre chose que
            ce qu’on reproche à Virgile à l’égard de Didon, qui est que vous scandalisez la chasteté
            de Daphné qui passe pour autant Nymphe de bien qu’il y en ait eu dans la Chrestienté de
            son temps. J’ay encor cent choses à vous dire, &amp; le Papier est tout prest de me
            manquer. N’avez vous rien entre les mains qui soit digne de vous ? car je n’imagine
            jamais que vous vous borniez à ces petites Pieces Galantes, vous devenez déja grand, il
            y a long-temps que vous nous dites, <hi rend="i">Afflabor majore Deo</hi>, &amp;
            cependant vous n’en faites rien. C’est maintenant qu’il faut monter sur vos grands
            Chevaux ; En verité vous perdez quelque chose de ne m’avoir pas aupres de vous, je vous
            servirois du moins à vous haster d’aller. Je suis vostre, &amp;c.</p>
          <p rend="sc">S. Aman. </p>
          <p rend="i">À la Haye, le </p>
          <p rend="i">15. de Mars. </p>
          <p>Voila, Monsieur, une Lettre qui justifie ce que je vous dis. Mettez toûjours dans
            vostre Mercure des Pieces de cette force, quoy que vous n’en connoissez pas les
            Autheurs, &amp; vous le ferez toûjours souhaiter. C’est l’avis que vous donne vostre
            tres, &amp;c.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_401" resp="mercure">
        <head>Lettre LXVI</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 401-403.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre LXVI.</label>
          <p rend="i">D’Ars en l’Isle de Ré, le </p>
          <p rend="i">3. Avril 1678. </p>
          <p>QUoy que vostre Mercure, Monsieur, fasse bruit dans toute l’Europe, vous auriez de la
            peine à croire que l’Isle de Ré si éloignée du monde &amp; de la politesse, pust en
            faite ses delices, si je ne vous assurois pas que je suis le moindre de ceux qui en
            admirent tous les jours les beautez, &amp; qui souffrent de cette modestie cruelle qui
            impose silence à ceux qui vous veulent rendre justice. J’espere m’en plaindre plus
            amplement un de ces jours, en vous envoyant quelques pensées qui ont esté conçeuës sur
            les bords d’une Mer sauvage, &amp; je me contente aujourd’huy de vous faire part de
            celles qui me sont venuës sur les deux Enigmes du Mois de Février, dont l’une, si je ne
            me trompe, est <hi rend="i">le Baston de Mareschal de France</hi>, &amp; l’autre, <hi
              rend="i">l’Enseigne</hi> d’une Maison. Voicy, Monsieur, comme j’explique la
            premiere.</p>
          <lg>
            <l>C’est un baston, n’en doutez pas,</l>
            <l>Mais un Baston de conséquence,</l>
            <l>Et dont éprouvent la puissance</l>
            <l>L’Allemage &amp; les Païs-Bas.</l>
            <l>En veut-on sçavoir davantage ?</l>
            <l>C’est un baston de Mareschal</l>
            <l>Qui ne fait jamais plus de mal</l>
            <l>Qu’entre les mains d’un Homme sage.</l>
          </lg>
          <p>J’explique la seconde de cette sorte.</p>
          <lg>
            <l>L’Enseigne souffre tout ainsi que le Papier,</l>
            <l><space/>Elle montre son double visage.</l>
            <l>On l’expose aux Passans pour en tirer usage,</l>
            <l><space/>En sortant de chez l’Ouvrier.</l>
            <l>Sans cette cruauté ce seroit pitié d’elle,</l>
            <l><space/>    Elle perdroit jusqu’à son nom,</l>
            <l><space/>    Qui nous sert de marque fidelle</l>
            <l><space/>    Quand nous cherchons une Maison.</l>
          </lg>
          <p>Je sçay, Monsieur, que je me presente un peu tard, grace à mon peu d’habitude avec le
            monde, &amp; à la Mer qui m’environne ; mais cecy n’estant qu’un jeu d’Esprit, la perte
            n’en sera pas grande ny pour vous ny pour moy, qui suis vostre, &amp;c.</p>
          <p><hi rend="sc">De L’Isle</hi>, <hi rend="i">Subdelegué de</hi></p>
          <p rend="i">Monsieur l’Intendant de la </p>
          <p rend="i">Province en l’Isle de Ré. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_404" resp="mercure">
        <head>Lettre LXVII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 404-407.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre LXVII.</label>
          <p rend="i">À Bruxelles le 4. d’Avril, 1678. </p>
          <p>Le nom de cette ville commence par un B. comme vous sçavez, &amp; le mien aussi, comme
            vous ne sçavez point ; c’est pourquoy je me sers de deux ou trois de ces caracteres pour
            signer mes Lettres, &amp; non pas pour prendre la qualité de bel Esprit de Bruxelles,
            comme vous semblez le croire, par ce que vous dites de moy dans vostre Mercure du Mois
            de Fevrier. Dieu me garde, Monsieur, d’une semblable pensée. Je vous avoüe que la vostre
            m’a fait rougir à quarante ou cinquante lieuës de ma honte, pour ainsi dire. Je ne
            laisse point pourtant de vous escrire encor mes conjectures sur vos Enigmes, &amp; si
            c’est un peu tard, vous n’en devez pas estre surpris. Je suis dans un lieu où je ne
            reçois point vos Livres plutost. Je dis donc, Monsieur, que les deux dernieres que vous
            nous avez proposées, ne peuvent signifier autre chose que <hi rend="i">les Bastons de
              vos Mareschaux de France</hi>, &amp; <hi rend="i">les Enseignes</hi> de nos Boutiques,
            &amp; je ne crois point qu’il soit nécessaire d’en mettre icy l’Explication ; car enfin,
            si je devine bien, elle seroit inutile ; &amp; si je devine mal, elle seroit fausse. Au
            reste, je voudrois bien que la sterilité naturelle &amp; les desordres accidentels de ce
            Païs-cy ne m’empeschassent point de vous envoyer quelque Ouvrage ou quelque Histoire
            agreable pour mettre dans vos Mercures ; car apres tout, il est ennuyeux que je traite
            toûjours un mesme Sujet, &amp; d’autant plus, Monsieur, que vous ne voulez point qu’on
            le diversifie avec vos loüanges. Il est certain pourtant que vous en meritez une
            infinité, &amp; ce n’est point sans peine que j’en demeure là, &amp; que je finis si
            promptement, en vous assurant que je suis vostre tres, &amp;c. B.B.B.</p>
          <p>Il faut encor que vous sçachiez que nous avons icy un Résident d’un grand Roy du Nort,
            qui a deviné aussi vos dernieres Enigmes à Livre ouvert, &amp; cela vous soit dit, pour
            vous faire connoistre que vos Mercures donnent du plaisir à toutes sortes de Nations
            étudient vos Mercures.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_407" resp="mercure">
        <head>Lettre LXVIII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 407-410.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre LXVIII.</label>
          <p rend="i">À Paris. </p>
          <p>TRois jeunes Personnes de diferentes Provinces s’estant réünies icy par un heureux
            sort, ont pris un extréme plaisir à lire le Mercure. Elles se sentent si obligées à
            l’Autheur du divertissement qu’il leur donne, qu’elles ne sçauroient s’empescher de l’en
            remercier. Elles le prient de ne se point lasser d’y mettre plusieurs Avantures
            galantes, &amp; de continuer les Enigmes qui sont si spirituelles &amp; qui exercent si
            bien l’esprit des jeunes Gens. Si nous n’avions pas esté si paresseuses, nous luy
            aurions envoyé l’Explication de celle de Janvier que nous avions treuvée fort juste. Je
            ne sçay si nous aurons aussi bien réüssi dans celle qu’il nous vient de donner, mais il
            nous paroist que la premiere qui commence par <hi rend="i">Dans les Forests j’ay pris
              naissance</hi>, doit estre <hi rend="i">un Mousquet</hi>. À nostre sens tout s’y
            rapporte, mais nostre Lettre seroit trop longue, si nous l’expliquions mot à mot. Pour
            la seconde, nous ne croyons point nous tromper, en disant que ce sont les Lettres que
            l’on envoye par la Poste, qui sont écrites de tous costez, &amp; qui contiennent ce que
            l’on y veut mettre de bien &amp; de mal, &amp;c. &amp; qui reçoivent toutes les
            impressions de Cachets que l’on y imprime. Voila, galant Mercure, la pensée des trois
            jolies Provinciales qui pourront quelque jour vous faire voir une production de leur
            Societé. Nous nous soûmettons à vostre censure, &amp; nous sommes de tres-bonne foy vos
            tres-obligées Servantes.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_410" resp="mercure">
        <head>Lettre LXIX</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 410-412.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre LXIX.</label>
          <p rend="i">À Dinan en Bretagne. </p>
          <p>ON a si grande envie en nos Quartiers d’avoir un Baston de Mareschal deFrance, qu’en
            pensant à la difficulté qu’il y a de l’obtenir, j’ay crû ne deviner pas mal, en vous
            disant que la premiere Enigme de vostre Mercure du Mois de Fevrier, ne signifie rien
            autre chose. Je sçauray, Monsieur, par le Volume que vous nous promettez, si j’auray
            bien rencontré. Il y a beaucoup de parys pour &amp; contre, &amp; il m’en coustera
            cinquante Loüis, si je n’ay pas trouvé le vray mot. Ne nous faites point languir sur
            céte Explication. Puis que nous voyons que vous insérez des Chansons &amp; de petits
            Ouvrages dans vostre Mercure, j’ay fait naistre l’envie à quelques-uns de nos Sçavans de
            vous en envoyer. Vous y verrez aussi d’assez jolies Avantures. Je suis vostre très,
            &amp;c.</p>
          <p rend="sc">Boulanger. </p>
          <p>Depuis ma Lettre écrite nous avons fait un autre pary sur la seconde Enigme du Mercure
            de Fevrier, qui commence par <hi rend="i">Je porte ce qu’on veut</hi>. C’est du Métal,
            de l’Or, ou de l’Argent monnoyé. Enfin on soûtient que c’est de la Monnoye. J’en suis
            pour mes cent Loüis, si ce n’est ny l’un ny l’autre de ce que j’ay dit sur les deux
            Enigmes.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_412" resp="mercure">
        <head>Lettre LXX</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 412-420.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre LXX.</label>
          <p>JE voy, Monsieur, par vos Mercures Galans, qu’on ne s’est pas si échauffé sur le sujet
            des Enigmes dans les autres provinces, comme on a fait en celle d’Angoulmois, puis qu’on
            en est venu à faire des gageures, comme vous le verrez par la Lettre que l’on m’écrit.
            Voyez, Monsieur, ce que le hazard fait. Je suis une Femme qui à peine sçais comme il
            faut parler, &amp; je me trouve dans la mesme pensée que les spirituelles Ecolieres
            d’Apollonius. S’il n’y avoit point trop de temerité à moy, je vous dirois que si vous
            vouliez faire une Enigme sur le Nuage, je suis persuadée que vous auriez peine à vous
            empescher de vous servir des mesmes termes dont vous vous estes servy pour parler de
            l’Armée des Conféderez. Je croy aussi, Monsieur, que les Dames de la Campagne vous
            doivent estre fort obligées. Vous ne les divertissez pas seulement par vostre Mercure
            Galant, mais vous les rendez spirituelles &amp; sçavantes. Nous autres pauvres
            Campagnardes, nous estions assez satisfaites lors que nous sçavions bien parler de
            nostre ménage, &amp; nous croyions que tout finissoit dans nostre Enclos. Mais les
            Conquestes du Roy que nous apprenons plus particulierement par vous, nous font
            connoistre que le Monde est grand. J’ay voulu, Monsieur, vous en marquer en mon
            particulier ma reconnoissance, en vous apprenant une subtilité d’une jeune Demoiselle de
            qualité agreable &amp; spirituelle, qui se trouva obligée d’épouser un Officier de ***
            extrémement vieux, &amp; qui avoit de grands Garçons. Le bon Homme commença à
            l’instruire, comme Agnés le fut autrefois par son Mary. Elle l’écouta avec attention,
            &amp; tméoigna vouloir suivre toutes ses leçons. Elle aimoit le Bal &amp; la Comédie, en
            un mot elle n’estoit pas ennemie des divertissemens qui luy paroissoient innocens. Elle
            ne vouloit pas aussi fâcher son Mary. Elle se résolut de se coucher à neuf heures, qui
            estoit l’heure de son vieil Epoux. Elle l’entretenoit des choses les plus agreables
            qu’elle pouvoit s’imaginer, jusqu’à ce qu’elle l’eust bien endormy. Si-tost qu’elle s’en
            pouvoit tenir assurée par ses ronflemens, elle se levoit doucement d’aupres de luy ;
            &amp; afin qu’il eust toûjours de la chaleur de son costé, elle faisoit coucher sa
            Demoiselle en sa place, &amp; de peur que le bruit du Carosse n’éveillast le bon Homme,
            on mettoit des Matelas depuis la Remise du Carosse jusqu’à la Porte de la Ruë, &amp; on
            les laissoit là jusqu’à son retour qu’elle revenoit prendre sa place dans son Lit. Le
            matin son Mary la voyant dormir de bon somme, se levoit tout doucement à son tour, pour
            ne la pas éveiller, &amp; s’en alloit au Palais. Ses Enfans prenoient ce temps-là pour
            luy apprendre les divertissemens de sa Femme. Le Vieillard qui se ressouvenoit des
            Histoires qu’elle luy avoit faites le soir, &amp; du plaisir qu’il avoit pris le matin à
            la voir dormir, accusoit ses Enfans d’estre des Calomniateurs, &amp; disoit que de la
            maniere qu’ils luy assuroient la chose, ils le luy feroient croire, s’il n’estoit pas
            assuré de l’avoir euë à ses costez toute la nuit ; plus ils juroient, plus il croyoit
            leurs femmes diaboliques, &amp; protestoit qu’il ne les croiroit jamais en aucune chose.
