livraisons/MG_1705.xml

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      <titleStmt>
        <title>Mercure Galant, 1705</title>
      </titleStmt>
      <editionStmt>
        <edition>OBVIL/IREMUS</edition>
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          <name>Anne Piéjus</name>
          <resp>Responsable d’édition</resp>
        </respStmt>
        <respStmt>
          <name>Nathalie Berton-Blivet</name>
          <resp>Responsable d’édition</resp>
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      <publicationStmt>
        <publisher>Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL</publisher>
        <date when="2017"/>
        <availability status="restricted">
          <licence target="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/">
            <p>Copyright © 2017 Université Paris-Sorbonne, agissant pour le Laboratoire d’Excellence
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      </publicationStmt>
      <sourceDesc>
        <bibl><title>Le Nouveau Mercure Galant</title>, <publisher>Charles de Sercy</publisher>,
            <date>1705</date>.</bibl>
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        <date when="1705"/>
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      </langUsage>
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  <text>
    <body>
      <div type="tome" xml:id="MG-1705-01">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, janvier 1705 [tome 1]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-01_5">
          <head>Sonnet</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1705 [tome 1], p. 5-8.</bibl>
          <p>Le Sonnet qui suit regarde le surnom de <hi rend="i">Grand</hi>, donné au Roy, de
            l’aveu de toutes les Nations : Je dis de toutes les Nations, puisqu’elles avoüent
            hautement dans tous leurs écrits publics que la grandeur de ce Monarque est ce qui les
            oblige à luy faire la guerre, &amp; qu’elles craignent qu’un Souverain qui leur paroist
            trop puissant, &amp; qui fait leur admiration, ne s’emparast de toute l’Europe, s’il
            avoit formé le dessein de la conquerir.</p>
          <quote>
            <label>SONNET.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Le suprême degré de la grandeur humaine,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ce titre dont l’honneur est si prés des Autels,</hi></l>
              <l><hi rend="i">N’est pas un ornement dont l’apparence vaine</hi></l>
              <l><hi rend="i">Dépende du caprice, &amp; du choix des mortels.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Mais quoique du Tres-haut la raison souveraine,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Par la voix des humains fasse les Heros tels,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Jamais cette grandeur n’est finie &amp; certaine</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qu’aprés quelques essais de ses soins immortels.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Ainsi pour nous montrer le faiste de la gloire</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tous les Grands que l’on voit distinguez dans l’Histoire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Furent les Précurseurs d’un Grand plus achevé.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Ta grandeur même HENRY, je l’ose dire encore,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Des grandeurs où LOUIS nous paroist élevé,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Aux François enchantez ne montra que l’Aurore ?</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-01_24">
          <head>[Relation curieuse du Canada]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1705 [tome 1], p. 24-98.</bibl>
          <p>Ce qui suit doit estre regardé comme un fort beau morceau d’Histoire, &amp; dans lequel
            il y a beaucoup à apprendre.</p>
          <quote>
            <label>De l’Isle de Montreal en Canada, le 30. Octobre 1703.</label>
            <p><hi rend="i">La Relation de mon voyage en ce Pays-cy, Monsieur, ayant esté reçue
                favorablement de vous, j’ay hazardé, croyant vous faire plaisir &amp; agir en amy,
                de mettre sur le papier ce qu’on m’a raconté d’une expedition militaire que nos
                Canadiens, aidez des Sauvages leurs alliez, ont fait dans la nouvelle Angleterre, où
                ils ont attaqué &amp; pris des Forts, tué ou fait prisonniers bon nombre d’Anglois
                &amp; ravagé prés de trente lieues de leur pays.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il est bon cependant que vous sachiez avant que de commencer &amp; pour
                la sureté du fait, que j’ay apris ce que vous allez lire, dans deux
                conferences que j’ay eu avec l’Officier qui a commandé dans cette entreprise, &amp;
                qui en a esté le Chef.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Cela supposé, permettez-moy, Monsieur, d’entrer d’abord en matiere &amp;
              de vous dire sans autre Préface, que les Sauvages<note resp="author">Il y en a aussi de ce nom dans la nouvelle Angleterre</note>
              Abnakis, nos alliez, ayant esté informez de la guerre qui est en Europe
                entre les Couronnes de France &amp; d’Angleterre, avoient fait écrire plusieurs
                Lettres par le Pere de la Chasse, Jesuite, leur Missionaire, à Mr le
                Marquis de Vaudreüil, Chevalier de l’Ordre Militaire de saint Louis, &amp;
                Commandant general dans toute la nouvelle France, pour luy demander la permission,
                comme à leur<note resp="author">Ils appellerent ainsi M<hi rend="sup">r</hi> de Callieres,
                Gouverneur de Canada, sur tout depuis la celebre Paix faite par son moyen en 1701.
                treize Nations Sauvages… Que le nom de Callieres nous doit estre aimable,
                puisqu’il nous a procuré la Paix dans l’un &amp; l’autre monde ?</note>
              Pere, d’aller lever la</hi><note resp="author">Phrase Sauvage, qui veut dire déclarer la guerre … enterrer
                la hache, signifie faire la Paix.</note>
              <hi rend="i">hache contre les Anglois nos ennemis, qu’ils ont aussi regardé comme les
                leurs, depuis qu’ils ont esté avertis qu’ils avoient formé le dessein de les
                détruire dans une Assemblée que lesdits Anglois avoient fait proposer ausdits
                Sauvages Abnakis, &amp; dans laquelle ils prétendoient les surprendre. Or comme par
                ces Lettres ils demandoient à Mr le Marquis de Vaudreüil quelques
                Officiers des troupes pour les commander, &amp; un nombre de Canadiens François pour
                les soûtenir ; Mr le Commandant general de Canada nomma Mr de</hi><note resp="author">Fils de Mr de la Valierie, Major de la Ville de
                  Montreal.</note>
              <hi rend="i">Beaubassin Chef de ce parti, &amp; trois autres Officiers avec vingt
                Canadiens.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On s’assembla le</hi> 15. <hi rend="i">de Juillet à</hi>
              <hi rend="i">saint François<note resp="author">Village Sauvage éloigné de Kebec d’environ quarante
                lieuës.</note>, Mission des Jesuites pour les Sauvages Abnakis, &amp; peu
                de jours aprés, tout le monde se rendit au Village desdits Abnakis ; le nombre des
                Sauvages étoit de deux cent ; à sçavoir, Abnakis, Iroquois, Algonquins, Loups,
                &amp;c.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 21. <hi rend="i">de Juillet tous les Canadiens &amp; les
                Sauvages qui composoient le Parti, se trouverent unis, &amp; commencerent ensemble
                leur marche<note resp="author">Commencement de la marche des Canadiens contre les
                Anglois.</note>, ayant auparavant assisté à la Messe qui fut dite par le R.P.
                Aubery, de la Compagnie de Jesus.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 25. <hi rend="i">du même mois les Sauvages s’écarterent un peu
                pour chasser. Il faut un peu plus de liberté à ces gens là qu’aux autres ; ils
                tuerent quatre Castors &amp; un Ours, qui servirent à diminuer la faim que l’on
                sentoit.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 26. <hi rend="i">de Juillet il se trouva des chutes d’eau
                formées par de grosses pierres ou des rochers rapides dangereux dans les Rivieres
                qu’on eut à</hi><hi rend="i">traverser<note resp="author">On portoit des Canots pour traverser les Rivieres &amp; les
                Lacs.</note>, &amp; sur le soir on apperçût un Canot de Sauvages Abnakis
                  venans de l’Acadie<note resp="author">Pays contigu à la nouvelle Angleterre.</note>,
                  qui suivit les gens de sa Nation qui alloient en guerre ; c’est-à-dire
                les Abnakis du parti des François dont nous parlons.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 28. <hi rend="i">du mois de Juillet, la petite armée Canadienne
                trouva en son chemin un Lac appellé</hi> Skessouau <hi rend="i">qui a environ deux
                lieuës de longueur, &amp; on le traversa. Le soir de ce jour l’armée campa à
                l’entrée d’un autre Lac nommé</hi> Memraaubaiguay <hi rend="i">qui est long de dix
                lieuës, &amp; est environné de hautes montagnes ; ce fut dans ce Lac qu’on
                entra.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 29. <hi rend="i">Iuillet aprés qu’on eust celebré la Messe, les
                François &amp; les Sauvages lassez de ramer &amp; pressez de la faim, se mirent en
                partie à terre pour chasser, &amp; avoir de quoy contenter leur grand appetit ; on
                tuæ seulement deux Chevreüils &amp; un Castor qui furent plustost devorez que mangez
                par les Chasseurs François &amp; Sauvages. Le repas fini, on chanta la guerre
              <note resp="author">
                  Les Sauvages pour cela, se mettent en rond &amp; s’asseyent
                  sur le derriere, excepté un qui vient se promener en dançant, tantost d’un costé,
                  tantost de l’autre, chantant en mesme temps ses exploits, &amp; tenant les pieds
                  droits &amp; presque joints les uns contre les autres ; celui-cy ayant dancé, les
                  autres en font autant chacun à son tour.</note>.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 30. <hi rend="i">du mesme mois fut employé à traverser le Lac
                cy-dessus marqué, avec des Canots d’écorce de bois de Bouleau, de Pin &amp;
                d’autres.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 31. <hi rend="i">&amp; dernier Iuillet, les Sauvages de l’armée
                côtoyant ce Lac long de dix lieuës, toûjours en chassant &amp; avançant, quoique le
                chemin en fust escarpé à cause des montagnes, tuerent un Ours &amp; quelques
                Castors, ce qui donna occasion de chanter
              <note resp="author">Les Chansons des Sauvages de l’Amerique Septentrionale ne
                consistent qu’en deux ou trois mots qu’ils prononcent du nez, &amp; qu’ils repetent
                tant que la dance dure, qui est ordinairement longue.</note>encore la guerre.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le premier jour du mois d’Aoust, la petite armée composée de Canadiens
                &amp; de Sauvages leurs alliez, entrerent dans une Riviere si profonde &amp; en
                mesme temps si embarassée de joncs &amp; d’arbres, que la plûpart furent
                obligez de se jetter d’une branche à l’autre, de marcher comme en l’air, &amp; de
                voler presque à la maniere des oiseaux qui vont de branches en branches. La
                navigation de cette riviere devenant de plus en plus fâcheuse &amp; difficile, la
                perche &amp; l’aviron étant devenus inutiles, on resolut de cabaner
              <note resp="author">C’est-à-dire que tous les Canots vinrent se rendre les uns
                  prés des autres &amp; que la moitié des rameurs se reposa, puis elle reprit ; de
                  cette maniere on ne laisse pas que de marcher toûjours, quoique lentement, il n’y a
                  que les <hi rend="i">Maringoains</hi>, ou Cousins, si c’est en Esté, qui desolent,
                  sur tout la nuit.</note>
                dans un marais qui est formé par ladite riviere, &amp; est rempli
                de cabanes de Castor<note resp="author">Pour faire ces Cabanes, les Castors font des trous au fond
                  de l’eau &amp; y enfoncent des pieux disposez en rond, sur lesquels ils posent leurs
                  petites maisons faites à peu prés comme des fours, avec de la terre grasse, des
                  herbes, des morceaux de bois, sur tout des branches. Ils font plusieurs étages dans
                  ces Cabanes, &amp; ils montent au plus élevez, lorsque les eaux augmentent. Les
                  separations des étages, ou planchers, sont de joncs, ou d’autres longues herbes ;
                  ces animaux entrent dans ces Cabanes par dessous l’eau.</note>.</hi></p>
              <p><hi rend="i">Le</hi> 2. <hi rend="i">du mois susdit, l’armée fut contrainte de
                naviguer sur une riviere pleine de joncs, d’arbres, de broussailles, ce qui fit que
                plusieurs laissans leurs Canots avec leurs avirons &amp; leurs perches, qui ne leurs
                pouvoient pas mesme servir pour piquer de fond<note resp="author">Piquer de fond c’est 
                  refouler l’eau ou naviguer contre le courant de l’eau.</note>,
                s’élancerent de branches en branches, &amp; d’arbres en
                arbres dont ils furent extraordinairement fatiguez.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 3. <hi rend="i">Aoust, les Sauvages de l’armée qui avoient
                quitté les François pour chasser<note resp="author">Les Sauvages ne se gouvernent point comme les François ou
                autres Nations, il leur faut un peu de liberté, autrement ils se débandent &amp;
                vous laissent.</note>, se réunirent à eux ce jour icy, pour
                traverser le Lac</hi> Miskouaugamé <hi rend="i">qui se rencontroit dans la route. Le
                  peu d’eau qui se trouva dans ce Lac obligea les Guerriers<note resp="author">Le mot de Guerrier est fort usité en Canada, sur tout chez
                    les Sauvages, il signifie tout homme qui est brave, qui aime ou qui va à la
                    guerre.</note> 
                  à traîner les Canots le long de ses bords : pour surcroist
                de peine, un assez vaste Marais bourbeux &amp; sale s’étant trouvé, il fallut
                traisner les mesmes Canots dans la vase<note resp="author">Terre mouvante à demi seche au bord des
                  Rivieres.</note>, au bout duquel les Canoteurs furent tres-surpris en marchant, de se
                voir enfoncer dans de la boüe jusqu’au ventre ; avec cela des digues qu’avoient fait
                des Castors dans ces marais, s’opposoient encore à la marche de l’armée Canadienne,
                tout en étoit plein, &amp; il fallut les rompre</hi> (<hi rend="i">ce qui est un
                grand crime chez les Sauvages</hi>) <hi rend="i">pour favoriser la navigation. Le
                Lac Nokigan se rencontra avec un autre petit Lac dans le chemin de nos Guerriers,
                ils estoient si couverts d’arbres renversez par les Castors, &amp; de chaussées ou
                digues<note resp="author">Les digues des Castors sont faites d’assez gros arbres
                  qu’ils coupent avec leurs dents, &amp; traînent à la nage, les rangeans de travers
                  dans l’eau jusqu’au fond, ces animaux jettent ensuite entre ces arbres des herbes
                  &amp; de la terre grasse qu’ils apportent sur leur queuë ; ces chaussées sont
                  quelquefois longues de deux cent pas ou environ, de dix à quinze pieds de haut,
                  &amp; de six d’épaisseur. Il y a beaucoup de ces digues de Castors dans de petits
                  Lacs qui sont dans l’Isle de Montreal.</note>,
                que plusieurs furent contraints de se servir de leurs perches &amp; de
                leurs avirons pour faire un chenal
             <note resp="author">Mot usité en Canada pour signifier le Canal ou chemin que
                  tiennent ou doivent tenir ceux qui navigent. C’est un espace d’eau entre deux terres
                  ou fonds ordinairement plats. Il faut sçavoir bien les <hi rend="i">Chenaux</hi> du
                  Fleuve S. Laurent pour y naviguer sûrement.</note>
                aux Canots, en détournant quantité de branches &amp; d’arbres entiers :
                cela fait, on avança un peu jusqu’à ce qu’enfin des rapides de chutes d’eau s’étant
                presentez, meslez de roches, on fit plusieurs portages
             <note resp="author">C’est à dire que deux ou quatre personnes aux deux bouts de
                chaque Canot, en firent le transport du pied des rapides jusqu’au dessus, cela se
                pratique dans l’eau proche la terre, ou tout-à-fait hors de l’eau &amp; en terre
                ferme.</note>, 
                ces Lacs étant fort tortueux &amp; serpentans en beaucoup
                d’endroits, ce qui rendoit la route de l’armée plus longue.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 4. <hi rend="i">jour du mois cité, toute l’armée s’embarqua sur
                la petite riviere appellée</hi> Kouvitegou, <hi rend="i">de laquelle on entra dans
                une autre que les Sauvages de l’Acadie nomment</hi> Amininoussi ; <hi rend="i"
                >celle-cy conduit à la mer. Ce fut en cet endroit que se trouverent assemblez les
                Sauvages Acadiens qui devoient s’unir au parti Canadien.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 5. <hi rend="i">de ce mois les Sauvages des environs de la
                riviere dont on vient de faire mention, s’étant mis à chasser le long du rivage,
                tuerent deux Cerfs, ce qui donna lieu à faire chaudiere
              <note resp="author">Faire chaudiere est une façon de parler Canadienne, qui
                vient des Sauvages. Dans la cabanne Sauvage, les viandes estant cuites,
                chacun vient avec une <hi rend="i">micoine</hi>, c’est une longue cuilier
                de bois, &amp; un <hi rend="i">ouragan</hi> qui est une maniere d’écüelle faite
                d’écorce de bois de Bouleau ou autres, &amp; s’assied formant un rond ; cela fait,
                le plus considerable de l’assemblée nomme les viandes dont on a fait chaudiere, les
                unes aprés les autres, tout cela avec emphase ; ensuite le chef du festin ou de la
                cabane, remplit les <hi rend="i">gamelles</hi> ou <hi rend="i">ouragans</hi> d’un
                chacun, jusqu’à tant qu’il n’y ait plus rien dans la chaudiere, &amp; il faut que
                chaque particulier mange tout, à peine d’estre regardé de travers par celuy qui l’a
                invité ; la coûtume est cependant de faire un petit present au Chef ou Principal de
                la cabane pour être exempt de l’obligation de se gorger de viande. Celuy qui regale,
                au lieu de manger, chante ses belles actions de guerre ou celles de ses Ancestres.
                Le festin finit bien souvent sans que qui que ce soit ait bû, &amp; cela parce que
                les Sauvages de l’Amerique Septentrionale ne mangent presque jamais rien de salé,
                outre que leurs mets sont meslez de beaucoup de boüillon qui est fait de l’eau
                qu’ils y mettent &amp; du suc de la viande.</note>, 
              &amp; de chanter la guerre ; ce que les Sauvages d’Amerique
                font souvent lorsqu’ils vont à quelque expedition ; on a dit plus haut comment se
                chante la guerre.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 7. <hi rend="i">Aoust, on ne fit que débarquer &amp; rembarquer,
                à cause de la quantité des Rochers &amp; des grosses pierres contre lesquelles les
                canots de l’armée heurtoient à tous momens dans les rivieres dont on à parlé : tous
                ces portages finis, on se remit en canots sur une petite riviere nommée par les
                Sauvages,</hi> Aminkanittegou, <hi rend="i">&amp; comme elle estoit presque couverte
                de Perdrix, on en tua un bon nombre, les coups de fusils résonnoient de tous costez,
                &amp; Mr de Beaubassin<note resp="author">Il est Lieutenant du détachement des troupes de la Marine
                  dans la nouvelle France.</note> le General de l’armée Canadienne qui m’a fait le détail
                de l’expedition militaire que je décris icy, fut blessé à l’épaule d’un assez gros
                grain de plomb qui venoit du fusil d’un Sauvage qui chassoit
              <note resp="author">Cette chasse dans une circonstance où il falloit se
                  préparer au combat, &amp; cette blessure n’irriterent point M<hi rend="sup">r</hi>
                  de Beaubassin ; car outre sa moderation, il sçavoit que le Sauvage laissoit tout là,
                  &amp; s’en alloit, si on luy faisoit le moindre reproche, quoique raisonnable. On en
                  a vû se pendre au sujet d’une legere reprimende que leur faisoit une
                  mere, &amp;c. Tel est le genie &amp; le caractere du Sauvage de Canada.</note>.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 8. <hi rend="i">de ce mois-cy, on fit un portage, &amp; on
                traversa des montagnes escarpées, remplies de broussailles, de Cedres renversez, de
                Sapins pourris, dans lesquels on en fonçoit comme dans de la bouë.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 9. <hi rend="i">d’Aoust plusieurs qui s’étoient détachez pour
                trouver du gibier, vinrent se réunir au gros des troupes, &amp; on campa au lieu de
                la residence du Pere Aubery Jesuite, Missionnaire des Sauvages Acadiens.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 10. <hi rend="i">du mesme mois, une pluie abondante harcela
                l’armée sans discontinuer, &amp; on combatit en quelque maniere contre
                elle, malgré sa longue durée, en marchant toûjours avec vigueur.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 11. <hi rend="i">du mois cy-dessus marqué, on apprit auprés d’un
                Village de Sauvages Abnakis de l’Acadie, que neuf Sauvages députez dudit Village
                estoient partis en canot, il y avoit quelques jours, pour venir au devant du R.P.
                Aubery Jesuite ; que ces Sauvages avoient relâché, ayant reçû des nouvelles de
                l’arrivée de ce Pere par les gens d’un canot envoyé pour avertir tous les Sauvages
                de se trouver à un rendez-vous proche de la mer
              <note resp="author">La mer de Canada proche la Baye Françoise, entre l’Acadie
                  &amp; la nouvelle Angleterre.</note>. 
              L’armée continuant sa route, elle passa par un Village Abnaki,
                appellé</hi> Navvakkavigou, <hi rend="i">abandonné dés l’an</hi> 1702. <hi rend="i"
                >en Automne, &amp; environ trois lieuës plus avant on trouva un Village de la
                  même Nation
                  <note resp="author">L’idée qu’on doit avoir icy d’une nation Sauvage, est bien
                    differente de celle qu’on en a en Europe, &amp; ailleurs. Icy une Nation qui ne
                    consiste qu’en quatre ou cinq cens personnes, &amp; quelquefois en moins, est
                    souvent errante depuis plusieurs années : par exemple, la Nation des Algonquins.
                    Chaque Nation ne consiste d’ordinaire que dans quelques Villages, quatre ou cinq,
                    plus ou moins.</note>, 
                  ils le nomment en Acadie</hi> Amessouckauti. <hi rend="i">Là on
                reçût un billet du</hi> P. <hi rend="i">Rasle de la Compagnie de Jesus, adressé au
                P. Auberi son Confrere, dans lequel il luy marquoit que les Sauvages de
                la Mission estoient partis pour descendre à la mer
             <note resp="author">Du costé de la riviere S. Jean qui est entre l’Acadie &amp;
                  la nouvelle Angleterre.</note> 
                  &amp; se rendre au lieu indiqué par les François, il y avoit déja
                  cinq ou six jours, &amp; que le canot
                  <note resp="author">Canot se prend là dans le sens des autres Vaisseaux dont on
                    parle en conversation, ainsi on dit, un tel Navire vint à Bord de l’Amiral,
                    c’est-à-dire, les personnes qui estoient dedans.</note>
                qu’on avoit envoyé par ordre de M<hi rend="sup">r</hi> de
                Beaubassin pour les avertir, n’avoit trouvé dans le Village dont on vient de faire
                mention, que le Reverend Pere Rasle qui écrivoit ce mot de Lettre, &amp; un
                Vieillard. Sur ces avis on marcha à grand pas, &amp; aprés sept portages en
                differens endroits, l’armée Canadienne arriva enfin dans le Pays ennemi ; ce fut ce
                jour-icy qu’on commença à se mettre en état de n’estre point surpris : pour cet
                effet on monta la garde, chacun eût son poste marqué, les Sentinelles furent posées,
                &amp; les Sauvages même qui faisoient tout le gros de l’armée, &amp; qui n’ont pas
                d’ailleurs coûtume de se précautionner beaucoup, se tinrent sur le qui vive, à la
                maniere des François-Canadiens, s’estans tous ralliez, selon que la chose en avoit
                esté reglée dans un Conseil de guerre qui fut tenu la veille.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 12. <hi rend="i">Aoust toute la petite armée marcha en bon
                ordre, disposée en bataille, autant que le terrain le permettoit, &amp; elle avança
                si fort qu’elle ne se trouva plus qu’à environ huit lieuës de la mer
              <note resp="author">La mer qui arrose les costes de l’Acadie, &amp; celles de
                  la nouvelle Angleterre.</note>, 
                ce qui ne se fit pas sans avoir auparavant sauté quatre portages. On
                rencontra dans la route un canot Abnaki, sortant d’une riviere voisine, qui apprit
                aux Canadiens qu’il y avoit un mois qu’il estoit parti de son Village pour la
                chasse, &amp; que leur gens</hi> (<hi rend="i">des Abnakis</hi>) <hi rend="i"
                >devoient avoir eu une conference avec les Anglois qui leur avoient fait des presens
                à cet effet. Les Sauvages de ce canot ayans offert du gibier, du bled d’Inde &amp;
                des Bluets
              <note resp="author">Le Bluet est un petit fruit de couleur bleuatre
                  à peu prés de la grosseur de nos pois de France, rond &amp; un peu acide. Un
                  arbrisseau de la grosseur du Groselier, ou environ, produit ce petit fruit qui est
                  bon, sur tout lorsqu’il est confi.</note> à l’armée Canadienne, à cause des Abnakis alliez des François qui
                estoient là ; on fit Chaudiere, la guerre fut chantée, &amp; les exploits des
                Sauvages y furent élevez jusqu’au Ciel.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 13. <hi rend="i">du mois cité, on arriva à la mer
              <note resp="author">La mer de Canada proche la Baye Françoise, entre l'Acadie &amp; la nouvelle Angleterre.</note>
               &amp; au rendez vous marqué, ce lieu s’appelle</hi> Poussipikek,
                <hi rend="i">aprés avoir traversé une vaste plaine remplie de Bluets
              <note resp="author">Les Bluets se mangent aussi crûs, i’en ay mangé quelquefois
                    de cette maniere. Ce fruit se coupe en Esté, &amp; les Sauvages en font leurs mets
                    ordinaires lorsque la viande ou le gibier leur manque.</note>. 
                Le Commandant du parti &amp; les Officiers se trouverent
                embarassez lorsqu’ils apperçurent que plusieurs Sauvages de l’armée,
                &amp; alliez des François, qui ne s’estoient pas resouvenus du lieu du rendez-vous,
                s’estoient arrestez à un endroit voisin de la mer &amp; proche un Vaisseau Anglois ;
                mais par bonheur leur inquietude ne dura pas long-temps, ces Sauvages vinrent enfin
                se joindre au gros des troupes, &amp; apprirent aux Canadiens que les Anglois de la
                nouvelle Angleterre estoient encore tout interdits du coup que Mr le Chevalier de la Durantaye
            <note resp="author">Cet Officier s’est rendu recommandable dans plusieurs
                petits combats contre les Iroquois qu’il a entierement défait du costé des Lacs d’en
                haut en remontant le Fleuve de S. Laurent. Je viens d’apprendre que le Roy l’avoit
                fait Conseiller du Conseil Souverain de Kebec, cette année 1703. lorsque les
                Vaisseaux la Seine &amp; le Neptune sont arrivez en Canada en Septembre &amp; en
                Octobre.</note> 
                avoit fait sur eux depuis peu, &amp; qu’ils
                desireroient avoir pour ce sujet une conference avec toute la Nation des Sauvages
                Abnakis ; que ces Sauvages-cy y avoient consenti, leurs disans cependant de venir à
                l’entrée de leur riviere d’Akibekki, <hi rend="i">comme estant le lieu le plus
                propre, &amp; en mesme temps le plus sûr pour eux, croyans aussi que les Anglois
                n’auroient pas la hardiesse d’y venir, esperans d’éviter la conference qu’ils leurs
                demandoient. Que neanmoins les Sauvages Abnakis du Village le plus voisin des
                Anglois, s’estant arrestez à un Fort desdits Anglois, ils avoient engagez ceux des
                autres Villages à les venir joindre, pour se trouver un nombre suffisant &amp;
                capable de se deffendre, en cas de surprise. Comme on avoit eu avis par Mr de Broüillan</hi>
            <note resp="author">M<hi rend="sup">r</hi> de Broüillan a esté Gouverneur en
                    l’Isle de Terre-neuve avant que de l’estre de l’Acadie.</note>, 
                  Gouverneur du Port Royal en Acadie, que le Gouverneur
             <note resp="author">Milord Cornbury de la famille de Clarendon, il est parent
                    de la Reine d’Angleterre ; ce Milord estoit d’abord du parti du Roy Jacques II.
                    lorsque le Prince d’Orange entra en Angleterre ; mais il abandonna son Prince
                    legitime pour suivre l’Usurpateur.</note> 
                  general de la Nouvelle-Angleterre, s’y estoit rendu dans un
                Vaisseau, &amp; qu’il les avoit invitez à parler, c’est à dire, à faire leurs
                propositions, que les Abnakis lui avoient répondu que c’étoit à luy à commencer<note resp="author">Jugement des Sauvages d'Amerique.</note> ; 
                  que ledit Gouverneur leur ayant
                  repliqué qu’il mettroit à la voile<note resp="author">Le Vaisseau dans lequel estoit venu Milord Cornbury, estoit
                    là sur la coste de la mer de la nouvelle Angleterre.</note>, s’il ne parloient bien-tost, à cause qu’il avoit le vent
                favorable, les Abnakis avoient reparti, qu’ils s’estonnoient de sa précipitation, vû
                que luy qui sçavoit la guerre, n’ignoroit pas que dans une conference, il falloit
                avoir le temps de parler &amp; de pouvoir répondre ;<note resp="author">Police des Sauvages raisonnables &amp; de bon
                  sens.</note>
              qu’eux, quoique Sauvages, ils n’en usoient pas de mesme, que dans les
                affaires importantes ils ne se pressoient jamais quelques vents favorables qu’ils
                eussent, &amp; qu’enfin s’il estoit si pressé
                  <note resp="author">Le trop grand empressement &amp; le peu d’attention de
                    Mylord Cornbury, ne menageant point assez les Sauvages voisins de la nouvelle
                    Angleterre, a esté cause en partie de la desolation qui fut portée dans son
                    Gouvernement.</note>, il n’avoit qu’à partir. On apprit encore par la mesme voye, que
                le susdit Gouverneur de la Nouvelle-Angleterre, loin de se rebuter de la fierté de
                cette réponse des Sauvages, il leur avoit fait donner un bœuf pour les regaler
                  <note resp="author">Politique maligne du Gouverneur Anglois ; il avoit en veuë
                    d’attirer les Abnakis, &amp; même tous les autres Sauvages de differentes Nations
                    pour executer les volontez de la Reine d’Angleterre qui lui avoit mandé d’attirer en
                    la nouvelle Angleterre le plus de Sauvages qu’il pourroit, sous le
                    pretexte d’une Paix ou d’un Traité avec eux, &amp; de les faire ensuite
                    tous égorger. J’ay vû &amp; lû en l’Isle de Montreal, une copie d’une Lettre écrite
                    à ce dessein, à Milord Cornbury, par la Reine Anne.</note> ; que le festin fini, les Anglois &amp;
                les Sauvages,</hi> (<hi rend="i">Abnakis, voisins de la Nouvelle Angleterre</hi>)
                <hi rend="i">s’arrangerent, de maniere que ces derniers se trouvoient au milieu
                &amp; entourez des premiers,</hi> (<hi rend="i">des Anglois</hi>) <hi rend="i">dont
                ils se défioient, les Sauvages ayans observé que les Anglois tenoient la main sur
                leurs pistolets par dessous leurs habits<note resp="author">La perfidie &amp; la trahison, vray caractere des Anglois.
                  Ils assembloient les Sauvages, leurs voisins, pour leur couper la gorge, sous
                  prétexte de conferer avec eux.</note>, &amp; d’une maniere qu’ils croyoient
                n’en estre pas apperçûs ; que les Anglois parlerent les premiers, &amp; leurs
                dirent, au sujet de l’expedition de Mr de la Durantaye, que l’on n’avoit point
                encore vû un coup comme le sien, &amp; que l’on ne frapoit pas sans en
                avoir donné occasion ; que Mylord Cornbury les exhorta<note resp="author">Paroles du Gouverneur general de la Nouvelle Angleterre aux
                  Sauvages voisins de Baston Capitale de son Gouvernement.</note> à ne point se mêler des differens qui estoient entre sa Nation &amp; la
                France ; que les François estoient aussi forts qu’eux, &amp; que s’il voyoit dans la
                suite son parti avoir quelques avantages sur la leur, ils pourroient<note resp="author">Milord Cornbury continuë de parler aux Abnakis.</note>
                alors prendre leur resolution, &amp; proteger les interests
                qu’ils jugeroient à propos ; qu’il les laisseroit agir avec le François, &amp; que
                pendant ce temps-là, ils demeurassent en repos sur leurs nattes<note resp="author"> Phrase Sauvage qui signifie <hi rend="i">conserver la
                Paix</hi>. Le Gouverneur Anglois se sert du stile Sauvage afin de se rendre plus
                intelligible (quoiqu’il ne parlast que par Interprete.) Les Sauvages se couchent
                dans leurs Cabanes sur des nattes de paille de blé d’Inde.</note> : il ajoûta à cela que cette guerre dont il avoit parlé, finiroit
                peut estre cet Automne<note resp="author">En 1703</note>. La harangue du Gouverneur Anglois finie,
                les Abnakis répondirent qu’ils l’écouteroient
             <note resp="author"> Ecouter &amp; obéïr, sont deux termes sinonimes chez les
                Sauvages de l’Amerique Septentrionale.</note>, &amp; luy obéiroient ; mais que l’Anglois
                devoit de son costé observer de ne point frapper le François depuis Kebec
                jusqu’à Port-Royal<note resp="author"> Lieu de la residence du Gouverneur François en Acadie, où
                  est une Ville &amp; un Fort, avec un Port de mer.</note>, c’est à dire tous ceux de la Nouvelle France, renfermez dans
                cet espace ; d’autant, disoient-ils, qu’ils regardoient les François comme gens de
                leur Nation, &amp; que lorsqu’on les frappoit<note resp="author"> Phrasé Sauvage qui veut dire lorsqu’on leur faisoit la
                guerre. Ainsi frapper c’est faire la guerre, chez les Americains de
                Canada.</note>, c’estoit eux qu’on frappoit. Mylord Cornbury repliqua aux
                Sauvages, leurs faisant entendre qu’il leurs obéiroit aussi, à condition que les
                François ne déterreroient pas la hache<note resp="author"> Expression Sauvage qui signifie renouveller, recommencer la
                guerre.</note> contre les Anglois, en venant par les terres
                ou par les rivieres des Abnakis ; que pour eux leur chemin estoit par la mer. Ce fut
                ainsi que la conference entre le Gouverneur de Baston Capitale de la Nouvelle
                Angleterre &amp; les Sauvages Abnakis finit : ceux-cy s’en retournans, rencontrerent
                un canot de leurs gens<note resp="author"> Les Anglois vinrent assieger Kebec sous la conduite de
                VVilliamphis en 1692. mais ils n’y trouverent pas leur compte.</note> 
                venant de Port-Royal<note resp="author">Voy plus haut à la Notte 45</note>, &amp; qui alloient faire
                  la guerre aux Anglois, ils arresterent ce canot<note resp="author"> Les Sauvages se servent pour armes offensives &amp;
                    défensives de Massuës, d’Arcs, de fléches, &amp; du fusil ; ils ont cette derniere
                    arme des François ou des Anglois.</note> &amp; encore quatre autres qu’ils trouverent en chemin, naviguans
                  pour le mesme sujet que le premiers. Les Abnakis representerent à ces Guerriers <note resp="author"> Les Canots des Sauvages &amp; aussi des Canadiens-François,
                    d’usage, tant pour le Commerce que pour la Guerre, sont communement d’écorce de bois
                    de Bouleau, longs de dix, vingt ou vingt-cinq pieds au plus ; ils tiennent jusqu’à
                    dix, douze &amp; quinze personnes ; on est à genoux pour ramer, ils sont garnis en
                    dedans de varangues de bois de Cedre qui est commun icy, sur tout le blanc, &amp; de
                    barres du même bois qui les traversent dans leur largeur pour les tenir en estat ;
                    ils sont profonds à peu prés d’un pied &amp; demi, cela va quelquefois jusqu’à deux
                    pieds. Ces Canots sont larges au milieu &amp; se retrecissent aux deux bouts en
                    formant une espece de bec retroussé. Ces sortes de Vaisseaux tirent peu d’eau ;
                    lorsqu’il se rencontre des rapides, on va ranger les bords de la riviere, &amp; on
                    les porte sur les épaules, &amp; c’est ce qu’on appelle portage, dont on a parlé
                    souvent dans cette Relation. Lorsqu’on est arrivé au lieu que l’on desiroit, on les
                    porte à terre pour les attacher à des piquets ; car autrement le vent les
                    emporteroit.</note>, 
                  que venant d’avoir depuis peu une conference avec l’Anglois,
                  la chose estoit trop recente pour aller si-tost lever la hache<note resp="author"> Les Sauvages appellent ainsi ceux d’entr’eux qui se
                    distinguent par les armes.</note> contre luy, <note resp="author">Note sans référence dans le Mercure Galant : « Voy à la page Note »</note>qu’il falloit attendre &amp;
                laisser passer quelque temps. Cet avis n’empescha pas neanmoins trois desdits canots
                de poursuivre leur pointe ; car ayant mis à terre, ils se jetterent sur des femmes
                en tuerent<note resp="author"> Aprés que les Sauvages ont tué soit avec leurs massuës,
                  fleches ou fusils, ils enlevent la chevelure du mort &amp; la porte au bout de leurs
                  arcs ou fusils, &amp; lorsqu’ils sont arrivez à leurs Villages, ils arborent cela à
                  l’entrée de leurs cabanes, en maniere de Trophées.</note> quelques-unes &amp; en firent prisonnieres d’autres, mais ces
                Sauvages ne porterent pas loin la punition de leur desobéissance ; car ayant esté
                découverts, on courût dessus, &amp; on en prit un, il avoit esté blessé à la joüe
                par les Anglois qui leur donnerent la chasse. Voila ce que Mr de Beaubassin, à la
                teste de son Parti, apprit des Sauvages qu’il trouva au rendez-vous proche de la
                Baye Françoise qui est encore l’Acadie &amp; la
              Nouvelle-Angleterre.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 14. <hi rend="i">Aoust, la petite armée de la Nouvelle-France
                arriva proche la mer par une espece de marais, duquel on découvrit un grand
                Vaisseau. Un Abnaki de l’armée estoit allé la nuit précedente, avertir les autres
                Sauvages Abnakis, nos amis, de l’arrivée du François<note resp="author"> Stile Sauvage, 
                le singulier pour le pluriel.</note>, &amp; voicy ce qu’il rapporta des choses qui furent dites dans
                l’assemblée desdits Abnakis avec deux autres Sauvages. Qu’ils donnoient avis de
                l’arrivée d’une grande Barque<note resp="author"> On peut dire que les Barques dont on se sert en Canada
                  &amp; aux environs, sont des especes de petits navires, elles ont un mast de misaine
                  ou mast d’avant, &amp; un grand mast. Ces Barques sont de trente, quarante Tonneaux,
                  environ plus ou moins, &amp; ne vont qu’à la voile.</note> à l’endroit où on avoit découvert un gros Navire ; que de jeunes
              Abnakis avoient osé l’attaquer<note resp="author"> Les Sauvages voisins de l’embouchure du Fleuve de S.
                Laurent dans la mer, comme les Abnakis, les Socokis, les Esquimaux de la terre de la
                Brador &amp; autres, sçavent faire de grandes Chaloupes tres-legeres qui vont à
                voiles &amp; à rames, &amp; dans lesquelles ils se mettent jusqu’à trente, &amp;
                même davantage, pour surprendre à terre les équipages &amp; aussi les Vaisseaux.
                L’année que j’arrivay icy, j’appris en Septembre que de tels Sauvages s’estoient
                rendus maistres de plusieurs Barques Angloises de cette maniere ; ils ne se joüent
                gueres à cela que pendant la nuit ; car generalement parlant le Sauvage ne se bat
                presque jamais à découvert, ny sur l’eau, ny sur terre.</note> pour s’en servir, 
                mais qu’ils avoient esté retenus par les Anciens<note resp="author"> Ce sont les 
                Vieillards &amp; les plus âgez de chaque cabane
                pour lesquels les jeunes ont un tres-grand respect.</note>, qui leur avoient représenté qu’il falloit attendre la marée
                montante</hi> (<hi rend="i">le flux de la mer</hi>) <hi rend="i">laquelle estant
                venuë, le Commandant de l’armée de Canada s’est embarqué avec les troupes dans ses
                canots, lequel aprés avoir navigué<note resp="author"> Ceux qui ont un peu l’usage des termes des mots sçavent
                qu’on dit naviguer, &amp; non naviger, comme aussi prendre le largue, &amp; non pas
                le large ; il en est ainsi de plusieurs façons de parler, propres aux gens qui
                hantent la mer.</note> quelque temps dans le marais dont on a parlé, entra dans une Baye, à
                l’opposite de laquelle estant parvenu, on fit un petit portage</hi> (<hi rend="i">on
                estoit à terre alors</hi>) <hi rend="i">pour arriver à un autre, &amp; cela en marchant
                <note resp="author"> Marcher, chez les gens de mer ou de riviere, se dit
                    également sur mer ou riviere &amp; sur terre, au moins je l’ay vû pratiquer ainsi
                    sur l’Occean &amp; dans le fleuve S. Laurent.</note> toûjours terre à terre, 
                afin de n’estre pas découvert du
                Vaisseau cy-dessus mentionné, qui estoit assez au large pour qu’il ne pust voir les
                soldats Canadiens ; au bout de cette marche cachée, on arriva à une Isle nommée par
                les Sauvages</hi> Sibaskikadigou, <hi rend="i">ce fût là qu’on trouva bon nombre de
                Sauvages alliez des François assemblez, avec le Pere de la Chasse de la Compagnie de
                Jesus, leur Missionnaire, qui reçûrent parfaitement bien les Canadiens-François
                &amp; les haranguerent<note resp="author"> C’est communement le Chef du Parti qui fait le discours,
                  ayant le Calumet, c’est à dire la pipe à la bouche. Il est environné pendant ce
                  temps-là de tous ses Sauvages qui se mettent en rond autour de luy, à une distance
                  raisonnable, cette pipe ou calumet (calumet est un mot Normand apporté en Canada)
                  est ordinairement fort longue. Ils l’appellent <hi rend="i">Pouagan peca</hi>,
                  calumet de Paix, avec ce long calumet ou pipe ils vont par tout, elle est
                  respectable à tous les Sauvages du Nord, &amp; presque à tous. Cette pipe est
                  composée d’un tuyau de bois &amp; d’une embouchure où on met le tabac, qui est de
                  pierre ; le tuyau est de Sureau, il est long de trois quelquefois de quatre pieds,
                  la bouche où on met le feu avec le tabac, est assez ordinairement d’une pierre noire
                  veinée de blanc, qui n’est pas rare en Canada, elle est quelquefois d’autre couleur.
                  Le tout, c’est à dire le tuyau &amp; son embouchure à la figure à peu prés de nos
                  marteaux de chasse ; ce <hi rend="i">Pouagan peca</hi> est enjolivé de plumes
                  d’Aigles, d’Outardes, d’Oyes, &amp;c. peintes en jaune, rouge, blanc,
                  &amp;c.</note> d’abord, aprés quoy ces Sauvages conduisirent les François à
                  l’Eglise, ou plustost à la cabane<note resp="author"> La cabane du Missionnaire est bâtie un peu plus solidement
                    que les autres, par exemple de planches.</note> où estoit la Chapelle de leur Missionaire, on y rendit
                graces à Dieu de l’heureuse arrivée de toute l’armée au lieu assigné ; de là on fut
                à une autre cabane<note resp="author"> Les cabanes des Sauvages sont communement basses, elles
                  n’ont que six ou sept pieds d’élevation, non compris le faite qui est rond chez de
                  certains Sauvages. Par exemple, chez les Iroquois, Algonquins, &amp;c. le toit est
                  donc en maniere de voûte, le tout d’écorce d’arbre, mais écorce de sept, huit à dix
                  pieds de long &amp; presqu’aussi large ; une ouverture au milieu du toit fait le
                  tuyau de la cheminée, dont le foyer est à plate-terre, il est composé de trois ou
                  quatre cailloux. Des nates de pailles de blé de Turquie de costé &amp;
                  d’autre du foyer forment leurs lits. Leurs tapisseries, sont des épics de blé d’Inde
                  rangez le long de quelques planches qui font une espece de second étage.</note>, 
                dans laquelle les François-Canadiens &amp; les Sauvages se
                complimenterent de part &amp; d’autre, &amp; se rendirent compte du succès de leurs
                marches. Les Sauvages dirent aux François, que le Navire qu’ils avoient vû estoit
                arrivé là pour faire la Traite<note resp="author"> C’est un échange qui se fait des Marchandises d’un Vaisseau
                  avec des peaux de plusieurs sortes d’animaux sauvages, ou d’autres choses utiles,
                  c’est un troc, dis-je, qui se fait avec les habitans d’une coste de la mer, ou d’une
                  riviere, ou d’un lac ; le mot de Traite est fort usité en Canada, ce Pays ne
                  subsiste que par-là.</note> avec eux, mais qu’ils l’avoient differée jusqu’à dix jours. Les
                  soldats François furent regalez en dance<note resp="author"> Ces dances durent long-temps, &amp; s’il y a cinquante
                    personnes dans la cabane, il faut que l’invité ou les invitez à la feste, essuyent
                    tout cela, s’ils ne veulent encourir leurs disgraces ils dancent tous chacun à son
                    tour, les pieds presque joints les uns contre les autres, comme si des Galeriens
                    dancoient, &amp; cela en marmotant deux ou trois mots qu’ils répetent
                    sans cesse, ausquels les assistans Sauvages répondent Hé, hé, hé, dans le ton d’un
                    fendeur de bois qui fait h, hé. Hé h hé aprés chaque coup de coignée.</note> &amp; en chants de guerre par les Abnakis ; pour ce qui est du
                Commandant &amp; des autres Officiers, ils souperent chez le Pere de la Chasse : les
                festins achevez &amp; tous fatiguez également de la dance &amp; du chant, les
                Canadiens furent conduits dans un assez vaste lieu, qui n’estoit que la terre toute
                nué, pour se coucher ; les Abnakis qui leurs avoient préparez ce lit fait il y a
                long-temps par la nature, n’en connoissent point d’autre que celuy-là, sur tout en
                guerre, &amp; en Paix pour toute paillasse, matelat, lit de plume, traversin,
                &amp;c. ils n’ont qu’une natte de paille ; ce soir-cy les Sauvages Abnakis apprirent
                aux Canadiens-François, qu’ils n’avoient plus que cinq lieuës jusqu’au premier Fort
                des Anglois.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 15. <hi rend="i">du mois d’Aoust, feste de la sainte Vierge,
              toutes les Troupes assisterent à la Messe. Plus de deux cens personnes, tant Canadiens
              <note resp="author"> Il faut se souvenir durant toute cette Relation, qu’on
                entend par Canadiens, des originaires de France mais nez en Canada ; d’autres
                appellent cela, si je ne me trompe, <hi rend="i">creoles</hi>.</note> 
                que Sauvages y communierent, ceux-cy pour faire le festin qui
                dura tout le jour, tuerent treize chiens, c’est la plus grande marque de leur
                resolution à la guerre. Tous les mets de ce grand repas qui se fit à l’Allemande,
                c’est-à-dire depuis le matin jusqu’au soir, estoient des morceaux de chiens cuits
                &amp; apprestez avec du blé-d’inde<note resp="author"> Ce blé s’appelle en France, blé de Turquie, Turquet,
                &amp;c. Il est icy, bleu, rouge, jaune, &amp;c. Le Sauvage n’a que ce blé pour faire
                son pain &amp; sa soupe, ce qu’ils appellent Sagamitè.</note> &amp; des Palourdes
              <note resp="author"> Poissons qu’on trouve enfermez entre deux coquilles,
                semblables à celles des Moules. Il y a beaucoup de Palourdes és bords du
                    fleuve S. Laurent.</note>. 
                Le chien est regardé chez les Sauvages de l’Amerique
                septentrionale pour un morceau friand, c’est les regaler délicieusement que de leur
                en faire present pour leurs festins lorsqu’on va les voir, ils disent que les leurs
                sont meilleurs</hi> (<hi rend="i">leurs chiens</hi>) <hi rend="i">plus mortifiez
                &amp; plus tendres que ceux des Canadiens, cela vient peut-être de ce qu’ils les
                font coucher dehors en Hyver &amp; en Esté. Au reste il ne faut pas s’étonner si les
                Sauvages font des repas si longs, c’est leur coûtume de manger jusqu’à tant qu’il ne
                trouvent plus rien dans la chaudiere, leurs morceaux ne sont interrompus que par le
                calumet ou pipe qu’ils ont perpetuellement à la bouche pour fumer, si la matiere
                manque pour exercer leurs dents. La nuit estant survenuë que l’on mangeoit encore,
                les Sauvages ne quittant pas pour cela leurs pipes, se mirent à dancer, chantans en
                leur langue</hi>, vive les hommes de la guerre, vive les guerriers ; <hi rend="i"
                >car ces Messieurs se piquent fort de bravoure, à quoy les autres assis sur le
                derriere comme des Singes, répondoient par le</hi> H Hé, h hé, <hi rend="i">dont on
                a parlé cy-dessus.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 16. <hi rend="i">Aoust, on séjourna pour tenir Conseil. Il y fut
                resolu que les Sauvages de l’Acadie, sçavoir les Abnakis les Micmas, les Socokis,
                &amp;c. iroient attaquer deux Forts Anglois, les plus proches du Campement des
                soldats François. Les noms de ces Forts sont</hi> Kiaskebec, <hi rend="i">&amp;
                l’autre</hi> Blagrine, <hi rend="i">&amp; que les Canadiens avec les Sauvages de la
                Mission de Saint * François, avanceroient jusqu’à trois journées de là par les bois,
                pour attaquer les costes<note resp="author"> Le mot de côte se prend en Canada pour des Seigneuries dont
                  les habitations ou maisons sont éloignées les unes des autres de deux ou de trois en
                  trois arpens, soit que ce soit le long de la mer, soit que ce soit le long des lacs
                  ou rivieres, ainsi on dit à Kebec la côte de Beauport, la côte sainte Anne, &amp;c.
                  A Montreal on dit la côte de saint Lambert, la côte de Boucheville, &amp;c. Ces
                  côtes quelquesfois ont des quatre &amp; six lieuës d’étenduës ou environ,
                  plus ou moins, le nom de Village est inconnu dans la Nouvelle-France, aussi n’y
                  dit-on jamais un Paysan, un Villageois de telle côte, mais un Habitant ; de la vient
                  le mot d’habitation au lieu de maison.</note> soutenuës de sept ou huit Forts ; les Sauvages Acadiens convinrent
                avec Mr de Beaubassin, qu’aprés qu’ils auroient fait leur coup, ils viendroient le
                rejoindre, &amp; lui ameneroient ses canots<note resp="author"> Les canots étoient necessaires pour la retraite le long des
                  côtes de la mer ou dans des rivieres &amp; des lacs.</note> pour le soûtenir, au cas qu’il fust inferieur aux ennemis &amp;
                qu’il en fust poursuivi. Le soir de ce jour-là il y eut festin de guerre, cela veut
                dire qu’outre la bonne chere, les Micmas, les Socokis &amp; les autres Sauvages
                chantent leurs exploits &amp; ceux de leurs Ancestres en dançant &amp; frappant de
                leurs massuës qu’ils nomment casse-testes, sur un gros piquet planté au
                milieu de la cabane ou du Village<note resp="author"> Je ne me contredis point en disant qu’on ne se sert que du
                  mot de côte en Canada, cela ne s’entendant que des François ou des Creoles ; car les
                  Sauvages demeurent ensemble, leurs cabanes sont toutes de file, un petit espace
                  entre deux ; il y a comme une espece de ruë entre chaque file, des pieux de bois de
                  Cedre ou d’autres bois font toutes leurs murailles à l’entour de leurs
                  Villages.</note> ; ils se servent aussi dans ces sortes de dances, d’une espece de
                tambour sur lequel ils ne frappent qu’un coup seulement à la fois, tres-lentement
                &amp; d’un ton lugubre.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 17. <hi rend="i">du mois susdit, on demeura encore là pour
                déliberer sur la marche qu’on feroit. Dans le temps qu’on tenoit le Conseil, les
                Sauvages donnerent une fausse alarme, en criant qu’on estoit découvert ; mais le
                soir mesme de ce jour dans le festin de guerre, on connut la fausseté du bruit qui
                avoit couru.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 18. <hi rend="i">de ce mois les Canadiens soûtenus des Sauvages
              de la Mission<note resp="author"> Les Missions chez les Sauvages en Canada, s’entendent des
                Villages dans lesquelles il y a un Prestre pour les prescher, catechiser &amp; les
                entretenir dans la Foy.</note> de</hi> S. <hi rend="i">François, partirent sur le soir pour
                executer ce dont on estoit convenu dans le Conseil de guerre tenu le</hi> 16. <hi
                rend="i">d’Aoust. On marcha toute la nuit en canot le long des costes de la mer,
                pendant laquelle on passa vis-à-vis le Fort Anglois nommé Kiasquebec, &amp; ce à
                travers plusieurs Isles ; la petite armée navale entra ensuite dans une Baye à deux
                lieuës au delà dudit Fort, au fond de laquelle les canots furent mis à couvert. Ce
                fut là qu’on attendit le jour.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 19. <hi rend="i">d’Aoust, chacun ayant son petit paquet<note resp="author"> Le paquet des Sauvages en guerre, ne consiste ordinairement
              qu’en cinq ou six épics de blé dans un panier qu’ils appellent Curagan, attaché à
              leurs côtez.</note>, on marcha tout le jour au travers des bois qui estoient si épais
              de broussailles<note resp="author"> Tous les bois de l’Amerique Septentrionale sont pleins de
                broussailles que les Canadiens appellent <hi rend="i">Frédoches</hi>. Il faut estre
                Sauvage pour s’entirer sans avoir rien perdu de son corps &amp; de ses habits ;
                comme l’hyver est rude à merveille, long raisonnablement, on a soin de les
                éclaircir. Je diray par occasion, &amp; à ce propos, que l’ancien Evêque de Kebec
                qui est encore plein de vie, disoit il y a quelque temps au Lieutenant de Roy de
                Montreal qui me l’a redit, que si on continuoit à tant couper de bois, il n’y en
                auroit plus dans cinq cens ans d’icy.</note>, de ronces &amp; d’épines qui s’élevoient fort haut, qu’on
                n’apprehendoit pas d’estre découvert dans la route. On fit cette marche quoique
                fatigante, pour couvrir son dessein.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 20. <hi rend="i">l’armée s’estant trouvée à portée des Places
                qu’on vouloit attaquer, le General la partagea en plusieurs bandes. Un des
                détachemens, qui estoit de quarante Sauvages &amp; de plusieurs François, fut dans
                une coste défenduë de neuf Forts ; il se tint caché jusqu’au lendemain midy. On
                estoit convenu de cette heure, afin que chaque petit Parti se trouvast rendu aux
                endroits differens qu’on avoit resolu d’attaquer en mesme temps. Tous les postes
                estant distribuez, le Commandant à la teste des plus braves, marcha<note resp="author"> Il 
                est bon de faire remarquer icy qu’on ne se bat en Canada
                  qu’à pied ; car outre qu’il y a trop peu de chevaux en ce Pays-cy, il n’est pas
                  encore assez découvert pour s’y battre à cheval, quand même on en auroit
                  suffisamment, tout est bois &amp; plein de broussailles ; ainsi on comprend assez
                  que ces forests sont differentes de celle de Fontainebleau ou du bois de
                  Boulogne.</note> avec vigueur jusqu’à une coste avancée &amp; au delà de celle où
                il avoit posté ses differens Partis, elle estoit soutenue d’un Fort de pierre<note resp="author"> La pierre
                n’est pas trop rare icy, mais ce sont les
                Ouvriers pour la tailler &amp; la bien tailler, qui manquent. Les Forts y sont
                presque tous de bois, ce sera un quarré par exemple, entouré de pieux pointus par en
                haut, &amp; élevez de huit à dix pieds hors le rez-de-chaussée. On formera des
                angles avec leurs gorges &amp; leurs flancs, on donnera à cela quelques formes
                d’oreillons ; les lignes razantes ny les fichantes ne sont pas fort observées, non
                plus que les longueurs des courtines entre chaque bastion.</note> ; la fin de la 
                marche se termina par le passage d’une riviere à la
                nage, les provisions &amp; munitions de guerre furent mises sur des
                radeaux. On n’eut pas si-tost traversé cette riviere, qu’une pluye étonnante avec un
                orage épouvantable survenant, il fut impossible d’avancer, cependant chacun s’étant
                animé, on poursuivit la marche &amp; les troupes traverserent encore une autre
                riviere qui donna de l’eau jusqu’à la ceinture, puis on alla camper à l’autre
                bord.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 21. <hi rend="i">du mois cy-dessus marqué, l’ordre estant donné,
                tous marcherent droit aux Habitations, en se couvrant neanmoins d’un bois assez
                épais, pour n’estre point vûs. La marche fut reglée de telle maniere qu’on n’y
                arriva qu’à midy ou environ. On prit d’abord un Anglois qui alloit chercher des
                chevaux dans le bois, on se saisit encore de deux autres &amp; enfin on donna
                vigoureusement dans les maisons des Habitans jusqu’au Fort de pierre, appellé le
                Fort</hi> Sako, <hi rend="i">d’où l’artillerie fit feu pendant tout le jour. On
                laissa ce Fort pour descendre le long de la riviere de</hi> Sako <hi rend="i">&amp;
                les François aidez des Sauvages estant venus aux mains avec les Habitans de cette
                coste, ceux-là leurs tuerent quantité de gens, brûlerent grand nombre de maisons ou
                habitations, s’emparerent d’une multitude prodigieuse de bestiaux ; les Sauvages de
                leur costé estoient descendus en partie en canot le long de ladite riviere, &amp;
                avoient fait un carnage effroyable des Anglois, ils s’estoient de plus emparé d’une
                Barque dans laquelle ils revinrent trouver le gros des troupes de l’armée
                Canadienne. Quelques-uns cependant des differens Partis qui avoient poussé à travers
                les habitations Angloises, ne s’étant pas trouvez au gros de l’armée, on campa
                autour d’une grande maison appartenante à un François fort accomodé
                &amp; habitant du lieu en les attendant ; ils vinrent assez tard ; mais aussi
                amenerent-ils un bon nombre de prisonniers, hommes, femmes &amp; enfans ; les
                Sauvages firent autant de cris<note resp="author"> Les Sauvages appellent ce cris <hi rend="sc">Sakakoua</hi>,
                  ou cris de mort, autant de cris, autant de personnes tuées ou ausquelles ils ont
                  enlevé la chevelure ; ils font aussi le <hi rend="i">Sacacoua</hi> lorsqu’ils ont
                  enveloppé leurs ennemis, soit dans les bois, soit sur des lacs &amp; des rivieres.
                  Ce cri se fait en frappant legerement de la paume de la main &amp; prononçant le mot
                  susdit.</note> qu’ils avoient tué de personnes. Le Commandant voyant tout son monde
                assemblé, fit mettre des Sentinelles autour de son Camp &amp; de la maison de
                l’habitant François, qui estoit comme le lieu du quartier du Roy où estoit le
                General. On prit là un peu de repos, &amp; autant que les circonstances &amp; le
                temps le permettoient.</hi></p><p><hi rend="i">Le</hi> 22. <hi rend="i">Aoust jusqu’à midi, les François &amp; leurs
                Alliez demeurerent en paix aux environs de l’habitation du François establi en la
                Nouvelle-Angleterre ; l’aprédinée, les Sauvages allerent insulter le
                Fort de pierre dont on a parlé plus haut, &amp; ils en revinrent avec un des leurs
                blessé à la main. Sur le soir toutes choses estans concertées, les François avec les
                Sauvages marcherent en bon ordre jusqu’au pied dudit Fort. L’attaque fut chaude
                &amp; pleine de vigueur, la bravoure y parut avec éclat, &amp; aprés une heure d’un
                combat opiniâtré, les Anglois se virent obligez de se rendre à composition ; ils
                demanderent la vie sauve &amp; cela leur fut accordé. On entra ensuite dans le Fort,
                toutes les maisons qui y estoient furent brûlées aprés que le soldat se fust
                accomodé des effets qu’il pouvoit emporter. A la vûë de tout ce butin, Mr de Beaubassin
                <note resp="author"> J’estime que son grand cœur le faisoit parler
                ainsi.</note> disoit comme Annibal</hi> : partagez entre vous le fruit de la
                Victoire, pour moy je ne me reserve que celuy de la gloire. <hi rend="i">Les bœufs,
                moutons &amp; autres bestiaux qui se trouverent là furent égorgez pour faire des
                vivres à l’armée. On trouva dans le Fort le Sako, une femme qui avoit eu le bras
                cassé d’un coup de fusil, deux hommes tuez &amp; un autre qui avoit une oreille
                emportée ; cela fait, l’ordre fut donné aux Chefs des Brigades de faire retourner
                leur monde à la maison de l’habitant François, &amp; defaire bonne garde alentour.
                On ne demeura pas long-temps là ; car aussi-tost que la nuit vint &amp; que la Lune
                fut levée, le Commandant des troupes fit défiler les soldats le long du rivage de la
                mer, &amp; aprés une marche assez secrete jusqu’au coucher de la Lune, on s’arresta
                dans un petit bois &amp; ce fut-icy qu’on attendit le jour.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 23. <hi rend="i">du mesme mois, on continua à marcher jusqu’à un
              bras de mer que l’on passa en canot<note resp="author"> Voila la commodité qu’il y a en Canada, on marche à pied
                tant que le terrain le permet, &amp; si le chemin est interrompu par la mer ou par
                des rivieres, on a des canots avec soy, qui n’étant que d’écorce d’arbres &amp; par
                consequent fort legers, sont prests à mettre à l’eau, &amp; ne fatiguent que peu à
                les porter dans les terres.</note>. Lorsqu’on eut traversé ce petit Golphe, on alla assieger un Fort
                placé sur une longue pointe de terre qui avançoit en mer &amp; formée par la Baye
                dont on vient de parler. Dans le temps que les François aidez des Sauvages
                pressoient les assiegez de se rendre, une assez grande Barque<note resp="author"> On a dit
                cy-dessus dans les Notes, ce que c’étoit que ces
                barques, elles ont un grand mast &amp; un borcet, ou mast
                d’avant.</note> venant de Baston<note resp="author"> Baston est la Ville Capitale de la Nouvelle-Angleterre.
                  Cette Ville est fort peuplée.</note> &amp; amenant du secours ayant paru aux assiegeans, ils jugerent à
              propos de se retirer dans un bois voisin, où ils camperent, non sans coup ferir<note resp="author"> Les Canadiens se battent dans les bois comme dans les
                plaines, ils ont appris cela des Sauvages avec lesquels ils vivent ; les Anglois
                sont plus pesans, leur ventre plein de biére les empêche de marcher.</note> ; car ils y trouverent plusieurs cabanes &amp; habitations
                Angloises, dont les habitans qui avoient osé disputer le terrain, eurent lieu
                d’estre fort fâchez, puisque la plûpart des leurs y demeurerent sur la place, 
                les Sauvages<note resp="author"> Les Anglois malgré leur resistance, sont défaits par les
                François-Canadiens.</note> ne leurs donnant point de quartier. Quelques 
              soldats Canadiens<note resp="author"> L’usage est tout-à-fait pour <hi rend="i">Canadien</hi>
                &amp; non Canadois.</note> se jetterent sur des troupeaux de moutons qu’ils enleverent,
              &amp; cela servit à faire chaudiere<note resp="author"> Terme Canadien qui signifie faire boüillir la marmitte, ce
                mot ou plustost cette façon de parler vient des Sauvages.</note>.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 24. <hi rend="i">d’Aoust l’armée poursuivit sa route dans le
              Pais ennemi, brûlant les habitations<note resp="author"> Le butin excite le soldat.</note> 
                qui se rencontroient, aprés avoir pillé ce qui étoit dedans ; comme cette
                marche fatiguoit beaucoup le soldat, on mit les canots à l’eau, &amp; on passa à la
                vûë du fort que les Abnakis de Nouausouan tenoient assiegé, &amp; où ils avoient
                manqué leur coup, pensant l’emporter d’emblée ; car ils avoient tué le Commandant de
                ce Fort<note resp="author"> Imprudence des Anglois.</note> &amp; son Lieutenant, 
                qui par imprudence s’en estoient écartez, mais les
                autres Anglois s’estant bien fortifiez au dedans rendirent inutiles les efforts
                desdits Sauvages. A l’arrivée des François-Canadiens les Abnakis Nouausouaniens
                firent leurs cris de mort<note resp="author"> Le Sakakoua des Sauvages.</note> des Anglois<note resp="author"> Autant d’hommes, autant de cris, c’est la coûtume des
                  Sauvages de Canada ; ces cris se font d’un ton qui fait trembler, lentement &amp; à
                  diverses reprises.</note> qu’ils avoient pris &amp; qu’ils avoient tuez le long des
                costes de la mer &amp; dans leurs habitations. Mr de Beaubassin m’a dit qu’il en
                avoit compté cent quatre-vingt-dix, autant de cris, autant de personnes ; ceux cy,
                c’est-à-dire les Canadiens, leur répondirent de cent quarante-six, en cris s’entend,
                pour s’accommoder à la maniere Sauvage. Ces cent quarante-six cris signifioient aux
                Sauvages Alliez, que les François habitans du Canada avec leurs Sauvages, avoient
                tué le nombre qu’on leur crioit. C’est beaucoup en ce pays icy, où on ne fait la
                guerre qu’à pied, dans les bois, sur des rivieres, ou dans des côtes. Lesdits
                Sauvages de Nouausouan, avoient enlevé aux Anglois sur les côtes de la Mer quatre
                Bâtimens, sous le canon &amp; à la vue du Fort qu’ils avoient voulu emporter
                d’assaut. Les Canadiens ayant accepté l’offre que leurs firent ces Sauvages de ces
                quatre petits Navires ou Barques, ils se sont joints à eux pour tâcher de se rendre
                maîtres de la Place que les Nouausouaniens avoient manqué ; voicy ce que c’est que
                cette Place : elle est flanquée de Bastions bien terrassez, &amp; tout au tour d’une
                Palissade de pieux élevez de douze à quinze pieds hors de terre, avec des Guérites
                qui répondoient aux gorges des Bastions qui sont munis de cinq pieces de canon, la
                Garnison est de cinquante hommes. Le Fort Anglois estant en cet état, n’empêcha
                point les Canadiens soûtenus des Sauvages leurs Alliez, d’ouvrir la Tranchée pour en
                approcher avec plus de sureté, &amp; sur tout à cause des Sauvages qui ne veulent
                point se battre à découvert<note resp="author"> Le fort des Sauvages est de combatre dans les
                  bois derriere des arbres, dont ils sçavent parfaitement se couvrir.</note>.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 25. <hi rend="i">dudit mois, jour de Saint Louis, le Soldat
                François aidé du Sauvage, commença à ouvrir la Tranchée. Pour couvrir les
                Travailleurs, il y eut ordre de faire grand feu de mousqueterie sur les Assiegez,
                ceux-cy répondirent à coups de canons, qu’ils tirerent même pendant la nuit, de
                temps à autre, &amp; d’une maniere qu’ils sembloient demander du secours, &amp; les
                canonades des Anglois ne détournerent point nos Travailleurs, ni ce
                jour-là, ni la nuit suivante, jusqu’à midy du</hi> 26 <hi rend="i">Aoust.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 26 <hi rend="i">du mois d’Aoust, deux Vaisseaux Anglois munis de
                plusieurs piéces d’Artillerie avec un nombreux Equipage, parurent entre
                le Fort &amp; les Canadiens déja retranchez à moitié. Ces Navires ayant tiré une
                bordée sur les Assiégeans, virerent de bord &amp; en envoyerent une autre ; comme
                cet épouventable tonnerre &amp; cette grêle de boulets continuoit, &amp; que
                d’ailleurs on ne se voyoit point assez couvert, n’ayant ni Gabions, ni bales de
                laine pour empêcher le grand feu des Ennemis, on quitta la pioche pour se servir du
                mousquet, &amp; on se battit jusqu’à la nuit. Principalement les Sauvages que la
                résistance rendoit plus braves, avec quelques François, s’étans jettez en
                mer par le moyen de leurs Canots, firent des décharges à fleur d’eau sur lesdits
                Vaisseaux, qui n’avoient pas le même avantage sur les Canots, les bords
                de ceux-là étant trop élevez ; les Navires neanmoins voulant absolument ravitailler
                le Fort assiegé, approcherent de terre le plus qu’il leur fut possible, &amp; à
                travers une pluye de balles de mousquet des Canadiens. On remarqua que pas un seul
                boulet de plusieurs bordées que les Anglois tirerent sur les François-Canadiens
                assiégeans, n’atteint qui que ce soit ; la prudence cependant demandant qu’on se
                campast hors la portée du canon de ces Troupes auxiliaires Angloises, on alla se
                couvrit d’un bois voisin, d’où l’on fit un feu continuel, tant sur le Fort que sur
                les Vaisseaux mouillez en rade du Fort. Les Capitaines de ces Vaisseaux craignant de
                secourir trop tard la Place, firent armer des Chaloupes pour jetter des Troupes dans
                la Place assiegée, ce qu’apperçevant les François aidez des Sauvages, ils s’y
                opposerent avec une bravoure &amp; une intrepidité si extraordinaire, qu’il ne fut
                pas possible aux Commandans de ces Navires, d’en venir à bout. Pendant ces
                escarmouches &amp; ces differens efforts &amp; des François &amp; des Anglois, qui
                estoient assurément fort</hi> * <hi rend="i">superieurs en nombre, en forces, en
                munitions de guerre &amp; en tout : on considera que non seulement les vivres
                manquoient, &amp; pour continuer un long siege, &amp; pour retourner en la nouvelle
                France ; mais pour examiner plus murement toutes choses, on tint conseil, &amp;
                l’avis des plus Sages fut : Que l’Armée Canadienne estant trop exposée au canon des
                Vaisseaux Anglois &amp; à l’artillerie du Fort ; que manquant aussi de munitions de
                bouche, il falloit se désister de l’entreprise, prévoyant d’ailleurs qu’on n’y
                réussiroit pas ; les Navires susdits estans mouillez vis-à-vis du Fort &amp; forts
                d’Equipage. On décampa donc, &amp; le Soldat Canadien avec le Sauvage, ayant mis les
                Canots à l’eau, on alla mouiller à une petite Isle voisine qui estoit hors de
                l’atteinte de l’Ennemi.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 28 <hi rend="i">jour du mois d’Aoust, l’Armée de Canada composée
                de François &amp; de Sauvages s’estant mise dans des Canots, elle prit à peu prés le
                même chemin dont elle s’estoit servie en venant chez les Anglots pour s’en retourner
                à Kebec. On ne repetera point icy les noms des Rivieres ou des Lacs, qu’il fallut
                traverser avec beaucoup de fatigues &amp; de dangers en même temps. Il seroit
                ennuïeux aussi de parler encore de ces Montagnes escarpées &amp; de ces bois épais,
                au milieu desquels il fallut marcher &amp; porter les Canots, les divers portages
                seroient aussi inutilement retracés, puisqu’on a répassé par la même route, &amp;
                s’il est permis de parler ainsi, sur les mêmes pas, où au moins, pour dire les
                choses avec toute l’exactitude possible, presque sur les mêmes. Le</hi> 27. <hi
                rend="i">jour du Septembre fut le dernier jour de la route qui étoit d’environ cent
                cinquante lieues &amp; celuy de l’arrivée du parti Canadien avec bon nombre de
                prisonniers &amp; beaucoup de butin, sans que les François aïent perdu aucun de
                leurs ; il s’est trouvé cinq ou six Sauvages seulement de tuez dans cette expedition
                militaire dans la nouvelle Angleterre.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Voila, Monsieur, l’état des differens Combats que les Canadiens aidez
                des Sauvages leurs Altiez ont donné aux Anglois, jusqu’aux portes de Baston Capitale
                &amp; la principale Ville des Anglois dans l’Amerique Septentrionale. Je suis,
                &amp;c.</hi></p>
            <note><p>* Les Anglois.</p></note>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-01_161">
          <head>[Le Poëte Courtisan]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1705 [tome 1], p. 161-163.</bibl>
          <p>Il paroît depuis peu un petit Livre, intitulé le <hi rend="i">Poëte Courtisan, ou les
              intrigues d’Horace à la Cour d’Auguste.</hi> M<hi rend="sup">r</hi> de Sainville,
            Auteur de cet Ouvrage, prétend qu’il peut servir aux personnes qui ont le genie propre
            pour s’avancer auprés des Grands. On y trouve une maniere d’Histoire de la vie &amp; des
            Odes d’Horace, si l’on peut appeller Histoire ce que cet Auteur dit des Odes de ce
            Poëte, ayant donné dans son Ouvrage un détail Historique des raisons qui ont porté
            Horace à faire ses onze premieres Odes. Ce détail est fort ingenieux &amp; le tout
            ensemble compose une maniere d’Histoire assez divertissante, &amp; qui peut faire
            plaisir aux Lecteurs, soit qu’ils la regardent comme une verité, ou comme un jeu de
            l’imagination de celuy qui a composé cette Histoire, où l’on trouve que les manieres de
            la Cour d’Auguste ont beaucoup de rapport à celles d’aujourd’huy ; aussi l’esprit &amp;
            la galanterie regnoient-ils dans cette Cour. Le stile de cet Ouvrage est aisé &amp;
            naturel, &amp; on peut le lire avec plaisir. Il se vend chez le sieur Ribou, prés des
            grands Augustins, à l’Image S. Louis.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-01_202">
          <head>[Geographie Historique]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1705 [tome 1], p. 202-206.</bibl>
          <p>Il paroît depuis peu un Livre, dont le succés est tres grand, il est intitulé : <hi
              rend="i">Geographie Historique ou Description de l’Univers contenant la Situation,
              l’Estenduë, les Limites, la Qualité, &amp;c. de ses principales parties.</hi></p>
          <p><hi rend="i">Avec l’établissement des Empires, Royaumes &amp; autres Etats, leurs
              Gouvernemens tant anciens que modernes, les noms qu’avoient autrefois leurs Habitans,
              &amp; ceux qu’ils ont aujourd’huy ; de même que la Religion, les mœurs &amp; les
              richesses de chaque Nation.</hi></p>
          <p><hi rend="i">Les Hommes Illustres, les Bâtailles &amp; les évenemens les
              plus remarquables.</hi></p>
          <p><hi rend="i">La Genealogie abregée des Empereurs, des Rois &amp; des autres Potentats
              du Monde, &amp; l’Origine de plusieurs Maisons considerables de l’Europe.</hi></p>
          <p>Par M<hi rend="sup">r</hi> de la Forest de Bourgon.</p>
          <p>Je dois ajouter à ce Titre, que ce Livre est enrichi de plusieurs Cartes Geographiques.