            Ils avoient beau s’offrir à luy donner des témoins irréprochables de ce qu’ils luy
            contoient. À cela le Pere répondoit qu’il s’en croyoit mieux que personne, &amp; ne
            voulut plus les voir ny les écouter. Mais il est temps de vous faire voir ce qu’on
            m’écrit sur la gageure que j’ay perduë. Voicy la Lettre.</p>
          <p>J’Ay enfin reçeu le Mercure Galant des Mois de Decembre &amp; Janvier, &amp; je vous
            l’envoye, Madame, plutost pour contribuer quelque chose à vostre divertissement, que
            pour vous faire faire voir la Décision de nostre Gageure. Vous la trouverez dans le
            premier de ces deux Tomes, avec l’Eloge que vous fait l’Autheur dans les loüanges qu’il
            donne aux spirituelles Ecolieres d’Apollonius qui avoient eu la mesme pensée que vous
            sur le sujet de l’Enigme dont vous cherchiez le Mot. J’avouë, Madame, que j’ay l’esprit
            aussi épais que le Nuage par lequel vous avez prétendu l’expliquer, puis que je n’ay
            jamais pû concevoir qu’il y eust beaucoup de raport entre l’un &amp; l’autre, encor que
            vostre sentiment se soit trouvé conforme à celuy de Personnes tres-éclairées, &amp;
            qu’il ait en l’approbation d’un Juge si compétant. Apres cela, quoy que vous n’ayez pas
            entierement touché le but, comme il y a bien plus d’avantage pour vous que pour moy en
            cette occasion, j’espere, Madame, que vous me regalerez sans chagrin du Mercure Galant
            pendant le temps dont nous sommes convenus, &amp; que vous vous consolerez aisément de
            n’avoir pas gagné sur tout lors que vous aprendrez que vous n’avez pû estre vaincuë que
            par toute l’Armée des Confederez, qui apres avoir fait seulement du bruit jusques icy, a
            enfin produit ce bon effet en ma faveur ; &amp; comme c’est un secours que je ne me suis
            pas procué, &amp; que je n’avois pas mesme préveu, je consens, Madame, que vous disiez
            si vous le voulez que je suis plus heureux que sage, pourveu que vous me fassiez
            l’honneur de me croire autant qu’on le peut estre, vostre tres-humble &amp;
            tres-obeïssant Serviteur.</p>
          <p>Proche Verteüil en Angoumois.</p>
          <p>Vous voyez, Monsieur, par cette Lettre, ce que vostre Mercure fait dans nos Provinces.
            Tout le monde y trouve un agreable délassement d’esprit, &amp; moy plus que personne,
            qui suis vostre tres-humble Servante.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_421" resp="mercure">
        <head>Lettre LXXI</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 421-434.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre LXXI.</label>
          <p rend="i">À Paris. </p>
          <p>JE ne doute point, Monsieur, que vous n’estimiez assez l’Eglogue que je vous envoye,
            pour luy donner place, ou dans vostre Mercure du Mois, ou dans l’Extraordinaire que vous
            nous faites esperer. C’est une Traduction, ou plutost une Imitation de celle de Virgile
            qui commence par <hi rend="i">Formosus Pastor Corydon</hi>. Monsieur Desmay qui en est
            l’Autheur, a choisy seulement ce qui luy a semblé le plus propre à son sujet, &amp; le
            plus capable des beautez de nostre Langue. Il m’en a confié une Copie dont je vous fais
            part, sans l’en consulter ; car il n’est jamais content de luy-mesme, &amp; il est
            toûjours le dernier à estre persuadé du merite de ses Ouvrages. Outre ceux de cette
            nature, que nous avons déja veus de luy, il a donné au Public une premiere Partie de <hi
              rend="i">l’Esope du temps</hi>, &amp; nous en promet une seconde. Ce sont des Fables
            fort agreablement moralisées, &amp; enrichies de Figures selon leur divers sujets. Je ne
            vous dis rien de la maniere aisée dont il sçait tourner les Vers. Vous n’avez qu’à lire
            pour le connoistre.</p>
          <label rend="center">Eglogue.</label>
          <lg>
            <l><space/><space/>        Tirsis, qui d’une amour extréme</l>
            <l>Aimoit la jeune Iris, &amp; l’aimoit sans espoir,</l>
            <l><space/><space/>        Ne faisoit son bonheur supréme</l>
            <l><space/>        Que du seul plaisir de la voir.</l>
            <l>Toûjours l’esprit troublé de confuses pensées,</l>
            <l>Et le cœur déchiré de son cruel amour,</l>
            <l>Dans un Bois solitaire il erroit nuit &amp; jour,</l>
            <l><space/><space/>        Et de ces plaintes insensées</l>
            <l>Fatiguoit vainement les Echos d’alentour.</l>
          </lg><lg>
            <l>Veux-tu me fuir toûjours, dy-moy, cruelle Iris,</l>
            <l>Et ne finir jamais tes injustes mépris ?</l>
            <l>Quand je chante en ces Bois un Air à ta loüange,</l>
            <l>Nos Bergeres me le font mille fois répeter,</l>
            <l><space/><space/>        Et toy par un caprice étrange,</l>
            <l>Tu ne peux une fois seulement l’écouter.</l>
          </lg><lg>
            <l>C‘est en vain qu’à tes yeux je soûpire &amp; je pleure.</l>
            <l>Mes soûpirs &amp; mes pleurs ne peuvent t’attendrir.</l>
            <l>Je ne veux seulement que te voir &amp; soufrir,</l>
            <l>Tu me fuis, &amp; tu veux, Barbare, que je meure</l>
          </lg><lg>
            <l><space/><space/>        Maintenant que tous nos Troupeaux,</l>
            <l>Que l’ardeur du Soleil brûle en ces vastes Plaines,</l>
            <l><space/><space/>        Cherchent ou l’ombre des Ormeaux,</l>
            <l><space/><space/>        Ou l’eau fraische de nos Fontaines,</l>
            <l>Je démesle tes pas au milieu de nos Champs ;</l>
            <l>Et pour mieux t’exprimer ma peine sans égale,</l>
            <l>Du fond de ces Buissons l’importune Cigale,</l>
            <l>Joint ses cris enroüez à mes tristes accens.</l>
          </lg><lg>
            <l>Ne valoit-il pas mieux de l’ingrate Sylvie</l>
            <l><space/><space/>        Soufrir les superbes dédains ?</l>
            <l><space/><space/>        La gloire de l’avoir servie,</l>
            <l><space/><space/>        Malgré ses mépris inhumains,</l>
            <l>Auroit assez payé la perte de ma vie,</l>
            <l>La brillante noirceur dont son visage est peint,</l>
            <l>Egale en ses attraits la blancheur de ton teint.</l>
          </lg><lg>
            <l>Pour estre blonde, Iris, n’en fais point tant la fiere.</l>
            <l>Qu’est-ce enfin qu’une Blonde ? une Fleur printanniere,</l>
            <l>Dont les vives couleurs éclatent peu de jours.</l>
            <l>Mais la Brune est semblable aux bonnes Violetes,</l>
            <l>De qui le sombre éclat sous les fraisches herbetes,</l>
            <l>Dans toutes les Saisons dure &amp; brille toûjours.</l>
          </lg><lg>
            <l><space/><space/>        Lors que panché sur le rivage</l>
            <l><space/><space/>        Je considere mon visage,</l>
            <l><space/><space/>        Si le brillant cristal de l’eau</l>
            <l>Rend de tous les Objets une image fidelle,</l>
            <l>Je ne suis point si laid ; Daphnis qui fait le beau,</l>
            <l>Sur moy, sans vanité, n’auroit nul avantage,</l>
            <l><space/><space/>        Iris, je m’en rapporte à toy,</l>
            <l><space/><space/>        Daphné est-il plus beau que moy ?</l>
          </lg><lg>
            <l>Quand nos Troupeaux meslez boivent à la Fontaine,</l>
            <l>J’ay beau t’offrir mes vœux, te conter mes ennuis,</l>
            <l>Daignes-tu me répondre ? helas ! belle Inhumaine,</l>
            <l>Tu ne demandes pas seulement qui je suis.</l>
            <l>Ces Coteaux toûjours verds, cette fertile Plaine</l>
            <l>Me nourit tous les jours mille Bestes à laine,</l>
            <l>Dont chacune me donne au Printemps un Agneau.</l>
            <l>Ny l’Esté, ny l’Hyver, les Meres ne tarissent,</l>
            <l><space/><space/>        Et toûjours elles me fournissent</l>
            <l><space/><space/>        Leurs mesures de Lait nouveau.</l>
          </lg><lg>
            <l><space/><space/>        Les Chansons que je veux te dire,</l>
            <l>Autrefois Amphion les chantoit sur sa Lyre</l>
            <l><space/><space/>        Lors qu’il assembloit ses Troupeaux ;</l>
            <l><space/><space/>        Et qui ne sçait dans nos Hameaux</l>
            <l>Que nostre grand Berger, nostre invincible Alcandre,</l>
            <l>Assure que je puis, seul contre tous, prétendre</l>
            <l><space/><space/>        Au premier prix des Chalumeaux ?</l>
          </lg><lg>
            <l>Si l’amour dont l’ardeur tient mon ame asservie,</l>
            <l>J’eust sous une Cabane engagée avec moy,</l>
            <l><space/>    Qu’il eust rendu mon sort digne d’envie !</l>
            <l><space/>    J’eusse parqué mes Troupeaux avec toy,</l>
            <l>Et nous eussions tous deux chassé de compagnie.</l>
            <l>Quelque heureux que puisse estre un Roy,</l>
            <l>Il deviendroit jaloux d’une si douce vie.</l>
          </lg><lg>
            <l><space/><space/>        Viens voir au son de mon Hautbois</l>
            <l><space/><space/>        Mes Agneaux bondir sur l’herbete,</l>
            <l>Et par les doux accens de ta charmante voix,</l>
            <l>Surpassant les accords de ma douce Musete,</l>
            <l>Reviens imiter Pan quand il chante dans nos Bois.</l>
          </lg><lg>
            <l>Ce Dieu fut le premier qui sur la mole cire,</l>
            <l><space/><space/>        Arrangeant de fresles roseaux,</l>
            <l><space/><space/>        Chanta son amoureux martyre,</l>
            <l>Quand Syrinx le fuyant, se plongea dans les eaux.</l>
            <l><space/><space/>        C’est de luy que vient l’art de faire</l>
            <l><space/><space/>        Des Flustes &amp; des Chalumeaux.</l>
            <l><space/><space/>        Enfin c’est le Dieu tutelaire</l>
            <l><space/><space/>        Et des Bergers &amp; des Troupeaux.</l>
          </lg><lg>
            <l>Ta bouche feroit honte à la Rose nouvelle ;</l>
            <l>Mais crois-tu, vaine Iris, qu’elle seroit moins belle,</l>
            <l>Pour la fouler un peu du bout d’un Flageolet ?</l>
            <l><space/><space/>        Aminte est belle ; mais pour prendre</l>
            <l><space/><space/>        Des leçons du docte Sylvandre,</l>
            <l><space/><space/>        Qu’est-ce qu’Aminte n’a pas fait ?</l>
          </lg><lg>
            <l><space/><space/>        Si tu ne veux point ma Musette,</l>
            <l><space/><space/>        Prens ma Flute à sept chalumeaux.</l>
            <l>C’est un don qu’en mourant me fit le vieux Damete,</l>
            <l>Apres m’avoir chargé du soin de ses Troupeaux.</l>
          </lg><lg>
            <l><space/>    Hier au fond d’une affreuse Vallée,</l>
            <l><space/><space/>        Et mesme au peril de mes jours,</l>
            <l><space/><space/>        Par mille dangereux détours</l>
            <l>J’allay prendre deux Faons à la peau tanelée.</l>
            <l>Ce beau couple tarit tous les jours deux Brébis,</l>
            <l><space/><space/>        Je te le garde, belle Iris ;</l>
            <l><space/><space/>        Mais Doris qui me le demande,</l>
            <l>Doris, tu la connois, l’importune Doris,</l>
            <l>Pourroit bien l’obtenir ; Iris, je l’apprehende,</l>
            <l>Puis que pour mes présens tu n’as que du mépris.</l>
          </lg><lg>
            <l>Enfin je te revoy ; les Nymphes empressées</l>
            <l>Apportent à tes pieds des Corbeilles de Fleurs :</l>
            <l>Voy Flore s’alarmer que leurs vives couleurs.</l>
            <l>Par les lys de ton sein soient si-tost effacées.</l>
            <l>Pourquoy m’embarasser d’inutiles pensées ?</l>
            <l>La belle Iris pourra me voir d’un œil moins fier,</l>
            <l>Si je joins mes présens avec ce qu’on luy donne.</l>
            <l>Hastons-nous de luy faire une double Couronne</l>
            <l><space/><space/>        De ce Myrthe &amp; de ce Laurier.</l>
          </lg><lg>
            <l>Mais ces Couples de Bœufs à ces Hameaux voisins</l>
            <l><space/><space/>        Déja remenent leurs Charruës</l>
            <l><space/><space/>        À leur cou poudreux suspenduës,</l>
            <l>Et d’un leger sillon retracent leurs chemins.</l>
            <l><space/><space/>        Les noires ombres de ces Pins</l>
            <l><space/><space/>        Déja dans ces Prez étenduës</l>
            <l><space/><space/>        Vont s’effacer avec le jour,</l>
            <l>Le repos va regner dans toute la Nature,</l>
            <l><space/><space/>        Mais helas, mon cruel amour</l>
            <l>N’accorde point de tréve au tourment que j’endure.</l>
          </lg><lg>
            <l><space/><space/>        Prens, Tyrsis, des desseins nouveaux,</l>
            <l><space/><space/>        Reconnois quelle est ta folie.</l>
            <l>Quoy, ne pas oublier l’Ingrate qui t’oublie ?</l>
            <l>Quand tes Seps négligez rampent sous tes Ormeaux,</l>
            <l>Que tes Fruits étoufez sous des herbes steriles</l>
            <l><space/><space/>        Pourrissent sur tes Arbrisseaux,</l>
            <l>Tu pers un temps si cher en plaintes inutiles.</l>
            <l>Cultive tes Vergers, &amp; conduis tes Troupeaux,</l>
            <l>Et puis qu’Iris te hait, que ton amour la gesne,</l>
            <l>Que la Cruelle vive au gré de son désir ;</l>
            <l>Si Doris est moins belle, elle est moins inhumaine,</l>
            <l>Et Doris de t’aimer fera tout son plaisir.</l>
          </lg>
          <p>Je croy, Monsieur, que la lecture de cette Eglogue suffira pour vous persuader que M<hi
              rend="sup">r</hi> Desmay ne fait rien qui ne soit digne d’estre veu par tout. Je vous
            l’abandonne pour la placer où vous le jugerez à propos, &amp; suis vostre, &amp;c.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_434" resp="mercure">
        <head>Lettre LXXII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 434-438.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre LXXII.</label>
          <p>VOus avez extrêmement plû, Monsieur, dans tous les Tomes du Mercure qui ont precedé
            celuy de Février ; cependant il faut avoüer qu’il n’en a point encor paru qui vous ait
            plus attiré de loüanges que ce dernier. Il n’y a rien qui n’y soit capable de divertir
            ce jeune &amp; incomparable Prince dont il porte l’auguste Nom au Frontispice. Cet
            Eloge, Monsieur, est sans-doute le plus grand Panegyrique qu’on puisse faire de vostre
            Livre, &amp; il suffit de dire qu’il peut plaire à <hi rend="sc">Monseigneur le
              Dauphin</hi>, pour faire croire qu’il doit estre generalement approuvé. Aussi ne
            connois-je personne qui n’ait admiré tout ce qu’Il renferme. <hi rend="i">La Gazette
              Galante</hi> a esté trouvée tres-spirituelle &amp; tres-bien imaginée. L’Histoire de
              <hi rend="i">la Belle morte d’Amour</hi>, a touché les cœurs les plus durs &amp; les
            plus insensibles, et le Combat de <hi rend="i">la Satire &amp; de la Loüange</hi>, a
            donné tant de plaisir à tous vos Lecteurs, qu’il est impossible de l’exprimer. Dés que
            le Mercure a commencé de paroistre, l’exemple qu’il a donné de parler de tout le monde
            obligeamment, a sçeu si bien affoiblir les Troupes de la Satire, &amp; depuis un an il a
            tant fait passer de Deserteurs dans l’Armée de la Loüange, qu’on n’a point esté surpris
            de voir cette derniere, victorieuse de son Ennemie. Apres le divertissement que l’on a
            pris à ce Combat, on est venu aux Enigmes. Je vous jure qu’elles ont bien donné de
            l’exercice à tous ceux qui nt voulu entreprendre de les deviner. Pour moy je ne sçay si
            j’auray réüssy. Vous allez voir en peu de mots ce qui en est. J’explique celle qui est
            en figure, par le peché de nos premiers Parens, qui a esté la seule &amp; la veritable
            origine de tous les maux qui se sont répandus depuis sur la terre ; &amp; ce qui
            favorise cette Explication, c’est que les Payens, selon le témoignage de Pausanias, ont
            crû que Pandore avoit esté la premiere Femme du monde. Pour les deux Enigmes en Vers, je
            ne doute point que la premiere ne signifie <hi rend="i">un Baston de Mareschal de
              France</hi>. Un peu de resverie me l’a fait aisément trouver. Il n’en a pas esté de
            mesme de la seconde. Elle m’a paru tres-obscure, &amp; je croy qu’il y a peu de Gens qui
            ayent sçeu découvrir le veritable sens qu’elle renferme. Celuy d’<hi rend="i"
              >Enseigne</hi> que je luy donne, a semblé fort raisonnable à des Personnes dont le
            discernement me persuade que j’auray bien deviné : car des deux costez d’une Enseigne
            l’on peut representer toutes les choses dont il est parlé aux huit permiers Vers ; &amp;
            pour les suivans, ils conviennent si bien à cette Explication, qu’il n’est pas besoin de
            m’y étendre. Je suis, &amp;c.</p>
          <p>L. S. D. D. D. S.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_438" resp="mercure">
        <head>Lettre LXXIII</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 438-442.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre LXXIII.</label>
          <p>COmme la réputation du Mercure Galant s’augmente tous les jours parmy le beau monde,
            &amp; que la plus grande partie des Curieux ne content plus les Mois &amp; les Années
            que par les Tomes de vostre Livre, je ne sçay, Monsieur, si vous trouveriez lieu de
            m’accorder quelques feüilles de Papier perdu dans celuy du Mois courant, pour y mettre
            quelques Vers qui ne déplairont peut-estre pas aux Personnes de bon goust. J’ay pensé
            que les premiers Mois de l’Année seroient trop dignement rmeplis par le grand nombre
            d’Etrennes, par le Depart du Roy, &amp; par l’Ouverture de la Campagne, qui sont des
            matieres assez amples &amp; assez belles pour grossir vos Lettres, &amp; rehausser la
            gloire de nostre invincible Monarque, qui malgré la rigueur des Saisons, suit la Vctoire
            par des chemins si secrets &amp; si peu battus, qu’ils nous sont aussi incompréhensibles
            qu’à nos Ennemis. C’est pourquoy je n’ay pas voulu me hazarder de mettre au jour de plus
            foibles productions dans un temps dont les momens estiment si précieux &amp; si dignes
            d’estre bien ménagez : mais à present que Sa Majesté a pris deux des plus importantes
            Places de la Flandre, &amp; que les Fleurs du rintemps qui font l’ornement &amp; la
            beauté de nos Parterres, ne sont pas encor toutes venuës, la rareté en faisant le prix,
            j’espere que vous ne désagrérez pas celles que je vous presente, &amp; je me persuade
            que les joignant avec vostre adresse accoûtumée à beaucoup d’autres qui vous seront
            offertes de tous costez, ce juste enchaînement &amp; cet agreable mélange en relevant
            l’éclat &amp; la vivacité, les rendra de bonne odeur aux Esprits les plus fins. Je vous
            seray tres obligé de la peine que vous prendrez de le faire ; &amp; si vous souhaittez
            connoistre celuy qui vous en assure, je ne seray pas fâché de vous dire que je suis
            vostre, &amp;c.</p>
          <p rend="sc">Hebert de Rocmont. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_442" resp="mercure">
        <head>Lettre LXXIV</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 442-449.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre LXXIV.</label>
          <p rend="i">À Paris. </p>
          <p>PUis que j’ay esté assez bon Devin pour trouver le Mot des Enigmes du dernier Mercure ;
            souffrez, Monsieur, que je vous dise ceux que crois estre cachez sous celles que vous
            venez de nous proposer.</p>
          <p>Cette Malheureuse qui est exposée nuit &amp; jour, aux rigueurs des Saisons, qui porte
            tout ce qu’on veut luy faire porter, &amp; qui se fait chercher avec soin, ne peut estre
            autre chose que <hi rend="i">l’Enseigne</hi>. L’application y vient. Pour ce qui est de
            vôtre Enigme en figures, j’ay pensé que ce pouvoit estre <hi rend="i">le Mariage</hi>.
            La figure d’Epimethée, qui malgré les bons avis de Promethée son Frere, malgré même les
            defenses qu’il luy avoit faites de recevoir jamais aucun présent de Jupiter, ne sçauroit
            s’empescher d’accepter la Boëte que la belle Pandore luy offre de sa part, ny de
            l’ouvrir dans le mesme temps qu’il la reçoit, represente assez bien celle d’un Amant,
            qui estant épris d’une jeune Beauté qu’il adore, veut se rendre le seul maistre de son
            cœur en l’épousant, sans écouter ny la voix du Sang &amp; de la Nature qui l’appelle
            ailleurs, ny les sages conseils de ses plus particuliers Amis, qui tâchent de le
            détourner d’un engagement dont il ne connoit pas toutes les suites. Enfin si l’on ne
            voit sortir de la Boëte de Pandore que de la fumée, &amp; quantité de maux qui se
            répandent en suite sur la terre, ne peut-on pas dire aussi que le plus grand amour passe
            souvent, ou du moins qu’il manque rarement de se rallentir apres quelques années de
            Sacrement ? C’est un grand feu qui s’éteint, &amp; qui ne laisse apres luy qu’un peu de
            fumée pour marque qu’il a esté. Cet Amant qui paroissoit si passionné, n’est plus qu’un
            Mary qui n’a presque que de l’indifference &amp; de la froideur. À peine cette
            délicieuse Boëte, enchantée de l’Amour, est-elle ouverte, qu’il se repent de l’avoir
            reçeuë. Il en voit sortir ce qu’il ne sçauroit souffrir, &amp; ce qui souvent doit estre
            la cause de tous ses malheurs. N’est-ce pas la plainte qu’en faisoit autrefois chez le
            Poête ce Pere infortuné dont les Enfans n’attendoient que la mort ? <hi rend="i">Je me
              suis marié</hi>, disoit-il, <hi rend="i">Ah Dieux ! quelles miseres n’ay je point
              trouvées dans le Mariage ? J’ay eu des Enfans ; quelles inquiétudes, quels chagrins ne
              m’ont-ils point donnez</hi> ?</p>
          <p>Que dites-vous, Monsieur, d’un Pere dans cet état ? Ne vous semble-t-il pas autant à
            plaindre que le malheureux Epimethée, puis que, pour toute consolation, il ne luy reste
            que la triste esperance ou de voir finir bientost ses malheurs avec sa vie, ou de
            recouvrer un jour sa premiere liberté par la mort de celle qui a causé son engagement.
            Voila, Monseur, ce que je me suis imaginé en jettant les yeux sur Epimethée &amp; sur
            Pandore. Un Souffleur d’Alquimie auroit crû sans-doute trouver la Pierre Philosophale
            sous ces Figures. Pour moy qui ne le suis pas, &amp; qui me moque de ces Souffleurs, je
            croirois plutost que ce seroit <hi rend="i">la Chymie</hi>. Elle ne promet que des
            merveilles, &amp; plusieurs beaux Secrets. Pandore la represente tres-bien. Epimethée
            qui ouvre la Boête pour voir ce qui est dedans, qui n’y trouve que de la fumée, &amp;
            toutes sortes de maux, &amp; qui peut à peine retenir l’esperance qui est aux fonds,
            c’est le Chymiste qui a assez de curiosité &amp; de presomption pour chercher &amp; pour
            esperer toûjours de trouver la Pierre Philosophale, qui souffle incessamment dans son
            Fourneau, qui se ruine &amp; qui se trouve accablé de miseres dans ce maudit Mestier ;
            enfin dont tous les travaux, dont tous les secrets tournent &amp; s’évanoüissent en
            fumée.</p>
          <p>Au moins, Monsieur, si je n’ay pas trouvé le veritable Mot de cette Enigme, il me
            restera aussi-bien qu’à Epimethée, l’esperance de trouver mieux une autre fois. Mais le
            papier m’avertit qu’il y a déja long-temps que je vous entretiens, &amp; je ne vous ay
            point encor parlé de la Demoiselle de la ruë de Moussy, qui m’a bien donné charge de
            vous remercier de sa part, &amp; de vous témoigner qu’elle est fort sensible à
            l’honnesteté que vous avez euë de la faire paroistre dans le monde sous le nom d’une
            fort agreable Demoiselle. Quoy qu’elle ait quelque chose de plus ; que sa beauté, sa
            taille, &amp; son air, soient admirables ; qu’elle ait mille charmes répandus sur sa
            Personne, &amp; que toutes ses manieres soient enchantées, elle a de la peine à vouloir
            paroistre tout ce qu’elle est ; &amp; la grande modestie qui l’accompagne toûjours,
            marque assez qu’elle n’a pas moins d’esprit que de beauté. Vous avez pû le reconnoistre
            par l’Enigme qu’elle avoit devinée le Mois passé ; mais celle qu’elle a devinée ce
            Mois-cy achevera de vous en convaincre aussi-bien que de sa civilité, puis qu’elle m’a
            ordonné de vous envoyer pour marque de sa reconnoissance, <hi rend="i">le Baston de
              Mareschal de France</hi>. Je voudrois avoir un aussi beau présent à vous faire, pour
            vous témoigner la mienne ; &amp; je me repens à présent de ne vous avoir pas offert <hi
              rend="i">la Pierre Philosophale</hi>. Je suis vostre tres, &amp;c.</p>
          <p><hi rend="sc">Des Bois</hi>,</p>
          <p rend="i">Avocat au Parlement. </p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_450" resp="mercure">
        <head>Lettre LXXV</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 450-462.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre LXXV.</label>
          <p>DEux ou trois Personnes qui ne parlent guére sans persuader ce qu’elles veulent, me
            conseillent de vous envoyer, en imitant d’honnestes Gens, quelques Vers de ma façon, ou
            du moins de vous écrire quelque Lettre. Cependant j’aurois encor laissé tout cet honneur
            à de meilleurs Ecrivains que moy, si ces mesmes Personnes ne m’avoient enfin commandé de
            leur servir aujourd’huy de Secretaire. Ce sont les trois Demoiselles, Monsieur, qui vous
            ont écrit ces derniers Mois, &amp; qui pour se deguiser &amp; donner le change aux
            Lecteurs, ne vous feroient plus entendre qu’elles sont des environs ou de Blois, ou de
            Nantes, ou d’Angoulesme, si elles estoient assurées qu’en se faisant connoître à vous,
            leurs Voisins ne sçauroient pas qu’elles se mettent du rang des beaux Esprits, en vous
            donnant de leurs nouvelles comme elles font quelquefois. Bien que j’ay plus de raisons
            qu’elles n’en ont de ne vouloir pas courre ce mesme hazard, &amp; de prendre des voyes
            plus couvertes pour n’estre pas reconnu, je m’apperçois bien qu’elles ne seroient pas
            beaucoup fâchées qu’on sçeust que je suis, si cela ne tiroit pas à conséquence pour
            elles &amp; pour cette reputation de bel Esprit qu’elles veulent attendre sans la
            chercher. Mais comme je suis tous les jours chez elles, il leur est aisé de voir que si
            on sçavoit que c’est de moy que vient cette Lettre, on sçauroit en mesme temps d’où vous
            sont venuës celles qu’elles vous ont écrites, &amp; ainsi tout leur mistere seroit
            découvert. Je voudrois bien, Monsieur, qu’il me fust permis de vous décrire les beautez
            de la Maison où elles cachent presque à tous ceux qui les voyent, ce qu’elles sçavent de
            plus élevé, &amp; tant d’agreables Vers qui leur sont inspirez d’une Muse galante qui ne
            songe qu’à divertir &amp; effacer les ennuis. Je ne sçaurois vous representer combien
            tous ceux qui voyent ces Personnes si bien inspirées, sont touchés de leur merite. Elles
            ne disent rien qui ne fasse sentir la délicatesse de leur goust, &amp; regreter le temps
            qu’on passe ailleurs qu’aupres d’elles. Ceux qui ne sont que de leurs Amis, n’ont jamais
            pû discerner celle qu’on devroit plutost choisir des trois pour estre heureux dans la
            plus douce &amp; la plus aimable conversation du monde. Pour peu de jours qu’on
            s’éloigne d’elles, on est fâché d’avoir perdu beaucoup de jolies choses qu’elles auront