            L’auteur qui a fait plusieurs voyages de long cours doit parler avec plus de verité que
            beaucoup d’autres, des choses qu’il a luy même vuës &amp; examinées, &amp; ceux qui
            parlent avec une pareille connoissance, doivent estre plûtôt crûs, que ceux qui
            n’écrivent que sur le rapport d’autruy. Je n’entre point dans le détail de cet Ouvrage,
            dont je ne vous parle que pour vous l’annoncer.</p>
          <p>Je vous diray seulement qu’il doit estre parfait en son genre ; puisque M<hi rend="sup"
              >r</hi> Pouchard, qui est du nombre de ceux qui sont commis pour examiner les Livres
            que l’on doit imprimer, &amp; qui travaille aux Journaux des Sçavans, en a dit beaucoup
            de bien, ce qu’il fait rarement, à moins qu’un Livre ne soit parfaitement bon. Celuy
            dont je vous parle doit avoir quatre Volumes, &amp; l’on commence à imprimer le second.
            Le premier se vend chez-Pierre Aubouin, sur le Quay des Augustins : Jean de Laune, ruë
            de la Harpe : Nicolas le Clerc, ruë S. Jacques : Claude Gasse, sur le Quay des
            Augustins : la veuve Pierre Pluquet ruë de la Harpe : Pierre Ribou, sur le Quay des
            Augustins : Augustin Brunet, dans la grande Salle du Palais : &amp; Jacques Quillau, ruë
            Galande.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-01_244">
          <head>[Mort de Dame Marie Catherine le Jumel de Barneville]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1705 [tome 1], p. 244-249.</bibl>
          <p>Dame Marie Catherine le Jumel de Barneville, veuve de M<hi rend="sup">re</hi> François
            de la Motte, Comte d’Aulnoy. Elle estoit fille de feu M<hi rend="sup">re</hi> N… le
            Jumel de Barneville qui avoit esté long-temps dans le service, &amp; qui estoit allié
            aux meilleures Maisons de Normandie, sçavoir à celles d’Estouteville, de Breteville
            &amp; à plusieurs autres aussi considerables. La mere de M<hi rend="sup">e</hi> d’Aulnoy
            s’estoit remariée en 2. Noces à feu M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis de Gudaigne, &amp;
            elle est morte à Madrid depuis 2. ou 3. ans ; elle y estoit honorée d’une
            pension considerable que le feu Roy d’Espagne luy avoit donnée pour un grand service
            qu’elle avoit rendu à l’Estat, pendant qu’elle estoit à Rome, &amp; le Roy Philippe V.
            la luy avoit conservée. M<hi rend="sup">e</hi> d’Aulnoy laisse 4. filles : l’aînée est
            mariée à Mr Derre Gentilhomme de merite : le seconde a épousé Mr de Préaux d’Antigni
            Gentilhomme de la Province de Berry, c’est une trés belle personne. Les deux autres
            filles ne sont pas mariées, il y en a une qui est restée en Espagne aprés la mort de sa
            grande Mere, auprés de laquelle elle avoit esté élevée ; l’autre qui est icy, a aussi
            demeuré long-temps en Espagne ; elle ont toutes deux une pension de S. M. C. M<hi
              rend="sup">e</hi> d’Aulnoy donc je vous aprens la mort, s’estoit acquis
            une grande reputation par ses Ouvrages. Elle en avoit fait plusieurs qui ont eu un grand
            succés. Le premier qui a paru est <hi rend="i">le Voyage d’Espagne</hi>. Elle écrivoit
            sur de bons memoires, puis qu’elle avoit fait le voyage avec la feue Reine d’Espagne,
            fille de feu Monsieur. Ses autres Ouvrages sont <hi rend="i">les Memoires de la Cour
              d’Espagne</hi>. Ce Livre a esté imprimé 3. fois en France, &amp; une fois en
            Hollande ; on y trouve une infinité de faits Anecdotes qui interessent agréablement le
            Lecteur, &amp; il paroist qu’elle estoit bien entrée dans le secret du Gouvernement,
            pendant le sejour qu’elle avoit fait en Espagne. <hi rend="i">Les Memoires de la Cour
              d’Angleterre.</hi> Ils sont écrits avec la même pureté. Cette Dame a aussi
            donné plusieurs Contes de Fées dont le succés a esté grand. Elle a donné une Paraphrase
            sur le <hi rend="i">Miserere</hi>. Mais celuy de ses Livres qui luy a fait le plus
            d’honneur, est <hi rend="i">Hyppolite, Comte de Douglas</hi>. C’est un vray chef d’œuvre
            en ce genre, &amp; plusieurs personnes en le lisant n’ont pu s’empêcher de repandre des
            larmes. Le Prince de Bourbon-Carency sort aussi de sa Plume. Le dernier Ouvrage que
            cette spirituelle Dame a donné, est <hi rend="i">le Comte de Warvick</hi>, Histoire
            Angloise qui a eu un grand cours.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-01_249">
          <head>[Mort de Messire Etienne Pavillon]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1705 [tome 1], p. 249-253.</bibl>
          <p>M<hi rend="sup">re</hi> Estienne Pavillon, Conseiller du Roy en ses Conseils, cy-devant
            Avocat General au Parlement de Metz, l’un des 40. de l’Academie Françoise, &amp; de
            l’Academie des Medailles &amp; Inscriptions. Nicolas Pavillon, Avocat au Parlement de
            Paris, vivoit en 1580. La Croix du Maine dit, qu’il a esté Docte en Grec &amp; en Latin,
            &amp; excellent Poëte. Nicolas Pavillon, son petit-fils, Evêque d’Alet en Languedoc, a
            beaucoup fait parler de luy dans le dernier siecle : il mourut en 1678. La mere de feu
              M<hi rend="sup">r</hi> Pavillon passoit pour une Dame tres-spirituelle. Feu M<hi
              rend="sup">r</hi> Pavillon dont je vous apprens la mort, estoit un de ces hommes
            brillans, qui convertissent en or tout ce qu’ils touchent. En effet, tout ce qu’il
            écrivoit sur quelque matiere que ce fust, estoit si ingenieux &amp; si rempli de pensées
            brillantes, &amp; ses ouvrages estoient si achevez, qu’il est difficile d’arriver à
            cette perfection d’écrire, &amp; l’on peut dire qu’il faisoit des Chefs-d’œuvres en
            badinant, &amp; que personne n’a mieux écrit que luy dans le goût de Voiture.</p>
          <p>Les Vers suivans ont esté faits sur la mort de ce gracieux Auteur. Comme ils peignent
            bien son caractere, je n’en diray pas davantage.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Pavillon ne vit plus ; les Amours en gemissent,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Apollon en verse des pleurs ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Des tristes regrets des neuf Sœurs</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Leurs antres Sacrez retentissent.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Qui sçût dés ses plus jeunes ans</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Unir tant de rares Talens ?</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Rival ingenieux d’Ovide,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">S’il vouloit flechir une Iris,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Les Graces dictoient ses écrits,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et l’Amour luy servoit de Guide.</hi></l>
              <l><hi rend="i">La Sagesse bientôt sçût bannir de son cœur</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les vains amusemens de l’amoureuse ardeur,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Par une adresse sans égale,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Il prit soin de former les mœurs,</hi></l>
              <l><hi rend="i">En cachant sous l’apas de ses Vers enchanteurs,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Les traits d’une austere Morale.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Les beaux Arts en luy rassemblez</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Firent par tout briller sa Gloire ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Il n’ignora rien de l’Histoire,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et les temps les plus reculez</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Estoient presens à sa memoire.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Son Entretien estoit charmant,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Il possedoit parfaitement</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tout ce qu’eut de meilleur, l’Italie, &amp; la Grece.</hi></l>
              <l><hi rend="i">France, tu ne peux trop faire voir ta tristesse ?</hi></l>
              <l><hi rend="i">En le perdant, tu perds ton plus riche Ornement.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-01_253">
          <head>[Mort de Messire N… de Charron de Villemarechal]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1705 [tome 1], p. 253-260.</bibl>
          <p>La Republique des Lettres vient de faire une perte considerable en la personne de M<hi
              rend="sup">re</hi> N… de Charron de Villemarechal ; c’estoit un de ces heureux Genies,
            nez pour la culture des Sciences, &amp; qui preferent ce soin à celuy de toutes les
            autres choses de la vie. M<hi rend="sup">r</hi> de Villemarechal avoit reçu une
            excellente éducation, &amp; on ne sçait qui a esté le plus honoré, ou le Docte
            Marcassus, connu par tant d’ouvrages sortis de sa plume, qui la luy avoit donnée, ou le
            Disciple, qui avoit esté élevé par un si Sçavant Homme. Ses Amis sentoient dans le
            commerce qu’ils lioient avec luy, cette politesse &amp; cette douceur de mœurs, qui sont
            toûjours le fruit d’une riche instruction, &amp; qui seront long-temps le motif de leurs
            justes regrets. Le progrés qu’il avoit fait dans les sciences estoit surprenant. Il
            avoit appris plusieurs Langues qu’il parloit aussi-bien que sa Langue naturelle ; il
            seroit à souhaitter que ceux qui auront pour leur part de sa succession ses
            papiers, voulussent faire part au Public de ses Ouvrages manuscrits. On y trouveroit des
            preuves convaincantes de sa connoissance dans les Langues mortes &amp; étrangeres. Les
            deux Traductions Françoises qu’on le pressoit dans les derniers jours de sa vie de
            donner au Public, l’une de <hi rend="i">la Somme de S. Thomas</hi>, &amp; l’autre du
            Livre d’un Medecin Anglois intitulé, <hi rend="i">Religio Medici</hi>, font foy de ce
            que je dis. On y trouve un stile aisé, dont le premier de ces Ouvrages n’est pas
            susceptible. A l’égard du <hi rend="i">Religio Medici</hi>, le Traducteur travailloit à
            le purger de certaines pensées hardies, &amp; qui sentent trop l’esprit de tolerance,
            afin de le faire imprimer. On peut voir ce qui a esté dit de ces deux Traductions, &amp;
            de leur Autheur, dans un petit Livre intitulé, <hi rend="i">Essais critiques
              de Prose &amp; de Poësie</hi>, qui parut en 1703. &amp; dans <hi rend="i">l’Essay de
              Litterature</hi> du mois de Novembre 1703. M<hi rend="sup">r</hi> de Villemarechal
            joignoit à cette facilité de stile, &amp; à la pureté de son élocution, qu’il marquoit
            sur tout dans la conversation, un talent singulier pour la Poësie. Il y réussissoit dans
            tous les genres, &amp; il avoit un goût fin &amp; delicat pour juger des pieces des
            autres. Cela a paru durant plusieurs années, dans les Conferences qui se tenoient chez
            luy les Jeudis de chaque semaine. On y examinoit d’une maniere libre &amp; dégagée de la
            contrainte des autres Assemblées, tous les Ouvrages des Sçavans. Les personnes qui y
            venoient estoient capables d’en juger. On avoit souvent le plaisir d’y entendre le
            sentiment des Dames qui s’y trouvoient, &amp; qui donnoient beaucoup de relief &amp;
            beaucoup d’agrément à cette Assemblée. M<hi rend="sup">e</hi> de Pringi y brilloit
            beaucoup. Vous sçavez qu’elle a un discernement fort juste pour la découverte des
            veritez les plus abstraites, &amp; que dans la recherche qu’elle en fait, elle procede
            avec une précision qui fait juger de la netteté &amp; de la profondeur de son esprit. La
            confiance que M<hi rend="sup">r</hi> de Villemarechal avoit en cette Dame, l’estime
            qu’il avoit pour elle, &amp; le cas qu’il faisoit de ses décisions, doivent
            naturellement faire partie de son éloge. Il estoit fils de M<hi rend="sup">r</hi> de
            Charron Intendant des Finances &amp; M<hi rend="sup">e</hi> des Requestes, &amp; frere
            de feuë M<hi rend="sup">e</hi> la Maréchale du Plessis-Pralin ; il n’estoit resté à M<hi
              rend="sup">r</hi> de Villemaréchal que les biens de l’esprit, avec lesquels il se
            tenoit bien partagé. L’indifference qu’il a marqué toute sa vie pour ceux de la Fortune,
            &amp; le peu de faveurs qu’il en a reçu, doivent luy assurer une place dans le
            Supplément du Livre de Pierius-Valerianus <hi rend="i">de Infelicitate
            Litteratorum</hi>, si on fait ce Supplément. M<hi rend="sup">r</hi> de Villemarechal
            avoit deux Sœurs, l’une mariée à feu M<hi rend="sup">r</hi> de Maupeou Maistre des
            Comptes, &amp; l’autre à feu M<hi rend="sup">r</hi> de Pradines. Il estoit allié à
            plusieurs Maisons considerables de la Robe, entr’autres à celle de Charron-Mesnars qui
            porte le même nom que luy.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-01_288">
          <head>[Mort du Pere Menestrier]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1705 [tome 1], p. 288-291.</bibl>
          <p>Le Pere Menestrier, Jesuite, étant déja fort avancé en âge, est mort depuis quinze
            jours. C’étoit un homme universel, comme sont la plûpart de ceux de son Corps. Il avoit
            prêché avec succés dans plusieurs Chaires, tant de Paris que des Provinces de France.
            Jamais homme n’a mieux sçû tout ce qui regardoit la décoration des lieux où l’on devoit
            donner des Festes publiques. Il l’a fait voir dans une infinité d’occasions, &amp; la
            décoration des Galeries du Louvre, à la naissance de Monseigneur le Duc de Bourgogne,
            étoit de son invention ; il en avoit fait toutes les Devises &amp; toutes les
            Inscriptions. Cette décoration passa pour une des belles choses qui se soient vûës à
            Paris depuis long-temps. La Feste donnée par Monsieur le Cardinal d’Estrées, à la
            naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne, est aussi de l’invention de ce Pere. Ce
            Spectacle a paru tres-grand &amp; tres-magnifique, &amp; tout Paris a couru pour le
            voir. Il en avoit aussi composé toutes les Devises &amp; toutes les Inscriptions. Jamais
            homme n’a tant fait de Devises, &amp; tant qu’il a vécu, il en a fourni à tous ceux qui
            en ont eu besoin, &amp; qui luy en ont demandé. Il a donné au Public plusieurs Traitez
            des Carrousels, Joustes &amp; Tournois, Mascarades &amp; Ballets, avec des descriptions
            de toutes les Festes de cette nature, qui se sont faites dans les principales Cours de
            l’Europe. Les Peres de sa Societé qui travaillent au Journal de Trévoux, &amp; qui
            s’acquittent si bien de tout ce qu’ils font, donneront sans doute au Public un Article
            plus curieux &amp; plus étendu que moy, puisqu’ils doivent mieux connoistre ce Pere,
            &amp; tout ce qui le rendoit recommendable. Il a fait aussi beaucoup d’autres
            Ouvrages, du nombre desquels est une nouvelle Histoire de la Ville de Lyon.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-01_291">
          <head>[Suite du Siege de Verue, contenue en plusieurs relations]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1705 [tome 1], p. 291-343.</bibl>
          <p>Je reprend le Siege de Veruë où je l’ay laissé.</p>
          <quote>
            <label>Au Camp devant Veruë le 21. Decembre 1704.</label>
            <p><hi rend="i">Les huit pieces de la nouvelle batterie commencerent à tirer la nuit
                du</hi> 16. <hi rend="i">au</hi> 17. <hi rend="i">&amp; celles des anciennes firent
                feu sur les deffenses des ennemis. Mr Filtz, Colonel de Hussars fut détaché cette
                même nuit avec trois Compagnies de Hussars, deux de Grenadiers, &amp; deux cent
                cinquante chevaux pour aller enlever un Regiment de Hussars ennemis, établi à Sancta
                Maria, de l’autre costé du Pô ; mais un deserteur du détachement de Mr Filtz les
                ayant avertis, ils se retirerent ; de sorte que nous fismes seulement dix
                prisonniers &amp; que nous n’enlevâmes que vingt chevaux &amp; trois
              Etendarts.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 18. <hi rend="i">les assiegez firent sauter un fourneau à
                l’angle du centre de la Place-d’armes, qui renversa deux embrasures de nostre
                batterie &amp; enterra deux pieces de canon ; mais cela n’empêcha pas les six autres
                de tirer pendant le reste de la nuit, que l’on passa à reparer le desordre.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 19. <hi rend="i">Monsieur de Vendôme passa une partie du jour
                dans la tranchée, &amp; ordonna de percer le chemin-couvert pour se loger dans le
                trou que la mine des ennemis avoit fait. Son Altesse fit établir une nouvelle
                batterie pour tâcher de demonter celle des ennemis. On remit en batterie les deux
                pieces qui avoient esté enterrées, aprés quoy on commença deux heures avant le jour,
                à tirer contre les bastions qui sont déja fort endommagez.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 20. <hi rend="i">nostre Mineur continuant à travailler à
                l’ouverture du chemin-couvert, donna avis qu’il entendoit à trois pieds de luy,
                celuy des ennemis. Sur cet avis, Monsieur de Vendôme fit charger promptement la
                mine, que l’on fit sauter par son ordre, à une heure aprés minuit. Elle réussit de
                maniere que la maçonnerie de la face gauche de la fausse braye jusqu’à l’angle, fut
                renversée dans le fossé.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Aujourd’huy, pendant que Monsieur de Vendôme étoit à l’angle droit du
                chemin-couvert, les assiegez ont fait sauter une fougade qui a enterré huit hommes,
                en a blessé cinq, a renversé environ trois toises de Palissades du chemin-couvert,
                &amp; a comblé le puits par où nostre mineur s’avançoit à la gauche. On doit
                travailler cette nuit à reparer le dommage, &amp; à faire sauter la contrescarpe du
                fossé, pour y descendre &amp; pour se loger ensuite sur la fausse-braye, d’où l’on
                se flatte d’attacher le Mineur au bastion.</hi></p>
          </quote>
          <p>Depuis le 21. jusqu’au 26. il ne se passa rien de fort considerable. On continua
            d’avancer les travaux &amp; de battre les deffenses de la Place, &amp; Monsieur de
            Vendôme s’exposa souvent, &amp; fut mesme couvert de la terre que laboura le canon des
            ennemis.</p>
          <p>Je viens à la memorable Journée du 26. qui doit couvrir de gloire tous les François qui
            ont combatu ce jour-là, devant Veruë, puisqu’il est inoüi que sept cent
            hommes attaquez en front, en queuë &amp; par les flancs ayent resisté à une petite armée
            qui étoit persuadée qu’il n’en resteroit aucun, aprés ses premiers coups. Cependant
            comme on n’a point donné icy de Relations détaillées de ce qui s’est passé dans cette
            grande journée, j’ay crû devoir ramasser tout ce qu’en ont écrit quelques Officiers
            Generaux, &amp; des principaux Officiers de l’armée, &amp; je vous envoye ces Relations
            dont chacune contient des faits qui ne se trouvent point dans les autres. La premiere
            est de Monsieur de Vendôme. Vous sçavez que ce Prince établit seulement les faits dans
            ses Lettres, &amp; que sa modestie le fait tellement tenir en garde sur ce qu’il dit, de
            crainte de parler à son avantage, qu’elles sont toûjours peu étenduës ; mais il suffit
            qu’elles établissent le fait : ce qui donne lieu d’ajoûter foy à ceux qui l’écrivent
            avec plus de détail.</p>
          <quote>
            <label>Du Camp devant Veruë le 27. Decembre<lb/>1704.</label>
            <p><hi rend="i">Les Ennemis sortirent hier à quatre heures aprés midy, à la faveur d’un
                brouillard, &amp; vinrent avec toute leur Armée, Cavalerie &amp; Infanterie,
                attaquer nostre Tranchée, par le front, par le côté, &amp; par les derrieres. Nos
                gens se voyant enveloppez de toutes parts ne purent faire que tres peu de
                resistance ; mais l’Infanterie de l’Armée arriva si promptement, qu’ils furent
                bien-tost rechassez de toutes nos Tranchées. Ils n’eurent pas le temps de rien
                gaster, &amp; quoy qu’ils ayent fait tout ce qu’ils ont pû pour enclouer nos Canons
                &amp; nos Mortiers, toute nostre Artillerie est dans le même estat. Nos Grenadiers
                les ont poussez si vivement, qu’il en est resté plus de trois cens sur la place,
                tant de nostre Batterie du Chemin couvert que des autres. Les Ennemis ont laissé
                plus de</hi> 400 <hi rend="i">hommes en tout sur le Champ de bataille : pour nous,
                nous n’avons à l’Hôpital que</hi> 30 <hi rend="i">blessez. Leur Cavalerie est venue
                fort prés du Quartier general ; mais la nostre, quoy qu’au nombre seulement de</hi>
              400 <hi rend="i">Chevaux, aidée par deux Compagnies de Grenadiers, l’a obligée de se
                retirer promptement avec perte d’une vingtaine d’hommes &amp; d’autant de chevaux.
                Nous avons fait quantité de Prisonniers, nous n’en sçavons pas encore le nombre.
                Nous n’avons perdu que Mr d’Imecour, Maréchal de Camp, &amp; un Capitaine de
                Grenadiers, &amp; nous avons parmi les Prisonniers qu’ont fait sur nous les Ennemis,
                Mr de Chartogne &amp; huit Officiers.</hi></p>
          </quote>
          <p>Toutes les Relations qui suivent sont necessaires, pour faire bien comprendre ce qui
            s’est passé dans cette glorieuse journée, &amp; plus vous en lirez, plus vous y prendrez
            de plaisir, puisque vous trouverez des circonstances nouvelles jusque dans la derniere,
            qui est beaucoup plus ample que les autres, &amp; qui rend justice à beaucoup de
            Personnes qui se sont distinguées.</p>
          <quote>
            <label>Du Camp devant Veruë ce 27. Décembre 1704.</label>
            <p><hi rend="i">Je me sers du Courrier de S.A. pour vous faire le détail d’une Sortie
                que les Ennemis ont faite hier au soir, une heure avant la nuit, au nombre de</hi>
              900 <hi rend="i">hommes, qui, quoy qu’assez heureuse pour eux dans les commencemens,
                ne leur a pas produit d’autre effet que le retardement d’un jour. Comme il faisoit
                un petit brouillard, ils en profiterent si à propos, qu’ils nous couvrirent leur
                marche, &amp; s’avancerent par un Ravin qui est sur nostre Flanc gauche, au nombre
                d’environ</hi> 400 <hi rend="i">hommes, &amp; marcherent droit à une Batterie de six
                pieces, qui est à la queue de la Tranchée, sans trouver aucune resistance. Ils
                commencerent par mettre le feu à l’Epaulement, &amp; à rompre un Merlon ; de là ils
                se coulerent par nostre vieille parallele, qui n’est plus occupée, pour se joindre à
                un corps égal soutenu comme la gauche, &amp; qui marchoit sur nostre droite, pendant
                que quelques Troupes sorties des Chemins couverts attaquoient la teste de la
                Tranchée. Cette manœuvre fit plier les Troupes veritablement, &amp; les obligea de
                sortir des Boyaux pour n’estre pas investies &amp; accablées de tous costez, de
                sorte que les Ennemis s’y jetterent.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mr de Chartogne, Lieutenant-General, qui commandoit, &amp; qui avoit
                relevé le matin Mr de Chemerault, envoya Mr d’Imecour, Mareschal de Camp pour
                charger les Ennemis, qui attaquoient la queue de la Tranchée, &amp; qui ruinoient
                les deux Batteries voisines. Il les repoussa d’abord, mais il y reçut un coup de
                Mousquet, dont il mourut une heure aprés ; ce qui donna le temps aux Ennemis de se
                reconnoistre, &amp; de tenir bon, jusqu’à ce que des Trouppes fussent
                arrivées du Camp, qui les chasserent avec une perte assez considerable. Comme S.A.
                n’estoit qu’à un pas de la Tranchée, d’où elle sortoit, elle y revint, fit charger
                ces Troupes elle-mesme, &amp; chassa les Ennemis de ces Boyaux, aprés quoy elle fit
                attaquer les autres Boyaux, qui furent regagnez avec la même vigueur, aussi-bien que
                nos Batteries de Bombes &amp; de Canons de la Contrescarpe, dont les Ennemis furent
                les maîtres pendant plus de trois quarts d’heure. Ils enclouerent tous les Canons
                &amp; les Mortiers, mais si mal, que c’est comme s’ils n’avoient rien fait ; de
                sorte qu’un jour de travail a reparé la Batterie des Pallissades qui
                tirera demain, &amp; les autres Batteries &amp; Mortiers ont tiré ce matin à
                l’ordinaire. Mr de Chartogne, qui estoit resté pour soutenir la teste de la
                Tranchée, y a esté fait prisonnier, &amp; blessé en deux endroits ; sans cela, &amp;
                sans la mort de Mr d’Imecourt, nous aurions gagné à cette affaire : car il est
                certain qu’elle ne nous coûte pas</hi> 80 <hi rend="i">hommes tuez ou blessez, &amp;
                que les Ennemis y ont perdu plus de</hi> 300 <hi rend="i">hommes, nous avons
                bien</hi> 45 <hi rend="i">à</hi> 50 <hi rend="i">de leurs prisonniers &amp;
                plusieurs Officiers.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ils firent passer un corps de Cavalerie, qu’ils pousserent du costé du
                Quartier general ; mais Mr de Chemerault marcha avec deux troupes de Cavalerie,
                &amp; un Bataillon, qui le fit retirer plus viste qu’il n’estoit venu.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Voilà à peu-prés le détail. Vous verrez par là que cette affaire nous
                est plus avantageuse qu’aux Ennemis, puisqu’ils y ont perdu beaucoup plus de monde
                que nous, sans aucun fruit. Nous travaillons à la descente du Fossé ; je croy que le
                bonheur de nostre affaire, vient de ce que S.A. s’y est trouvée, sans quoy les
                choses auroient peut-estre tourné autrement. Les Ennemis ont perdu un Officier
                General, &amp;</hi> 7. <hi rend="i">à</hi> 8. <hi rend="i">Officiers de
              marque.</hi></p>
          </quote>
          <quote>
            <label>Au Camp devant Veruë ce 27. Decembre 1704.</label>
            <p><hi rend="i">Il nous est arrivé hier au soir une affaire la plus heureuse du monde
                par l’évenement, dont voicy le détail.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Les Ennemis ayant esté avertis par un Sergent du Regiment des Vaisseaux,
                qui a deserté depuis</hi> 3. <hi rend="i">ou</hi> 4. <hi rend="i">jours, que la
                gauche de nostre tranchée estoit dégarnie, &amp; qu’on n’y faisoit monter que</hi>
              700. <hi rend="i">hommes, sont venus, trois quarts d’heure avant la nuit, à la faveur
                d’un brouillard, au nombre de</hi> 2000. <hi rend="i">hommes d’Infanterie au moins,
                &amp; avec leur Cavalerie. Ils ont debouché par l’ouvrage qu’ils ont à la teste de
                leur Pont, &amp; ont en même temps poussé toute leur Cavalerie dans la Plaine, qui
                est au pied de la Colline, par où ils sont montez tout le long des Fortifications de
                la Place.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ils marchoient sur deux colonnes, l’une à pris sur les hauteurs derriere
                la tranchée, où sont deux de nos Batteries, l’autre est allée au
                centre.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Les Troupes de la tranché se voyant prises par derriere &amp; en flanc
                ont esté obligées de se jetter dans un fond qui est sur la droite de la Tranchée,
                qu’ils ont abandonnée aux Ennemis. Monsieur de Vendôme, qui ne faisoit que d’en
                sortir, s’y est rejetté à la teste des Troupes, &amp; le Regiment de Medoc &amp; de
                Lionnois, auxquels cet alerte avoit fait prendre les armes, sont heureusement
                arrivez. En mesme-temps Monsieur de Vendôme les a postez pour arrester les Ennemis ;
                ce qu’ils ont fait jusqu’à ce qu’il fust arrivé d’autres Bataillons du Camp, qui
                venoient en assez bon nombre. Les Ennemis ont pris le party de se retirer, &amp; ne
                pouvant le faire par le même chemin qu’ils estoient venus, de peur d’estre coupez,
                ils se sont jettez avec beaucoup de precipitation dans le chemin Couvert.