            dites. Ce qu’on voit de la perfection de la vie, &amp; des entretiens dans les Livres
            les plus épurez, &amp; qui laissent les plus belles idées, semble avoir esté fait sur ce
            qui se passe par tout où l’on se trouve avec elles. La Galatée &amp; le Parfait
            Courtisan, que les italiens &amp; les autres Nations ont tant estimez, n’ont presque
            rien touché qui ne fasse penser à ces agrémens qu’elles employent pour enchanter ceux
            qui les approchent, sans qu’on sçache d’ordinaire d’où cet enchantement vient. Leurs
            Lettres vous ont assez fait voir qu’elles aimoient les beaux Ecrits, &amp; qu’elles se
            rejoüissient du soin que vous avez de nous apprendre tant de choses curieuses que nous
            n’aurions jamais sçeuës sans vous. En des occasions de cette sorte je ne leur ay point
            veu de joye plus grande que celle qu’elles ont euë en lisant l’endroit où vous promettez
            de nous instruire de ces Dessein que Monsieur le Brun a faits des diférens airs des
            Passions. Vous ne sçauriez estre torp étendu, disent-elles, sur un sujet si agreable,
            &amp; je croy comme elles que pour peu que vous voulussiez retrancher de ce que vous
            avez à dire là-dessus, ce seroit une perte dont ceux qui connoissent le prix &amp;
            l’usage d’une chose si desirée de toutes parts, ne pourroient se consoler, à moins que
            ce Peintre inimitable ne donnast bientost luy-mesme l’Ouvrage entier. La plûpart des
            excellens Autheurs, &amp; particulierement les Inventeurs de quelque chose qui puisse
            servir au monde, feroient bien à l’avenir de vous envoyer le Plan ou quelque abregé de
            ce qu’ils ont à mettre en lumiere, ou de ce qu’ils ont découvert. Le Mercure est veu par
            tout, &amp; souvent les plus curieux ne voyent les meilleurs Livres, &amp; sur tout dans
            les Provinces, que plusieurs années aprés qu’ils sont imprimez ; &amp; ceux qui ont
            moins de curiosité, ne les voyent quelquefois jamais. Vous pourrez encor sauver comme
            d’un naufrage quelques restes comme perdus de l4Esprit de certains Autheurs, &amp; il
            seroit à souhaiter que vous voulussiez convier ceux qui les ont de vous envoyer des
            choses si precieuses pour empescher qu’elles ne viennent à périr par quelque hazard. Il
            me semble aussi que les gens de qualité qui ont presque toûjours quelque chose de plus
            exquis &amp; de meilleur air que les autres, devroient estre bien aises de devenir par
            les Écrits qu’ils vous donneroient, la regle des Ecrivains qui n’ont pas esté si bien
            nourris, &amp; qui n’otn pas eu tant d’excellens Modelles pour se former &amp; se rendre
            accomplis. Les belles connoissances sont bien répanduës de tous costez en ce Royaume ;
            mais s’il y a encor en France quelques recoins un peu barbares, le Mercure en chassera
            bientost la barbarie ; du moins je remarque que toutes sortes de Gens s’empressent à
            profiter d’une invention si utile, &amp; dont ceux qui ne se plaisent que trop à ne rien
            faire, ne vous sont guere moins obligez que ceux qui font du bruit dans le monde par
            leurs Actions &amp; par leurs Ecrits. De belles Personnes de ma connoissance font venir
            des Maistres pour apprendre à chanter les Chansons notées. D’autres se préparent à
            deviner les Enigmes en figures ; &amp; je ne voy guére de Dame jolie &amp; spirituelle,
            qui ne s’attache à expliquer celles que vous nous donnez en Vers, &amp; qui n’y devienne
            de mois en mois plus habile. Nous croyons icy qu’un <hi rend="i">Navire</hi> &amp; <hi
              rend="i">la Monnoye</hi> sont les Mots des deux dernieres. Cela devient si commun
            &amp; mesme si facile à quelques uns, que la jeune Demoiselle qu’on vous a si bien
            peinte, &amp; qui s’en mesloit le plus, y renonce presentement, parce qu’elle ne se
            divertit qu’à ce qui est rare &amp; difficile : mais cette bizarrerie n’oste rien des
            loüanges de ceux qui démeslent des choses si embarrassées, &amp; on ne la luy peut
            pardonner qu’en faveur de ce qu’elle a d’extraordinaire. Je croirois, Monsieur, que
            quelques Personnes qui ne sont pas encor connuës, &amp; qui se sentent de l’esprit &amp;
            du talent, pourroient se servir du Mercure pour exposer leurs Essays à la censure des
            plus éclairez, &amp; les inviter mesme à vouloir s’expliquer franchement sur leurs
            defauts, pour découvrir par ce moyen s’ils en sçavent assez pour se faire connoistre.
            C’est aussi là le sentiment d’un galant Homme qui contribuë quelquefois de ses
            inventions aux embellissemens du Mercure. Vous estes conjuré, Monsieur, de la part de
            cet excellent connoisseur, &amp; de celle de ceux qui ont le plus de discernement,
            d’employer toute vostre adresse pour avoir de temps en temps quelque belle Allégorie,
            comme celles de monsieur de Fontenelle, &amp; de quelques autres. Le Mercure qui plaist
            par tout, charme dans les endroits où l’on trouve des Vers de Madame des Houlieres, qui
            sont si tendres &amp; si bien tournez ; &amp; il n’y a rien de plus délicat ny de plus
            achevé que les Plaintes des trois Prairies ; mais on ne recevra jamais rien si
            agreablement, ny mesme avec tant de respect, que des Lettres comme celle qui vous a
            donné la pensée de discourir du <hi rend="i">Sapate</hi>, pour en instruire ceux qui
            n’avoient pas oüy parler de cette Galanterie d’Espagne &amp; de Savoye. Le Discours que
            vous avez fait là dessus, aussi-bien que celuy des devises, en feront toûjours souhaiter
            de pareils. Comme le Mercure est le Livre de <hi rend="sc">Monseigneur le Dauphin</hi>,
            tous les beaux Esprits doivent se servir d’un moyen si favorable pour luy offrir leurs
            plus agreables chef-d’œuvres, &amp; tout ce qu’ils auront de plus noble &amp; de plus
            propre pour un Prince qui avec son beau naturel si bien cultivé de son sage Gouverneur,
            &amp; des Leçons du plus grand des Roys, court de si bon air sur les voyes de ces
            Princes, d’un cœur &amp; d’un esprit si haut, qu’on les regarde toûjours entre les plus
            honnestes Gens &amp; les plus grands Hommes de tous les Siecles, comme les plus brillans
            &amp; les premiers.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_462" resp="mercure">
        <head>Lettre LXXVI</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 462-481.</bibl>
        <quote>
          <label rend="center">Lettre LXXVI.</label>
          <p>TOut le monde vous est si obligé, Monsieur, des peines que vous prenez pour nous donner
            tous les Mois ces spirituelles Lettres qui font aujourd’huy le plus agreable
            divertissement du Public, qu’Il n’y a Personne qui ne dust tâcher de vous en marquer sa
            reconnoissance par quelque Ouvrage qui meritast d’zvoir place parmy ceux que vous y
            faites entrer. Pour moy qui me sens incapable de rien produire de moy-même, je me sers
            au moins du bien d’autruy afin de m’acquiter envers vous de ce que je vous dois pour la
            part que j’ay dans cette obligaiton commune. Les Vers que je vous envoye sont de divers
            Autheurs qui ont tous l’esprit tres-fin &amp; tres-delicat. Ils ont esté fait pour
            réponse à ce que demandoit une fort belle Dame &amp; d’un tres-grand merite, dans
            l’Epistre que vous allez voir. J’ay eu soin de les ramasser, dans la pensée que vous
            seriez bien aise d’en embellir l’Extraordinaire que vous nous promettez, car je
            m’imagine qu’il vous faut des choses moins étenduës pour vostre Mercure. Voicy ce que la
            Dame dont je vous parle avoit écrit à un de ses Amis.</p>
          <lg>
            <l><space/>    UN illustre &amp; galant Berger</l>
            <l><space/>    Me conseille de m’engager.</l>
            <l>Il n’est rien de si sot, dit-il, qu’un cœur tranquile ;</l>
            <l><space/>    Il vaudroit assurément mieux</l>
            <l><space/>    Qu’il fust en desirs trop fertile.</l>
            <l><space/>    Le Cœur ce Bijou précieux,</l>
            <l><space/>    N’est pas fait pour estre inutile.</l>
            <l>Timandre, ce conseil n’est-il pas dangereux ?</l>
            <l><space/>De bonne foy le peut-on suivre ?</l>
            <l>Décidez de mon sort en Amy genereux,</l>
            <l><space/>Songez bien à quels maux se livre</l>
            <l>Un Cœur qui s’abandonne aux transports amoureux,</l>
            <l><space/>Consultez vostre experience</l>
            <l>Sur les dépits jaloux, sur l’ennuyeuse absence,</l>
            <l>Sur les douleurs qu’on souffre alors qu’on voit changer</l>
            <l>Une ame qu’on croyoit qui seroit toûjours tendre,</l>
            <l><space/>Et puis, sage &amp; prudent Timandre,</l>
            <l>Dites-moy si j’en dois courir tout le danger.</l>
          </lg>
          <p>Ces quatre Réponses ont esté faites par cet Amy, &amp; par trois autres sur les mesmes
            Rimes de la Demande.</p>
          <label rend="center">Premier Avis.</label>
          <l><space/>    FUyez l’Amour &amp; les yeux du Berger</l>
          <l><space/><space/>        Qui tâche de vous engager.</l>
          <l><space/><space/>        Vous lassez-vous d’estre tranquile,</l>
          <l><space/>    Et ce grand cœur qui fait tout pour le mieux,</l>
          <l><space/>    Qui fut toûjours en beaux projets fertile,</l>
          <l><space/>    La liberté ce trésor précieux,</l>
          <l>La raison, tout enfin vous est-il inutile ?</l>
          <l>Pourriez-vous bien franchir un pas si dangereux ?</l>
          <l>Ce petit Dieu vaut-il qu’on s’empresse à le suivre,</l>
          <l><space/>    Luy qui trahit loin d’estre genereux,</l>
          <l><space/><space/>        Et dans les assauts qu’il nous livre</l>
          <l>Egale aux plus grands maux le sort des Amoureux ?</l>
          <l><space/><space/>        Tremblez d’en faire experience,</l>
          <l><space/>    Vivez plutost dans une heureuse absence</l>
          <l><space/>    De mille Amans qui pourroient vous changer.</l>
          <l><space/>    On ne peut pas estre tranquile &amp; tendres ;</l>
          <l><space/>    Contentez vous d’Amis comme Timandre,</l>
          <l>Vous estes belle &amp; libre, il est seul en danger.</l>
          <label rend="center">Second Avis.</label>
          <l><space/><space/>        IRis, il est plus d’un Berger</l>
          <l><space/><space/>        Qui voudroit pour vous s’engager,</l>
          <l>S’il pouvoit en aimant avoir un sort tranquile,</l>
          <l><space/><space/>        Ou si, pour s’en expliquer mieux,</l>
          <l><space/><space/>        Un cœur en tendresse fertile,</l>
          <l>Se proposant pour prix un Bijou précieux,</l>
          <l>Ne craignoit de pousser sa fleurette inutile,</l>
          <l><space/>    Ce grand dessein seroit moins dangereux</l>
          <l><space/><space/>        Si vous vouliez aussi le suivre,</l>
          <l>Et faire choix sur tous d’un Amy genereux,</l>
          <l><space/><space/>        Qui s’abandonne &amp; qui se livre</l>
          <l>À la facilité qui le rend amoureux,</l>
          <l><space/><space/>        Luy qu’une longue expérience</l>
          <l>Rend sensible aux faveurs, &amp; qui songe à l’absence,</l>
          <l>Dés la moindre rigueur qui l’oblige à changer,</l>
          <l><space/><space/>        Dit, quand la Nymphe n’est pas tendre,</l>
          <l><space/><space/>        Point de Tirsis, point de Timandre,</l>
          <l>On évite par là la peine &amp; le danger.</l>
          <label rend="center">Troisiéme Avis.</label>
          <l><space/><space/>        SI l’illustre &amp; galant Berger</l>
          <l><space/>    Dont le conseil tend à vous engager,</l>
          <l><space/>    Vous fait sortir de cet état tranquile,</l>
          <l><space/>    Divine Iris, je croy qu’il vaudroit mieux</l>
          <l><space/>    Que ce conseil en malheurs trop fertile,</l>
          <l><space/><space/>        Quoy qu’il offre de précieux,</l>
          <l>N’eust fait aupres de vous qu’un effort inutile.</l>
          <l><space/>Qu’il est fatal &amp; qu’il est dangereux !</l>
          <l>C’est de tous les conseils le plus funeste à suivre.</l>
          <l><space/>    Il fait souvent qu’un Amant genereux,</l>
          <l><space/>    Sans le vouloir à mille maux nous livre.</l>
          <l>Enfin si l’on ne trouve un cœur bien amoureux,</l>
          <l>Un cœur qui de souffrir ait quelque expérience,</l>
          <l><space/><space/>        Qui sçache aimer malgré l’absence,</l>
          <l><space/>    Que rien ne puisse obliger à changer,</l>
          <l><space/><space/>        Qui soit discret, fidelle &amp; tendre,</l>
          <l>Je vous le jure, Iris, &amp; croyez en Timandre,</l>
          <l><space/><space/>        On se met en un grand danger.</l>
          <label rend="center">Quatriéme Avis.</label>
          <l><space/><space/>        QUoy qu’en dise un sage Berger,</l>
          <l><space/><space/>        On peut aimer sans s’engager,</l>
          <l>C’est un amusement agreable &amp; tranquile.</l>
          <l><space/><space/>        Un cœur pourroit-il choisir mieux,</l>
          <l>Que de suivre l’Amour en cent plaisirs fertile ?</l>
          <l><space/>    Le changement nous le rend précieux,</l>
          <l><space/><space/>        Et la constance est inutile.</l>
          <l>Le trop d’attachement sans doute est dangereux,</l>
          <l>Il sent trop l’esclavage, il est dur de le suivre,</l>
          <l><space/><space/>        Pour peu qu’un cœur soit genereux,</l>
          <l><space/><space/>        Rarement aux fers il se livre,</l>
          <l>Et s’il n’est sans contrainte, il n’est point amoureux.</l>
          <l>Nous qui de l’amour libre avons l’expérience</l>
          <l>Que les plaisirs présens consolent d’une absence,</l>
          <l>Plutost que de languir nous aimons à changer,</l>
          <l><space/><space/>        D’une ame satisfaite &amp; tendre</l>
          <l>Nous trouvons le repos, n’en déplaise à Timandre,</l>
          <l>Où sa moralité vous marque le danger.</l>
          <label rend="center">Madrigal.</label>
          <l><space/>    AH ! si d’un cœur bien enflâmé,</l>
          <l><space/>    Un Berger vous rendoit hommage,</l>
          <l><space/>    Si fidelle, amoureux &amp; sage,</l>
          <l>Il sçavoit vous servir sans espoir d’estre aimé,</l>
          <l><space/>Un Berger d’un si beau modele</l>
          <l>Sans vous mettre en danger vivroit sous vostre loy ;</l>
          <l>Mais ce sage Berger, amoureux &amp; fidelle,</l>
          <l>Vous ne pouvez, Iris, le rencontrer qu’en moy,</l>
          <p>DE S. G.</p>
          <label rend="center">Réponse au Madrigal, sur les</label>
          <label rend="center">mesmes Rimes.</label>
          <l><space/>    VOus qui d’un cœur bien enflâmé,</l>
          <l><space/>    Offrez le précieux hommage,</l>
          <l><space/>    Et qui vous piquez d’estre sage,</l>
          <l>Et d’aimer au hazard de n’estre point aimé,</l>
          <l>Pour les Amans transis gardez ce beau modele,</l>
          <l>Et ne nous venez point en imposer la Loy.</l>
          <l>Si malgré les rigueurs il faut estre fidelle,</l>
          <l><space/>Cette leçon n’est pas pour moy.</l>
          <p>B. D.</p>
          <label rend="center">Sonnet.</label>
          <lg>
            <l>À Des cœurs délicats l’amour fait trop de peine,</l>
            <l>Iris, n’aimons jamais ; c’est le meilleur party.</l>
            <l>De n’avoir point aimé nul ne s’est repenty,</l>
            <l>La chaîne la plus belle est toûjours une chaîne.</l>
          </lg><lg>
            <l>Quand on s’est trop commis à la foiblesse humaine,</l>
            <l>Jamais d’un repentir on ne s’est garanty,</l>
            <l>Le plus constant amour s’est enfin démenty,</l>
            <l>Et le plus violent a fait place à la haine.</l>
          </lg><lg>
            <l>Mais pourquoy vous donner des conseils superflus ?</l>
            <l>Dés que vostre raison ne vous servira plus,</l>
            <l>Vous vous servirez mal de la raison d’un autre.</l>
          </lg><lg>
            <l>Que servent les conseils où regnent les appas ?</l>
            <l>N’ay-je pas consulté ma raison &amp; la vostre ?</l>
            <l>En suis-je mieux, Iris ? ne vous aimay-je pas ?</l>
          </lg>
          <p>H.</p>
          <l>AImez, c’est mon avis, mais faites prudemment</l>
          <l><space/>Le choix d’un tendre &amp; sage Amant.</l>
          <l>Sur ce choix bien souvent la plus fine est trompée.</l>
          <l><space/>Déciderez vous pour l’Epée ?</l>
          <l>Le Cavalier, Iris, de l’amour faire un jeu,</l>
          <l>On court plus d’un danger lors qu’on est aimée.</l>
          <l>Il soûpire, il obtient, il se lasse, &amp; son feu</l>
          <l><space/>    Fait toûjours un peu de fumée.</l>
          <l><space/>    Si vous aimez un Magistrat,</l>
          <l><space/>    Belle Iris, il faut faire estat</l>
          <l><space/>    D’essuyer beaucoup de chicane.</l>
          <l><space/>    Le Heros à Manteau de pane</l>
          <l>Ecrit un Billet doux en style de contract.</l>
          <l>J’aimerois mieux ces Gens d’un honneur delicat,</l>
          <l>Que leur propre interest sçait forcer dans leurs flâmes</l>
          <l><space/>À ménager les interests des Dames</l>
          <l>Obligez par leur rang de n’aimer qu’en secret,</l>
          <l>Ils évitent l’éclat, ont un amour discret,</l>
          <l>Et d’eternels plaisirs luer tendresse est suivie ;</l>
          <l><space/>Mais parmy ceux que je vous dis,</l>
          <l>Si vous voulez choisir, ma foy je vous défie,</l>
          <l><space/>D’en trouver un, charmante Iris,</l>
          <l>Qui soit mieux vostre fait, que moy qui vous écris.</l>
          <label rend="center">Sonnet.</label>
          <lg>
            <l><space/>     Gardez-vous bien d’aimer,</l>
            <l><space/>    C’est un mestier pénible,</l>
            <l><space/>    Ne soyez point sensible,</l>
            <l><space/>    Ne songez qu’à charmer.</l>
          </lg><lg>
            <l><space/>    Qui se laisse enflâmer,</l>
            <l><space/>    Souffre une peine horrible.</l>
            <l><space/>    Il est presque impossible</l>
            <l><space/>    D’aimer sans s’allarmer.</l>
          </lg><lg>
            <l><space/>    Regardez Amarante</l>
            <l><space/>    Depuis qu’elle est Amante.</l>
            <l><space/>    Combien elle a d’ennuis ;</l>
          </lg><lg>
            <l>Mais sans aller plus loin, regardez moy moy-même,</l>
            <l><space/>    Voyez comme je suis</l>
            <l><space/>    Depuis que je vous aime.</l>
          </lg>
          <p>DE LA C.</p>
          <label rend="center">Madrigal.</label>
          <l>VOus que le Ciel fit naistre pour charmer,</l>
          <l>M’osez-vous demander si vous devez aimer ?</l>
          <l><space/>    C’est une chose inévitable.</l>
          <l><space/>    On nous a dit cent &amp; cent fois,</l>
          <l><space/>    Que la plus juste de nos Loix,</l>
          <l><space/>    Est d’aimer quand on est aimable.</l>
          <label rend="center">Sonnet.</label>
          <lg>
            <l>MIlle Amans, Iris trop charmante,</l>
            <l>Vous prescheront d’un ton moral,</l>
            <l>Qu’à la fin on se trouve mal</l>
            <l>D’estre toûjours indiférente.</l>
          </lg><lg>
            <l>Ma Politique est plus prudente,</l>
            <l>En donnant ce conseil fatal,</l>
            <l>Je crains de servir un Rival,</l>
            <l>Et ce doute seul m’épouvante.</l>
          </lg><lg>
            <l>Fermez l’oreille à ces Flateurs,</l>
            <l>Vous causeriez trop de malheurs,</l>
            <l>Si leur doctrine estoit suivie.</l>
          </lg><lg>
            <l>Par pitié ne les croyez pas,</l>
            <l>Un seul en peut avoir la vie,</l>
            <l>Et mille en auroient le trépas.</l>
          </lg>
          <p>DE T.</p>
          <label rend="center">Sonnet.</label>
          <lg>
            <l>SE peut-il, &amp; qui le croira,</l>
            <l>Qu’Iris par un heureux mystere</l>
            <l>Me consulte sur une affaire</l>
            <l>Qui de son cœur décidera ?</l>
          </lg><lg>
            <l>Quoy, mon conseil inspirera</l>
            <l>Ce que mes soûpirs n’ont pû faire ?</l>
            <l>Aimez donc, trop sage Bergere,</l>
            <l>Du reste, Amour y pourvoira.</l>
          </lg><lg>
            <l>Jettez vos regards favorables</l>
            <l>Sur moy, sur tant de miserables,</l>
            <l>Qui vous asseurent de leur foy.</l>
          </lg><lg>
            <l>Mais quelque desir que j’en aye,</l>
            <l>Divine Iris, qui répond paye,</l>
            <l>Et je ne répons que de moy.</l>
          </lg>
          <label rend="center">Madrigal.</label>
          <l><space/>IRis, ne vous engagez pas,</l>
          <l>La seule liberté doit avoir des appas ;</l>
          <l>Bannissez ce Berger dont le conseil funeste</l>
          <l>A mis dans vostre cœur le trouble &amp; l’embarras ;</l>
          <l>Le revoir, l’écouter, helas, Bergere, helas,</l>
          <l><space/>C’est s’exposer à tout le reste.</l>
          <l>Qui peut faire douter, persuade aisément ;</l>
          <l>Je connois de l’Amour les trompeuses amorces.</l>
          <l><space/>Je sçay que difficilement</l>
          <l>On resiste aux douceurs d’un tendre attachement ;</l>
          <l>Mais est-il quelque chose au dessus de vos forces ?</l>
          <label rend="center">Conclusion.</label>
          <l>QUand on peut écouter d’un aimable Berger</l>
          <l><space/>Un conseil amoureux &amp; tendre,</l>
          <l>En vain pour son repos on veut se ménager,</l>
          <l>Et demander avis avant que s’engger,</l>
          <l><space/>Il n’est souvent plus temps d’en prendre,</l>
          <l>Le genereux Amy seroit mal entendu,</l>
          <l><space/>    S’il conseilloit de se défendre ;</l>
          <l><space/>    Et le cœur est déja rendu,</l>
          <l><space/>    Quand il consulte pour se rendre.</l>
          <p>D. S. G.</p>
          <p>La Question estoit délicate, &amp; je croy, Monsieur, que vous trouverez toutes ces
            diférentes Réponses tres-délicatement tournées. Il seroit à souhaiter qu’on en proposast
            souvent de semblables. Elles donneroient à nos beaux Esprits de galantes matieres de
            s’exercer, &amp; à moy peut-estre une nouvelle occasion de vous faire voir que je suis
            veritablement vostre, &amp;c.</p>
          <p>L. C.</p>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_485" resp="mercure">
        <head>[Sur la première énigme de février 1677] *</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 485-488.</bibl>
        <p>Ce qui suit est d’un Homme de Qualité de Bordeaux, qui ayant expliquë les deux Enigmes du
          mois de Fevrier sur le <hi rend="i">Tambour</hi> &amp; sur <hi rend="i">l’Enseigne</hi>,
          adresse ces Explications aux deux Personnes dont j’ay marqué que je les tenois.</p>
        <quote>
          <label rend="center">À l’Autrice de la premiere Enigme du Mercure de Fevrier.</label>
          <p>Vostre <hi rend="i">Tambour</hi> a fait trop de bruit, Madame, pour n’estre pas entendu
            par tout Païs, &amp; vous en faites trop aussi pour n’estre pas connuë par tout le beau
            Monde. Vous estes merveilleuse à sçavoir dénaturer les choses.D'une Créature champestre,
            sauvage, &amp; née dans la Forest, vous en avez sçeu faire une, capable de raisonner
            avec justesse parmy les Hommes de bon sens, de garder les mesures avec les Gens du
            premier Ordre, &amp; de se faire écouter avec éclat par tout où l'honneur et la gloire
            trouvent des Emulateurs. Apres cela, Madame, permettez-moy de vous dire que vouloir vous
            cacher sous l’enveloppe d’une Enigme ; c’est proprement vouloir prendre le Lievre au son
            du Tambour, &amp; que l’Autheur du Mercure qui n’a pas voulu vous nommer ou par
            jalousie, ou par discretion, n’a pas réüssy. Quelque ingénieux qu'il soit à nous vouloir
            dérober le plaisir de vous connoistre, il vous distingue par votre plume, comme l'on
            fait les Oyseaux de prix, &amp; nous vous distinguons de mesme. Il veut vous faire
            connoistre par les caracteres de vos belles-Lettres, &amp; nous vous connoissons aussi
            par ceux de vostre belle Enigme, où nous remarquons tous les traits d'un beau Génie, une
            vivacité judicieuse, une expression cavalière, une ame martiale, &amp; des inclinations
            heroïques.</p>
          <lg>
            <l>Le Tambour est dans sa <hi rend="i">naissance</hi></l>
            <l>Bizarre comme dans son <hi rend="i">fort</hi></l>
            <l>Il est composé d’un bois <hi rend="i">mort</hi></l>
            <l>Qui n’a ny vertu ny <hi rend="i">puissance.</hi></l>
          </lg><lg>
            <l>Il marche aux champs, il marche aux <hi rend="i">Villes</hi></l>
            <l>Sa suite se grossit de Maison en <hi rend="i">Maison</hi></l>
            <l>Et quand elle est complete, il est avec <hi rend="i">raison</hi></l>
            <l>Des fanfares de Mars une des plus <hi rend="i">utiles.</hi></l>
          </lg><lg>
            <l>Au Louvre, au Camp, on le <hi rend="i">desire</hi></l>
            <l>Son tintamarre plaist au <hi rend="i">Roy</hi>,</l>
            <l>Il est toûjours plein comme <hi rend="i">moy</hi></l>
            <l>De la gloire de son <hi rend="i">empire.</hi></l>
          </lg><lg>
            <l>Son génie est tout à la <hi rend="i">Guerre</hi> ;</l>
            <l>Quoy que mal-traité des <hi rend="i">Humains</hi>,</l>
            <l>Plus il est batu de leurs <hi rend="i">mains</hi>,</l>
            <l>Plus il fait de bruit sur la <hi rend="i">Terre.</hi></l>
          </lg>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_491" resp="louise">
        <head>[Présentation des premières modes : Hommes en habits d'hiver]*</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I), p.
          491-493.</bibl>
        <note resp="author" place="margin"><hi rend="i">Avis pour placer les Figures</hi> : La
          Figure de l’Homme en Manteau, doit estre à la page 492.</note>
        <note resp="author" place="margin"><hi rend="i">Avis pour placer les Figures</hi> : La
          Figure de l’Homme en Echarpe, doit estre à la page 494.</note>
        <p><hi rend="i">Apres avoir satisfait vostre curiosité sur le commerce que les Lettres que
            vous m’avez permis de vous ecrire m’ont donné avec le Public, je me souviens de
            l’engagement où je me suis mis avec vous touchant les Modes ; mais avant que j’entre
            dans le détail particulier de celles qui commencent à estre reçeuës, vous voulez bien
            que je vous fasse connoistre par ces deux premieres Figures de quelle maniere les Hommes
            se sont habillez pendant tout l’Hyver. La premiere vous les represente en Manteau. La
            Saison a esté si facheuse jusqu’à aujourd’huy, qu’il semble estre encore d’usage. Ainsi
            quand je n’aurois pas eu dessein de vous faire voir dans les quatre Extraordinaires les
            Modes de toute l’Année selon la diversité des temps, l’Hyver qui semble avoir esté
            prolongé jusqu’icy, m’auroit obligé de commencer par la Figure sur laquelle vous avez
            déja pu jetter les yeux. Il n’est pas besoin que je vous l’explique. Ce que vous voyez
            écrit à costé, vous apprendra tout ce que j’aurois à vous dire là dessus. La seconde
            Figure est d’un Cavalier avec une Echarpe, &amp; le simple Juste-à-Corps. Je n’oublieray
            pas les Dames, &amp; je ne difere à vous les montrer telles qu’elles ont paru pendant la
            mesme Saison, que pour ne vous pas embarasser de trop de Figures tout à la
          fois.</hi></p>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_494" resp="mercure">
        <head>[Histoire de la fausse morte] *</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 494-508.</bibl>
        <p rend="i">Ainsi je passe à ce qui est arrivé depuis quelque temps dans la Cour d’Espagne.