                Les Bataillons qui les poussoient vigoureusement, &amp; qui les chargeoient en queue
                en ont tué une infinité, sans qu’ils tournassent la teste pour se deffendre, &amp;
                lors qu’ils ont esté entassez les uns sur les autres dans le fossé, nos gens sont
                montés sur la Batterie &amp; sur le Logement de la Contrescarpe, &amp; les ont tirez
                à bout portant. Il est certain qu’il leur en coute plus de</hi> 300. <hi rend="i"
                >hommes dans une heure de temps.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ils ont esté les Maistres de la Tranchée pendant plus de demi-heure,
                &amp; ont encloué nostre Canon &amp; nos Mortiers. C’estoit le plus grand malheur
                qui nous pust arriver s’ils avoient eu le loisir de le faire comme il faut ; mais
                comme ils estoient pressez, &amp; qu’ils n’avoient pas de cloux
                proportionez aux lumieres de nos pieces, qui se sont agrandies, ayant
                servi à plusieurs Sieges, il se trouve que le Canon tire mieux qu’auparavant &amp;
                les Mortiers de même, dés le point du jour on leur a fait un feu continuel, à quoy
                ils n’avoient pas lieu de s’attendre.</hi></p>
            <p><hi rend="i">La Batterie de la Contrescarpe ne tirera que demain, à cause qu’ils y
                avoient mis le feu avec des Fascines goudronées qu’on a éteint pendant
                la nuit. Un Trompette de Monsieur de Savoye vient de nous apprendre que Mr de
                Chartogne qui commandoit la Tranchée, &amp; dont on n’avoit nulle nouvelle, est
                blessé legerement &amp; fait prisonier avec</hi> 7. <hi rend="i">ou</hi>
              8. <hi rend="i">Officiers. Mr d’Imecourt, qui venoit d’estre fait Mareschal de Camp, a
                esté tué. L’Aide de Camp de Tranchée nommé Monferrier, &amp; Capitaine de Dragons
                Reformé dans du Heron a les deux jambes percées d’un coup de Mousquet ; d’ailleurs
                nous n’avons pas perdu</hi> 50. <hi rend="i">hommes. Nous avons pris quantité
                d’Officiers Ennemis. Voila comme l’affaire s’est passée ; le Siege n’en sera pas
                retardée.</hi></p>
          </quote>
          <quote>
            <label>Du Camp devant Verue le 27. Decembre 1704.</label>
            <p><hi rend="i">Mrs de Chartogne, d’Imecourt &amp; de Maulevrier-Langeron releverent la
                Tranchée le</hi> 26. <hi rend="i">Monsieur de Vendôme s’y trouva de fort bonne heure
                &amp; aprés avoir visité les Ouvrages, il donna ses ordres pour ceux de la nuit. Il
                en partit une demi-heure avant le coucher du Soleil. A peine estoit-il éloigné d’une
                portée de fusil de la tranchée, qu’un bruit confus qu’il entendit luy apprist qu’un
                gros corps d’Infanterie &amp; de Cavalerie sortoit de Verue par le costé
                du Pô, &amp; marchoit à la gauche de la Tranchée. Il n’en douta pas voyant dans
                l’instant nos gardes avancées se retirer, &amp; jugeant que les Ennemis n’osoient
                entreprendre une sortie par ce chemin là qu’avec toute leur Armée, il donna ordre en
                même temps de faire marcher les Brigades les plus voisines de la Tranchée.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Les Ennemis favorisez d’un brouillard, n’avoient esté decouverts qu’en
                approchant de nos Postes. Ils sortirent avec toute leur Infanterie &amp; toute leur
                Cavalerie. Partie de la Cavalerie remonta le Pô le long de la Prairie au dessus de
                Verue, l’autre partie se coula au dessous dans le Vallon pour donner de l’inquietude
                en même temps à tous nos quartiers, &amp; pour favoriser la retraite. Leur
                Infanterie tomba sur nostre Tranchée, par le front, par les deux flancs &amp; par
                les derrieres. Vous sçavez que nous attaquons Verue par un plateau escarpé par la
                droite &amp; par la gauche, &amp; qu’on arrive sur le plateau en descendant des
                hauteurs de Guerbignan qui le dominent, &amp; que c’est sur le penchant des ces
                hauteurs que nous avons ouvert la Tranchée &amp; établi nos premieres &amp; nos
                secondes Batteries. Le plus gros de l’Infanterie des Ennemis coulant le long de la
                gauche de nostre attaque, marcha droit à la hauteur de Guerbignan, &amp; se rendit
                Maistre de nos Batteries. Un autre Corps montant par le glacis, &amp; se joignant à
                ceux qui sortoient par le chemin Couvert, attaqua la Tranchée par le front &amp; par
                le flanc. Mr de Chartogne détacha Mr de Maulevrier avec</hi> 100. <hi rend="i"
                >hommes pour fortifier la garde des Batteries, &amp; prit le parti d’arrester les
                Ennemis dans le centre de la Tranchée, avec six Compagnies de Grenadiers qui luy
                restoient.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ce petit nombre ne put faire que tres-peu de resistance, se voyant
                envelopé de toutes parts. Monsieur de Vendôme qui arriva prés de Guerbignan, en même
                temps que les Ennemis, d’où il essuia une décharge de</hi> 30. <hi rend="i">pas, y
                trouva</hi> 25. <hi rend="i">hommes épars. Il les rassembla &amp; les posta dans un
                Fortin appellé</hi> le Cornichon ; <hi rend="i">Mr de Bezons qui le suivoit ayant
                crié à la garde de la Tranché qui se retiroit, que Monsieur de Vendôme estoit
                present, tous les Soldats s’arresterent dans le moment auprés de luy &amp; s’y
                rallierent. Ils furent joints aussi-tost par les Brigades de Lionnois, de la Marine,
                de Normandie, de Maulevrier &amp; de Leuville. La garde de la Tranchée retourna sur
                les Ennemis. La Brigade de Lionnois entra dans la Batterie d’où elle les chassa. Mr
                de Guerchy les poursuivit l’épée à la main, à la teste des deux Compagnies de
                Grenadiers des Vaisseaux. Les autres Brigades les coupant par la gauche, obligerent
                la plus grande partie de se retirer par les Boyaux de la Tranchée, dans lesquels
                elles les renverserent à coups d’épée, jusqu’au de-là de la Batterie du chemin
                Couvert, où les Grenadiers ayant monté sur les epaulemens &amp; dans les embrasures,
                tuerent plus de</hi> 200. <hi rend="i">hommes sur la Contrescarpe &amp; dans le
                fossé. Quelques pelotons de Soldats Ennemis voulurent se rallier sur le chemin
                Couvert, favorisez par deux petits logemens que Monsieur de Vendôme avoit fait faire
                à la droite &amp; à la gauche, dont ils s’estoit rendu maistres : mais ils en furent
                encore chassez l’épée à la main. Le Combat dura cinq gros quarts d’heure. Les
                Ennemis s’étant rendu maistres de la Tranchée au commencement de l’action, Mr
                d’Imecour y fut tué, &amp; Mr de Chartogne y fut fait prisonnier avec Mrs d’Airon.
                Lieutenant Colonel de l’Isle de France, de Razilly Major de Medoc, de Gadagne,
                Capitaine dans Piémont, Champigny Capitaine dans Lyonnois, Pogue Lieutenant dans la
                Sare &amp; Soulas Lieutenant dans Medoc. Mr de Pointis Capitaine dans le Regiment
                des Fusiliers &amp; Mr de Vissac Lieutenant des Bombardiers ont esté tuez. Mr de
                Monferrier, Aide de Camp de Monsieur de Vendôme, a esté blessé. Les ennemis avoient
                commandé des gens pour enterrer nos canons &amp; nos mortiers, &amp; pour mettre le
                feu aux affuts ; ce qu’ils n’ont pû faire qu’imparfaitement dans le peu de temps
                qu’ils ont esté maistres de la tranchée ; car de vingt-deux pieces que nous avons en
                batteries, quatorze ont tiré ce matin, les huit autres ne sont pas en estat de
                tirer, parce que nous en avons rompu les embrasures en poursuivant les ennemis, mais
                elles tireront demain. Il n’y a que trois pieces où les cloux soient restez, on y
                met le feu par la lumiere, comme si les cloux n’y étoient pas Onze mortiers de douze
                que nous avons en batteries ont jetté aujourd’huy des pierres &amp; des bombes
                pendant tout le jour. Les ennemis ont perdu plus de cinq cens hommes dans cette
                action, dont plus de quatre cens sont restez sur la place. J’ay vû plus de quarante
                de leurs prisonniers ; outre un Lieutenant Colonel, deux Capitaines &amp; deux
                Lieutenans, il y en a que l’on n’a pas encore amenez au quartier general. Nous
                n’avons eu que trente blessez qui sont à l’Hôpital. Je ne sçay pas le nombre des
                morts, mais je ne croy pas qu’il excede celuy des blessez.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Pendant le temps de l’attaque, la Cavalerie ennemie qui avoit remonté le
                long du Pô, s’avança fort prés du quartier general. La nostre monta brusquement à
                cheval, &amp; quoiqu’elle ne consistast qu’en un détachement de quatre cens chevaux,
                elle passa deux ravins devant celle des ennemis, &amp; protegée par deux Compagnies
                de Grenadiers, elle les obligea de se retirer avec perte de vingt hommes &amp;
                d’autant de chevaux.</hi></p>
          </quote>
          <p>On ne sçauroit donner trop de loüanges à M<hi rend="sup">rs</hi> d’Orgemont, de
            Guerchy, d’Estaire de Chiusac, de Leuville &amp; du Guerchois, qui se sont distinguez
            d’une maniere qui leur a attiré les aplaudissemens de toute l’armée. Quant à
            Monsieur de Vendôme, j’aurois tant de choses à en dire que je croy devoir plûtost me
            taire que d’en parler ; ce que j’en devrois dire, estant au-dessus de toute expression.
            Ce Prince s’expose tous les jours d’une maniere qui fait apprehender toute l’armée pour
            sa vie. Ce fut luy qui remena les troupes à la tranchée, qui les fit charger, &amp; qui
            essuya à leur teste plusieurs décharges de mousqueterie. Enfin, il est present à toutes
            les actions perilleuses, &amp; veut voir tout par luy-même.</p>
          <p>Il n’y a point de doute que la journée du 26. de Decembre ne se soit passée de la
            maniere qu’elle est marquée dans les Relations que vous venez de lire, puisque la bonne
            foy se trouve toûjours dans les Relations des François, &amp; que si on n’y peut trouver
            quelque chose à redire, c’est qu’ils ne sont jamais contens de leurs exploits, &amp;
            qu’au lieu de grossir tous les avantages qu’ils remportent, ils les diminuent toûjours.
            Enfin, on voit un tres grand rapport dans toutes ces Relations écrites par differents
            Officiers, qui, selon toutes les apparences, ne se les sont point communiquées, &amp;
            dont l’un campé d’un costé, &amp; l’autre de l’autre ; &amp; ce qui empêche encore de
            douter de la verité de ce qu’elles contiennent, est que l’évenement n’a pas esté
            avantageux aux Ennemis. Cependant ceux qui cherchent à tromper les peuples d’Angleterre
            &amp; de Hollande, afin de les engager de fournir avec moins de chagrin aux frais de la
            guerre, ont osé assurer dans leurs nouvelles publiques, que les François avoient perdu
            3000. hommes dans cette journée, sans faire refléxion que les troupes Allemandes &amp;
            Savoyardes n’avoient envelopé que 700. hommes qui gardoient la tranchée, le terrain ne
            pouvant en contenir davantage, &amp; que Monsieur de Vendosme, qui vint aussitost à leur
            secours, ne fut pas plûtost arrivé que les Allemans &amp; les Savoyards prirent la fuite
            avec toute la précipitation imaginable : de sorte qu’ayant le dos tourné, il fut
            d’autant plus aisé d’en tuer que tous les coups porterent, &amp; qu’ils n’avoient qu’un
            lieu pour rentrer, appellé <hi rend="i">la Porte du Secours</hi>, &amp; que ne pouvant
            tous rentrer en même temps par une seule porte, le carnage fut grand. Il est constant,
            qu’outre ceux de leurs Officiers qui ont esté tuez en cette occasion, on leur en a pris
            42. &amp; que ceux qui ont écrit, aprés le combat, les Relations que je vous envoye,
            n’étoient pas encore informez de ce grand nombre de prisonniers. Ces faits sont
            constans, &amp; l’évenement doit empêcher d’en douter. Si les Ennemis avoient fait un
            aussi grand carnage qu’ils ont voulu le persuader, ils ne se seroient pas retirez avec
            tant de précipitation, &amp; ils seroient demeurez plus longtemps maistres du terrain
            qu’ils avoient occupé d’abord : mais on peut dire qu’ils n’ont fait que venir, voir,
            &amp; s’enfuir. Ce qui suit regarde les deux Officiers Generaux de nos troupes, dont
            l’un a esté tué dans cette action &amp; l’autre est mort depuis, de ses blessures.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> d’Imecourt, Maréchal de Camp, estoit d’une Maison qualifiée de
            Picardie, qui a produit plusieurs Officiers d’une grande valeur. M<hi rend="sup">r</hi>
            le Marquis d’Imecourt, son pere, avoit servi avec beaucoup de distinction pendant toute
            sa vie. Il est mort Gouverneur de Montmedy. Il étoit Colonel lorsque ses enfans
            entrerent dans le service, &amp; il eut le plaisir de les voir tous occuper les premiers
            postes du Regiment qu’il commandoit, &amp; de leur voir fournir leur carriere avec
            beaucoup de gloire. M<hi rend="sup">r</hi> d’Imecour, son fils a esté regretté de toute
            l’armée, &amp; sur tout de Monsieur le Duc de Vendosme, qui en faisoit un cas
            particulier, &amp; qui en a même parlé en des termes qui font beaucoup d’honneur à sa
            memoire. M<hi rend="sup">r</hi> d’Alba Lieutenant Colonel de son Regiment, homme
            generalement estimé, &amp; d’un courage éprouvé a eu le Regiment. C’est celuy d’Auvergne
            qu’avoit le défunt, &amp; dont il estoit sur le point de se défaire, parce qu’il venoit
            d’estre nommé Maréchal de Camp, &amp; qu’il n’est permis qu’aux Brigadiers de conserver
            des Regimens, à moins d’en avoir une permission particuliere ; ce qui ne s’accorde qu’à
            peu de personnes. L’aîné des freres de feu M<hi rend="sup">r</hi> d’Imecourt est
            Lieutenant General, Lieutenant des Gendarmes, &amp; Gouverneur de Montmedy. On peut dire
            que la valeur &amp; le zele pour le service du Roy sont hereditaires dans cette
            Famille.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> de Chartogne, dont toutes les Relations avoient parlé de la
            blessure, comme d’une blessure tres-legere, mourut 4 heures aprés avoir esté fait
            prisonnier. Monsieur le Duc de Savoye, qui avoit des raisons pour empêcher que sa mort
            ne fut sçuë, donna des ordres par lesquels il défendit de la publier : Il estoit
            Lieutenant General, &amp; Directeur General d’Infanterie. Sa valeur &amp; ses
            belles actions l’avoient élevé par degrez à ces deux grands Emplois. Il avoit servi dans
            le Regiment d’Artois, où il avoit esté Capitaine de Grenadiers, &amp; Lieutenant Colonel
            de ce Regiment. Il fut ensuite Lieutenant de Roy de Barcelone, dont il touchoit encore
            les appointemens, lorsqu’il est mort. Il s’étoit tellement distingué par un nombre
            infini de belles qualitez, qu’il avoit esté fait Officier General sans avoir esté
            Colonel. Le Roy a jugé à propos de supprimer aprés sa mort la Direction generale,
            persuadé qu’il suffisoit que les troupes eussent des Inspecteurs ; ainsi à mesure que
            ceux qui ont des Directions generales viendront à deceder, leur Direction sera
            supprimée. Feu M<hi rend="sup">r</hi> de Chartogne a vû mourir avant luy deux de ses
            enfans qui estoient dans le service, &amp; dont il y avoit lieu d’esperer beaucoup,
            puisqu’ils marchoient sur les traces de leur pere.</p>
          <p>Depuis la journée du 26. de Decembre, jusqu’au 18. de Janvier, il ne s’est rien passé
            de considerable devant Veruë, &amp; les combats ont esté plus grands &amp; plus
            sanglants sous terre qu’ils n’y sont ordinairement. Monsieur de Vendosme ayant fait
            soutenir ses mineurs par des Grenadiers, 3. de nos mineurs ont esté tuez dans ces
            combats &amp; les Ennemis en ont perdu onze.</p>
          <p>Le 4. de ce mois on vit arriver de Turin 2. bataillons, l’un d’Aost de 200. hommes,
            &amp; l’autre de Tarantaise.</p>
          <p>Le 9. il y avoit sept nouvelles pieces de canon déja arrivées, &amp; vingt autres les
            devoient suivre de prés. La Relation qui suit vous apprendra ce qui s’est passé
            depuis.</p>
          <quote>
            <label>Au Camp devant Veruë ce 18. Janvier 1705.</label>
            <p><hi rend="i">Depuis ma derniere Lettre il n’y a rien icy de nouveau, sinon que les
                mines que les ennemis ont fait sauter, &amp; les nostres ont entierement ruiné la
                courtine des fausses-brayes, les caponieres &amp; le reste des murailles
                des deux bastions de l’attaque. La seconde envelope est aussi ruinée à un point
                qu’on y peut monter, mesme à cheval. On voit aussi le jour à travers de la troisiéme
                envelope, &amp; elle est aussi abbatuë à la hauteur au moins de deux hommes ; si
                bien que si quelque chose empesche Monsieur de Vendôme de monter à l’assaut, c’est
                qu’il veut que cette troisiéme envelope soit aussi entierement ruinée. La
                consequence est que tous les bastions sont ou minez, ou contreminez, &amp; qu’avant
                l’assaut Son Altesse veut faire marcher les troupes si viste, que les ennemis
                n’ayent pas le temps de mettre le feu à leurs mines ; ce qui arrivera d’autant plus
                surement que les saucissons de chacune des mines de chaque bastion, partent tous de
                derriere la derniere envelope. Son Altesse a fait faire une batterie nouvelle qui
                bat la courtine qui est entre le Donjon &amp; les ouvrages de la Ville. Dés que
                cette courtine sera à bas, on pourra monter avec de bonnes troupes par cette breche,
                pour se rencontrer le jour de l’attaque avec les troupes qui monteront par les
                breches des bastions. On rend l’attaque plus sûre en la differant ainsi, &amp; on
                ruine l’armée des ennemis. On ne nous tuë presque personne à la tranchée, &amp; il
                n’y a point de jour, l’un portant l’autre, qu’il ne deserte aux ennemis dix ou douze
                fantassins, &amp; deux ou trois hommes de cheval. Mr le Comte d’Estain s’est avancé
                avec toute nostre Cavalerie, quelques Bataillons &amp; huit ou dix Compagnies de
                Grenadiers. On dit icy que c’est seulement pour la subsistance ; mais il y a
                surement quelque chose de plus. Je ne sçay qu’en penser, si ce n’est pour tomber sur
                quelque endroit qui puisse oster à Monsieur de Savoye la communication de Turin avec
                Veruë.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Les gelées ont cessé depuis trois jours, &amp; il est tombé de la neige
                de quatre pieds de haut. Il fait aujourd’huy une petite pluye qui découvrira
                bien-tost la terre. Si elle continuë le Pô deviendra assez haut pour emporter encore
                une fois le Pont de Crescentin.</hi></p>
          </quote>
          <p>Vous voyez que par la situation où se trouvoient le 18. toutes les choses qui regardent
            ce Siege, il y a lieu d’esperer que la Place sera bien-tost prise, &amp; je ne doute
            point qu’elle ne se soit renduë, ou qu’elle ne soit emportée d’assaut avant que vous
            receviez ma Lettre. Jamais on a vû une plus heureuse disposition, &amp; celuy qui a
            écrit cette Relation fait voir qu’il entend parfaitement bien la guerre, &amp; que
            Monsieur de Vendôme la sçait si bien faire, qu’il est impossible d’aller plus loin dans
            ce métier.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-01_349">
          <head>[Detail de ce qui s’est passé à la ceremonie du mariage de Mr le Comte de Rupelmonde
            avec Mlle d’Alegre]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1705 [tome 1], p. 349-377.</bibl>
          <p>Le 25<hi rend="sup">e</hi> de ce mois M<hi rend="sup">r</hi> le Comte de Rupelmonde,
            sujet du Roy d’Espagne, épousa Mlle d’Alegre, seconde fille de M<hi rend="sup">r</hi> le
            Marquis d’Alegre Lieutenant General des Armées du Roy, &amp; qui commande celle de la
            Moselle. La Ceremonie des Fiançailles se fit le même jour, sur le midy, dans l’Eglise de
            S. Suplice, en presence d’un grand nombre de personnes de la premiere qualité. M<hi
              rend="sup">e</hi> la Marquise d’Alegre, qui ne fait rien qu’avec beaucoup de Noblesse,
            donna un magnifique repas à cette illustre Assemblée. Monsieur le Duc &amp; Madame la
            Duchesse d’Albe furent de cette Feste ; &amp; le soir du même jour, Leurs Excellences en
            donnerent à cette occasion une des plus grandes que l’on ait vuës à Paris depuis
            long-temps. La Nôce se fit dans leur Hôtel, &amp; la ceremonie du Mariage dans leur
            Chapelle. Voicy le détail de cette magnifique Feste. Sur les six heures du soir, ceux
            qui en estoient priez commencerent à se rendre chez Monsieur le Duc d’Albe. Tout le
            plein-pied de son Appartement étoit éclairé d’une infinité de grosses bougies ; &amp;
            celuy de Madame la Duchesse estoit éclairé de même. Ces deux Appartemens sont des plus
            beaux, &amp; des plus richement meublez. Il y avoit dans celuy de Monsieur le Duc,
            plusieurs tables de jeu, &amp; dans une des pieces un tres beau Concert. Ceux qui aiment
            la Musique avoient de quoy se contenter en arrivant, &amp; ceux qui preferent le Jeu à
            d’autres plaisirs, n’avoient qu’à choisir à quel jeu ils vouloient joüer. La jeunesse
            prit le parti de dancer ; &amp; on commença un petit Bal qui dura jusqu’à neuf heures
            &amp; demie, qu’on se mit à Table. On n’avoit compté que sur trente cinq ou quarante
            couverts, &amp; plus de quatre-vingt personnes s’y trouverent, tous Sujets des Rois de
            France &amp; d’Espagne. Tout autre que Monsieur le Duc d’Albe auroit esté
            embarassé, mais la grandeur &amp; la magnificence dont il vit, &amp; le
            nombre &amp; l’attention de ses domestiques le tirerent bien-tôt de peine. Le soupé n’en
            fut pas differé d’un quart d’heure. On servit dans le moment deux grandes Tables, outre
            celle qui estoit préparée pour le nombre des personnes qu’on attendoit. Il ne s’en est
            guere vû de plus somptueuse, de plus delicate, ny de mieux servie. Un fort riche
            sur-tout d’Argent, &amp; d’un beau travail, chargé de plusieurs bougies, en remplissoit
            &amp; en ornoit le milieu. La Table estoit beaucoup plus longue que large, mais bien
            proportionée. Il y avoit dans la longueur, à droite &amp; à gauche du
            sur-tout, trois grands bassins de chaque costé, &amp; le tout estoit bordé de vingt six
            plats, &amp; d’un pareil nombre de hors-d’œuvre. Il y eut dans la même symmetrie, trois
            services de viande, &amp; un d’entremets. Quant au dessert, le dessein en fut tout
            nouveau, &amp; tout le monde avoüa qu’il ne s’en estoit point encore vû de mieux
            entendu, de plus delicat, ny de plus agréable à la vûë. Deux grandes corbeilles
            d’environ trois pieds de long, sur deux pieds de large, à costé du sur-tout, s’élevoient
            en forme de grottes, percées à jour de tous costez. Les centres en estoient brillans,
            bien colorez &amp; chargez ainsi que tout les dedans de ces grottes, des plus rares
            confitures seiches. Deux autres grandes corbeilles, d’un dessein different, se voyoient
            ensuite dans le long de la Table, &amp; deux autres de pareille grandeur dans le large ;
            elles estoient également chargées de differens compartimens de confitures seiches des
            plus exquises. D’autres corbeilles du plus beau &amp; du plus rare fruit, les
            accompagnoient de tous côtez, &amp; le tout estoit bordé d’autant de compotes
            differentes qu’il y avoit eu de hors-d’œuvres, à chacun des autres services. De grands
            pots d’argent remplis des Liqueurs les plus exquises, estoient distribuez le long de la
            Table ; &amp; les liqueurs les plus estimées y furent prodiguées, ainsi que les Vins les
            plus rares. Les deux autres Tables furent servies avec une magnificence égale, &amp;
            sans aucune confusion. On demeura prés de deux heures à Table, &amp; on fut diverti
            durant ce temps-là par une excellente Musique. A peine le Soupé fût-il fini, qu’on
            recommança le Bal : on l’interrompit aussi-tôt, qu’on fut averti de
            l’arrivée de M<hi rend="sup">r</hi> l’Evêque de Blois, qui devoit faire la Ceremonie,
            &amp; on se rendit à la Chapelle de cet Hôtel. Ce Prélat, qui a toûjours autant édifié
            par sa conduite, qu’il instruit par ses entretiens, fit d’abord un discours, qui quoique
            court, estoit rempli de l’onction, &amp; de la force qui accompagnent &amp; ce qu’il dit
            &amp; ce qu’il fait. A l’issuë de la Messe, on conduisit les nouveaux Mariez à l’Hôtel
            d’Alegre. Les Jardins de ces deux Hôtels se touchant, on les trouva tres bien illuminez,
            &amp; le vestibule, le grand escalier &amp; l’appartement de M<hi rend="sup">e</hi>
            d’Alegre estoient illuminez, &amp; éclairez de même. Pendant que l’on couchoit les
            nouveaux Mariez, les filles, qui ne se trouverent point à cette Ceremonie,
            recommencerent le Bal avec les meilleurs Danceurs, dans l’appartement de Monsieur le Duc
            d’Albe. Tout le monde y revint aprés le couché des nouveaux Mariez : on y servit encore
            toute sorte de glaces, des Liqueurs, des Oranges &amp; des Confitures seiches. Plusieurs
            personnes se remirent au jeu, &amp; le Bal &amp; le jeu ne finirent qu’à quatre heures
            du matin. On ne peut assez exprimer de qu’elle maniere noble &amp; aisée, Monsieur le
            Duc &amp; Madame la Duchesse d’Albe font les honneurs chez eux, il suffit de les avoir
            vûs, pour n’estre plus surpris de tout ce qu’on trouve en eux, de grandeur &amp; de
            politesse. Leurs manieres nobles &amp; douces &amp; un caractere de bonté qui se répand
            dans tout ce qu’ils font, leur attirent aussi le cœur de tous ceux qui les approchent.
            C’est ce que se disoient à tous momens ceux qui se trouverent à cette grande Feste.
            Voicy les noms des principales personnes qui en estoient. Madame la Princesse des
            Ursins ; Madame la Mareschale Duchesse de Bouflers ; Madame la Princesse de Monbazon ;
            Madame la Duchesse d’Aumont ; M<hi rend="sup">e</hi> la Marquise de Crequi sa belle
            sœur ; M<hi rend="sup">e</hi> la Comtesse d’Egmont ; Madame la Duchesse de Rohan ; Mlle
            de Rohan sa fille, &amp; Mlle de Furstemberg ; Madame la Duchesse de Chatillon ; Madame
            la Duchesse de S. Pierre ; M<hi rend="sup">e</hi> la Comtesse de Solre &amp; Mlle de
            Solre sa fille, M<hi rend="sup">e</hi> de Croissi, M<hi rend="sup">e</hi> la Marquise de
            Bousols, &amp; Mlle de Croissi ses filles ; M<hi rend="sup">e</hi> la Marquise de
            Florensac, M<hi rend="sup">e</hi> de Barbezieux, M<hi rend="sup">e</hi> de Meyercron ;
              M<hi rend="sup">e</hi> de Beuvron ; M<hi rend="sup">e</hi> de Fimarcon ; Monsieur le
            Duc de Coeslin ; Monsieur le Duc de Chatillon ; Monsieur le Prince de Bournonville ;
            Monsieur le Duc de Bisache &amp; M<hi rend="sup">r</hi> son frere ; M<hi rend="sup"
              >r</hi> le Comte de Solre, M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis d’Urfé, Monsieur le
            Prince de Bergue ; Monsieur le Prince d’Aquaviva, Monsieur le Prince de Robecq ; M<hi
              rend="sup">r</hi> le Comte Chacq ; M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis de Crevecœur, le
            fils de M<hi rend="sup">r</hi> de Meyercron ; M<hi rend="sup">r</hi> le Comte &amp; M<hi
              rend="sup">r</hi> le Chevalier de S. Germain Beaupré ; M<hi rend="sup">r</hi> de
            Carraccivolo ; M<hi rend="sup">r</hi> Pignatelli, &amp; plusieurs autres. M<hi
              rend="sup">e</hi> la Marquise d’Alegre en faisoit les honneurs, ainsi que Monsieur le
            Duc &amp; Madame la Duchesse d’Albe. Il ne paroissoit pas que Leurs Excellences
            donnassent aucun ordre ; mais on s’apercevoit bien que parmi le grand nombre de leurs
            domestiques, elles estoient obeïes par tout, sans qu’il parust aucun embarras &amp;
            aucune confusion. Monsieur le Duc d’Albe qui n’a rien tant à cœur que de voir toûjours
            les deux Nations dans la liaison parfaite qui les unit, estoit charmé de voir tant de
            dignes Sujets du Roy son Maître, lier une étroite amitié, avec les François. C’est dans
            cet esprit qu’il a esté charmé de ce Mariage, &amp; qu’il en a témoigné sa joye par des
            demonstrations aussi éclatantes. Outre l’estime qu’il a pour la Maison d’Alegre, &amp;
            le cas qu’il fait des nouveaux Mariez, il se sent porté par des sentimens dignes de luy
            à contribuer de son mieux à faire &amp; à entretenir de pareilles liaisons entre les
            deux Nations. Il ne tiendra ny à son affection ny à son zele, que cet exemple ne soit
            suivi de beaucoup d’autres. Il a pour les interests de sa patrie, ce cœur qui a consacré
            le nom &amp; les services de ses Peres, &amp; il a pour la France, cette estime &amp;
            cette affection que les grands hommes ne refusent jamais à la justice &amp; à la droite
            raison.</p>
          <p>A l’égard des nouveaux Mariez, ils ne sont pas moins assortis par leurs Personnes &amp;
            par leur âge, que par leur naissance &amp; par leurs belles qualitez. M<hi rend="sup"
              >r</hi> le Comte de Rupelmonde est fort bien fait. Il est d’une taille avantageuse, il
            a l’abord noble, un acceuil prévenant, le regard gratieux, &amp; tout ce
            qu’on voit en luy parle à son avantage. Il a de la douceur dans ses discours &amp; de la
            grace dans ses manieres. Il a des sentimens d’honneur qui se repandent dans sa
            conduite ; &amp; une attention à ses devoirs qui passe jusqu’au moindres bien-seances.
            Qui le connoît l’estime, &amp; qui le voit pense toûjours quelque chose en sa faveur.
              M<hi rend="sup">e</hi> la Comtesse de Rupelmonde a tous les avantages de son sexe,
            &amp; d’une belle éducation. Elle est belle, elle a de la douceur, elle est polie, sa
            raison devance son âge, &amp; l’égalité de son humeur fait honneur à son sexe &amp; à sa
            beauté. Elle a un riche naturel, une ame qui se porte au bien d’elle-même, &amp; un cœur
            qui ne paroit accessible à aucune foiblesse. Elle s’est renduë comme naturelle la
            pratique des vertus, &amp; elle trouve dans son sang, ce penchant au bien, que son
            éducation &amp; les exemples domestiques l’ont accoutumée à écouter &amp; à suivre. On
            luy trouve tous les jours quelque perfection nouvelle, &amp; l’envie &amp; la malice
            n’ont encore pû faire découvrir en elle aucun défaut, ny mesme luy en faire supposer. On
            n’est pas surpris de sa bonne grace aprés l’avoir vû dancer, &amp; on ne s’étonne pas de
            luy trouver tant de raison &amp; tant de conduite, quand on connoît l’esprit, la vertu,
            le &amp; merite de M<hi rend="sup">e</hi> la Marquise d’Alegre, sa Mere, qui a pris soin
            elle mesme de l’élever, &amp; qui n’a rien épargné pour une éducation, qu’un aussi riche
            naturel rendoit aisée, &amp; dont les suites ne pouvoient rien avoir de douteux. Je ne
            vous diray rien icy de la Maison d’Alegre. Ce nom est si grand &amp; si connu &amp; je
            vous en ay parlé en tant d’autres rencontres, que je ne ferois que repeter ce que j’en
            ay dit, ou vous parler de ce que vous sçavez, &amp; que personne n’ignore. Quant à M<hi
              rend="sup">r</hi> le Comte de Rupelmonde, il tire son origine de la Maison de
            Boulogne, ainsi qu’il est prouvé par de bons Titres. Je ne vous donneray icy qu’un
            extrait succint de la Genealogie de cette ancienne Maison.</p>
          <quote>
            <label>LIGNE DIRECTE<lb/>de la Maison de Boulogne-Licques.</label>
            <p>Eustache Cuens de Boulogne, surnommé <hi rend="i">Auguienen</hi>, épousa Yde, fille
              de Godefroy le Bon, Duc de Boüillon &amp; de Lorraine. Godefroy de Boüillon, Baudoin,
              Roy de Jerusalem &amp; Eustache, Comte de Boulogne, sont issus de ce mariage.</p>
            <p>Eustache, Comte de Boulogne épousa Marie, fille de Maleome, Roy d’Ecosse, dont est
              issu Eustache de Boulogne, qui fut tué devant Rama en 1107. deux de ses freres y
              perdirent aussi la vie. Ce dernier avoit épousé Gabine, fille de Bodebacque, Jacque,
              Seigneur de Wauvin. Ils eurent pour enfant, Godefroy de Boulogne, qui n’avoit que
              trois ans lorsqu’Eustache son pere, fut tué. Eustache, son Ayeul, l’envoya à la Cour
              de Baudoin son grand oncle, &amp; Roy de Jerusalem. Aprés avoir servi dans ses armées,
              il commanda sa Gendarmerie. Il deffit les Sarrasins en plusieurs rencontres, &amp; il
              fut fait prisonnier. On le conduisit à Antioche, où il demeura en captivité. Nogora,
              fille du Roy d’Antioche, touchée du merite &amp; du malheur de Godefroy,
              embrassa sa Religion, se fit Chrêtienne &amp; l’épousa. Dans le temps qu’ils se
              sauvoient ensemble, ils furent atteints par ceux qui avoient ordre de les poursuivre.