          Quoy que l’Avanture soit aussi extraordinaire que surprenante, elle ne laisse pas d’estre
          vraye dans toutes ses particularitez, &amp; s’il estoit besoin d’en donner des preuves,
          tout Madrid en serviroit de témoin. Les choses s’y sont passées de cette sorte. </p>
        <p>Un Cavalier d’une naissance fort considerable, avoit joint aux avantages qu’il avoit
          reçeus d’une éducation tres-heureuse, ce que plusieurs années de voyages font acquerir de
          connoissances utiles aux honnestes Gens. L’étude du monde qu’il avoit faite dans les
          principales Cours de l’Europe, faisoit d’abord remarquer en luy des qualitez qui se
          trouvent rarement dans ceux qui n’ont jamais pris de ces sortes de leçons ; &amp; on peut
          dire que s’il estoit party avec des inclinations tres-dignes de luy, il estoit revenu si
          parfait, qu’on ne le pouvoit voir sans l’estimer. Trois ou quatre jours apres son retour,
          n’estant presque encor connu de personne, le hazard voulut que dans une Feste publique où
          tout le monde courut en foule, il fut placé aupres d’une jeune Demoiselle dont la beauté
          le surprit. Il la regarda, il en fut charmé, &amp; il le fut bien davantage, quand ayant
          commencé à l’entretenir, il connut que les charmes de son visage n’égaloient point ceux de
          son esprit. Il luy dit mille choses obligeantes, &amp; les dit d’une maniere si fine, que
          si la Belle luy plût, il ne plût pas moins à la Belle. Ainsi la Feste finit trop tost pour
          l’un &amp; pour l’autre, &amp; ce ne fut pas sans quelque chagrin qu’ils se virent
          contraints de se séparer. Le Cavalier pressa la Belle de luy apprendre qui elle estoit,
          &amp; sa réponse fut qu’elle alloit souvent se promener dans un Lieu qu’elle luy marqua,
          qu’il ne tiendroit qu’à luy de l’y voir, &amp; que le temps luy feroit sçavoir s’il
          mériteroit qu’elle satisfist sa curiosité. Vous pouvez croire que le Cavalier ne manqua
          pas aux Rendez-vous. Il y vit sa Belle, qui se ménagea si bien, que sans blesser ce
          qu’elle se devoit à elle-mesme elle luy donna toûjours lieu de parler. S’il luy faisoit
          les protestations les plus empressées, tant de modestie estoit jointe à ce qu’elle luy
          disoit de favorable, qu’il ne la quitoit jamais qu’avec plus d’amour qu’Il n’en avoit eu
          en l’abordant. Enfin aprés l’avoir entretenuë sept ou huit fois, &amp; luy avoir fait
          paroistre ce que la plus violente passion peut inspirer pour une Personne toute aimable,
          il la conjura avec tant d’isntance de ne luy laisser pas ignorer plus long-temps qui il
          aimoit, qu’elle se resolut à ne luy en faire plus de mystere. Elle luy apprit son nom,
          &amp; il demeura si interdit en l’apprenant, que la Belle ne sçavoit que s’imaginer de son
          trouble. Il ne pût mieux luy en découvrir la cause, qu’en se nommant. Son étonnement fut
          égal à celuy du Cavalier. Elle soûpira, &amp; ils furent quelque temps à se regarder sans
          se rien dire. Leurs regards ne disoient que trop qu’ils s’aimoient ; &amp; dans la
          connoissance qu’ils se donnoient l’un à l’autre de leurs plus secrets sentimens, ils
          avoient le malheur d’apprendre que si l’égalité de leur naissance autorisoit leur amour,
          ils estoient de deux Familles si irreconciliables ennemies, que l’autorité du Prince
          n’avoit pû empescher beaucoup de malheurs dont cette inimitié avoit déja esté la cause.
          Ils ne se cacherent point que l’impossibilité apparente de devenir jamais heureux leur
          devoit faire une necessité de renoncer à se voir, mais ils n’eurent pas la force de s’y
          résoudre, &amp; il sembla que les obstacles presque invincibles qu’ils trouverent à leur
          passion, ne servirent qu’à les enflâmer davantage. Ils se firent cent sermens de n’estre
          jamais à personne, s’ils ne pouvoient estre l’un à l’autre, &amp; ils continuerent à se
          voir avec d’autant plus de facilité, que le Cavalier cacha exprés son retour pour demeurer
          inconnu à ceux qui auroient pû donner quelque connoissance de son Secret. Cependant comme
          il estoit maistre de luy-même, &amp; que la hainte lap lus enracinée n’a jamais tenu
          contre l’Amour, il employa des Personnes tres-puissantes pour travailler à la
          réconciliation des deux Familles. On parla au Pere de la Belle. On luy fit voir de quelle
          consequence il estoit de prévenir les cruelles suites que pourroit avoir une haine
          hereditaire, qu’il seroit peut-estre aisé d’assoupir par un Mariage. C’estoit un de ces
          Vieillards obstinez qui ne pardonnent jamais. Il s’emporta. Il n’écouta rien, &amp; ayant
          malheureusement appris que sa Fille avoit souffert l’entretien du Cavalier, il eut des
          severitez pour elle qui luy firent payer bien cher ce qu’elle y avoit goûté de plaisir.
          Elle eut beau luy dire qu’elle luy avoit parlé sans le connître, il la mit dans un Couvent
          avec de si étroites défenses de luy laisser voir personne, qu’il falloit avoir la plus
          forte passion pour songer à combatre ce nouveau malheur. Elle redoubla dans le cœur du
          Cavalier ; &amp; comme l’Amour est inventif, il luy fit trouver les moyens d’affermir la
          belle Personne qui souffroit pour luy, dans la résolution de l’aimer toûjours. Les Espions
          s’attacherent inutilement à observer ce qui se passoit. Les deux Amans eurent des
          intelligences secretes que le Pere ne pût découvrir ; &amp; aprés plus d’une année
          d’inquiétudes &amp; d’irresolutions, la Belle consentit à suivre la fortune du Cavalier,
          mais elle voulut pour cela le voir à couvert des poursuites de son Pere &amp; de ses
          Freres, qu’elle ne doutoit point qui ne se portassent contre luy aux derniere extremitez,
          s’ils découvroient qu’elle fust en son pouvoir. Que n’ose-t-on point quand on aime ! Une
          Religieuse du Couvent mourut, &amp; deux jours aprés la Belle se fit apporter un Habit
          sans que personne en sçeust rien, &amp; disposa si bien toutes choses, que sur l’avis
          qu’elle donna à son Amant, elle fut asseurée qu’il se trouveroit la nuit suivante au pied
          de la muraille du Jardin avec une échelle de corde qui luy serviroit à s’échaper. La nuit
          s’avançant, &amp; un profond silence luy ayant fait connoître que tout le monde dormoit,
          elle eut le courage de descendre dans la Cave où l’on avoit mis la Religieuse morte. Elle
          la tira de sa Biere, l’apporta dans son Lit, employa quelque temps à luy brûler le visage
          pour l’empescher d’estre reconnuë, mit le feu au Lit, &amp; laissant sur la Table les
          Habits qu’elle avoit accoûtumé de porter, elle se sauva avec celuy qu’elle avoit reçeu du
          Cavalier. Le feu fit un prompt ravage. La Chambre fut toute embrasée. On s’en apperçeut,
          on y courut, &amp; si on y donna remede, ce ne pût estre qu’aprés que le lit eut esté
          presque entierement consumé. On trouva le Corps. Le feu avoit gagné les Sieges, &amp;
          s’attachoit déja à la Table, où les Habits estoient à demy brûlez. Ils estoient connus,
          ils ne laissèrent point douter du malheur de la belle Fugitive. On la pleura. On luy
          rendit les derniers honneurs, &amp; l’accident ayant esté divulgué dans la Ville, on le
          regarda comme une punition de cette irreconciliable haine que le Pere avoit voulu garder
          pour son Ennemy. Cependant le Cavalier mena la Belle dans un Chasteau qui estoit à luy,
          &amp; l’y épousa secretement. Comme elle faisoit toute sa felicité de la tendresse qu’il
          avoit pour elle, le plaisir d’en recevoir des marques luy tint lieu de tous les autres
          plaisirs. Elle n’estoit veuë que de ses Domestiques, dont aucun ne la connoissoit ; &amp;
          tandis que tous ses Parens la coyoient morte, elle menoit une vie heureuse qui n’estoit
          troublée de temps en temps que par quelques jours d’absence de celuy qu’elle aimoit
          uniquement. Trois ou quatre ans se passerent, pendant lesquels son Pere mourut. Deux Fils
          qu’il laissa, eurent quelques affaires fâcheuses. Le Cavalier qui estoit fort consideré à
          la Cour, les servit malgré eux si utilement, que cette generosité les toucha. Les mêmes
          Personnes qui avoient tâché de faire la reconciliation du Pere, entreprirent celle des
          Fils. Comme ils n’avoient pas entierement épousé sa haine, ils donnerent les mains à la
          proposition qu’on leur en fit. L’accommodement fut fait, &amp; il trouverent le Cavalier
          si digne de leur amitié, qu’ils entrerent avec luy dans la plus parfaite union. Vous jugez
          bien, Madame, qu’ils ne se virent pas long-temps sans qu’ils luy témoignassent le
          déplaisir qu’ils avoient de ce que la mort de leur Sœur leur avoit osté l’avantage qu’ils
          auroient trouvé dans son alliance. Le Cavalier ne leur déguisa point qu’il avoit aimée,
          &amp; leur demanda par grace de venir passer quelques jours dans son Château. Sitost
          qu’ils y furent arrivez, il leur dit qu’ils estoient trop de ses Amis pour leur cacher
          qu’il s4estoit marié depuis quelque temps, &amp; qu’il se sentoit d’autantp lus oubligé
          d’aimer la belle Personne qu’il avoit épousée, que ne s’estant point mise en peine de se
          faire connoître dans le monde, elle luy avoit témoigné par là qu’elle ne vouloit vivre que
          pour luy. Alors il l’envoya prier de venir. La Belle entra avec cette émotion qui est
          assez inévitable dans des pareilles rencontres. Ses Freres la coyoient morte. Ils se
          regarderent l’un l’autre. Ils regarderent le Cavalier, &amp; aprés un haut cry que leur
          premiere surprise leur arracha, ils reconnurent leur Sœur aux tendres embrassemens qu’elle
          leur fit. Ils pleurerent tous de joye. L’Histoire de la fausse Morte fut éclaircie, &amp;
          on admira les surprenantes réoslutions que l’amour fait prendre à ceux qui en son
          veritablement atteints.</p>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_508" resp="louise">
        <head>[Modes : Femmes en habit d’Hyver]*</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I), p.
          508-509.</bibl>
        <note resp="author" place="margin"><hi rend="i">Avis pour placer les Figures</hi> : La Femme
          en Habit noir, &amp; Jupe d’Hermine, doit estre à la page 508.</note>
        <note resp="author" place="margin"><hi rend="i">Avis pour placer les Figures</hi> : La Femme
          en Des-habillé, doit estre à la page 510.</note>
        <p><hi rend="i">Je reviens aux Modes, non pas encor à celles de la Saison où nous sommes,
            mais aux Habits d’Hyver, que la rigueur du temps a fait garder jusqu’icy à beaucoup de
            Femmes. Cette premiere Figure vous les represente habillées. Ce n’est pas ce qui leur
            est presentement le plus ordinaire. Comme on vit aujourd’huy fort commodément en France,
            on s’y habille assez rarement, &amp; on n’y met presque-plus que ce qui s’appelle des
            Manteaux. Les Robes ne sont que pour les Visites de ceremonie, ou pour celles qu’on rend
            aux Gens d’un rang plus élevé que celuy qu’on tient, &amp; on ne s’en sert ny pour voir
            familierement ses Amies, ny pour les Parties de Promenade. Ainsi ce que j’auray à vous
            dire des Modes que le Printemps a commencé d’amener pour le beau Sexe, regardera moins
            les Robes que les Manteaux. Ne vous étonnez point si je separe tous ces Articles. Outre
            que la diversité a ses charmes, vous les goûterez mieux à ne les pas voir tout à la
            fois. J’adjoûteray seulement icy une seconde Figure qui vous fera paroistre les Dames en
            Deshabiller d’Hyver. Examinez-la, &amp; vous avouërez qu’il seroit difficile de se
            mettre plus richement &amp; de meilleur goust.</hi></p>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_510" resp="mercure">
        <head>Question proposée</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 510-511.</bibl>
        <p rend="i">Comme c’est chez elles que s’agitent toutes les Questions d’esprit, une Dame qui
          en a infiniment, en proposa une il y a quelques jours à plusieurs Personnes tres-éclairées
          de l’un &amp; l’autre Sexe. La voicy. </p>
        <quote>
          <label rend="center">Question proposée</label>
          <p><hi rend="i">Sçavoir</hi>, Qui l’on croyoit qui fit le plus souffrir un Amant, <hi
              rend="i">Ou</hi> une Maistresse dont il connoist l’infidelité, &amp; qui ne voulant
            point rompre avec luy, tâche de le retenir par des flateries &amp; par de fausses
            protestations ; <hi rend="i">Ou</hi> Une Maistresse qui le quite sans ménagement, &amp;
            qui ne luy cache point qu’elle l’abandonne pour un Rival ?</p>
        </quote>
        <p rend="i">La Dame qui proposa la Question, pria qu’on ne répondit point sur le champ, afin
          qu’on eust le temps de se consulter &amp; que les Réponses pussent estre mieux raisonnées.