              Godefroy fut tué dans le combat, &amp; Nogora fut ramenée chez le Roy son pere, où
              elle accoucha d’un fils, nommé <hi rend="i">Noradin de Boulogne</hi>. Il passoit pour
              un des plus braves Chevaliers de son temps, &amp; pour ennemy declaré des Chrestiens.
              Philippe d’Alsace, Comte de Flandre, le retira d’entre les mains des Chrestiens qui
              l’avoient fait prisonnier, &amp; le mena en Flandre, où il le remit entre les mains de
              ses parens &amp; de ses amis. Deux ans aprés Noradin se convertit. Il fut baptisé à
              Bruges dans l’Eglise de saint Donat &amp; nommé Eustache, ainsi que son Ayeul. On luy
              donna la Chastellenie de Lens. Enfin il retint les armes qu’il avoit avant sa prison.
              Il portoit écartelé d’or &amp; de sable. Il épousa Matilde de Jausse dont il eut Jean
              de Boulogne premier du nom, Chastelain de Lens en Artois. Il eut de Marie d’Enghien sa
              femme, Baudoin de Boulogne, Chastelain de Lens, qui épousa Sara de Mello, &amp; en eut
              Jean de Boulogne, second du nom, pareillement Chastelain de Lens. Il épousa Isabeau de
              Brimen, dont nâquit Jean de Boulogne, troisiéme du nom, aussi Chastelain de Lens.
              Marie d’Esne, Dame du Conroy fut sa femme, dont il eut François de Boulogne,
              Chastelain de Lens, &amp; Seigneur de Chamblinton. Il épousa Leonore de Licques, Dame
              &amp; Baronne dudit lieu, dont il eut Jean de Boulogne quatriéme du nom, Chastelain de
              Lens, Seigneur de la Comté de Raicourt, de Comelin, Baron de Licques &amp; de
              Bommingue. Il épousa Catherine de Bethune, fille du Seigneur d’Havesszerthe. Ils
              eurent plusieurs enfans, &amp; entr’autres Charles de Boulogne, Amiral de France,
              &amp; Jean de Boulogne, cinquiéme du nom, surnommé <hi rend="i">Agrive</hi>,
              Chastelain de Lens, Baron de Licques, &amp; de Bommingue, Seigneur de Raicourt &amp;
              Comte de Stéenvorde, qui s’allia avec Marguerite d’Allennes, Dame de Ternaset &amp;
              d’Essorbe. Jean de Boulogne sixiéme du nom, Chastelain de Lens, &amp; Baron de Licques
              fut leur fils. Il épousa Jeanne de Stavelle dont il eut Jacques de Boulogne,
              Chastelain de Lens, Baron de Licques, Seigneur de Lyeres, &amp; Conseiller Chambellan
              de l’Empereur Charles V. Il épousa Jeanne de Fay, fille du Seigneur de Hully, Maistre
              d’Hôtel de Charles VII &amp; de Louis XI. Rois de France, de laquelle il eut François
              de Boulogne, Seigneur de Raicourt, Chastelain de Lens. Il se maria avec Barbe de
              Morbecq de S. Omer Philippe de Boulogne fut son fils. Il estoit Baron de Licques &amp;
              Gouverneur de Tournay. Il épousa Jeanne de Wilhem, dont il eut Philippe de Boulogne,
              Baron de Licques ; il fut marié à Marguerite de Stéelant. Servais de Boulogne, son
              fils, Baron de Licques, &amp; de VVissekerke, épousa Marguerite de Robles, dont il eut
              Philippes de Boulogne, Baron de Licques. Il se maria avec Madelaine de Baërlant, &amp;
              en eut N.… de Boulogne, Baron de Licques, Comte de Rupelmonde, Baron de VVissekerke,
              qui a épousé N.… Baronne de Truches, Comtesse de Volseg, fille de Maximilien
              Winebolde, Baron de Truches, &amp; de Claire Isabelle, Duchesse d’Arambergh, dont il a
              eu Maximilien de Boulogne, Baron de Licques, Comte de Rupelmonde qui vient d’épouser
              Mlle d’Alegre, fille de Mr le Marquis d’Alegre, Commandant l’Armée du Roy, sur la
              Moselle.</p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-01_377">
          <head>Enigme</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1705 [tome 1], p. 377-380.</bibl>
          <p>Le mot de l’Enigme du mois passé étoit <hi rend="i">la Bombe</hi>. Ceux qui l’ont
            trouvé sont, Mrs de Vaux, Avocat au Parlement de Bretagne, &amp; Seneschal de la
            Thebaudays : Bardet &amp; son ami Duplessis, Maistre Chirurgien au Mans : Robinet proche
            S. Pierre aux bœufs : Nochié de l’Hostel Nicolaï, rue Bourtibourg : Fleurant de
            Grimaudin : le Doyen de la Montagne &amp; son ami Caron : le cadet barbier du balcon
            d’Avignon : l’Ami content de Versailles : l’Archimede de l’Isle Nostre-Dame &amp; son
            ami Pythagore de la rue Geoffroy-l’ânier : l’aîné des trois freres : le Vainqueur de la
            rue de Savoye : &amp; les charmants Oiseaux du quartier saint André. Mlles Thain de la
            rue neuve saint Paul, &amp; son amie des Sales de la rue de la Verrerie : Sauvage, du
            quartier S. André : Saumon, de la rue des Gravilliers &amp; son amie le Vasseur : la
            bergere climene &amp; son berger Tirsis : l’Aimable tante de Julie : la belle enrumée de
            la belle étoille de la rue S. Severin, &amp; son ami le banquier : la
            Précieuse de la même rue : la petite Etoille &amp; son berger, aussi de la
            même rue S. Severin : Tamiriste &amp; sa fille Angelique : la plus belle &amp; gracieuse
            Dame du Cloître Nostre-Dame : la cadette des trois aimable sœurs de la rue S. Jacques ;
            la grosse femme du coin de la rue de Savoye : du Rondet, le grand voyageur : &amp;
            Dellille, Officier d’esperance.</p>
          <p>Je vous envoye une Enigme nouvelle.</p>
          <quote>
            <label>ENIGME.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Mon corps est dur est plat, ma taille est inégale,</hi></l>
              <l><hi rend="i">On me charge souvent d’un auguste blason ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quel sort plus glorieux ! cependant on m’étale</hi></l>
              <l><hi rend="i">Au pied d’un sombre mur : sage précaution.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pendant l’Esté je suis, en certains lieux cachée ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">A lors humide &amp; froide, on me tourne le dos :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais en Hyver par tout découverte, échauffée,</hi></l>
              <l><hi rend="i">On vient auprés de moy conferer en repos.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le feu, qui fait changer ma couleur naturelle,</hi></l>
              <l><hi rend="i">M’altere lentement. Je tiens bon contre luy,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pendant un siécle entier, &amp; ma substance est telle,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que je conserve encor ce qui me sert d’appuy.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-01_396">
          <head>[Dernier voyage de Marly]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1705 [tome 1], p. 396-398.</bibl>
          <p>La Cour a demeuré pendant les huit derniers jours de ce mois à Marly, &amp; elle y a
            pris les divertissemens que les personnes les plus severes ne se refusent point dans
            cette saison. Elle est heureuse que ces divertissemens se soient passez sous les yeux du
            Roy, ce qui les rend plus épurez : quand je dis sous les yeux du Roy, je
            n’entens pas que ce Prince y ait demeuré present pendant tout le temps
            qu’ils ont duré, il en voit seulement les commencement &amp; va ensuite travailler avec
            ses Ministres jusqu’à l’heure du soupé. Les divertissemens qui ont regné pendant les
            huit jours dont je viens de vous parler, sont la Musique &amp; le Bal, alternativement,
            dans lequel Madame la Princesse d’Angleterre a brillé. On a joüé &amp; chassé pendant
            tous les autres jours, &amp; le Roy a toûjours pris ce dernier divertissement, parce
            qu’il est utile à sa santé, &amp; que s’éloignant beaucoup des personnes qui
            l’accompagnent il trouve moyen par là de resver à ses affaires, en attendant l’occasion
            de tirer.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1705-02">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, février 1705 [tome 2]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-02_5">
          <head>[Prelude. Relation du dernier Combat Naval, faite par Mr le Chevalier d'Infreville,
            premier Chef-d'Escadre]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1705 [tome 2], p. 5-6.</bibl>
          <p>Ie croy ne pouvoir mieux commencer ma Lettre qu’en vous disant qu’il paroist depuis peu
            un Livre intitulé <hi rend="i">Discours historique du Regne de</hi>
            <hi rend="sc">Louis le Grand</hi>, XIV. <hi rend="i">du nom, Roy de France &amp; de
              Navarre</hi>. Cet Ouvrage merite l’attention de tous ceux qui aiment le Roy,
            c’est-à-dire de tous ses Sujets ; jamais Souverain n’ayant esté plus digne de
            leur estime &amp; de leur amour. M<hi rend="sup">r</hi> Mirat de la Tour, Gouverneur de
            Tulles, est l’Auteur de ce Livre. Il se vend chez le sieur Jean-Baptiste Coignard, ruë
            Saint Jacques, à la Bible d’or.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-02_57">
          <head>[Nouveau Traité pour apprendre la Geographie]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1705 [tome 2], p. 57-59.</bibl>
          <p>On a composé depuis peu en faveur des jeunes gens un traité intitulé. <hi rend="i"
              >Methode abregée &amp; faite pour apprendre la Geographie, où l’on décrit la forme de
              Gouvernement de chaque pays, ses qualitez, les mœurs de ses habitans, &amp; ce qu’il y
              a de plus remarquable, avec un abregé de la Sphere.</hi> Cette Methode est un traité
            fait pour ceux qui ne veulent s’appliquer à cette science que pour en sçavoir autant
            qu’il est necessaire à la plûpart des gens du monde. Comme les Traitez qui sont contenus
            en plusieurs Volumes paroissent ordinairement ennuyeux à ceux qui commencent à apprendre
            la Geographie, on a cru qu’il falloit que cette methode fust plus courte ; l’Auteur
            neanmoins a jugé à propos d’y joindre un peu d’Histoire, &amp; de décrire en peu de mots
            la forme du Gouvernement de chaque Pays, ses qualitez, les mœurs de ses habitans &amp;
            ce qu’on y trouve de plus remarquable : Cette methode, qui comprend la Geographie
            entiere, à laquelle on a joint un Abregé de la Sphere, est renfermée dans un Volume in
            douze, que l’on vend quarante sols, chez Augustin Brunet dans la grande Salle du Palais,
            au quatriéme Pilier, au Louis Couronné.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-02_64">
          <head>[Divertissemens donnez au Palais Royal par S.A.R Monsieur le Duc d’Orleans, &amp;
            par Mademoiselle]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1705 [tome 2], p. 64-74.</bibl>
          <p>Il y eut au commencement de ce mois au Palais Royal un divertissement qui charma tous
            ceux qui eurent le bonheur de s’y trouver. Plus de 80. Concertans des plus habiles dans
            leur Art y firent une repetition sous la conduite de M<hi rend="sup">r</hi> Gervais d’un
            Opera intitulé, <hi rend="i">Suite de l’Opera de Renaud &amp; d’Armide</hi>. La surprise
            des Auditeurs fut grande, &amp; quoiqu’ils eussent attendu beaucoup, ce qu’ils
            entendirent fut trouvé beaucoup au dessus de ce qu’ils attendoient, &amp; les
            applaudissemens donnez naturellement aux beaux endroits, comme si les Auditeurs avoient
            esté de concert de les donner en même temps, furent si grands, qu’ils estoient capables
            d’interrompre les Concertans. Je croy ne devoir rien dire davantage de ce
            divertissement, sinon qu’il semble qu’Apollon Dieu de la Musique ait versé ses
            connoissances dans le sein de quelqu’autre Dieu : je dis de quelqu’autre Dieu, parce
            qu’il est des hommes que leur naissance &amp; leur merite mettent au dessus des Dieux de
            la Fable.</p>
          <p>Ce Concert estant finy, S. A.R. Monsieur le Duc d’Orleans &amp; tous ceux qui avoient
            eu le plaisir d’entendre le Concert dont je viens de vous parler, allerent dans
            l’Appartement de Mademoiselle, où cette Princesse donnoit le Bal à plusieurs Princes
            &amp; Princesses, Seigneurs &amp; Dames que cette Princesse y avoit fait inviter. Voicy
            leurs noms, non pas selon l’ordre de leur naissance, mais selon qu’ils sont venus à ma
            connoissance. Je dois vous dire auparavant que Mademoiselle de Chartres &amp;
            Mademoiselle de Valois accompagnoient Mademoiselle.</p>
          <quote>
            <p>Monsieur le Comte de la Marche.</p>
            <p>Monsieur de Marsan.</p>
            <p>Monsieur de Villeroy.</p>
            <p>Monsieur de Cossé.</p>
            <p>Monsieur d’Epinoy.</p>
            <p>Monsieur de Soubise.</p>
            <p>Monsieur le Marquis de Villequier.</p>
            <p>Monsieur de Castres.</p>
            <p>Monsieur de Mayercroom.</p>
            <p>Monsieur de Ratabon.</p>
            <p>Monsieur de Ramboüillet.</p>
            <p>Monsieur de Lux.</p>
            <p>Monsieur de Blansac.</p>
            <p>Monsieur de la Motte.</p>
            <p>Monsieur de Neesle.</p>
            <p>Messieurs Tamboneau.</p>
            <p>Monsieur de Torrigny.</p>
            <p>Monsieur de Tourville.</p>
            <p>Monsieur de Rouvroy.</p>
            <p>Messieurs de Listenoy.</p>
          </quote>
          <quote>
            <p>Mademoiselle de Conty.</p>
            <p>Madame de Rupelmonde.</p>
            <p>Madame de Nangis.</p>
            <p>Madame &amp; Mademoiselle d’Entragues.</p>
            <p>Madame de Langeron.</p>
            <p>Madame Tamboneau.</p>
            <p>Madame &amp; Mademoiselle d’Autefeüille.</p>
            <p>Madame &amp; Mademoiselle de Courtenay.</p>
            <p>Madame de Croissy &amp; Mesdemoiselles ses filles.</p>
            <p>Mademoiselle de Villefranche.</p>
            <p>Madame &amp; Mademoiselle de Guiscar.</p>
            <p>Madame de Cayavel.</p>
            <p>Madame &amp; Mademoiselle d’Armenonville.</p>
            <p>Mademoiselle de la Fare.</p>
            <p>Madame &amp; Mademoiselle de Luxembourg.</p>
            <p>Mademoiselle de Neuchastel.</p>
            <p>Madame &amp; Mademoiselle de Chatillon.</p>
            <p>Madame d’Arcos.</p>
            <p>Madame de Rafetot.</p>
            <p>Madame &amp; Mademoiselle de Bullion.</p>
            <p>Madame &amp; Mademoiselle de Villette.</p>
            <p>Madame de Villers &amp; deux Dames avec elle.</p>
            <p>Mesdames de Rouvroy &amp; de Feuquieres.</p>
            <p>Mademoiselle de Baufrémon.</p>
            <p>Madame &amp; Mademoiselle de Boüillon.</p>
            <p>Mesdames de Flavacourt, d’Hautefeüille &amp; de Castelnau.</p>
            <p>Madame de Foix &amp; Madame de Furstemberg.</p>
            <p>Mesdemoiselles de Bouchu &amp; de Boisselau.</p>
            <p>Madame de Ratabon.</p>
          </quote>
          <p>On ne peut rien ajoûter à la maniere magnifique &amp; galante dont toutes les Dames
            estoient coëffées, &amp; l’on voyoit une infinité de pierreries briller parmi les fleurs
            que les jeunes personnes employent aujourd’huy dans leurs coëffures ; de maniere qu’en
            entrant dans la Salle du Bal, on croyoit voir un parterre émaillé de fleurs &amp; de
            pierreries de toutes sortes de couleurs ; ce qui obligeoit tous ceux qui entroient, à se
            récrier d’abord sur la beauté du galant &amp; brillant spectacle dont leurs yeux
            estoient frappez. Mademoiselle ouvrit le Bal avec Monsieur le Comte de Marsan. Le reste
            de son habillement répondoit à sa galante &amp; riche coëffure, mais l’un &amp; l’autre
            se faisoient moins remarquer que la bonne grace de Mademoiselle, qui fait voir, quoy
            qu’encore dans sa plus grande jeunesse, un esprit beaucoup au dessus de son âge, des
            manieres nobles &amp; aisées, &amp; qui répondent à tout ce que l’on doit attendre de la
            grandeur de son Sang.</p>
          <p>Il y avoit dans l’appartement de M<hi rend="sup">e</hi> la Comtesse de Maré,
            Gouvernante des Princesses, plusieurs tables où l’on joüa, pendant tout le temps que
            dura le Bal ; les Joüeurs estoient</p>
          <quote>
            <p>Messieurs,</p>
            <p>De Monasterol.</p>
            <p>De Tury.</p>
            <p>De Perigny.</p>
            <p>D’Estampes.</p>
            <p>Desgranges, &amp; quelques autres.</p>
          </quote>
          <p>Pendant que l’on dançoit dans un appartement, &amp; que l’on joüoit dans l’autre, on ne
            cessa point de presenter des rafraîchissemens, &amp; la collation fut magnifique &amp;
            continuelle.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-02_74">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1705 [tome 2], p. 74-75.</bibl>
          <p>Les paroles de l’Air qui suit sont de M<hi rend="sup">r</hi> du Mez de la Fléche en
            Anjou.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Grand Dieu ! de qui dépend le destin des Monarques,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et qui de tes bontez as donné tant de marques</hi></l>
              <l> <hi rend="i">A celuy que nous possedons,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Daigne étendre tes soins sur sa Maison auguste,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et fai qu’un si grand Prince enrichi de tes dons,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ne soit pas moins heureux, qu’il est vaillant &amp; juste.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-02_101">
          <head>[Sur la mort du Père Menestrier]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1705 [tome 2], p. 101-141.</bibl>
          <p>Puisque vous souhaitez que je m’étende davantage que je n’ay fait le mois dernier, sur
            l’article de la mort du Pere Menestrier ; je vais satisfaire vostre curiosité, que je
            soupçonne d’un peu de mistere. Peut-estre avez-vous pensé, lorsque j’ay dit que je
            laissois dequoy faire un tres-bel éloge, à ceux qui parleroient aprés moy, que ce que je
            disois n’étoit que pour donner une plus haute idée de ce Pere, &amp; que je n’en sçavois
            rien davantage ; mais vous allez connoistre que je ne dis jamais rien contre la verité,
            même dans les choses où il est permis de ne la pas suivre avec servitude. Voicy ce que
            je croy devoir ajoûter à l’article de la mort du P. dont vous souhaittez
            d’avoir la suite de l’éloge.</p>
          <p>Peu d’Auteurs des derniers siecles ont fait plus d’honneur à la France que ce sçavant
            homme. La multitude d’Ouvrages sortis de sa plume, le talent qu’il avoit pour écrire
            l’Histoire, les découvertes qu’il y a faites &amp; les lumieres qu’il avoit pour
            foüiller dans l’antiquité la plus reculée, doivent rendre la perte que nous en venons de
            faire sensible à tous les gens de Lettres, sur tout aux Lyonnois ses compatriotes. Les
            peines qu’il a pris dans ces derniers temps pour écrire l’Histoire de sa Patrie, &amp;
            pour la donner dans sa pureté, &amp; purgée de toutes les fausses traditions, dont les
            Historiens qui l’ont précedé l’avoient embarrassée doivent rendre sa memoire
            prétieuse à tous ceux qui s’interessent pour la gloire de la Ville de Lyon,
            &amp; autant pour leur consolation que pour conserver à la posterité le souvenir de tous
            ses Ouvrages : en voicy un détail exact.</p>
          <p>Le plus considerable de tous &amp; celuy auquel il semble que la mort luy ait donné le
            temps de mettre la derniere main, est sa grande Histoire de Lyon en trois Volumes in
            folio. Le premier contient l’origine de cette Ville &amp; sa fondation, qui se trouve
            beaucoup plus ancienne que Clampier, Paradin &amp; de Rubis ne l’ont crû. Il y fait voir
            par des preuves incontestables qu’elle est une Colonie des Rhodiens, d’abord établis
            dans le Languedoc, entre Agde &amp; Beziers, &amp; depuis réfugiez en ce Pays-là aprés
            avoir esté chassez de celuy où ils s’étoient établis ensuite, ou par le passage
            d’Annibal &amp; des Colonies des Romains amenées par Marc-Antoine &amp; par
            Plancus ; il passe à la fondation du celebre Autel dedié à la Ville de Rome &amp; à
            Auguste dont il examine sur des monumens antiques, la matiere, la forme, le lieu, les
            Prestres, les Ceremonies, les Jeux, les Sacrifices, les Nations qui le bâtirent, par qui
            la dedicace en fut faite, &amp; en quel temps se fit l’établissement des grands chemins
            dont Lyon fut le centre ; de ses Gouverneurs sous les Empereurs Romains, de ses
            Magistrats, de son Commerce &amp; de sa Religion, à quoy il joint l’état présent
            de cette Ville, sa situation, son enceinte, &amp;c. On voit enfin la forme
            de son Gouvernement sous les Romains, sous les Empereurs, sous les Comtes sous les Rois
            de Bourgogne, sous l’Eglise &amp; sous nos Rois. Il traite aprés de la Senechaussée
            &amp; des autres Tribunaux de la Ville. La seconde Partie contient l’Histoire purement
            Consulaire, l’établissement des Corps de Communauté à Lyon, les démêlez des Habitans
            avec le Clergé, la Protection donnée par les Papes &amp; par les Rois aux Citoyens de
            Lyon, les Conseillers &amp; les Echevins, leur création, leur reduction à quatre &amp;
            aux Prevosts des Marchands ; l’Hostel de Ville &amp; les divers Tribunaux qui en
            dépendent ; la noblesse du Consulat avec le dénombrement des Conseillers, des Echevins,
            des Prevosts des Marchands avec leurs noms, qualitez, armories &amp; ouvrages publics
            faits sous chaque Consulat ; les Ceremonies Consulaires, habits &amp; les marques
            d’honneur des Officiers du Consulat, &amp;c. La troisiéme Partie contient l’Histoire
            Ecclesiastique de Lyon, qui en est aussi la partie la plus considerable. L’établissement
            de la Religion Chrestienne par S. Pothin &amp; S. Irenée, Disciples de S. Policarpe,
            venus d’Asie dans les Gaules ; les persecutions que cette Eglise naissante à souffertes
            &amp; ses Martyrs ; les Cryptes ou les premiers Chrêtiens se retiroient pour vaquer aux
            services de pieté, &amp; pour celebrer les divins Mysteres ; les Fondations d’Aisnay
            &amp; de l’Isle-Barbe qui ne furent d’abord que des Cryptes, où se retirerent quelques
            Anachoretes pour fuïr la persecution, l’établissement du Clergé &amp; la suite des
            Archevesques ; les donations faites à l’Eglise par les Rois, les Empereurs, les Ducs,
            &amp; les Comtes ; l’établissement des Paroisses, des Chapitres, les Conciles, les
            Synodes, &amp;c. La Primatie &amp; ses Officiers ; la forme de l’Eglise Cathedrale, ses
            trois Eglises, le nombre de M<hi rend="sup">rs</hi> les Comtes, leur reception, leurs
            preuves de Noblesse &amp; la maniere de les dresser ; les noms &amp; la suite des
            Doyens, des Archidiacres, Précenteurs &amp; des Chamarriers. Le Pere Menestrier rejette
            absolument l’opinion de ceux qui croyent que Plancus soit le Fondateur de Lyon. Il
            rapporte un Passage de Pline qui prouve démonstrativement que cette Ville fut bâtie au
            Pays des <hi rend="i">Segusiens</hi> qui étoient des Peuples libres. Cet Auteur
            distingue donc dans Lyon deux anciennes Villes, <hi rend="i">Lugudunum</hi> &amp; <hi
              rend="i">Lugdunum</hi> ; l’une déja bâtie où Lepide Silanus &amp; Plancus
            s’arresterent, selon Dion, &amp; l’autre qu’ils firent bâtir par leurs Soldats pour
            mettre à couvert des insultes des Allobroges, ceux qui auroient esté chassez de Vienne.
            Car les Habitans de <hi rend="i">Lugudunum</hi> cherchant à vivre en paix avec leurs
            voisins, ne voulurent pas recevoir chez eux ces Réfugiez ; mais ils souffrirent
            seulement qu’ils se retirassent dans l’entre-deux du Rhône &amp; de la Saône, &amp; ce
            fut là la source de l’ancienne jalousie que Tacite dit qui étoit entre ceux de Vienne
            &amp; de Lyon, ce que nul Historien de Lyon n’a remarqué avant le Pere Menestrier. Il
            fait voir ensuite que l’Inscription de Gaïette, dont parlent quelques Auteurs, ne peut
            servir d’Epoque à la Fondation de Lyon, &amp; il développe à ce sujet le Passage de
            Dion. Il remarque qu’étant en Italie en 1670. il alla exprés à Gaïette pour voir cette
            Inscription, mais que la deffiance du Gouverneur de la Citadelle où est cette
            Inscription, fut la cause qu’il ne la pût voir.</p>
          <p><hi rend="i">L’Origine des Armoiries</hi>, est un ouvrage qui a aussi fait beaucoup
            d’honneur au P. Menestriere, il y a recherché avec un soin extraordinaire la veritable
            époque de cette marque d’honneur, &amp; aprés avoir refuté avec beaucoup de solidité,
            Fauyn qui en son <hi rend="i">Theatre d’honneur</hi> fait les armoiries aussi anciennes
            que le monde ; Segoin qui fondé sur le 4<hi rend="sup">e</hi> Livre des Annales de
            Zonare Historien Grec, en attribué l’invention aux enfans de Noë ; Diodore de Sicile,
            qui en fait Auteurs les Egiptiens ; le sentiment de ceux qui se fondants sur
            le 2<hi rend="sup">e</hi> Chapitre des Nombres soutiennent que les Armoiries estoient
            déja connuës, lorsque les Hebreux sortirent d’Egipte, &amp; que les 12.
            Tribus répresentoient les 12. signes du Zodiaque, &amp; qu’ainsi les 12. Tribus avoient
            pour armes les Images de ces Constellations. Aprés avoir refuté, dis-je, les sentimens
            ridicules de ces Auteurs, &amp; de ceux qui ont formé les armoiries de Joseph, d’Ephraïm
            &amp; de Manassé sur les benedictions que Moyse donna aux Tribus (<hi rend="i"
              >Deut.</hi> 3.) qui ont crû que Joseph portoit un Soleil &amp; une Lune avec des
            pommes d’or, Ephraïm &amp; Manassé une tête de Taureau &amp; des cornes de Rhinoceros ;
            Ruben, des Mandragores, en memoire sans doute de celles qu’il porta à sa mere ; il
            détermine la veritable Epoque des armoiries au dixiéme ou à l’onziéme siecle, puisque de
            tous les tombeaux des Princes, des Seigneurs &amp; des Gentils-hommes faits avant ce
            temps-là, il n’en est aucun où l’on remarque des armoiries. Les plus anciens n’ont que
            des Croix &amp; des Inscriptions Gothiques, avec les representations de ceux qui y sont
            enterrez. Clement IV. qui mourut en 1268. est le premier de tous les Papes sur le
            Tombeau duquel on mit des armoiries. Le P. Menestrier remarque que les Sceaux &amp; les
            Monnoyes sont des preuves de cette verité ; puis qu’on n’y voit point d’Armes que depuis
            le 11<hi rend="sup">e</hi> siecle ; que Louis VII. dit <hi rend="i">le Jeune</hi>, qui
            regnoit vers l’an 1150. est le premier des nos Rois qui ait eu un contre-scel d’une
            fleur de Lys : que le plus ancien Sceau des Comtes de Flandre où l’on voit des
            armoiries, est celuy de Robert <hi rend="i">le Frison</hi>, attaché à un Acte de l’an
            1072. Il remarque encore dans ce sçavant traitté que les armes parlantes, c’est-à-dire
            celles qui expriment les surnoms, ne sont pas plus anciennes que l’usage des surnoms,
            qui commença au dixiéme siecle : que le Dauphiné, par exemple, n’a eu ce nom &amp; un
            Dauphin pour Armes que longtemps aprés l’onziéme siecle : que le Royaume de Naples n’a
            point d’autres armes que celles des Ducs d’Anjou, du Sang Royal de France, ses anciens
            Rois : que c’est d’eux aussi que la Provence à une Fleur de Lys &amp; un Lambel ; &amp;
            que l’un &amp; l’autre ne les ont que depuis le 13<hi rend="sup">e</hi> siecle : que le
            Portugal n’en a que depuis la Bataille d’Ourique, qui se donna au 12<hi rend="sup"
              >e</hi> siecle, &amp; que si la Navarre à des Chaînes &amp; qu’elle les ait reçûs de
              <hi rend="i">Sanche le fort</hi>, elles sont du 13<hi rend="sup">e</hi> siecle : le P.
            Menestrier convient que de tout temps il y a eu des marques Symboliques, pour se
            distinguer dans les Armées, &amp; qu’on en a fait les ornemens des Boucliers, des cottes
            d’armes &amp; des habillemens de tête ; mais que ces marques Symboliques n’ont point
            esté dans ces premiers temps, des marques hereditaires de Noblesse ; &amp; que c’est de
            cette maniere que le P. Petra-Sancta qui rapporte l’origine des Armoiries aux temps
            Heroïques qui ont commencé sous l’Empire des Assiriens, devroit s’expliquer ; qu’ainsi
            la Colombe des Assiriens, les devises des Boucliers de ceux qui combattirent devant la
            Ville de Thébes, &amp; dont Euripide fait un si beau détail ; que les Symboles que
            Valerius Flaccus donne aux Argonautes, doivent passer pour des marques Symboliques &amp;
            non pour des veritables Armoiries ; sans quoy il faudroit donner la même denomination
            aux figures qui estoient representées sur les Boucliers de ceux qui allerent au Siege de
            Troye, &amp; dont Homere, Virgile &amp; Pline parlent ; il renverse en un mot l’opinion
            de Philostrate, de Xenophon, &amp; de Q. Curce qui ont attribué le premier usage des
            Armoiries aux Medes &amp; aux Perses dans l’établissement de leurs Monarchies ; il dit
            enfin que les émaux qui entrent dans les armoiries sont ceux des anciens jeux du cirque
            qui passerent aux tournois.</p>
          <p>Nous avons du même Pere un excellent Traité des Medailles, un autre <hi rend="i">des
              Emblêmes &amp; des Devises</hi>. On peut dire qu’il a épuisé son sujet &amp; qu’il ne
            reste rien à dire aprés luy ; &amp; il a fait sur les Medailles tirées du Cabinet du
            R.P. de Chaise, l’Histoire du Regne du Roy dont il a eu l’honneur de presenter les deux
            éditions qui s’en sont faites à S.M. Cet Auteur étoit original pour les embellissemens,
            pour les decorations d’une Maison, &amp; pour l’ordre d’une fête ou d’un spectacle. Il
            fit peindre en 1662. dans la cour du College de Lyon l’Histoire de cette Ville en 24.
            bas reliefs qui en représentent les principaux évenemens, &amp; il avoit formé 3. ou 4.
            ans auparavant le dessein d’écrire l’Histoire du Roy par les Medailles, par les Jettons,
            par les Emblemes, par les Devises &amp; par les autres Monumens publics dont il présenta
            délors à S.M. une premiere idée en 16. devises. Il est Auteur de 4. Vers qui sont sous
            le Portrait de <hi rend="i">Vander-Meulen</hi> qui a peint par figures Allegoriques
            &amp; Symboliques les Conquêtes du Roy en plusieurs Tableaux qui sont à Marly, les
            voicy.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l><hi rend="i">C’est de Louis le Grand le Peintre inimitable,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui de ses plus beaux faits a peint la verité ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et qui sans le secours des couleurs de la Fable</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le montre tel qu’il est, à la posterité.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
          <p>L’an 1658. le jour de la Trinité le P. Menestrier fit representer devant le Consulat le
            magnifique Ballet dont on a tant parlé. Le sujet de ce Ballet regardoit les destinées de
            Lyon. M<hi rend="sup">r</hi> de la Salle estoit alors Prevost des Marchands, M<hi
              rend="sup">rs</hi> Bulliond Avocat du Roy, Rombaud de Champrenard, Duguay élû en
            l’Election, &amp; Hugues André sieur de Fromentes étoient Echevins. En 1660. à
            l’occasion de la publication de la Paix qui se fit à Lyon d’une maniere singuliere &amp;
            solemnelle, il fit la description de la marche de tous les Corps qui assisterent à cette
            ceremonie, ainsi qu’une relation de tous les feux de joye, de la plus part desquels il
            avoit fait le dessein, ils estoient ornez d’inscriptions, &amp; de devises &amp; il
            décrivit des Emblemes &amp; des Decorations faites sur le même sujet au College de la
            Trinité. On fit deux éditions de cet Ouvrage, l’une <hi rend="i">in folio</hi> avec
            toutes les figures gravées en cuivre, &amp; l’autre in 8°.</p>
          <p>En 1663. il fit imprimer la description des Peintures de la Cour du College de Lyon,
            qu’il avoit fait peindre l’année précedente &amp; qui passe pour un chef-d’œuvre.
            L’Histoire de Lyon y est representée en plusieurs Bas-reliefs, Medailles &amp;
            Inscriptions, ainsi que je l’ay déja remarqué &amp; il en intitula la description <hi
              rend="i">le Temple de la Sagesse</hi>. Cet Ouvrage est dedié a M<hi rend="sup">e</hi>
            du Sausey Lieutenant particulier en la Senechaussé &amp; Siege Presidial, Prevost des
            Marchands, &amp; à M<hi rend="sup">rs</hi> Pellot, Arthaud, Lamagne &amp; Chapuis de la
            Fay, Echevins.</p>
          <p>En 1664. il fit l’appareil pour la Reception de Monsieur le Cardinal Legat Flavio
            Chigi, &amp; il donna la description de l’Arc de Triomphe de la Ville &amp; de celuy de
              M<hi rend="sup">rs</hi> les Comtes, avec la marche de l’entrée, les Harangues de tous
            les Corps, &amp; les autres ceremonies. Il parut à Lyon deux années aprés un dessein qui
            fut trouvé tres-ingenieux, pour le feu de joye que l’on fit à l’occasion du Jubilé
            Solemnel, que le concours de la Fête de saint Jean-Baptiste avec la Fête Dieu ne fait
            voir que de siecle en siecle. Le Temple de la reconnoissance estoit le sujet du feu de
            joye, le R.P. Charonnier, alors Professeur de Rhetorique au grand College en estoit
            l’Auteur, &amp; le R. Pere de la Chaise, aujourd’huy Confesseur du Roy, &amp; alors
            Professeur en Theologie au College de la Trinité de cette Ville, publia un sçavant
            Traité sur ce sujet, sur lequel M<hi rend="sup">r</hi> Arroy Docteur de Paris &amp;
            Theologal de Lyon fit aussi imprimer un petit traité. C’est sous le Consulat de M<hi
              rend="sup">re</hi> Paul Mascranny Prevost des Marchands, &amp; mort M<hi rend="sup"
              >e</hi> de Requêtes à Paris, d’André Falconnet, d’Etienne Beston, de Pierre Boisse
            &amp; d’Antoine Blauf, que le P. Menestrier entre prit l’éloge Historique de la Ville de
            Lyon, &amp; sa grandeur Consulaire sous les Romains &amp; sous nos Rois. Il y donne
            enforme de Préface le jugement que l’on doit faire des ouvrages historiques &amp; dont
            on a exigé de luy qu’il donnast une nouvelle édition dans son projet de l’histoire de
            Lyon dont je parleray cy-aprés. Il parla succinctement, au commencement de cet ouvrage
            de l’origine de Lyon dont il avoüe qu’il n’étoit pas alors si bien instruit qu’il l’a
            esté depuis. Il y donna un Catalogue de quelques Auteurs Lyonnois qui ont écrit sur
            diverses matieres ; des Docteurs, des Medecins Aggregés au College de Medecine de cette
            Ville, des Jesuites qui ont écrit lorsqu’ils residoient au College de Lyon avec un
            denombrement des ouvrages qu’ils y ont fait : il y fit un plan de l’Eglise de Lyon, des
            Cardinaux &amp; des Evesques Lyonnois, des hommes Illustres dans la Robe &amp; en divers
            emplois, des Gouverneurs, des Senechaux, des Capitaines, des Lieutenans de Roy, &amp;
            des Lieutenans des Senechaux : la description de toutes les devises de la Ville ;
            l’établissement du Consulat, la Liste des Conseilliers Echevins depuis 1294.
            jusqu’à 1595. &amp; les noms armes &amp; qualitez des Prevost des Marchands &amp; des
            Echevins depuis l’an 1592 jusqu’à 1670. où parut son ouvrage, avec les inscriptions des
            ouvrages publics faits de leur temps, &amp; une ample description de l’Hôtel de Ville
            &amp; des Peintures qui ont esté depuis ruinées par l’incendie arrivé en 1674.</p>
          <p>L’an 1694. le P. Menestrier voulut publier un Programme de l’ouvrage qu’il
            entreprenoit, &amp; auquel il travailloit depuis un si grand nombre d’années ; ce
            Programme n’estoit pas dans une feüille volante comme le sont ordinairement les autres,
            c’estoit un gros <hi rend="i">in</hi> 12. sous ce titre : <hi rend="i">Les divers
              Caracteres des Ouvrages historiques, avec le Plan d’une nouvelle histoire
              de la Ville de Lyon, le jugement de tous les Auteurs qui en ont écrit, &amp; des
              dissertations sur sa fondation &amp; son nom, sur le passage d’Annibal, la division
              des Champs, le titre de Colonie Romaine, &amp; les deux Tables d’airain de l’Hostel de
              Ville.</hi> Cet ouvrage est dedié au P. de la Chaise ; il parle dans sa preface de
            quatre histoires de Lyon écrites dans l’espace d’un siecle par Paradin, de Rubis, Sever
            &amp; le P. de S. Aubin, outre le projet d’une cinquiéme par le P. Pierre Bailloud
            Jesuite, &amp; que la mort empescha d’executer. M<hi rend="sup">r</hi> de la Valette luy
            fournit mesme quelques cayers de cet ouvrage imparfait, qui luy firent juger que cet
            Auteur s’attachoit trop aux Antiquitez fabuleuses. Il parle dans la mesme Preface d’un
            manuscrit qu’il a recouvré, &amp; qu’il cherchoit depuis trente ans ; c’est un Traité du
            démêlé des Habitans de cette Ville avec Messieurs des Chapitres de S. Jean &amp; de S.
            Juste, dont trois Papes, trois Cardinaux, Saint Loüis &amp; un Duc de Bourgogne furent
            les Arbitres. C’est l’illustre Claude de Bellievre, premier President du Parlement de
            Dauphiné, &amp; pere du Chancelier Pompone de Bellievre, qui a sauvé ce manuscrit du
            naufrage dans lequel tant d’autres monumens de l’histoire de Lyon furent enveloppez par
            la fureur des heretiques, qui pillerent toutes les Eglises, brûlerent la plûpart des
            titres, &amp; ruinerent les Monasteres l’an 1562. Heureusement deux ans auparavant, cet
            illustre Magistrat avoit pris soin de transcrire luy-mesme ce manuscrit qui a pour
            titre : <hi rend="i">Tractatus de Bellis &amp; Induciis quæ fuerunt inter Canonicos
              Sancti Joannis Lugduni &amp; Canonicos Sancti Justi ex una parte, &amp; Cives
              Lugdunenses ex altera, desumptus ex Monasterii Atheniorum Bibliotheca.</hi> Ce grand
            Magistrat qui avoit composé un traité <hi rend="i">de Lugduno prisco</hi>, que le P.
            Menestrier se plaint de n’avoir pû encore trouver, croyoit qu’il y avoit eu autrefois
            une Academie d’Atheniens à <hi rend="i">Aisnay</hi>, &amp; comme il appelloit ce lieu-là
              <hi rend="i">Athenæum</hi>, il en nomma aussi la Bibliotheque <hi rend="i">Atheniorum
              Bibliotheca</hi> ; Biblioteque dont malheureusement il ne reste aucun
            vestige, &amp; à la perte de laquelle, l’ignorance de ceux qui en avoient la conduite a
            peut-estre plus contribué que la fureur des heretiques. Le P. Menestrier avoüe enfin
            qu’il est redevable aux soins de M<hi rend="sup">r</hi> Pianelle de la Valette ancien
            Prevost des Marchands de la découverte de cette piece, &amp; que ce Magistrat a plus
            contribué que qui que ce soit à la perfection de cet ouvrage par les memoires qu’il a
            fournis à l’Auteur.</p>
          <p>Nous avons de ce Pere une Relation de l’entrevûë d’une Reine de France &amp; d’une
            autre Princesse mere &amp; fille, dans la Forest de Clermont en Beauvoisis, avec les
            Portraits de ces Princesses, &amp; la maniere de leurs habillemens. Il fit le dessein du
            magnifique Service qui fut celebré dans l’Eglise de Notre-Dame pour feu Monsieur le
            Prince, quelque temps aprés sa mort. Il eut la conduite du Feu d’artifice que Monsieur
            le Cardinal d’Estrées fit tirer dans sa Cour l’année derniere en rejoüissance de la
            Naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne ; il en donna deux relations ; il changea
            quelque chose à la seconde. Nous avons eu de luy dans les derniers jours de sa vie une
            dissertation sur l’usage de se faire porter la queuë, &amp; il avoit commencé un nouveau
            Journal litteraire qu’il devoit publier tous les trois mois sous le titre de <hi
              rend="i">Bibliotheque sçavante &amp; instructive</hi> ; le premier volume a paru. J’ay
            oublié de vous marquer que ce Pere a aussi donné au Public l’histoire par medailles des
            Empereurs Tibere, Caligula &amp; Claude.</p>
          <p>Le P. Menestrier estoit bon Poëte ; nous avons de luy diverses pieces de Poësie, des
            Odes, des Madrigaux, des Elegies &amp; des Idylles. Mais un don dont la nature l’avoit
            favorisé d’une maniere étonnante, est celuy de la memoire. Il en a fait des essais
            extraordinaires en plusieurs occasions celebres. Le P. Menestrier n’estoit
            pas moins bon Orateur, il preschoit avec facilité, il a souvent brillé dans la Chaire
            &amp; sur tout dans les Sermons qu’il faisoit aux Prises d’Habits des Religieuses. Il
            n’estoit pas le premier homme de Lettres de sa famille ; Jean-Baptiste Menestrier a fait
            d’excellens Traitez sur les medailles. Claude Menestrier son grand-oncle, Antiquaire du
            Pape Urbain VIII. publia aussi un excellent Traité <hi rend="i">de Diana Ephesina</hi>.
            Le P. Menestrier estoit né à Lyon, &amp; il ne laisse qu’une sœur, dont la fille, mariée
            depuis quelques années à M<hi rend="sup">r</hi> Boiart Garde-Juge de la Monnoye, ce qui
            répond à la Charge de Conseiller, &amp; frere de M<hi rend="sup">r</hi> Boiart Elû en
            l’Election de Mâcon, est morte.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-02_176">
          <head>[Départ de 18 Religieux de la Trape, demandez par Monsieur le Grand Duc de Toscane,
            &amp; ce qui se passe dans leur Marche]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1705 [tome 2], p. 176-184.</bibl>
          <p>Vous avez oüy parler des 18. Religieux de l’Abbaye de la Trape de l’Ordre de Saint
            Bernard, qui ont esté demandez par Monsieur le Grand Duc de Toscane, pour établir une
            Maison de leur Reforme dans l’Abbaye de <hi rend="i">Buon Solasso</hi>, qui est dans ses
            Etats, &amp; qui luy a esté accordée par le Pape. Il y a déja long-temps que ces Peres
            sont partis de la Trape avec la permission du Roy, &amp; ils poursuivent leur route en
            édifiant tous ceux qui les voyent. Un Religieux de la Trape connu dans le monde sous le
            nom du Comte d’Aria Piémontois de naissance, &amp; qui a fait autrefois une grande
            figure à la Cour de Savoye, a esté nommé Abbé de cette Mission : le Frere Arsene, frere
            aîné de M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis de Janson, &amp; de M<hi rend="sup">r</hi>
            l’Abbé de Janson, Abbé de Saint Valery, &amp; qui a porté dans le monde le nom de Comte
            de Rosamberg, est du nombre des Religieux qui vont en Italie. C’est un saint Religieux
            dont la ferveur a esté un grand motif d’édification depuis qu’il a embrassé cette
            régle.</p>
          <p>Je vous envoye ce qui est tombé entre mes mains au sujet de ce voyage. Ces Sts
            Religieux arriverent à Conflans à 2. lieuës de cette Ville le 22. du mois de Janvier.
            Ils logerent dans la Maison que M<hi rend="sup">rs</hi> du Seminaire des Bons-Enfans ont
            en ce lieu. Le 23. ils y se journerent &amp; Monsieur le Cardinal de Noailles les y alla
            visiter. Ils en partirent le 24. &amp; se rendirent en cette Ville où ils logerent dans
            la Maison des Peres de l’Oratoire de la ruë saint Honoré. Ils y sejournerent le 25.
            &amp; partirent le 26. pour prendre la route de Lyon.</p>
          <quote>
            <label>EXTRAIT<lb/>D’une Lettre écrite de l’Abbaye de Monsieur le Cardinal de Boüillon à
              Tournu à 12. lieuës de Lyon, le 7. Fevrier 1705. par le conducteur des 18. Peres de la
              Trape qui vont à Florence.</label>
            <p><hi rend="i">La sainte Compagnie estoit attenduë icy dés Jeudy, qui étoit le</hi>
                1<hi rend="sup">r</hi>
              <hi rend="i">Jeudy du mois de Fevrier</hi> 1705.</p>
            <p><hi rend="i">Son Eminence avoit differé la Benediction du S. Sacrement jusques à six
                heures du soir, en attendant nostre arrivée avec grande impatience, suivant ce que
                le frere Jandier avoit écrit à M<hi rend="sup">r</hi> Serte, son Majordome.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Son Eminence a reçû cette sainte Compagnie avec beaucoup de joye ; il
                avoit disposé sa Maison pour les recevoir en commençant à envoyer coucher ses
                domestiques hors de l’Abbaye, afin de prendre leurs lits, &amp; d’en faire un
                dortoir pour cette sainte Compagnie. Je ne vous sçaurois exprimer le bon acceüil
                &amp; la bonne chere, qu’elle a fait à ces Peres, elle les a traitez à la maniere de
                la Trape, ayant fait acheter toute la Vaisselle de Terre de toute la ville, &amp;
                n’en ayant pu trouver assez, elle en envoya chercher dans tous les Convens. Son
                Eminence les ayant fait servir à six plats chacun, &amp; ayant mangé avec eux sans
                aucune distinction de rang.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Son Eminence a toûjours donné à laver les mains à tous les repas, &amp;
                a assisté aux Prieres de l’Eglise, quoy qu’elle fust enrrumée ; &amp; a fait servir
                au Refectoire quatre des premiers Chanoines de son Abbaye ; son Eminence avoit fait
                acheter des sabots &amp; des pelles, afin que ces Peres s’en servissent à la maniere
                de la Trape. Elle leur fit faire l’Office à la maniere dont ils ont accoutumé de le
                dire : &amp; aprés la Messe ils osterent toute la neige de la Cour portant des
                sabots &amp; se servant de pelles, &amp; l’aprés dînée avec les mêmes sabots &amp;
                pelles, ils ratisserent toute la neige du Jardin. Son Eminence leur fit ensuite
                chanter Vespres ; &amp; le lendemain, elle dit la grande Messe qui fut chantée en
                Plein-chant, &amp; elle Communia tous les Religieux. Ce n’est pas peu d’avoir
                dix-huit hommes à ma charge, mais bien loin de m’en plaindre, je m’en louë
                tres-fort, car il n’y en a pas un, qui manque à prier Dieu à tout heure pour moy. Il
                y en a un dans cette sainte Compagnie, qui doit passer pour un saint, ou il n’y en
                aura jamais, puisqu’à tout moment il s’accuse de ses fautes, &amp; demande une rude
                penitence pour se mortifier, &amp; je ne sçaurois vous exprimer le merite de ce
                saint Religieux : Ensuite estant arrivez à Chalons, M<hi rend="sup">r</hi> l’Evêque
                de Chalons nous retint dans son Seminaire, depuis le mercredy jusqu’au Vendredy ;
                car la Saône estant gelée, nous ne pouvions aller plus loin. J’avois toutes les
                peines du monde de faire servir en Poisson dix-huit Peres, &amp; au defaut je leur
                ay fait manger des œufs durs, &amp; du fromage. Enfin nous avons des Carrosses tout
                prests pour aller à Lyon, par où nous devons poursuivre nôtre route. Ces saints
                Religieux couchoient en route dans des draps, &amp; mangeoient de tout hors de la
                viande.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-02_206">
          <head>[Fautes corrigées, qui s’étoient trouvées le mois dernier dans la Genealogie de la
            Maison d’Aubigné]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1705 [tome 2], p. 206-208.</bibl>
          <p>Dans l’article de M<hi rend="sup">r</hi> d’Aubigné, qui estoit dans ma derniere lettre,
            je dis que Jean d’Aubigné estoit pere de Constant, &amp; il en estoit ayeul. Agrippa
            mort à Geneve, estoit fils de Jean &amp; pere de Constant. C’est Agrippa qui a écrit
            l’Histoire universelle en trois Volumes. Le 3<hi rend="sup">e</hi>. est rare &amp; a
            esté imprimé à Loudun ; ces trois Volumes sont dans la Bibliotheque de M<hi rend="sup"
              >r</hi> Delpech, à Paris. Cet Agrippa a pris soin de composer luy mesme sa vie, dont
            il y a icy un manuscrit escrit de sa main. C’est une piéce curieuse. La branche aisnée
            ne possede point de terres en Poitou, comme je l’ay marqué, mais elle en a de
            considerables en Anjou.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-02_208">
          <head>[Madrigal sur la Devise du Jetton de la Marine de l’année 1704]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1705 [tome 2], p. 208-211.</bibl>
          <p>Je vous envoye un Madrigal de M<hi rend="sup">r</hi> Moreau de Mautour, Auditeur des
            Comptes. Il a été fait sur la devise de l’année du Jetton de la Marine 1704. cette
            devise qui est au revers du portrait de S.A.S. Monsieur le Comte de Toulouse, &amp; qui
            a été faite au sujet du dernier combat naval, represente une Aigle tenant la foudre de
            Jupiter dans ses serres, au dessus d’une mer où l’on voit des vaisseaux brisez, aux ces
            mois. <hi rend="i">Pelago sensere tonantem.</hi></p>
          <quote>
            <label>MADRIGAL.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Où sont-ils ces Audacieux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui couvroient les deux Mers de leur voiles nombreuses,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et sembloient menacer, &amp; la Terre &amp; les Cieux ?</hi></l>
              <l> <hi rend="i">De nos armes victorieuses,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ils n’ont que trop senty les redoutables coups :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tant de vaisseaux armez flattoient leur esperance,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ils croyoient ébranler &amp; l’Espagne &amp; la France,</hi></l>
              <l> <hi rend="sc">Louis</hi>
                <hi rend="i">a bravé leur couroux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sa foudre par mon bras les a dissipé tous.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
          <quote>
            <label>Les Vers qui suivent regardent<lb/>encore ce Prince.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Quel illustre Heros se présente à mes yeux ?</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Combien de charmes l’environnent !</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Que de lauriers qui le couronnent !</hi></l>
              <l> <hi rend="i">C’est sans doute quelqu’un des Dieux.</hi></l>
            </lg>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Cruels Tyrans des Eaux évitez sa presence ?</hi></l>
              <l><hi rend="i">La mer calme pour luy s’irrita contre vous ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il vous a fait sentir une fois sa vaillance,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Craignez à l’avenir d’éprouver son courroux.</hi></l>
            </lg>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Jupiter luy remet sa foudre ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Neptune l’Empire des Eaux.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Retirez vous trop indignes rivaux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">N’attendez pas qu’il vous réduise en poudre ?</hi></l>
            </lg>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Quel prodigieux changement !</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ceux que jusqu’à ce jour on a craint dans le monde ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Comme les seuls maîtres de l’onde,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Devant nôtre Heros fuyent en un moment.</hi></l>
            </lg>
            <lg>
              <l><hi rend="i">De toutes ses frayeurs l’Espagne est delivrée,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Philippe ne craint plus les projets de l’Anglois.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et dans cet heureux jour la France rassurée,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sur l’une &amp; l’autre mer va redonner des loix.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-02_212a">
          <head>Air spirituel</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1705 [tome 2], p. 212.</bibl>
          <p>Je vous envoye un Air nouveau, dont voicy les paroles.</p>
          <quote>
            <label>AIR SPIRITUEL.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Que mon état est déplorable,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qu’il est digne de mes ennuis :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Infirme, revolté, malheureux &amp; coupable,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Seigneur, voilà ce que je suis.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-02_212b">
          <head>[Madrigal]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1705 [tome 2], p. 212-213.</bibl>
          <p>Le Madrigal suivant a esté fait par un homme qu’une jolie Veuve cherchoit à décrier,
            parce qu’il luy avoit montré une lettre de son Amant.</p>
          <quote>
            <label>MADRIGAL.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Pour punir un Audacieux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui vous a découvert un Secret qui vous touche ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qu’est-il besoin, Philis, des traits de vostre bouche,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Quand vous pouvez tout par vos yeux ?</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-02_274">
          <head>[Places données à l’Académie Françoise, &amp; à celle des Inscriptions]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1705 [tome 2], p. 274-278.</bibl>
          <p>L’Academie Françoise avoit fait une grande perte en la personne de M<hi rend="sup"
              >r</hi> Pavillon, dont je vous appris la mort le mois passé, &amp; elle a esté
            avantageusement reparée par le choix que cette Compagnie a fait en nommant pour remplir
            sa place, M<hi rend="sup">r</hi> l’Evesque de Soissons, qui joint à l’éclat de sa
            naissance, &amp; à beaucoup d’érudition, toutes les qualitez qui sont à souhaiter dans
            un Grand Prelat. J’attens à vous en dire d’avantage, qu’il ait pris séance dans ce
            Corps.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> Pavillon estoit aussi pensionnaire de l’Academie des
            inscriptions, &amp; des Medailles, &amp; cette place a esté donnée a un tres-digne
            sujet. C’est M<hi rend="sup">r</hi> le la Marque Tilladet, dont la famille est
            tres-distinguée, &amp; qui a merité les graces du Roy par son extrême application à tout
            ce qui regarde les avantages de cette Compagnie, dans laquelle il y a eu en même temps
            deux places d’Associez à remplir. L’une a esté donnée à M<hi rend="sup">r</hi> Moreau de
            Mautour, Auditeur de la Chambre des Comptes de Paris. Vous sçavez qu’il a beaucoup
            d’acquis dans les belles Lettres, &amp; qu’il joint à la connoissance des Medailles, un
            heureux talent pour la Poësie. Il estoit déja membre de l’Academie de Inscriptions,
            ainsi que M<hi rend="sup">r</hi> Simon qu’on y voit briller beaucoup, &amp; qui est
            monté à l’autre place d’Associé.</p>
          <p>Le changement a esté encore plus grand pour les places des éleves, &amp; il y en a eu
            quatre à remplir. La premiere demeurée vacante par la mort de M<hi rend="sup"
            >r</hi> Duché, fut donnée dés l’autre mois à M<hi rend="sup">r</hi> Danché, qui a fait
            connoistre son nom par divers Ouvrages. Ceux qui ont eu les trois autres sont M<hi
              rend="sup">r</hi> de Bose, dont il a paru des dissertations sur les Medailles qui luy
            ont acquis beaucoup d’estime ; M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Massieu, tres-bon Orateur,
            qui possede la langue Latine, &amp; la lange Grecque aussi parfaitement que la
            Françoise, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> Vallois. On assure qu’il est digne de son nom,
            &amp; c’est beaucoup dire, puisque feu M<hi rend="sup">r</hi> Vallois son Pere, &amp;
              M<hi rend="sup">r</hi> Vallois son Oncle, l’ont rendu tres-illustre parmy les
            sçavans.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-02_278">
          <head>[Bal donné par Monseigneur le Dauphin]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1705 [tome 2], p. 278-289.</bibl>
          <p>Monseigneur le Dauphin donna le Lundy 16. de ce mois un Bal, où tous les Masques
            devoient entrer, c’est-à-dire autant de personnes masquées que les lieux où l’on donnoit
            le Bal pouvoient en contenir. Je ne vous dis rien de la maniere dont estoient ornez les
            lieux où l’on dança. Vous connoissez la magnificence &amp; le bon goût de Monseigneur,
            &amp; vous vous en imaginerez plus que je ne pourrois vous en dire. La Collation estoit
            dressée dans la Salle de Gardes de ce Prince. Elle consistoit en 60. grandes Corbeilles
            qu’il auroit fallu plus de 60. hommes pour porter, si elles avoient pû pénetrer dans
            tous les lieux où elles devoient estre portées. Il y avoit outre cela une tres-grande
            quantité de toutes sortes de rafraîchissemens qui occupoient encore un tres-grand nombre
            de personnes, &amp; rien n’estoit plus beau à voir que le mélange des fleurs, des
            fruits, des confitures seiches &amp; des autres choses qui entrent dans les Collations
            &amp; qui formoient celle dont je vous parle. Il se trouva à ce Bal une si prodigieuse
            quantité de Masques tant de Versailles que de Paris, qu’on peut dire que de cent
            Masques, à peine un seul auroit-il pu entrer à ce Bal si pendant prés de six heures
            qu’il dura, plusieurs masques aprés avoir demeuré quelque temps dans l’Assemblée
            n’estoient sortis pour faire place à d’autres. La Cour de France est si nombreuse &amp;
            Paris est si rempli de personnes qui aiment le plaisir, &amp; qui se trouvent en estat
            de le goûter, que quand tous les Appartemens, la Galerie &amp; les Salons de Versailles
            auroient esté ouverts aux masques, tant de lieux differents &amp; si spacieux n’auroient
            pû les contenir à la fois.</p>
          <p>Madame la Duchesse de Bourgogne voulant se donner le divertissement que prennent ceux
            qui vont <hi rend="i">incognitò</hi>, dans les Assemblées, y alla masquée avec une <hi
              rend="i">Andrienne</hi> &amp; Madame la Duchesse d’Orleans avec un habit pareil à ceux
            avec lesquels la Reine Catherine de Medicis est representé dans les portraits que nous
            avons de cette Princesse. Comme cet habit peut estre orné de beaucoup de pierreries,
            &amp; que celuy de Madame la Duchesse d’Orleans en estoit tout rempli, cet habit parut
            d’une grande richesse &amp; de la plus ébloüissante magnificence Plusieurs Volumes ne me
            suffiroient pas, si je voulois vous parler de la richesse, de la galanterie, de la
            bizarrerie &amp; enfin de la varieté des habits de tous les masques qui se trouverent à
            ce Bal. Il ny a que la France qui puisse faire voir une si grande affluence, à la fois,
            de tant de personnes parées, &amp; tant de richesses en même temps, les broderies &amp;
            les estoffes d’Or &amp; d’Argent pour des habits faits exprés n’ayant point esté
            épargnées. Je ne dis rien des pierreries : on sçait que la France en est remplie &amp;
            que tous les Estats du monde n’en pouroient pas fournir au tant qu’il s’en
            trouve en ce Royaume. Tant d’agréable varieté &amp; tant de richesses attirerent moins
            les yeux pendant le Bal, que les manieres de Monseigneur le Dauphin, qui n’estant point
            masqué, afin devoir plus aisément ce qui se passoit, &amp; de donner à tous ceux qui
            venoient à son Bal le plaisir de le voir sembloit sans descendre du rang que sa
            naissance l’oblige de garder, avoir la bonté de s’interesser à tout ce qui se passoit.
            Aussi d’un coup d’œil ce Prince sembloit-il souvent empescher le desordre que la grande
            confusion estoit sur le point de faire naistre. Ce que je dis icy n’est point de moy
            &amp; je n’ay point imaginé qu’il devoit estre ainsi sur les bontez de ce Prince qui me
            sont connuës. Je dois rendre justice à ceux à qui elle est duë. Cette remarque est de
            Monsieur l’Ambassadeur d’Espagne qui dit aprés le Bal, que pendant qu’il estoit attentif
            aux bontez &amp; aux manieres gracieuses de Monseigneur le Dauphin, il ne pouvoit
            s’empescher de faire reflexion sur le bonheur de la France, qui estoit gouvernée, de
            l’aveu de toutes les Nations amies &amp; ennemies, par le plus grand Prince du monde,
            &amp; qui avoit un fils qui l’imitoit parfaitement.</p>
          <p>Monseigneur reconnut Madame la Duchesse d’Albe, &amp; ce Prince eut une attention toute
            particuliere pour faire placer cette Duchesse. Elle estoit habillée de la maniere dont
            les Dames du Palais de Madrid se presentent à la Reine d’Espagne, &amp; excepté le
            masque, son habit ne differoit en rien de celuy qu’elle auroit eu, si elle avoit esté à
            Madrid &amp; qu’elle eust esté faire sa Cour. Cet habillement est bien different de ceux
            qui ont souvent paru icy dans des entrées de Ballets, Bals &amp; Mascarades &amp; l’on
            pourroit dire que les habits à l’Espagnole que l’on nous a fait voir icy, jusqu’à
            présent, dans ces sortes d’occasions, ressemblent peu à la maniere dont Madame la
            Duchesse d’Albe estoit vetuë, au Bal de Monseigneur, les autres habits ayant plus de
            rapport à ceux des Paysannes d’Espagne, qu’à ceux des Dames de la Cour.</p>
          <p>Monsieur le Connestable de Navarre, fils de Monsieur le Duc d’Albe, parut dans le même
            Bal, habillé magnifiquement à la Turque. Monsieur le Comte de Galvé, qui est depuis peu
            icy dança parfaitement bien sans estre reconnu de Monseigneur, ce Comte osta son masque
            &amp; Monseigneur luy fit compliment sur sa belle dance. Quoyqu’il n’ait fait que tres
            peu de se jour à la Cour, il s’y est acquis l’estime de tous ceux qui l’ont vû. Il a un
            air noble &amp; distingué. On connoist également par ce qu’il fait &amp; par ce qu’il
            dit, &amp; l’éclat de sa naissance &amp; son merite personnel. Il est frere de Monsieur
            le Duc de l’Infantado &amp; de Pastrana, qui réunit en luy les deux Illustres &amp;
            anciennes Maisons de <hi rend="i">Silva</hi> &amp; de <hi rend="i"
              >Mendoza</hi>. Monsieur le Comte de Galvé est Gentilhomme de la Chambre de Sa Majesté
            Catholique &amp; Colonel d’un Regiment d’Infanterie. Il a servi en Italie avec beaucoup
            de distinction.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-02_293">
          <head>[Prix d’Eloquence et de Poësie pour l’année 1705]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1705 [tome 2], p. 293-298.</bibl>
          <p>Je vous envoye ce que Messieurs de l’Académie Françoise viennent de faire publier.</p>
          <quote>
            <label>PRIX D’ELOQUENCE ET DE POËSIE,<lb/>Pour l’année M. DCCV.</label>
            <p><hi rend="i">L’Académie Françoise fait sçavoir au public, que le vingt-cinquiéme jour
                d’Aoust prochain, Feste de saint Loüis, Elle donnera le Prix d’Eloquence, fondé par
                M. de Balzac, de l’Académie Françoise. Le sujet sera,</hi> Que la justice &amp; la
              verité sont les plus fermes appuis du Thrône des Roys : <hi rend="i">conformément à
                ces paroles des Proverbes, chap.</hi> 29. <hi rend="i">v.</hi> 14. Rex qui judicat
              in veritate pauperes, Thronus ejus firmabitur in æternum, &amp;c. <hi rend="i">Il
                faudra que le Discours ne soit que de demi-heure de lecture tout au plus, &amp;
                qu’il finisse par une courte priere à Jesus-Christ.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On ne recevra aucun discours sans une Approbation signée de
                deux Docteurs de la Faculté de Theologie de Paris, &amp; y résidant
                actuellement.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le mesme jour Elle donnera le Prix de Poësie fondé par M. de Clermont de
                Tonnerre, Evesque &amp; Comte de Noyon, Pair de France, &amp; l’un des Quarante de
                l’Académie : Le sujet sera</hi>, La gloire &amp; le bonheur du Roy dans les Princes
              ses Enfants, &amp;c. <hi rend="i">Il sera permis d’y joindre tel autre sujet de
                loüange que chacun voudra, sur quelques actions particulieres de Sa Majesté, ou sur
                toutes ensemble, pourveu qu’on n’excede point cent Vers. Et on y adjoustera une
                courte priere à Dieu pour le Roy, separée du corps de l’Ouvrage, &amp; de telle
                mesure de Vers qu’on voudra.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Toutes personnes seront receuës à composer pour ces deux Prix, hormis
                les Quarante de l’Académie qui doivent en estre les Juges.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Les Autheurs ne mettront point leur nom à leurs Ouvrages, mais
                une marque ou paraphe, avec un passage de l’Ecriture-Sainte, pour les Discours de
                Prose ; &amp; telle autre Sentence qu’il leur plaira, pour les Pieces de
                Poësie.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Comme on a differé plus qu’à l’ordinaire à proposer les sujets pour le
                Prix de l’Eloquence &amp; de la Poësie, il suffira que ceux qui y prétendront,
                fassent remettre leurs Ouvrages dans le dernier jour du mois de Juin prochain, entre
                les mains de M. l’Abbé Regnier, Secretaire perpetuel de l’Académie Françoise, à
                l’Hostel de Crequy, sur le Quay Malaquest.</hi></p>
            <p>Et en son absence,</p>
            <p><hi rend="i">Chez Jean-Baptiste Coignard, Imprimeur &amp; Libraire ordinaire du Roy,
                &amp; de l’Académie Françoise, ruë saint Jacques, prés S. Yves, à la Bible
                d’or.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-02_370">
          <head>Enigme</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1705 [tome 2], p. 370-374.</bibl>
          <p>Le mot de l’Enigme du mois dernier, estoit la <hi rend="i">Plaque</hi> de Cheminée.