          Vous pouvez prendre party là-dessus vous &amp; vos Amies. Vous ne penserez rien qui ne
          soit juste, &amp; je ne doute point que la pluralité d’Avis ne se trouve de vostre costé.
        </p>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_511" resp="mercure">
        <head>[Air de Printemps, par un Maistre du Havre]*</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I), p. 511-512.</bibl>
        <p rend="i">Je n’ay plus qu’un Air de Printemps à vous faire voir, avant que de venir à
          l’Histoire Enigmatique que je vous ay promis de vous envoyer. Cet Air est de la
          Composition d’un Maistre du Havre. J’espere qu’il vous fera demeurer d’accord que les
          Provinces ont d’aussi habiles Gens en Musique qu’en toute autre chose. Les Paroles sont du
          stile ordinaire des Amans qui croyent avoir toûjours sujet de se plaindre.</p>
        <quote>
          <lg>
            <l rend="i">Cruel Printemps, peux-tu paroistre<note resp="author" place="margin"><hi
                  rend="i">Avis pour placer les Figures</hi> : la Chanson qui commence par, <hi
                  rend="i">Cruel Printemps peux-tu paroistre</hi>, doit regarder la page
              512.</note></l>
            <l rend="i">Où Climene ne paroist pas ?</l>
            <l rend="i"><space/>    Qui t’engage à renaistre</l>
            <l rend="i"><space/>    En des lieux sans appas ?</l>
            <l rend="i"><space/>    Tes plus beaux jours, helas,<note resp="editor">« Les plus beaux jours » dans la planche de musique.</note></l>
            <l rend="i"><space/>    Avancent mon trépas.</l>
            <l rend="i">Cruel Printemps, peux-tu paroistre</l>
            <l rend="i">Où Climene ne paroist pas ?</l>
          </lg>
        </quote>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_513" resp="mercure">
        <head>Histoire énigmatique</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I),
          p. 513-520.</bibl>
        <p rend="i">Un peu d’application, Madame, ce que j’ay presentement à vous conter tient du
          Prodige. Voicy dequoy il s’agit. </p>
        <label rend="center">Histoire</label>
        <label rend="center">enigmatique.</label>
        <p>DEs interests tres-considerables ont fait former le dessein de lap lus extraordinaire
          Alliance dont on ait jamais entendu parler. C’est peu de vous dire que les Parties sont
          toutes deux du mesme Sexe. Il y en a beaucoup qui les font passer pour la Mere &amp; pour
          la Fille. Il est cependant certain qu’elles sont du mesme âge l’une &amp; l’autre. Quoy
          qu’elles soient fort éloignées de se pouvoir vanter d’estre jeunes, c’est quelque chose de
          rare que le nombre de leurs années ne laisse découvrir en elles aucune apparence de
          vieillesse, &amp; qu’on leur remarque encor la mesme force qu’elles ont euë dans leurs
          premiers ans. Elles sont fieres, fort sujettes à l’emportement ; &amp; quand elles sont
          une fois en colere, la vie des Hommes ne leur couste rien. Ce n’est pas que la Fille n’ait
          beaucoup plus de tranquillité que la Mere. Cette derniere ne sçauroit passer un seul jour
          sans s’émouvoir. On ne luy en donne pourtant aucun sujet, &amp; personne n’a jamais pû
          découvrir la raison qui l’oblige à sortir si souvent hors d’elle-même. Ce qui surprendra,
          c’est que les deux Parties dont je vous parle estant déja mariées, on entreprenne de les
          marier encor une fois. Leur premier Mariage s’est fait par un Arabe ; &amp; comme elles
          sont tres riches d’elles-mesmes, &amp; que chacune d’elles n’a besoin de rien, il leur
          importeroit peu d’en contracter un second, estant d’ailleurs d’une humeur froide &amp;
          fort insensible, si ceux qui se meslent de leur union n’y avoient plus d’interest qu’elles
          n’y en prennent. On est fort convaincu que cette froideur rendra leur Mariage sterile,
          &amp; qu’il n’en naistra rien qui leur ressemble. Cependant on ne laisse pas d’en attendre
          une tres-grande fecondité. Vous trouverez quelque chose de bien particulier dans cette
          Alliance, en ce qu’elle ne se peut faire que par l’entremise de plusieurs autres Mariages
          qui la doivent préceder, &amp; que la fierté des principales Parties est telle, que faute
          de pouvoir faire d’assez grands apprests pour une entrevuë qui soit digne de leur
          grandeur, si elles consentent à estre unies, c’est à condition qu’on ne les obligera point
          à s’approcher. Elles ont souvent à parler des mesmes choses, mais elles ne se servent
          point de la mesme Langue pour s’en expliquer, &amp; les Allemans chez l’une, sont Italiens
          chez l’autre. À peine eut-on fait les premieres propositions de ce Mariage, qu’on en
          conçeut une jalousie qui ne se peut exprimer. On fit mille desseins pour le rompre. On y
          apporta tous les obstacles possibles, &amp; rien n’a jamais esté si fortement combatu.
          Cette jalousie n’estoit point de la nature de celle qui revolte un Amant contre sa
          Maistresse, ou qui anime un Rival contre un Rival. Elle avoit plus de malignité, &amp;
          sans regarder les Parties dont aucun Prétendant ne songeoit à empescher l’union, elle n’en
          vouloit qu’à la gloire que remporteroient ceux qui traitoient une si grande Alliance,
          s’ils estoient assez heureux pour la faire réüssir. Chacun en parloit diversement. Parmy
          ceux qu’aucun interest ne faisoit agir, il y en avoit qui la condamnoient, parce qu’il se
          trouve un Caractere de Gens qui se plaisent à n’approuver rien. Ils disoient qu’il y avoit
          de l’imprudence à penser à ce Mariage, apres qu’on en avoit autrefois tenté deux de cette
          nature qui n’avoient point eu de succez. Ils adjoûtoient que l’un qui auroit fait changer
          de nom à une bonne partie du Monde, avoit esté crû trop dangereux ; &amp; que l’autre qui
          auroit donné une Maistresse à une infinité de petites Voisines qui sembloient l’attendre,
          avoit esté mis entre les choses qui sont impossibles. Ceux qui ont accoûtumé de loûer
          tout, appuyez de quelques autres qui n’estoient peut-estre pas persuadez que la chose pust
          s’executer mais qui vouloient y embarquer plus avant les Agens de l’entreprise pour avoir
          le plaisir de les voir tomber de plus haut ; ceux-là, dis-je, soûtenoient qu’il ne falloit
          que du temps &amp; de la conduite pour voir cette affaire heureusement terminée ; ils
          alléguoient pour raison, qu’on avoit déjà veu en France un Mariage de la nature de celuy
          qu’on proposoit, &amp; que quoy qu’il n’eust pas esté fait entre des Parties du rang de
          celles dont il estoit question, le succés de l’un répondoit en quelque façon de celuy de
          l’autre. Je n’examine point, Madame, si ce sentiment estoit des-intéressé. Il es certain
          que cette derniere Opinion a prévalu, &amp; que les soins &amp; l’application
          extraordinaire d’une personne tres-intelligente dans ces sortes de negotiations, ont donné
          à celle-cy des commencemens si heureux, qu’on ne doute point que la fin n’en soit telle
          qu’on se la promet. Cela demande plusieurs allées &amp; venuës vers les Parties, &amp; il
          a falu établir un Lieu tant pour se resposer dans ces Voyages, que pour la seûreté de ceux
          qu’on employeroit à les faire. Le Mariage n’est point encor fait, quoy qu’il soit conclu.
          Les Parties n’en témoignent ny chagrin ny joye, n’avance ny ne reculent, &amp; se
          contentent de s’en reposer sur les soins des Intéressez.</p>
        <p><hi rend="i">Raisonnez, Madame, consultez vos spirituelles Amies, &amp; me faites sçavoir
            ce que vous pensez d’un Mariage si peu commun</hi>.</p>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1678-03e_521" resp="louise">
        <head>[Modes]*</head>
        <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier de janvier 1678 (tome I), p.
          521-547.</bibl>
        <note resp="author" place="margin"><hi rend="i">Avis pour placer les Figures</hi> : La Femme
          en Habit de Printemps, doit estre à la page 521.</note>
        <note resp="author" place="margin"><hi rend="i">Avis pour placer les Figures</hi> : La
          grande Planche où il y a deux Figures, &amp; plusieurs Desseins de Modes &amp;
          Echantillons, doit regarder à la page 523.</note>
        <p><hi rend="i">Raisonnez, Madame, consultez vos spirituelles Amies, &amp;amp; me faites
            sçavoir ce que vous pensez d’un Mariage si peu commun. Cependant j’acheve l’Article des
            Modes. Jettez les yeux sur cette Figure. A peine le Printemps a-t-il commencé de
            paroistre, qu’on a veu des Dames habillées de cette façon. Regardez ces Manches, je puis
            vous assurer que ce sont les premieres qui ayant paru de la maniere dont vous les voyez.
            Ne vous étonnez pas de luy voir une Echelle de Rubans. On en portoit encor au
            commencement de la Saison où nous sommes. Cette Mode n’a pas continué, &amp; peu de
            Personnes en portent presentement. Voila, Madame, tout ce que vous aurez de Figures
            habillées dans cet Extraordinaire. Si les beaux jours estoient venus avec le Printemps,
            vous en auriez eu davantage, &amp; celles que j’aurois adjoutées vous auroient donné une
            plus parfaite connoissance des Modes de cette seconde Saison de l’Année, qu’on peut dire
            presque finie avant qu’elle ait commencé. Je n’ay pas laissé de faire des Recherches
            assez curieuses, &amp; qui seront d’une grande utilité pour toutes les Dames de vostre
            Province, &amp; pour tous les Hommes qui sans estre à Paris, ny à la Cour, voudront se
            piquer d’estre mis de bon air. Pour satisfaire l’un &amp; l’autre Sexe, j’ay fait graver
            deux Garderobes, l’une pour les Dames, &amp; l’autre pour les Hommes. Vous y verrez non
            seulement toutes sortes d’Echantillons, des Etoffes &amp; Dentelles nouvelles, &amp; des
            Points nouveaux ; mais encor des Modelles d’Habits pour l’un &amp; pour l’autre Sexe,
            &amp; generalement de tout ce qui se porte pour estre bien habillé. Examinez les, &amp;
            vous avoüerez que je n’ay pas employé mes soins inutilement.</hi></p>
        <p><hi rend="i">Ce n’est pas assez que vos yeux se soient promenez sur ces Garde-robes, il
            faut vous donner une plus parfaite intelligence de ce que vous venez d’y voir, &amp;
            vous l’expliquer par Articles. C’est ce que je vay faire suivant les Chiffres.</hi></p>
        <label rend="center">Garderobe des Hommes.</label>
        <p>ON porte des Baudriers brodez sur un fonds de Cuir bordé, &amp; chamarré en dedans proche
          la broderie, d’une petite Frange de la couleur de la garniture de l’Habit, meslée d’une
          autre petite Frange faite &amp; decoupée de la couleur du fonds du Baudrier.</p>
        <p>2. L’on fait aussi des Baudriers de Cuir de la couleur de l’Habit, brodez &amp; decoupez
          sur un fonds de Satin ou de Taffetas de la couleur de la garniture de l’Habit. On borde
          ces Baudriers d’une double bande de Cuir écaillé &amp; dentelé.</p>
        <p>3. On en porte aussi avec de la grande Frange, decoupez &amp; brodez comme ceux que j’ay
          marquez.</p>
        <p>4. Les Chapeaux se portent gris, de Castor ras, à petits bords ; &amp; si l’Habit est
          gris blanc, on donne un echantillon au Chapelier, afin qu’il puisse mieux assortir le
          Chapeau à l’Habit. On porte les Tours de Plumes fort grands, à deux pointes. L’on porte
          aussi des Chapeaux sans Plumes, avec un gros Nœud de Ruban etroit sur le Troussy du
          Chapeau, &amp; un autre Nœud attaché au Cordon. Plusieurs Personnes portent des Plumes,
          avec des Noeuds de Ruban aux Troussy.</p>
        <p>5. Les Chausses se portent en Ringrave. Le Canon de la Ringrave est coupé en grandes
          Languettes larges de cinq doigts, chamarées d’une Dentelle en Point d’Espagne, plissées
          &amp; volante autour des Languettes. Les Canons sont attachez aux Chausses par ces
          Languettes, avec un Nœud de Ruban. Il faut qu’un de ces Nœuds de Ruban se trouve sur les
          costez des Chausses, &amp; l’on peut faire celuy-là plus gros que les autres. On doit voir
          la Dentelle plissée en festons sous les Rubans ; &amp; par le devant, les Chausses doivent
          estre bien échancrées de la ceinture. On prend ordinairement la Dentelle de la couleur de
          l’Habit, &amp; un peu meslée de la couleur de la Garniture.</p>
        <p>6. Il se fait aussi des Chausses coupées, &amp; attachées de la maniere des autres, sans
          Dentelle, mais on borde des Languettes d’un Ruban passé. On porte toûjours des Chausses
          droites, qui passent le genoüil de quatre doigts, pour y rouler un Bas. Il s’en porte
          aussi à l’Espagnole, qui sont fenduës par le costé jusques à la poche, &amp; boutonnées en
          deux endroits. Cette ouverture est doublée d’un Satin de couleur de la Garniture.
          Plusieurs Personnes qui s’habillent pour l’Armée, prennent de la Frise d’Irlande gris
          brun. C’est une Etofe frisée de l’épaisseur d’un Ecu blanc, de laquelle on a peine à voir
          la fin. La plus grande Mode pour la Ville, est de Drap couleur de Prince. On fait les
          Juste-à-Corps fort longs. Quelques-uns ont commencé à porter des Habits d’Etofes venant de
          Messine. Le fonds est de Satin &amp; les Fleurs brochées d’une couleur brune.</p>
        <p>7. On porte des Gands garnis de Frange pareille à celle du Baudrier ou de la Garniture.
          On en porte aussi de garnis d’une grande quantité de petits Rubans.</p>
        <p>8. On porte encor des Echarpes de Point d’Espagne or &amp; argent, avec de la Frange.</p>
        <p>9. On en porte aussi de Réseau, remplies de petits Festons ou Rozettes or, argent, &amp;
          soye, travaillées au crochet, avec des Campanes au lieu de Frange.</p>
        <p>10. Depuis quelques jours les Ceinturons, ou Porte-Epées, sont à la mode. Ils sont
          larges, &amp; servent à la place des Echarpes. On les fait de Cuir brodé or &amp; argent.