            Ceux qui l’ont trouvé sont M<hi rend="sup">rs</hi> de Beauregard, Avocat au Parlement de
            Bretagne : du Hestrey &amp; le petit Benoist de Roüen : Dominique Bertrand de Lion :
            Bardet &amp; son ami Duplessis, maistre Chirurgien au Mans : Minoche : Breton joli homme
            &amp; toûjours galant : Robinet, proche St Pierre aux Bœufs : Allard : l’Auteur de la
            galanterie faite le Mercredy gras à Mlle Bru… : le spirituel Picard, de la ruë de
            Richelieu : Pierre Marc &amp; son Abbé Martial de la Porte S. Honoré : l’Echo fidele. Le
            gros Dinde de la ruë des deux boules, le fils aîné du Grand Vizir de Soissons : le grand
            Neveu de la ruë Vaugirard, &amp; le mauvais garçon du quartier. Mlles Thain de la ruë
            neuve S. Paul, avec son amie des Sales de la ruë de la Verrerie : le Vasseur la
            genereuse &amp; Ogedé : Jeanne Rousseau &amp; Catherine Richard : la cruelle Saumon :
            les Dames de la grande allée : la belle du point du jour, de la ruë S. Martin, avec son
            bon amy le prétieux : Tamiriste &amp; sa fille Angelique : la plus belle
            &amp; gracieuse Dame du Cloître Nôtre-Dame : l’aimable Demoiselle du même lieu, &amp;
            son aimable Berger : la Bergere Climene &amp; son Berger Tircis, de la place Royale : la
            niece de l’aimable Recluse : la grosse femme &amp; sa fille Catin de la ruë de Savoye :
            la belle Bergere de la Bastille &amp; son cher frere : &amp; la belle Javotte de la
            Mazarine.</p>
          <p>L’Enigme qui suit est de M<hi rend="sup">r</hi> d’Aubicourt.</p>
          <quote>
            <label>ENIGME.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Depuis Noé j’étois sur terre en grand mépris.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sous Tibere on me voit paroître venerable.</hi></l>
              <l><hi rend="i">A Rome le Senat &amp; le peuple surpris</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ne purent m’empêcher d’être considerable.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Si pour me ravilir l’on a tout entrepris :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ce projet toûjours vain m’est encor favorable.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Malgré mes detracteurs mon merite est sans prix.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sur leur perte je fonde un Empire durable.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">L’Univers me respecte, &amp; mon nom reveré</hi></l>
              <l><hi rend="i">Même aux Thrônes des Rois se trouve preferé.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Une marque d’Opprobre est de gloire suivie :</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Ce qui fit des humains le plus malheureux sort,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le spectacle sanglant d’une tragique mort,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Fait le solide espoir du bonheur de la vie.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-02_377">
          <head>[Carnaval de Marly]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1705 [tome 2], p. 377-384.</bibl>
          <p>Le Roy a honoré Monsieur le Duc d’Albe &amp; Madame la Duchesse d’Albe d’une
            distinction qui n’est pas ordinaire. Sa Majesté fit dire à ces deux Excellences, qu’elle
            seroit fort aise de les voir à Marly, où ne vont pendant le séjour qu’y fait S.M. que
            les personnes de la Cour, qui sont nommées par Elle-même. Leurs Excellences fort
            sensibles à cet honneur, y allerent le Lundy-gras. S.M. leur fit un accüeil qu’il seroit
            difficile de bien exprimer, &amp; que Leurs Excellences n’auroient jamais pû ny
            prétendre, ny esperer. Toute la Famille Royale, à commencer par Monseigneur, en usa pour
            Elles de même. Leurs Excellences y arriverent sur les quatre heures. Aprés qu’elles
            eurent salué le Roy, &amp; qu’elles eurent rendu visite à toutes les personnes de la
            Famille Royale, on leur servit une magnifique Collation. Monsieur le Maréchal Duc de
            Bouflers conduisoit Monsieur le Duc, &amp; Madame la Princesse des Ursins Madame la
            Duchesse d’Albe. Sur les sept heures on commença le Bal Toutes les personnes de la Cour
            qui avoient esté nommées pour Marly, y parurent avec tout l’éclat &amp; toute la
            magnificence que l’on peut imaginer. Le Roy d’Angleterre ouvrit le Bal avec la Princesse
            sa sœur : toute la Cour demeura de bout pendant qu’ils dançerent : on admira leur bonne
            grace à dancer, comme on a coûtume d’admirer tout ce qu’ils font l’un &amp; l’autre. Ce
            Bal fut des plus beaux, il dura jusqu’a dix heures. Le Roy se mit à table, &amp; Madame
            la Duchesse d’Albe eut l’honneur de manger avec S.M. Aprés le soupé on se mit au jeu.
            Sur le minuit le Roy alla se coucher. Monsieur le Duc d’Albe eut le Bougeoir. S.M. lui
            parla avec les manieres nobles &amp; gracieuses qui lui sont si particulieres &amp; si
            naturelles en même tems. Ce Prince lui fit aussi l’honneur de lui parler quelque fois en
            Espagnol dans toute la noblesse &amp; la délicatesse de cette Langue. Le jeu &amp; les
            autres divertissemens continuerent aprés que le Roy fut couché. Leurs Majestez
            Britanniques, &amp; la Princesse d’Angleterre s’en retournerent à S. Germain ; &amp;
            Monsieur le Duc &amp; Madame la Duchesse d’Albe, entre deux &amp; trois heures aprés
            minuit, allerent coucher à Versailles dans leur Hôtel, comblez des honneurs qu’ils
            avoient reçûs, &amp; penetrez de cette reconnoissance vive &amp; sincere que les
            personnes de leur élevation &amp; de leur délicatesse sçavent sentir avec plus d’étenduë
            que d’autres. Leurs Excellences n’ont guere esté moins enchantées de la situation, du
            séjour, des Pavillons, des Jardins &amp; des vûës de Marly, &amp; de la maniere aisée
            &amp; délicate dont la Cour s’y amuse &amp; s’y divertit, en présence même du Roy.</p>
          <p>Les divertissemens qui avoient commencé à Marly dés le jour de l’arrivée du Roy,
            continuerent le lendemain mardi, dernier jour du Carnaval. Il y eut ce jour-là un Bal
            serieux avant le soupé, c’est-à-dire en habits François. Personne n’ignore que les
            pierreries font beaucoup plus d’effet sur les habits des Dames, parce que les parures
            qui sont faites exprés pour leur servir d’ornemens, sont avantageusement placées. Ce Bal
            estant fini, &amp; le Roy ayant soupé, on en commença un autre où toutes les personnes
            qui avoient esté nommées pour Marly, parurent sous differens habits de Masques. La
            varieté, la richesse &amp; la bizarrerie de plusieurs habits, firent beaucoup de
            plaisir, chacun ayant pris soin d’inventer des habits qui pussent empêcher qu’on les
            reconnust. Il y avoit mesme des personnes d’une mesme taille, qui estoient convenuës de
            mettre des habits semblables, afin d’embarasser ceux qui auroient pû les
            reconnoistre à leur taille. Enfin, ce divertissement fut des plus complets, &amp; la
            joye fut parfaite. Il y a lieu de croire que le Carnaval ne s’est pas passé de même à
            Vienne, puisque de ses Remparts on voyoit fumer les lieux où le Comte Caroli, à la teste
            de cinq mille hommes qu’il commandoit, avoit mis le feu. Ces lieux sont Vuitsamen,
            Raunevvart, Oberrolingen, Schandorff, Neckeldorff, Vvisselbourg, Rokavv, Zurendorf,
            &amp; la plus grande partie de Heyboden. De pareils faits, &amp; qui ne paroissent point
            douteux, font assez connoistre combien la nouvelle de la défaite entiere des Mécontens,
            étoit fausse ; mais il part plus de ces Relations du Conseil de Vienne, que des
            Relations veritables ; aussi sont-elles forgées dans le Conseil, où la seule politique
            les fait inventer aux dépens de la verité &amp; de ce qu’on en pourra dire lorsqu’elle
            sera connuë ; mais on se met peu en peine dans ce Conseil de la suite, pourvû que dans
            le temps présent, on pare les coups dangereux d’un peuple effraïé, qu’on trouve ensuite
            le moyen d’appaiser &amp; d’ébloüir de nouveau par d’autres manœuvres.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-02_402">
          <head>[Carnaval de Sceaux]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1705 [tome 2], p. 402-407.</bibl>
          <p>Leurs Altesses Serenissimes Monsieur &amp; Madame la Duchesse du Maine ont donné à
            Sceaux le dernier Dimanche &amp; le dernier Mardi du Carnaval des Festes aussi
            magnifiques que galantes. Il y eut le Dimanche un grand bal où il se trouva peu de
            masques parce qu’on devoit recevoir le mardi suivant tous ceux qui viendroient masquez à
            Sceaux. Parmi les masques qui s’y trouverent le Dimanche quatre personnes de conditions
            habillées en Arlequins, dancerent ensemble des dances Arlequines dans lesquelles elles
            imiterent parfaitement bien les personnages qu’elles representoient.</p>
          <p>Madame la Duchesse du Maine dont on connoist l’esprit, le bon goust &amp; les manieres
            honnestes en fut charmée, elle voulut sçavoir leurs noms &amp; elle leur dit mille
            choses obligeantes suivant sa maniere ordinaire. La collation qui fust servie ce jour-là
            fut des plus magnifiques.</p>
          <p>Le mardi, l’affluence des masques qui vinrent de Versailles &amp; de Paris, fut si
            grande que l’on compta aux environs de Sceaux trois cens soixante &amp; dix-huit
            carrosses, outre ceux qui s’estoient retirez pendant la nuit aux hôtelleries du Bourg la
            Reyne, &amp; dans d’autres maisons voisines.</p>
          <p>Le même jour en sortant du soupé, avant que le bal commençast, il y eust un
            divertissement des plus nouveaux &amp; des mieux entendus : il n’y entra point de
            masques &amp; il ny eut que les personnes de cette Cour. Il y avoit une representation
            du Parnasse. Apollon, les neuf Muses &amp; le Cheval Pegaze étoient distribuez avec
            beaucoup d’art sur cette double montagne.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Apollon.</hi></p>
            <p>Mr de Malezieux.</p>
          </quote>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Vranie.</hi></p>
            <p>Madame la Duchesse du Maine.</p>
          </quote>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Clio.</hi></p>
            <p>Mademoiselle d’Enguien.</p>
          </quote>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Euterpe.</hi></p>
            <p>Mademoiselle de Rohan.</p>
          </quote>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Calliope.</hi></p>
            <p>Mademoiselle de Nevers.</p>
          </quote>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Erato.</hi></p>
            <p>Mlle de Moras.</p>
          </quote>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Melpomene.</hi></p>
            <p>Mlle de Malezieu.</p>
          </quote>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Thalie.</hi></p>
            <p>Mlle de Chambonas.</p>
          </quote>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Terpsicore.</hi></p>
            <p>Mlle de Langeron.</p>
          </quote>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Polimnie.</hi></p>
            <p>Mlle de Choiseul.</p>
          </quote>
          <p>Les neuf Sciences ou Arts qui ont le plus de raport aux neuf Muses, vinrent
            leur offrir un tribut en vers, qui furent lûs par elles. Mercure representé par Mr le
            Marquis de Gavaudun les conduisoit : tous les habits &amp; les attributs répondoient aux
            caracteres.</p>
          <p>Ce divertissement fut poussé plus loin, mais comme je ne suis pas assez bien informé de
            ce qui regarde la suite, je ne vous en diray rien. Le bal fut ensuite ouvert &amp; l’on
            peut dire que toute la maison de Sceaux fut remplie d’un nombre infini de masques, dont
            la varieté des habits estoit si grande qu’il auroit fallu des mois entiers pour les
            examiner, si on avoit voulu s’attacher à les considerer. Les rafraîchissemens &amp; les
            liqueurs furent servies en abondance ; mais quoique la profusion fust grande, &amp;
            qu’il semblât que l’on vuidât plûtost des tonneaux que des bouteilles, à peine en
            avoit-on porté dans les lieux où tous les masques estoient répandus, que tout
            disparoissoit : enfin chacun s’en retourna content de cette Fête que l’on pourroit
            nommer une Fête Royale.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1705-03">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, mars 1705 [tome 3]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-03_43">
          <head>[Journal de voyage du General des Mathurins en Espagne]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1705 [tome 3], p. 43-60.</bibl>
          <p>Le Pere de la Forge ayant esté élû l’Eté dernier General des Mathurins, dans un
            Chapitre general tenu à Paris, ainsi que je vous l’ay marqué, partit sur la fin du même
            Eté pour aller visiter les Couvents que son Ordre a en Espagne. Il alla d’abord à
            Barcelone où il arriva le 9. d’Octobre de l’année derniere. Le P. Ministre du Couvent de
            Barcelone, qui avoit resolu d’aller au devant de luy jusqu’à Perpignan, distant de trois
            grandes journées de Barcelone, n’ayant appris sa marche que le neuf au matin, partit
            aussi-tost pour le joindre au lieu où ce General devoit dîner, auquel il le trouva. Ils
            partirent ensemble l’apresdînée, &amp; suivant les ordres qui avoient esté donnez par le
            P. Ministre, ils trouverent à une lieuë de Barcelone, sept carosses remplis de personnes
            de distinction, &amp; de plusieurs Religieux de l’Ordre. Le P. General monta avec quatre
            personnes des plus qualifiées d’entre celles qui étoient venuës au devant de luy, dans
            un carosse magnifique. Il trouva en arrivant au Couvent que l’Ordre a dans Barcelone,
            les Religieux qui l’attendoient processionnellement. Il descendit de carosse, les suivit
            au bruit des Trompettes, des Hautbois, &amp; de quantité d’autres Instrumens. Il entra
            dans l’Eglise où le <hi rend="i">Te Deum</hi> fut chanté alternativement avec l’Orgue
            &amp; la Musique, &amp; au son de plusieurs Instrumens qui ne sont pas d’usage en
            France. Le <hi rend="i">Te Deum</hi> étant fini, &amp; le P. General ayant fait sa
            priere sur un carreau au pied du grand Autel, il se plaça dans un fauteüil, où tous les
            Religieux vinrent luy jurer obéïssance, en luy baisant les mains. Ce qu’il y eut de
            particulier, est que parmi le nombre d’environ cinquante Religieux qui forment la
            Communauté, le P. Piguerolles, élû General pour l’Espagne en 1688. luy jura
            la même obéïssance que les autres. Aprés cette ceremonie, il fut conduit dans
            l’appartement qu’on luy avoit préparé au son des Trompettes, des Hautbois, des Violons,
            des Basses de viole, &amp; d’une grande Symphonie. A peine fut-il entré dans sa Chambre,
            qu’il fut complimenté par un Gentilhomme, de la part de M<hi rend="sup">r</hi> le
            Viceroy de Catalogne, &amp; par un Ecclesiastique de la part de M<hi rend="sup">r</hi>
            l’Evêque de Barcelone. Plusieurs Gentils-hommes monterent dans la même chambre, &amp;
            toute la Compagnie fut regalée de liqueurs glacées. Le 10. au matin le Viceroy envoya à
            ce General un Gentilhomme, pour luy dire qu’il vouloit le prévenir en luy rendant
            visite ; mais le P. de la Forge y alla lui-même sur l’heure. M<hi rend="sup">r</hi>
            l’Evêque lui envoya demander comment il avoit passé la nuit, &amp; le vint voir
            l’apresdînée, les Evêques en usant ainsi en Espagne, à l’égard des Generaux d’Ordre.
            Toute la journée se passa à recevoir des complimens &amp; des visites. Le Couvent de
            Barcelone est fort beau. Il y a trois Cloîtres l’un sur l’autre, bien percez par de
            belles arcades, &amp; soutenus par des colonnes tres-delicates. Toute la façade du
            dedans du Cloître est d’une belle pierre grise. L’Eglise est aussi d’une grande beauté ;
            ainsi que le Refectoire qui est voûté &amp; revêtu tout autour d’une maniere de lambris
            de carreaux d’Hollande, à la hauteur de dix pieds. Il y a dans la Maison une magnifique
            Apoticairerie.</p>
          <p>Le General arriva le 6. de Novembre à Saragosse, Capitale du Royaume d’Arragon. Les
            Peres Mathurins y ont un Couvent des plus magnifiques ; il a esté commencé par
            Charlequint &amp; par le Pape Adrien VI. Les Mathurins ont outre ce Couvent un College
            dans la Ville, &amp; il y a tant dans l’un que dans l’autre au moins soixante Religieux.
            Le Pere General y a reçû tous les honneurs possibles, &amp; il a esté visité par M<hi
              rend="sup">r</hi> l’Archevêque de Saragosse, Viceroy du Royaume d’Arragon.</p>
          <p>Ce General continuant sa marche vers Madrid, y arriva le 27. de Novembre. Il étoit dans
            le Carosse de Monsieur le Duc d’Arcos, frere de Madame la Duchesse d’Albe. Ce Duc avoit
            esté au devant de luy à plus d’une lieuë de Madrid, avec un grand cortege de Carosses.
            Le P. General alla descendre au Couvent des Mathurins qui est le plus beau Couvent de
            Madrid &amp; dans lequel il y a quatre-vingt Religieux ; aussi est-il d’une magnificence
            extraordinaire. Ce General y fut tres bien reçû. Le 3<hi rend="sup">e</hi> jour de son
            arrivée il eut une audience publique du Roy &amp; de la Reine avec les ceremonies
            accoutumées en de pareilles audiences, &amp; huit ou dix jours ensuite il eut une
            audience particuliere du Roy, dans laquelle S.M.C. luy dit plusieurs choses obligeantes,
            &amp; luy marqua le plaisir qu’elle avoit de le voir à Madrid. Je ne puis m’empescher
            d’ajouter icy ce que j’ay vû dans une lettre de ce Pere. Voicy en propres termes ce que
            contient l’article dont j’ay jugé à propos de vous faire part. <hi rend="i">J’ay esté
              fort content aujourd’huy d’entendre dire à une des plus grandes Dames d’Espagne, qu’à
              chercher de l’Orient à l’Occident, on ne pourroit mieux trouver que les Espagnols ont
              dans la personne du Prince &amp; dans celle de la Princesse. Il est vray qu’elle est
              charmante &amp; qu’on en peut esperer les plus grandes choses pour son sexe &amp; pour
              son rang. Le Roy est tres-bien fait, il est d’une douceur qui enchante, &amp; ce
              Prince a par dessus cela, tout l’esprit &amp; toute la penetration possible.</hi></p>
          <p>Ce Pere aprés avoir esté régalé à Madrid par plusieurs Grands d’Espagne, poursuivit son
            voïage pour visiter le reste des Couvens de son Ordre. Si j’apprens ce qui s’est passé
            dans ces visites, je vous en feray part.</p>
          <p>En achevant cet article, on vient de me faire voir une Lettre écrite de Grenade, du 17.
            Fevrier, par un homme qui accompagne le General des Mathurins dans son voyage. Voicy un
            extrait de cette Lettre.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Le dessein du P. General étoit d’aller de Seville à Malaga, où son Ordre
                a une tres-belle Maison ; mais deux jours de pluye en ayant rendu les chemins
                impraticables, le Superieur l’est venu trouver. Il apprit de ce Superieur que
                pendant le dernier combat Naval, deux Communautez de Religieuses, &amp; le Chapitre
                de la Cathedrale de Malaga s’étoient retirez chez les Mathurins, où on leur donna
                des appartemens separez : Que depuis dix heures jusqu’à la nuit, le bruit du canon
                ébranloit toute la Ville : qu’on y étoit tres-consterné, &amp; que de leur Maison
                qui est tres-élevée &amp; distante de la Mer d’un quart de lieuë, on voyoit le feu
                &amp; la fumée de l’artillerie : que le lendemain la consternation fut encore grande
                pendant toute la journée, parce qu’on ne sçavoit pas encore à qui la victoire estoit
                demeurée ; mais que le jour suivant on fut fort réjoüy d’apprendre que les Ennemis
                avoient perdu la bataille.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Pour vous donner des nouvelles de Grenade où nous sommes presentement,
                je vous diray que la Ville est dans une situation tres-fertile &amp; dans un climat
                tres-doux, quoique les montagnes dont elle est au pied soient si élevées qu’elles
                sont en tout temps couvertes de neiges ; ce qui est fort favorable pour boire frais
                dans les grandes chaleurs. Mr l’Archevêque honora &amp; prévint de sa visite le P.
                General. C’est un Prélat tres-gracieux &amp; fort affectionné aux deux Couronnes,
                &amp; le nom de Loüis XIV. est reveré dans Grenade. La Cathedrale est la plus belle
                d’Espagne, &amp; sur tout dans son Sanctuaire, qui est d’une richesse, d’un goût
                &amp; d’une architecture admirable ; ce qui m’a paru de plus curieux est le Château
                des Rois Maures appellé</hi> la Alhambra. <hi rend="i">Les dehors de ce Château ne
                marquent pas beaucoup ; mais tous les appartemens du dedans d’une structure
                moresque, sont d’un goût singulier &amp; bien entendus pour les delices &amp; pour
                la fraîcheur, dans un climat où les chaleurs sont grandes. Tous les appartemens en
                sont voûtez &amp; les voûtes &amp; les murailles enrichies de sculptures, de Lettres
                &amp; de chiffres arabesques ; ces appartemens sont aussi lambrissez en porcelaine
                &amp; pavez d’un beau marbre blanc. Il y a une distribution d’eau si abondante qu’il
                y a des fontaines jaillissantes en chaque chambre, un lieu destiné pour les bains,
                un pour les parfums &amp; un autre pour la deffense, en cas de Siége. Et en cas
                qu’on coupast les eaux qui viennent de loin, il y a un reservoir d’une grandeur
                immense en forme de deux Eglises souterraines, que l’on vuide de temps en temps,
                pour le nettoyer, &amp; qu’on remplit ensuite pour fournir de l’eau à la Ville
                entiere dans le besoin. Ceux qui n’ont pas dequoy boire à la neige y en vont querir
                pendant les grandes chaleurs.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Charlequint avoit dans le même endroit commencé un magnifique Palais,
                qui n’a point esté achevé. Il y a une Cour en Collonnades d’un marbre qui
                paroîtroit tres-précieux s’il estoit poli, mais quoique brut, l’ouvrage est
                tres-estimable.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Je suis ravi que par tout où je passe, on me témoigne la grande &amp;
                singuliere estime qu’on a pour la personne, pour la puissance &amp; pour les
                augustes qualitez du Roy de France nôtre Souverain.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-03_60">
          <head>[Ceremonie faite à Alby]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1705 [tome 3], p. 60-66.</bibl>
          <p>Je vous parlai dans ma Lettre du mois de Septembre 1700. d’une celebre ceremonie qui se
            fit à Alby au sujet de la Translation des Reliques de Saint Clair, premier Evêque de
            cette Ville &amp; Apostre de l’Albigeois. M<hi rend="sup">r</hi> le Goux de la Berchere
            qui estoit alors Archevêque d’Alby &amp; maintenant Archevêque &amp; Primat de Narbonne,
            en prononçant le jour de la Ceremonie le Panegyrique de S. Clair, fit vœu de donner une
            Chasse d’argent pour conserver la Relique qu’il procuroit à l’Eglise d’Alby. Il vient de
            s’acquiter de ce vœu d’une maniere digne de luy.</p>
          <p>Le 31. du mois de Decembre dernier il fit presenter au Chapitre de l’Eglise
            Metropolitaine d’Alby une riche Chasse d’argent tres-delicatement travaillée ; c’est une
            Mosaïque d’un bon goût. Ce même jour la Relique fust exposée pendant toute la journée à
            la veneration du peuple, &amp; aprés Vespres elle fut portée en Procession autour de la
            celebre Eglise de Sainte Cecile, &amp; ensuite déposée dans la magnifique Chapelle de
            Saint Clair que Mr de Narbonne a fait orner de peintures.</p>
          <p>L’Eglise d’Alby n’avoit point de Relique considerable de son premier Evêque ; c’est à
            Mr de Narbonne qu’elle est redevable de celle qu’elle possede presentement. C’est aussi
            ce grand Prelat qui a renouvellé le culte de cet Apôtre de l’Albigeois, qu’on ne peut
            plus invoquer à Alby sans se souvenir de celuy qui luy a procuré un si precieux
            depost.</p>
          <p>C’a esté aussi pour entretenir la pieté des Fidéles pour ce grand Saint que Mr de
            Narbonne a fondé une basse Messe chaque Mecredy de l’année dans la Chapelle
            de Saint Clair, qui est toûjours celebrée par un Chanoine de l’Eglise Metropolitaine,
            &amp; où il y a grand concours de Peuple.</p>
          <p>Aussi-tost que le Chapitre de l’Eglise d’Alby eut reçû ce beau Monument de la pieté
            &amp; de la Religion de Mr l’Archevêque de Narbonne, il crût qu’il étoit de son devoir
            de marquer à cet illustre Prelat sa reconnoissance ; c’est ce qu’il fit au commencement
            du mois de Janvier dernier par une Lettre tres-respectueuse, à laquelle Mr de Narbonne a
            repondu d’une maniere tres-obligeante. Pendant plus de dix-sept ans d’Episcopat il y a
            toûjours eu une union tres-parfaite entre ce grand Prelat &amp; cette illustre
            Compagnie ; il semble que cet esprit de paix soit reservé à Mr de Narbonne. Dans toutes
            les Eglises qui ont ou le bonheur de l’avoir pour Pasteur, il a toûjours laissé des
            fruits de paix, d’union &amp; de charité. L’Eglise d’Alby l’a mis au nombre de ses plus
            illustres Pasteurs, &amp; elle l’honore comme le Restaurateur de la Discipline
            Ecclesiastique. Trente années d’un Episcopat laborieux &amp; passé dans des visites
            continuelles n’ont pû ralentir l’ardeur de son zéle. L’année derniere les Estats de la
            Province de Languedoc ne furent pas plûtôt finis qu’il commença la visite du Diocese de
            Narbonne, qu’il n’interrompit que lors que les affaires de la Province l’obligerent
            d’aller en Cour, où son habileté dans les affaires de l’Etat ne parut pas moins que son
            zéle &amp; sa vigilance éclatent dans le gouvernement de son Diocése.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-03_146">
          <head>[Mort de N… Cenami, Prêtre de l’Ordre de S. Benoist]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1705 [tome 3], p. 146-150.</bibl>
          <p>Messire N… Cenami, Prêtre de l’Ordre de S. Benoist de la Congregation de Clugny, &amp;
            Prieur Claustral du Moutiers, auprés de Moulins en Bourbonnois, est mort dans cette
            Ville dans la Communauté des Prêtres de la Parroisse de S. Gervais, où il
            s’étoit retiré depuis quelque temps. Le talent de la Predication luy avoit acquis dans
            le monde une grande réputation, &amp; elle auroit encore esté plus considerable si la
            mort ne l’eust enlevé au milieu de sa course &amp; sur le point de commencer une
            nouvelle Mission. Il avoit esté choisi pour prêcher le Carême à la Paroisse de S. Côme,
            &amp; il y avoit déja prêché le jour de la Purification suivant l’usage de ceux qui
            doivent prêcher le Carême. Il avoit annoncé la parole de Dieu dans les meilleures
            Chaires du Royaume, à Lyon, à Dijon, à Moulins, à Grenoble, &amp; en plusieurs autres
            lieux : Monsieur le Cardinal le Camus avoit pour luy une estime singuliere, &amp;
            l’avoit souvent employé dans sa Cathedrale. Mr Cenami brilloit dans les Panegyriques
            &amp; dans les Piéces d’éloquence. L’Oraison funebre de feu Mr Brulart premier President
            du Parlement de Dijon, qu’il prononça devant M<hi rend="sup">rs</hi> du Parlement, fut
            tres-applaudie, &amp; elle fut imprimée quelque resistance qu’il y apportast. Le
            Panegyrique de S. Jean qu’il prononça l’année derniere dans l’Eglise de <hi rend="i">S.
              Jean le Rond</hi>, devant M<hi rend="sup">rs</hi> du Chapitre de Nôtre-Dame, &amp; le
            Panegyrique de S. Denis, prononcé en la même année dans l’Eglise de S. Paul, luy firent
            beaucoup d’honneur. Il estoit nommé pour prêcher le Carême prochain à la Paroisse de
            Versailles. Enfin il ne manquera rien à son éloge lors qu’on sçaura qu’il avoit
            l’approbation du P. Massillon, &amp; que ce Pere a dit plusieurs fois que Mr Cenami
            l’égaloit. Le talent de la Predication n’étoit pas le seul qu’eust cet Abbé. Il a
            traduit plusieurs piéces de Poësie Latine du P. d’Augieres Jesuite, qui ont esté
            trouvées aussi bonnes que leurs Originaux. M<hi rend="sup">rs</hi> les Evêques d’Autun,
            oncle &amp; neveu, avoient une singuliere consideration pour Mr l’Abbé Cenami, qu’ils
            avoient voulu attirer plusieurs fois à Autun. La famille de M<hi rend="sup"
            >rs</hi> Cenami est originaire d’Italie &amp; établie à Lyon. Mr le Sacristain de S.
            Paul de Lyon &amp; Curé de S. Laurent, est frere de celuy qui vient de mourir.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-03_153">
          <head>A Monsieur***</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1705 [tome 3], p. 153-158.</bibl>
          <p>Les deux pieces qui suivent doivent servir à égaïer une si triste matiere.</p>
          <quote>
            <label>A MONSIEUR ***</label>
            <p><hi rend="i">Votre question, Monsieur, est singuliere. Vous me demandez quel est le
                beau temps des Muses, &amp; celuy qui leur plaist davantage. Il n’en est point fait
                mention dans la Poëtique des Anciens &amp; des Modernes. Il faut pourtant, sans rien
                décider faire un essay sur ce sujet. Dans le jour, les Muses choisissent les heures
                du matin</hi>, Aurora musis amica. L’Aurore est favorable aux Muses. <hi rend="i"
                >C’est parce que l’esprit est alors libre, &amp; qu’il joüit d’un repos qui n’est
                pas troublé du bruit que le jour avancé excite. Entre les mois, celuy de May semble
                être le mois favory des neuf-Sœurs. Ce mois est composé d’un humide, doux, &amp;
                d’un chaud moderé, ce qui le rend propre à la production. Ce mois est gay, cette
                gayeté les anime, &amp; les rayons du Soleil y sont si temperez, qu’on diroit que
                ses jours ont la douceur &amp; la beauté de l’Aurore ; c’est aussi le mois du
                Rossignol, ce Prince des Chantres de l’air. Quant aux Saisons, les Muses preferent
                aux autres le Printems, &amp; l’Automne : Il y a dans l’un des fleurs &amp; dans
                l’autre des fruits : Aussi doit-il y avoir dans les Vers du beau &amp; de
                l’utile ; de l’agrément, &amp; du goût. Milton, ce grand Poëte, qui faisoit
                également de beaux vers en Anglois &amp; en Latin, ne travailloit que dans ces deux
                Saisons. Il touchoit admirablement dans le Printems &amp; dans l’Automne, la Lyre
                d’Apollon ; mais il la laissoit désacordée pendant l’Hyver &amp; l’Esté.
                Je suis cet exemple dans ces petits vers Latins &amp; François.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l>Vere atque Autumno sua condunt carmina Musæ,</l>
                <l> Non Æstas nec Hyems tempora commoda sunt ;</l>
                <l>Arida vel torpens vena est his partibus Anni,</l>
                <l> Temperiem poscunt aeris Aonides.</l>
              </lg>
              <lg>
                <label><hi rend="i">IMITATION.</hi></label>
                <l> Dans l’Automne &amp; dans le Printems,</l>
                <l> Lorsque les fleurs naissent de Flore,</l>
                <l> Où que Pomone ses fruits dore,</l>
                <l> Les Muses composent leurs Chants,</l>
                <l> Mais l’Esté fait tarir leur veine.</l>
                <l> L’Hyver elle coule avec peine.</l>
                <l>Si l’air n’est temperé dans le sacré vallon,</l>
                <l> On n’y trouve pas Apollon.</l>
              </lg>
            </quote>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-03_158">
          <head>Le Nouvelliste Bossu. Madrigal</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1705 [tome 3], p. 158-159.</bibl>
          <p>Le Madrigal qui suit doit estre de saison dans un temps de nouvelles. Il est de
            Mr Chauveau de Chartres qui a donné au Public deux Volumes d’histoires galantes &amp;
            comiques &amp; plusieurs petits contes en vers, qui ont esté bien reçûs.</p>
          <quote>
            <label><hi rend="i">LE NOUVELISTE BOSSU.</hi><lb/>MADRIGAL.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Un petit bossu pointilleux.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Voulant se railler d’un boiteux,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Luy demanda, quelles nouvelles,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Vous qui marchez d’un &amp; d’autre costé ?</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’autre pour reprimer sa sotte vanité,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Luy répondit en verité,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Je n’en ay point apris de belles.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">C’est de vous, Compere Niquet,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Qu’on doit en attendre de telles,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Puisque vous portez le paquet.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-03_207">
          <head>[Traité du Bonheur]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1705 [tome 3], p. 207-209.</bibl>
          <p>Il paroist depuis peu un autre livre nouveau qui se vend chez le S<hi rend="sup"
            >r</hi> Jean Guilletat, ruë S. Jacques à la Bonne-foy, prés la ruë des Mathurins. Ce
            livre qui est de la composition de M<hi rend="sup">r</hi> Fromentin, est <hi rend="i">un
              Traité du Bonheur</hi>. L’Auteur entreprend de prouver dans ce Traité de Morale que
            tous ceux qui se plaignent de la Fortune sont dans l’erreur ; que chacun peut estre
            l’Artisan de son bonheur ; que Dieu n’a point créé l’homme pour estre malheureux ; &amp;
            que ce seroit en quelque sorte contredire sa Sagesse que d’estre dans ce sentiment.