          Il y en a de chamarez de Galon.</p>
        <p>11. Les Cravates se portent de trois manieres. La premiere est avec un tiers de Point de
          France, ou d’un autre Point, &amp; de la Mousseline noüée qui accompagne le Point des deux
          costez. Vous voyez tout cela dans la Planche.</p>
        <p>12. Il se fait aussi des Cravates sans toille, dans lesquelles il entre une fois autant
          de Point que dans les premieres.</p>
        <p>13. La troisieme maniere est un Rabat noüé. Les Rubans qu’on met aux Cravates sont
          toûjours fort larges.</p>
        <p>14. On porte presentement les Perruques fort dégagées. Elles sont travaillées moitié
          crêpé, &amp; moitié boucles ; de sorte que les Perruques bien faites ne sont que des
          ondes. On ne les porte pas tout-à-fait si longues que l’année passée.</p>
        <p>15. On fait aussi des Perruques nommées Perruques à la Cavaliere. Elles se portent noüées
          dans le milieu. Le nœud se fait directement sous le Ruban de la Cravate, &amp; elles se
          terminent par une grosse boucle par bas.</p>
        <p>16. Le Roy porte aujourd’huy des Bottes pour la Chasse, qui sont de Cuir brun, sur
          lesquelles ont met un rang de Boutons d’or sur le devant de la jambe, depuis le genoüil
          jusques au coup de pied, avec des agrémens d’or des deux costez des Boutons. Le Canon de
          la Botte est bordé &amp; piqué. Il en sort un autre Canon, lequel est d’Etofe brodée,
          comme vous pouvez voir dans la Figure.</p>
        <p>17. Les Souliers des Hommes se portent noirs, lustrez, avec de petits ornemens lizerez
          d’or autour de l’ouverture des oreilles.</p>
        <label rend="center">Garderobe des Femmes</label>
        <p>LEs derniers Points de France à la mode, n’ont pas point de brides ; les fleurons sont
          plus pressez, les fleurs fort rélevées dans le milieu, &amp; les extrémitez basses. De
          petites tiges &amp; fleurettes liënt &amp; tiennent les grosses à la place des brides. La
          maniere de tourner les branchages appellée Ordonnance, est de deux sortes ; l’une est une
          tige qui roule &amp; qui jette des fleurs ; &amp; l’autre est réguliere, sçavoir une fleur
          ou des fleurons dans un milieu, qui jette régulierement des branches des deux costez.</p>
        <p>2. Les Jupes courtes se chamarent de plusieurs manieres, la premiere est en Tablier, avec
          deux rangs de Dentelle plus bas, &amp; sept par devant, sur un fond de Satin blanc. On met
          de la Dentelle brodée de couleur, ou de Point d’Espagne, comme vous verrez à l’Article des
          Dentelles.</p>
        <p>3. On porte encor d’autres Jupes courtes à fond de Satin blanc broché, ou passé de petits
          fleurons, fabrique de Messine. Ces Jupes sont chamarées de trois rangs de Dentelles
          plissées à la Psyché.</p>
        <p>4. On fait des Palatines de Point de France sans brides, avec des Boüillons de Point
          noüez de Rubans.</p>
        <p>5. On porte aussi des Palatines de Crêpe pour le deüil. Elles sont bordées d’un gaudron
          de mesme Crêpe, avec des Boüillons noüez aux extremitez. La Planche vous represente ces
          choses plus sensiblement.</p>
        <p>6. Les Gands de Femmes sont de deux manieres ; les uns sont tous garnis de Petits Rubans,
          &amp; les autres ne le sont que d’un simple Nœud.</p>
        <p>7. On porte des Jupes de satin blanc brodé de fleurs &amp; fleurons de couleur, liées de
          branches &amp; feüillages. Elles sont chamarées par bas d’une Dentelle brodée, ou d’un
          Point d’Espagne de couleur.</p>
        <p>8. On chamare des Jupes en quille de Dentelles plissées tout autour, distantes de quatre
          doigts les unes des autres. On met une grande Dentelle par bas, &amp; l’on borde la Jupe
          d’un Galon. La plûpart de ces Jupes sont de Popeline, dont le fond est couleur de
          Prince.</p>
        <p>9. La plûpart des Tours de Bras des Femmes sont presentement comme ceux des Hommes. Ils
          sont faits de Point plissé &amp; retroussé, avec un Ruban &amp; un Nœud de Diamans. La
          Manchette est attachée à la Manche de toïlle, laquelle est double &amp; faite de
          Point.</p>
        <p>10. Il s’en fait aussi de retroussez en boüillons, avec un Nœud de Rubans ou de Diamans ;
          &amp; pour la Manchette, elle est à l’ordinaire.</p>
        <p>11. Les Femmes portent des Souliers de Cuir blanc, ou de couleur de Franchipane, garnis
          seulement d’un Nœud de Rubans sur le costé. Il s’en fait aussi qui sont chamarez de deux
          Dentelles par devant, avec des Boutons or ou argent dans le milieu. Il s’en porte encor de
          Cuir piqué or &amp; argent, &amp; d’autres tout de Brocard or ou argent, &amp; de
          soye.</p>
        <p>12. L’on a porté l’Hyver dernier des Jupes de Tabis gris ou Moire decoupées sur un fond
          de Satin ou de Taffetas de couleur. Les decoupures estoient de petites fleurs ou fleurons
          semez sans ordre, &amp; d’autres estoient régulieres, comme il est marqué dans la Figure.
          L’on mettoit au bas de la Jupe une grande Dentelle plissée de Point d’Espagne.</p>
        <p>13. Les Dentelles à la mode pour chamarer les Jupes, sont demy brodées, ou de Point
          d’Espagne. Les ornemens qui forment la Dentelle sont brodez, &amp; les Points d’Espagne
          sont de gros Festons tout d’une couleur, &amp; des Branchages lesquels jettent des fleurs
          qui embrassent ces Festons, &amp; forment un dessein fort agreable. On porte aussi des
          Dentelles qui se portoient l’année passée. Ces Dentelles sont avec des brides, &amp; les
          fleurs sont faites de chenilles. On a fait encor des Dentelles d’une maniere nouvelle,
          avec des brides sur un grand fleuron, qui jette de grosses fleurs brodées de plusieurs
          couleurs. Les brides sont noires, &amp; forment une Rabesque laquelle suit un fort
          agreable effet, avec ses fleurs de toutes couleurs.</p>
        <label rend="center">Etofes nouvelles</label>
        <p>A. ETofe nouvelle à fond de Satin blanc, semé de grands fleurons &amp; de fleurs, de
          petites branches fort legeres, &amp; de petites fleurettes en festons.</p>
        <p>B. Etofe de Moire rayée, dont les grandes rayes sont blanches &amp; tabisées ; &amp; les
          petites, nuées d’incarnat &amp; d’autres couleurs.</p>
        <p>C. Taffetas violet, avec des bouquets aurore, &amp; des bouquets noirs.</p>
        <p>D. Etofe de Venise à fond de Satin blanc, orné de fleurs &amp; de fleurons nuez de
          couleurs &amp; tombant en festons.</p>
        <p>E. Etofe à petits carreaux, ou en échiquier. Elle est moitié Satin, &amp; moitié
          Taffetas, &amp; de couleur de bois.</p>
        <p>F. Gros Taffetas bleu, semé de petites fleurs brochées aurore, &amp; bordées de noir. Les
          tiges ne sont que lizerées de noir, &amp; jettent quelques petites feüilles fort legeres
          &amp; brochées. On a fait depuis quelques jours une Jupe de cette Etofe à la Reyne.</p>
        <p>G. Papeline blanche à fleurs naturelles liées de branchages aurore &amp; couleur de bois.
          On en porte aussi de poil de Chevre gris. blanc.</p>
        <p>H. Gros de Tours, couleur de bois, semé de petits bouquets de fleurs aurore, brochez
          &amp; fort éloignez les uns des autres.</p>
        <p>I. Etofe de Satin à fond aurore. Les grands feüillages sont blancs, &amp; servent de fond
          à de petits bouquets de fleurs couleur de bois.</p>
        <p>K. On porte un grand nombre d’Etofes de Tours à fond de Satin blanc, ou fonds perlé.
          Elles sont semées de fleurs &amp; de bouquets de toutes sortes de couleurs. Ces Etofes
          sont les plus à la mode pour toutes sortes de Gens.</p>
        <p>L. On porte aussi des Etofes remplies de petits ornemens, fleurs &amp; crotesques, toutes
          d’une couleur.</p>
        <p>M. On porte depuis peu une Etofe tres belle qui vient de Messine. Le fond est de Satin
          jaune, avec de grands fleurons blancs &amp; violets brochez.</p>
        <p>On se sert aussi de Toiles qui imitent le Brocard, à bouquets &amp; autres petites
          fleurs. Le fond est de couleur de Prince, &amp; de noisete &amp; aurore. Elles se vendent
          chez le Sieur Baroy, au Cloistre Sainte Oportune.</p>
        <p>Toutes les Doublures des Manteaux sont presentement de Taffetas changeant, piqué &amp;
          moucheté tout ensemble. Ils sont bordez par devant &amp; sur les manches, de la mesme
          Etofe que la Doublure.</p>
        <p>On a encor porté dans le commencement du Printemps, des Jupes d’Etofes à Rubans. Cette
          Mode n’est pas nouvelle. Cependant les dernieres Etofes à Rubans qui ont paru, sont faites
          sur des Desseins tous nouveaux.</p>
        <p>L’Année derniere on portoit les Manteaux &amp; les Jupes de la mesme Etofe. Cette Mode à
          encor esté suivie de beaucoup de Personnes, depuis que le Printemps a commencé, mais comme
          plusieurs autres portent le Manteau d’une Etofe, &amp; la Jupe d’une autre, on peut dire
          que cette Mode n’est pas generale, &amp; qu’en s’habillant à sa fantaisie sur cet article,
          on sera toûjours à la mode. Les Manches des Manteaux sont à present serrées par le bas,
          avec des boüillons par le haut. Ceux qui en voudront faire faire comme on les fait à la
          Cour, n’ont qu’à s’adresser à Madame du Creux, Ruë Traversine, qui habille la plus grande
          partie des Personnes de la premiere qualité.</p>
        <p>Les Rubans les plus à la mode sont les Rubans à la Dauphine, à fond blanc &amp; ornemens
          verds. Monseigneur <hi rend="sc">LE DAUPHIN</hi> en a porté la premiere Garniture depuis
          huit jours. Il y a encor des Rubans à casques, à fond blanc ; des Rubans de Satin coupez,
          grands &amp; petits, d’autres sans envers, à fond de Taffetas, &amp; façonnez ; des Satins
          nuez ; des Rubans étroits bâtonnez ; &amp; des Rubans tabizez, unis &amp; rayez, larges
          &amp; étroits. On trouvera de tous ces Rubans chez le Sieur le Gras au Palais, sur le
          Perron vis à vis le May. Comme c’est luy qui fournit la Garderobe du Roy, on doit estre
          seûr de trouver toûjours dans sa Boutique les plus beaux Rubans, &amp; qui seront le plus
          à la mode.</p>
        <p>Les Eventails de cette Année sont grands, &amp; sur des fonds blancs comme les Jupes. Les
          Coëffes sont toûjours brodées sur de la Gaze. On en porte de grandes, où tiennent des
          Palatines. On en trouvera de tres-bien faites chez le Sieur Goussault au Palais, à la
          Reyne de Suede.</p>
        <p>Je ne sçay, Madame, si vous serez satisfaite de ce que j’ay fait graver touchant les
          Modes. M<hi rend="sup">r</hi> Bérin Designateur ordinaire du Cabinet du Roy, dont je sçay
          que le nom vous est tres-connu, en a fait tous les Desseins, &amp; M<hi rend="sup">r</hi>
          le Pautre les a gravez. Ces deux Illustres n’ayant pas eu le temps de travailler, parce
          que les Etoffes de Printemps ne commencent qu’à paroistre, se préparent à faire des choses
          surprenantes pour la premiere Lettre extraordinaire que je vous envoyeray. Vous y verrez
          gravées les manieres dont on met presentement les Pierreries en œuvre, c’est à dire les
          Desseins à la mode. Vous en verrez qui regarderont des Ameublemens nouveaux, &amp; la
          façon dont on sert aujourd’huy les grandes Tables. Les Desseins de Rubans qu’on n’a pas eu
          le temps de graver, n’y seront pas oubliez.</p>
        <p>Je vous ay avertie d’abord que ce que j’aurois à vous dire de l’Habillement des Dames,
          rouleroit presque tout sur les Manteaux, parce que l’on portoit beaucoup moins de Robes.
          La plûpart de celles qu’on fait sont de Tabis &amp; de Moire mouchetée &amp; decoupée. Le
          Sieur de la Vallée Tailleur de Cour, qui demeure dans la Place du Palais Royal, pourra en
          apprendre davantage aux Personnes qui s’adresseront à luy. On verra des Desseins de Robe
          dans ma premiere Lettre extraordinaire, aussi bien que des Coëfures. Il y en a de toutes
          nouvelles, qui le seront encor dans deux Mois, parce qu’elles ne font que commencer à
          estre inventees. On les doit à Mademoiselle de Canillac, qui est des plus recherchées dans
          sa Profession, &amp; choisie pour coëfer dans les Balets du Roy, où vous sçavez qu’on
          n’employe que les plus Illustres en chaque Art. Cependant je vous diray qu’on fait
          presentement beaucoup de Boucles, &amp; que les Chevaux de devant se mettent plus en
          arriere qu’on ne les mettoit. On doit m’envoyer plusieurs Echantillons d’Etofes nouvelles
          qu’on fabrique dans les Païs étrangers, &amp; mesme des Figures toutes habillées. Je feray
          graver toutes ces choses, &amp; j’espere qu’à l’avenir vous ne vous plaindrez pas de mon
          peu de soin sur le Chapitre des Modes. Je suis Madame, vostre tres, &amp;c.</p>
        <p><hi rend="i">A Paris le 15. de May 1678.</hi></p>
        <p>A la page 510. où il y a Question à proposer, <hi rend="i">lisez</hi> Question
          proposée.</p>
      </div>
    </body>
  </text>
</TEI>