            L’Auteur fait voir que Dieu a rendu l’Homme souverain sur la terre, qu’il a soûmis tous
            les animaux à son pouvoir, &amp; qu’il l’a comblé de richesses ; qu’il ne luy en a pas
            donné la proprieté, mais la joüissance, parce qu’il a voulu que l’homme preferast les
            delices de l’esprit aux plaisirs sensibles du corps ; &amp; que c’est dans ces biens
            spirituels, qui sont les vrais biens, qu’il doit trouver sa felicité, &amp; non dans les
            autres qui n’étant que passagers &amp; perissables ne le peuvent rendre veritablement
            heureux. Il assure que dés que l’homme a l’usage de la raison il est non seulement
            heureux dans tous les âges, &amp; dans toutes les conditions de la vie ; mais qu’il ne
            cesse pas de l’être dans les differentes situations où il se trouve, quoy qu’au
            sentiment du vulgaire, il paroisse tres-miserable. Voila le plan de l’Ouvrage de cet
            Auteur. Cet Ouvrage est divisé en 5. parties qui contiennent plusieurs Chapitres. La
            lecture en doit être tres-utile. Le stile en est beau &amp; ce Livre se peut lire avec
            plaisir.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-03_238">
          <head>Relation des Ceremonies faites à la benediction de la premiere pierre du Port Saint
            Charle, sur la Mer Mediterrannée, à l'embouchure de la rivière d'Aude, prés de
            Narbonne</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1705 [tome 3], p. 238-250.</bibl>
          <p>Je vous fais part de ce qui suit de la maniere qu’il m’a esté envoyé.</p>
          <quote>
            <label>RELATION<lb/>Des Ceremonies faites à la benediction de la premiere pierre du Port
              Saint Charle, sur la Mer Mediterrannée, à l’embouchure de la riviere d’Aude,
              prés de Narbonne.</label>
            <p><hi rend="i">S’il y a lieu d’admirer que la France resiste tout à la fois à tant
                d’Ennemis liguez contre elle, on ne doit pas moins admirer que dans ce même temps on
                fasse au dedans du Royaume des Ouvrages publics, comme si l’on estoit dans la plus
                profonde paix &amp; qu’on travaille toûjours pour la commodité &amp; pour l’utilité
                publique, tandis que tout le reste de l’Europe ne retentit que des frayeurs de la
                guerre &amp; de la desolation de plusieurs Estats.</hi></p>
            <p><hi rend="i">C’est ce qu’on voit dans les travaux d’un nouveau Port qu’on fait
                maintenant à l’emboucheure de la riviere d’Aude, prés de Narbonne. Les
                Romains y avoient déja fait un canal qui est un ouvrage digne d’eux ; il est basti
                dans l’Etang, il a en tout temps vingt-cinq pieds d’eau, &amp; il porte toute sorte
                de bastimens, sans qu’on puisse s’écarter dans l’Estang jusqu’à ce qu’on ait gagné
                la riviere d’Aude qui conduit à Narbonne ; mais ce canal n’estant que pour la
                communication de la Mer avec Narbonne, &amp; la Mer jettant dans tout le Golphe de
                Leon beaucoup de sable, les grands bâtimens ne pouvoient point entrer dans le Grau,
                &amp; plusieurs y faisoient naufrage parce qu’il n’y avoit pas un lieu de seureté
                sur cette coste.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On a donc conçû le dessein de faire un port au Grau de la Nouvelle par
                le moyen d’un mole ou d’une jettée de pierre qui aura environ trois cens toises dans
                la mer, &amp; qui ouvrira naturellement l’entrée &amp; la communication de la Mer à
                ce beau canal des Romains, pour entrer dans les étangs de Narbonne ; de sorte que
                les plus grands bâtimens entreront &amp; sortiront à la voile avec leur chargement,
                de même qu’il est arrivé au Grau d’Agde. Ce nouveau Port s’entretiendra par luy-même
                dans un estat parfait, &amp; les sables s’arrestant au derriere de la jettée, il y
                aura naturellement jusqu’à quinze pieds d’eau aux endroits où il n’y en a que deux
                ou trois pieds, &amp; il pourra contenir dans sa longueur jusqu’à deux mille
                bastimens.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ce projet ayant esté porté à la Cour, le Roy qui veille toûjours à la
                felicité de ses Sujets, l’a approuvé &amp; a donné ses ordres pour l’executer. Les
                Estats de la Province se mirent aussi-tost en devoir d’y faire travailler. Mr
                l’Archevêque de Narbonne, Président né de cette Assemblée s’est chargé par le zéle
                qu’il a pour tout ce qui regarde son Diocése, d’y faire mettre au plûtost la main,
                &amp; enfin le</hi> 12. <hi rend="i">de Novembre dernier tout s’est trouvé en estat
                d’y poser la premiere pierre &amp; de l’y benir.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mr de Montaigu, Ingenieur en Chef au port de S. Loüis de Cette, connu
                par ses longs services &amp; par son habileté, se rendit au Grau de la Nouvelle par
                ordre de la Cour, pour faire planter les piquets, &amp; pour executer le devis qui
                en avoit esté fait par Mr de Riquet, Lieutenant de Roy au Gouvernement d’Antibe
                &amp; Ingenieur general, &amp; Mr Grasset Curé de Sigean fit la ceremonie, ce Port
                se trouvant dans l’étenduë de sa Parroisse. On commença par une Messe
                solemnelle à la Nouvelle, où assisterent plusieurs personnes de qualité, &amp; où il
                se trouva un concours extraordinaire de Peuple. Il y eut plusieurs Salves de toute
                l’Artillerie du Grau, &amp; un concert de hautbois &amp; de violons.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Aprés la Messe, la Procession s’embarqua, sans cesser de chanter, &amp;
                l’on monta sur des Barques que les Entrepreneurs avoient eu le soin de faire
                conduire. On alla en pleine Mer à l’endroit où doit commencer la jettée, &amp; l’on
                y fit la benediction avec les ceremonies ordinaires. M<hi rend="sup">r</hi> de
                Montaigu fit alors ses liberalitez aux Ouvriers &amp; aux Matelots d’une maniere
                digne du grand Roy qu’il sert, &amp; il representa que comme c’étoit la coûtume de
                donner aux Ports le nom de quelque Saint en le mettant sous sa protection, on devoit
                donner à celuy-cy le nom de S. Charles, pour memoire éternelle de la reconnoissance
                qu’on devoit à M</hi><hi rend="sup">re</hi> <hi rend="i">Charles le Goux de la
                Berchere, Archevêque &amp; Primat de Narbonne, qui en avoit procuré l’execution.
                M</hi><hi rend="sup">r</hi>
              <hi rend="i">le Curé en fit donc la dedicace au bruit de toute l’artillerie meslée du
                son des haut-bois &amp; des violons, &amp; il jetta ensuitte la pierre
                dans la Mer parmi les acclamations universelles de</hi> Vive le Roy. <hi rend="i">On
                y avoit attaché une plaque de Bronze sur laquelle on avoit gravé une Inscription,
                qu’on a aussi fait graver sur une pierre, pour la placer hors de l’eau, &amp; qui
                marque le temps, &amp; la difficulté de cette entreprise, pour laquelle il a fallu
                bastir dans une plage orageuse, par le moyen d’une jettée dans la mer, &amp; changer
                la situation des lieux, &amp; de la nature. Cette Inscription est dans les termes
                suivants.</hi></p>
            <quote>
              <lg rend="center">
                <l>SUB LUDOVICO MAGNO,</l>
                <l><hi rend="sc">Promovente Carolo le Goux de la Berchere,</hi></l>
                <l>NARB. ARCH. ET PRIMATE, AUSPICE DIVO CAROLO,</l>
                <l><hi rend="sc">In malefida nuper statione constructus nunc portus ;</hi></l>
                <l>FRÆNATA REPAGULIS ÆQUORA ; REPARATUS ORBIS ;</l>
                <l>ANNO M. DCCIV.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">La ceremonie ayant esté longue, le temps changea sur la fin, les
                vens s’esleverent, &amp; bientôt ce fut une tempeste. La beauté du
                jour &amp; l’empressement d’un chacun pour assister à cette feste avoient empêché de
                prendre toutes les précautions necessaires. On s’étoit servi de toutes sortes de
                Barques, &amp; plusieurs se trouverent dans un danger évident. Cependant par une
                faveur particuliere du Ciel, le temps revint au beau, pendant qu’on disoit les
                Prieres qu’on fait en cette benediction contre les orages, &amp; l’on revint avec
                joye. C’est à cette occasion que M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Leonard Chanoine de
                l’Eglise Primatiale de Narbonne fit sur le champ le Madrigal suivant.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l> Graces au Ciel, à ses bien-faits,</l>
                <l>Loüis d’un nouveau Port enrichit ses Sujets.</l>
                <l> En vain Eole à sa naissance,</l>
                <l> De son progrés est irrité :</l>
                <l> De Neptune en vain la puissance</l>
                <l> S’oppose à sa tranquilité.</l>
                <l>Le Ciel paroît serein, Dieu dissipe l’orage,</l>
                <l> Sa bonté propice à nos vœux,</l>
                <l> Par ce prodige nous présage</l>
                <l>La seureté du Port &amp; son accés heureux.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">Mr Boussonel qui avoit eu la conduite de la Feste donna un magnifique
                repas à toute la Compagnie dans une Maison de campagne, au voisinage. On y but à la
                santé du Roy &amp; de toute la Famille Royale, au bruit de plusieurs décharges de
                toute l’Artillerie ; les Violons &amp; les Hautbois se firent entendre à l’envi,
                &amp; chacun prit part à une Feste dont chacun espere retirer quelque profit. Cela
                donnera lieu aux Geographes de faire une addition sur leurs Cartes, &amp; la
                posterité la plus reculée joüira des avantages &amp; des commoditez d’une reparation
                si utile &amp; si necessaire.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-03_269">
          <head>[Voyage du Roy d’Espagne à l’Escurial]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1705 [tome 3], p. 269-277.</bibl>
          <p>C’est une chose surprenante &amp; digne de la plus haute admiration &amp; du plus grand
            étonnement, que depuis un assez grand nombre d’années que Philippe V. est monté sur le
            Thrône d’Espagne, il ne vienne que de trouver le temps d’aller voir l’Escurial, quoique
            cette Maison ne soit qu’à 6. lieuës de Madrid, que l’on en parle par toute la Terre,
            &amp; qu’elle passe pour une des merveilles du monde ; mais ce Prince n’a eu d’autre
            occupation depuis qu’il est sur le Thrône que celle des affaires de son Etat. Il partit
            peu de temps aprés son élevation à la Couronne pour la Catalogne, où il fit un assez
            long sejour pour y regler beaucoup de choses ; il passa ensuite en Italie, où il visita
            la plus grande partie des differens Etats qu’il y possede, &amp; sa presence &amp; ses
            manieres engageantes, sans descendre pourtant de ce qu’il doit à son rang, luy
            engagerent plus les Peuples &amp; l’assurerent plus de leur fidelité que le droit qu’il
            a de leur commander. Ce Prince ne donna pas en Italie de moindres marques de sa valeur
            &amp; de sa bonté. Il se trouva en personne à la défaite du General Annibal Visconti
            &amp; à la bataille de Luzzara qu’il eut le bonheur de gagner. Les affaires d’Italie ne
            demandant plus sa presence, il retourna à Madrid, où par le bon ordre qu’il avoit donné,
            il trouva toutes choses dans la même tranquilité qu’il les avoit laissées.
            Il s’appliqua avec toute l’assiduité imaginable au maniment des affaires, sans que la
            vûë d’aucun plaisir l’en pust détourner, &amp; la guerre s’estant allumée entre
            l’Espagne &amp; le Portugal, il se mit à la teste de son Armée, fit fuïr ses Ennemis par
            tout où il en trouva, prit un grand nombre de Places &amp; fit presque toute leur Armée
            prisonniere de guerre. Il continua à son retour à Madrid de donner la même application
            aux affaires, &amp; quoiqu’il fust extrêmement souhaité à l’Escurial, les Religieux qui
            sont en possession de ce Convent qui bruloient du desir de l’y voir, à cause des grandes
            choses qu’ils en avoient oüy dire, sa reputation ayant toûjours augmenté depuis qu’il
            estoit sur le Trône d’Espagne, ce Monarque ne put neanmoins satisfaire au desir de ces
            Religieux n’y à l’impatience qu’il avoit de voir ce beau lieu, qu’au mois de Février
            dernier ; mais à peine eut-il le temps d’en examiner toutes les beautez &amp; de
            respirer l’air de la Campagne, qu’ayant reçû des depesches importantes qui luy furent
            apportées par Monsieur le Duc de Gramont, il partit aussi-tôt pour Madrid, afin de
            deliberer avec son Conseil sur les affaires aussi pressantes qu’importantes, dont il
            estoit question ; ainsi ces affaires l’obligerent de quitter l’Escurial
            presqu’aussi-tost aprés son arrivée, comme elles l’avoient empêché d’y aller pendant
            plusieurs années. On avoit observé à l’arrivée de leurs Majestez l’usage que l’on a
            d’illuminer ce fameux Monastere la premiere fois que les Rois y viennent. Il le fut en
            cette occasion avec beaucoup de magnificence. La façade exterieure &amp; les dedans
            estoient éclairez de plus de quarante mille lumieres. Le <hi rend="i">Te Deum</hi> fut
            chanté en Musique dans l’Eglise du Monastere des Jeronymites qui assisterent tous à
            cette ceremonie revêtus de Chapes tres-riches. Ils firent voir ensuite au Roy les
            Reliques, les precieux Ornemens &amp; les autres raretez de ce lieu. Les jours suivants
            leurs Majestez prirent dans le Parc le divertissement de la Chasse qui est
            tres-abondante. Sa Majesté en partant de ce lieu voulut marquer la satisfaction qu’elle
            avoit de la reception que luy firent les Religieux, &amp; nomma le Prieur à l’Evêché de
            Mondonedo en Galice. La Galice est une Province d’Espagne qui a eu autrefois titre de
            Royaume. Elle a l’Ocean Atlantique au Couchant, &amp; le Royaume des Asturies au
            Levant.</p>
          <p>L’Escurial est un petit Village à 6. lieuës de Madrid, où est un Palais du Roy
            d’Espagne qui renferme un Monastere &amp; un College. Ce Palais contient de superbes
            appartemens bâtis à l’Italienne. Le Monastere renferme 4. Cloîtres outre celuy de
            l’Apotiquairerie. L’Eglise dediée à S. Laurent est d’une belle structure, le grand Autel
            est élevé de 17. degrez de porphire &amp; environné de quatre rangs de
            colomnes de jaspe. Sous ce grand Autel il y a une Chapelle voûtée où
            reposent les Corps des Rois d’Espagne. Ce magnifique Sepulchre a esté bâti par l’ordre
            de Philippes IV. &amp; se nomme <hi rend="i">Pantheon</hi>, parce que sa structure est
            prise sur le dessein du <hi rend="i">Pantheon de Rome.</hi></p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-03_291">
          <head>Relation de ce qui s’est passé dans les Réjoüissances faites par la Nation Françoise
            de Smirne, à l’occasion de la Naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1705 [tome 3], p. 291-304.</bibl>
          <quote>
            <label>RELATION<lb/>De ce qui s’est passé dans les Réjoüissances faites par la Nation
              Françoise de Smirne, à l’occasion de la Naissance de Monseigneur le Duc de
              Bretagne.</label>
            <p><hi rend="i">Mr le Comte de Pontchartrain ayant fait l’honneur à Mr Royer, Consul de
                Smirne, de luy mander la Naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne, il luy ordonna
                de de faire des Réjoüissances avec la Nation, au sujet d’un évenement si heureux
                autant que le Païs le pourroit permettre. Ce Magistrat qui n’a pas moins de zéle
                pour ce qui regarde Sa Majesté, que d’attention à tout ce qui a du
                raport à son employ, n’eut pas plutost reçû cet ordre qu’il fit
                assembler la Nation pour luy en faire part. Il seroit difficile de nommer ceux qui
                en eurent le plus de joye. Leur empressement à seconder les intentions de leur
                Consul pour lequel ils ont de l’estime &amp; de l’amitié autant qu’il en a pour eux,
                est au delà de toute expression ; &amp; le soin de la Feste qu’on trouva à propos de
                faire en cette rencontre fut donné à Messieurs les Deputez. &amp; comme dans un pays
                où la magnificence des Nations étrangeres paroist autant par des presens, que par
                d’autres marques exterieures, il estoit necessaire de faire voir à cet égard quelle
                estoit celle de nostre Nation pour un sujet qui luy faisoit tant de plaisir, on
                envoya du sucre, du caffé &amp; des vestes de drap au Cady &amp; à ses
                Officiers. On fit encore les mêmes presens de vestes au Commandant des Janissaires,
                au Doüanier, au Vayvode, &amp; à quelques Grands de la Ville, en leur apprenant
                qu’un Prince estoit né à la France, que Sa Majesté, de même que ses Sujets avoient
                le bonheur de voir la quatriéme generation dans cette naissance, &amp; qu’on vouloit
                bien accompagner cette nouvelle d’une honnêteté de la part du Consul, &amp; de la
                Nation. Il est inutile de dire de quelle maniere ce compliment fut receu, puisqu’il
                est aisé de se l’imaginer ; &amp; les Turcs parurent tres-sensibles à tout ce qui
                leur fut dit &amp; envoyé de nôtre part. On fit la même liberalité à six Dogmans de
                France actuellement servans, aux trois Janissaires de la porte du Consul, &amp; à un
                quatriéme qui fut employé pour le ceremonial de la feste, &amp; on donna à chacun
                des Drogmans une veste de drap bleu, &amp; une de drap vert à chaque Janissaire. On
                prépara ensuite la Maison Consulaire, qui au moyen des Galleries qui
                regnent autour de la Cour, &amp; par celles qui répondent à la Marine, se trouve
                parfaitement bien disposée pour le dessein &amp; pour la beauté d’une Feste ; on
                n’épargna pas la Mirthe &amp; le Laurier aux portes, le long &amp; aux piliers de
                toutes ces galeries par des Arcs de triomphe &amp; par d’autres figures. On éleva
                des piramides sur la façade de la Cour pour y placer des Gobelets Fleurdelisez que
                l’on mit au nombre de plus de quatre mille, au bas, &amp; sur le haut des balustres
                de ces galeries, avec une infinité de Lamprons, de Banderolles &amp; des bandes
                d’Oripeau. Les Armes du Roy, celles de Monseigneur le Duc de Bretagne, &amp; de la
                Ville de Marseille, estoient dans cette façade, au bas de laquelle &amp; au plein
                pied de la Cour il y avoit un Cabinet de verdure avec une fontaine de vin, au dessus
                de laquelle estoit cette inscription</hi> : Princeps natus est nobis ; accedite sit
              ientes, græco more bibite, &amp; alacri animo dicite, īō pæan, &amp;
                īō bis dicite pæan. <hi rend="i">Les choses estant dans cet estat,
                le</hi> 24. <hi rend="i">Novembre Mrs les Marchands de la Nation se rendirent à la
                Maison Consulaire, où aprés que Mr le Consul leur eust distribué un nœud de ruban
                blanc à chacun, qu’ils mirent à leurs chapeaux ainsi que lui, on servit un déjeûné,
                &amp; dans le même instant que ce Magistrat but à la santé du Roy, de Monseigneur le
                Duc de Bretagne &amp; de toute la famille Royale, &amp; que la Nation eut suivi son
                exemple, on arbora le Pavillon de la Marine, on mit le feu à cent boëtes, le canon
                des Vaisseaux tira, &amp; la fontaine de vin fut ouverte. Il n’en falut
                pas davantage pour obliger le peuple, qui attendoit impatiemment le commencement de
                cette Feste, d’accourir d’abord à la Maison Consulaire. Toutes sortes de Nations s’y
                rendirent ; l’on y but le jour &amp; la nuit du bon vin de cette Fontaine, qui en
                fournissoit abondamment à tout le monde, &amp; l’on n’entendit durant tout ce
                temps-là que des acclamations qui marquoient assez la part que les gens du pays
                prenoient à nôtre joye ; &amp; comme Mr le Consul de Venise avoit déja donné des
                demonstrations de la sienne, aussi bien que les personnes de sa Nation, nostre
                Consul pour honorer davantage cette Feste, l’envoya prier en Ceremonie d’y vouloir
                assister ; en sorte que sur les quatre heures aprés midy, s’estant rendu avec sa
                Nation, qui fut aussi priée, à la Maison Consulaire, où la nostre estoit déja, on
                alla ensemble avec le ceremonial ordinaire, &amp; au son des violons à l’Eglise des
                Reverends Peres Capucins qui estoit tout-à-fait bien illuminée &amp; ornée, &amp; où
                l’on chanta le</hi> Te Deum, <hi rend="i">au bruit de cent boëtes &amp; du canon des
                Vaisseaux. Au sortir de l’Eglise les Reverends Peres Capucins, qui voulurent à leur
                tour donner des marques d’allegresse, ayant préparé une piéce en vers dont leurs
                écoliers estoient les Acteurs, elle fut representée dans leur Cour où ils avoient
                fait dresser un Theatre avec beaucoup de propreté &amp; de bon goust. On distribua
                en sortant quelques aumônes, &amp; on se retira ensuite avec le même ordre à la
                Maison Consulaire, à la clarté de plus de quarante flambeaux de cire blanche ; &amp;
                comme on avoit profité du temps que l’on estoit aux Capucins pour allumer les
                Lamprons &amp; les Gobelets, on vit lors qu’on fut à la porte ; une illumination qui
                surprit tous les spectateurs par sa beauté, &amp; par sa magnificence, &amp; l’on ne
                fut pas plutost aux appartemens d’en haut qu’on apperçut dans toutes les chambres
                une infinité de lustres garnis de bougies ; en sorte que la maison paroissoit toute
                en feu par le dehors &amp; par le dedans. Dés qu’on fut dans la grande Salle, on
                porta des verres aux deux Consuls, &amp; aux deux Nations ; l’on but ensemble à la
                santé du Roy, ce qui fut accompagnée d’une salve de cent Boetes, &amp; d’une salve
                de Canon. Peu de temps aprés on servit à souper, &amp; l’on couvrit deux tables,
                dont l’une estoit de quarante couverts, &amp; l’autre de vingt-cinq. La premiere
                estoit pour les deux Consuls, &amp; pour les principaux Marchands des deux Nations ;
                &amp; la seconde, qui est-il tenuë par le fils du Consul de France, estoit pour les
                François un peu moins distinguez. Il y avoit trois autres tables dans les autres
                Chambres de la maison, l’une pour les Drogmans de France &amp; de Venise, la seconde
                pour les Ecrivains des Marchands, &amp; la troisiéme pour les Artisans ; ce qui
                composoit en tout plus de cent cinquante personnes. Rien ne manqua à la magnificence
                de toutes ces tables, &amp; l’on ne peut sur tout rien ajoûter à celle des deux
                tables de la Salle Consulaire, l’arrangement, la propreté, &amp; le bon goust s’y
                trouvoient au souverain degré ; les Venitiens, &amp; tous les autres étrangers qui
                vinrent durant le repas, en furent étonnez, &amp; principalement lorsqu’ils virent
                la quantité des confitures qu’on servit au fruict. On but d’abord à la santé de
                Monseigneur le Duc de Bretagne, &amp; de la Famille Royale, &amp; ensuite celle de
                la Republique de Venise ; on continua par celles de Mrs les Ambassadeurs de France,
                &amp; de Venise ; on n’oublia pas les deux Consuls, &amp; les deux Nations, &amp;
                toutes ces santez furent accompagnées de plusieurs décharges de Canons. On tint
                table long-temps ; tout le monde estoit en joye, &amp; les liqueurs ne furent pas
                épargnées. Au sortir de table, on alla à un apartement de la Marine, où
                les Dames commençoient à s’assembler ; on y dança long-temps au son des Instrumens,
                aprés quoi, on y servit une collation où les confitures étoient en abondance ; l’on
                en donna à des Turcs de consideration, qui vinrent pour voir la feste, on leur
                servit encore du Caffé, &amp; des Liqueurs, de même qu’à tous ceux qui en
                demandoient, en sorte qu’une infinité de gens passerent la nuit, parmi lesquels
                étoient Mr le Consul de Venise avec la plus grande partie de sa Nation. Les Couvents
                firent leurs festes en particulier ; les Drogmans &amp; les Censaux Juifs de la
                nation, ausquels on distribua quelque argent firent aussi la leur. Les Janissaires
                de la maison Consulaire eurent soin de donner des pipes, &amp; du Caffé à tous les
                Mussulmans qui se presenterent à la porte ; &amp; personne enfin ne s’en
                retourna mécontent ; estant remarquable que parmi un concours de plus de neuf à dix
                mille personnes qui vinrent successivement pour voir cette feste, on n’ait pas oüi
                parler de la moindre querelle, n’y d’aucun accident arrivé à qui que ce soit,
                quoique la nuit, il se soit trouvé des Grecs &amp; des Armeniens couchez dans les
                rües que le vin avoit surpris : Ce qui peut bien être un effet de la prévoyance de
                nôtre Consul, qui avoit pris à cet égard des justes mesures auprés des Commandans de
                la Ville. On ne doit pas passer sous silence, que les Reverends Peres Jesuites
                voulans de leur costé donner des marques de leur joye en faveur du Prince, dont nous
                avons celebré la naissance, composerent un Discours sur ce sujet, qui fut prononcé
                par un des enfans de Mr Barbier premier Drogman le</hi> 27. <hi rend="i">du même
                mois, dans leur Eglise, qu’ils prirent le soin d’orner proprement &amp; de bien
                illuminer. Ce Discours fut suivi de quelque Vers, que cinq ou six de leurs écoliers
                reciterent à la louange du Roy ; aprés quoi Mr Duranti Evêque de Scopia, &amp;
                Administrateur des Eglises de Smirne &amp; de Scio, chanta Pontificalement le</hi>
              Te Deum, <hi rend="i">où Mrs les Consuls de France &amp; de Venise assisterent avec
                Mrs les Marchands des deux Nations, &amp; une infinité d’autres personnes.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-03_370">
          <head>Enigme</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1705 [tome 3], p. 370-373.</bibl>
          <p>Le mot de l’Enigme du mois passé estoit <hi rend="i">La Croix</hi>. Ceux qui l’ont
            trouvé sont Mrs Duparc, Enseigne dans les Troupes du Roy : Le Blanc, du Quesnoy : le
            petit Duval, d’Andely : Bardet, &amp; son ami Duplessis, Me Chirurgien au Mans : le
            Brun, Me de pension : Robinet, proche S. Pierre aux Bœufs, le Recteur de Chambery :
            l’Abbé Jean : le nouveau don Rodriguez : le heros du Canada : le petit Loup de
            Versailles &amp; sa Mareine : l’Echo fidele : &amp; Piquet, Imprimeur. Mlles de la Mare
            &amp; sa fille : d’Hozier : Tamiriste : la Nymphe Forestiere de S. Germain en Laye : la
            belle &amp; sincere Italienne, &amp; la plus belle &amp; gratieuse Dame du
            Cloître Nôtre-Dame.</p>
          <p>L’Enigme qui suit donnera de l’occupation à vos amis.</p>
          <quote>
            <label>ENIGME.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">D’une autorité sainte, incapable d’erreur,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je suis l’ouvrage pur. Jadis je fus austere,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et dans les heureux temps où regna la ferveur,</hi></l>
              <l><hi rend="i">On fournît à l’envi ma penible carriere.</hi></l>
              <l><hi rend="i">La sensualité d’un œil jaloux le vit,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et pour me supplanter mettant tout en usage,</hi></l>
              <l><hi rend="i">A cent prétextes vains, enfin elle joignit,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Des Docteurs relâchez le prophane langage.</hi></l>
              <l><hi rend="i">C’est ainsi qu’elle a sçû lâchement prévaloir.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ouy, depuis trop long-temps on meprise, on élude</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mes salutaires loix, &amp; leur sacré pouvoir</hi></l>
              <l><hi rend="i">N’est presque reveré que dans la solitude.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Au torrent de l’abus s’oppose vainement</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’oracle, dés le jour que je viens à parêtre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui dans le Temple saint parle &amp; dit gravement :</hi></l>
              <l><hi rend="i">O mortel, souvien-toy du neant de ton estre !</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1705-04">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, avril 1705 [tome 4]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-04_87">
          <head>[Sonnets]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1705 [tome 4], p. 87-92.</bibl>
          <p>Les deux Sonnets qui suivent tiendront bien leur place aprés tant de si tristes
            articles.</p>
          <quote>
            <label>BOUTS-RIMEZ<lb/>Donnez par M<hi rend="sup">r</hi> le Lieutenant de l’Amirauté,
              pour estre remplis à la louange de Monsieur le Comte de Toulouse.<lb/>SONNET.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Que vois-je ! &amp; quel Heros represente ce</hi>
                Buste :</l>
              <l><hi rend="i">Un Prince, qui de l’Inde au climat des</hi> glaçons</l>
              <l><hi rend="i">De lauriers immortels fera plus de</hi> moissons,</l>
              <l><hi rend="i">Que celuy que la Fable a dépeint si</hi> robuste.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Issu d’un Roy plus grand qu’Alexandre &amp; qu’</hi> Auguste ;</l>
              <l><hi rend="i">De ce fameux Vainqueur il suivra les</hi> leçons,</l>
              <l><hi rend="i">Tandis que les neuf Sœurs diront dans leurs</hi> chansons :</l>
              <l><hi rend="i">Son cœur est aussi grand que son esprit est</hi> juste.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Il répand ses bien-faits sans bruit &amp; sans</hi> orguëil,</l>
              <l><hi rend="i">Il adoucit les maux par un charmant</hi> accüeil,</l>
              <l><hi rend="i">Et leur sçait opposer une puissante</hi> digue.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Grand Dieu ! qui de son cœur fais mouvoir les</hi> ressorts,</l>
              <l><hi rend="i">Et qui de tes faveurs luy fut toûjours</hi> prodigue</l>
              <l><hi rend="i">De sa jeune valeur modere les</hi> transports.</l>
            </lg>
          </quote>
          <quote>
            <label>DEVISE.</label>
            <p>Un Soleil avec une Lune au-dessus d’une Mer, avec ces mots :</p>
            <quote>
              <lg>
                <l> <hi rend="i">Mutuato sub lumine splendet.</hi></l>
              </lg>
            </quote>
          </quote>
          <quote>
            <label>SONNET<lb/>EN BOUTS-RIMEZ,<lb/>Donnez par Mademoiselle de Bourbon, &amp; remplis
              sur le desir qu’elle a de prendre l’Habit de Religieuse, à
              Fontevrault.<lb/>SONNET.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Muse ! de mon cerveau comme d’une</hi> Escarcelle,</l>
              <l><hi rend="i">De tirer quelques Vers on m’impose la</hi> loy ;</l>
              <l><hi rend="i">Mais je crains ce qu’ont dit des gens de bonne</hi> foy</l>
              <l><hi rend="i">Du sort du Papillon qui brûle à la</hi> chandelle.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Il s’agit de loüer ce feu dont</hi> étincelle,</l>
              <l><hi rend="i">La Princesse qui sort du Sang de nostre</hi> Roy.</l>
              <l><hi rend="i">On luy voit fuïr le vice avec plus d’</hi> effroy</l>
              <l><hi rend="i">Qu’un Amant qui surpris se cache à la</hi> Ruelle.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Pleine de cet esprit du Pontife</hi> Sadoc,</l>
              <l><hi rend="i">Son cœur pour son Dieu seul est plus ferme qu’un</hi> Roc.</l>
              <l><hi rend="i">Le Monde vainement luy fait la </hi>caracolle,</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Toûjours victorieuse elle sort du</hi> combat,</l>
              <l><hi rend="i">Et renonce à l’Hymen pour l’heureux</hi> Celibat</l>
              <l><hi rend="i">Aimant plus Fontevrault qu’un Beuveur sa</hi> gondole.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-04_102">
          <head>[Lettre au sujet du Service &amp; de l’Oraison funèbre de Me la duchesse
            d’Aiguillon, prononcée à Aiguillon]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1705 [tome 4], p. 102-138.</bibl>
          <quote>
            <label>LETTRE<lb/>De M<hi rend="sup">r</hi> Dumanoir, de Caën, Maistre és Arts, &amp;
              Professeur de la Langue Latine dans la Ville d’Aiguillon, écrite à un de ses Amis à
              Toulouse, au sujet du Service solemnel, &amp; de l’Oraison funebre de feuë Madame la
              Duchesse d’Aiguillon.</label>
            <p><hi rend="i">Mrs les Maire &amp; Consuls de la Ville d’Aiguillon n’eurent pas plutost
                appris la triste nouvelle de la mort de Madame la Duchesse d’Aiguillon, que penetrez
                d’une vive douleur, à la vûë de la grande perte qu’ils venoient de faire, &amp;
                animez d’un veritable zele de donner des marques éclatantes du profond respect
                qu’ils ont toûjours conservé pour le grand merite, les insignes vertus, &amp; pour
                la haute naissance de Madame la Duchesse, &amp; de leur parfaite reconnoissance pour
                toutes les bontez qu’elle a eu pour eux, &amp; pour la protection dont elle les a
                toûjours honorez pendant tout le temps qu’ils ont eu l’avantage d’estre ses Vassaux,
                ils resolurent de faire celebrer un Service solemnel avec toute la pompe &amp; la
                magnificence possible, tant pour honorer la memoire de cette illustre deffunte, que
                pour luy rendre leurs derniers devoirs. Tout estant disposé pour cette lugubre
                ceremonie, ils designérent le</hi> 27. <hi rend="i">de Janvier pour la solemnité. Mr
                de Gilbert Curé de la Ville, voulant de son costé signaler son zele pour feuë Madame
                d’Aiguillon, &amp; seconder en tout le louable dessein du Corps de Ville, fit le
                Dimanche</hi> 25. <hi rend="i">de Janvier aprés le Prône, &amp; la Priere ordinaire
                de l’Eglise pour les morts, annoncer à tous ses Paroissiens de se rendre le Mardy
                suivant avec beaucoup de pieté &amp; de devotion dans Saint Felix, pour assister au
                Service solemnel qui s’y feroit pour feuë Madame la Duchesse, &amp; de prier Dieu
                avec ferveur pour le repos de son ame. A l’issuë de la Messe de Paroisse, on fit
                avertir à son de Trompe dans tous les endroits accoûtumez de la Ville, tous les
                Habitans &amp; Tenanciers de la Jurisdiction qu’ils eussent à y assister avec
                décence &amp; modestie, &amp; de fermer toutes les Boutiques, comme dans un jour de
                Feste. Le Dimanche aprés Vespres, les Cloches commencerent à sonner jusqu’au Mardy
                au soir que la Ceremonie fut achevée.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le Lundy</hi> 26. <hi rend="i">de Janvier veille de la solemnité, on
                chanta l’Office des morts. Tous les Ecclesiastiques de la Ville, &amp; un tres-grand
                nombre de Curez du voisinage qui composoient un nombreux Clergé, &amp; qu’on avoit
                invitez à cette ceremonie, se rendirent dans Saint Felix, le lendemain de grand
                matin, pour y offrir successivement les uns aprés les autres le tres-saint Sacrifice
                de la Messe, pour le Salut de l’Ame de Madame d’Aiguillon.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Sur les dix heures Mrs les Maire &amp; Consuls accompagnez de tout le
                Corps de Ville, &amp; d’une infinité de peuple, tant de la Ville &amp; Jurisdiction,
                que des autres Villes &amp; lieux circonvoisins, se rendirent au Chasteau, d’où ils
                sortirent ensuite pour aller Processionnellement à S. Felix. La marche se fit sans
                aucune confusion, &amp; le silence qui s’y garda, &amp; la modestie &amp; la pieté
                qu’on y remarqua firent bien voir que l’air triste &amp; lugubre qui paroissoit
                empreint sur le visage de tous les assistans, ne venoit que de l’extrême douleur
                dont leurs cœurs estoient vivement penetrez.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On arriva à la Paroisse qui estoit toute tenduë de drap noir, &amp;
                ornée d’écussons aux Armes de l’illustre famille de Wignerod, originaire
                d’Angleterre, écartelées de celles de la tres-ancienne &amp; tres-illustre Maison du
                Plessis-Richelieu. Toute la décoration funebre estoit tres-belle &amp; tres-bien
                entenduë.</hi></p>
            <p><hi rend="i">La Représentation, avec la Couronne Ducale couverte d’un grand crespe
                noir, estoit sur une estrade au milieu du Chœur de l’Eglise. Il y avoit autour un
                tres-grand nombre de cierges de cire blanche chargez d’écussons. On voyoit regner au
                dessus de ce superbe Mausolée, une magnifique Chapelle ardente toute parsemée de
                larmes, &amp; chargée d’une infinité de cierges, dont la symmetrie &amp;
                l’ordonnance faisoient un tres-bel effet. Le grand Autel estoit paré de tres-beaux
                Ornemens, &amp; éclairé d’un grand nombre de lumieres. Tout le monde estant placé
                &amp; les Reverends Peres Carmes, qui avoient esté invitez à la Ceremonie, estant
                arrivez, Mr le Curé de S. Felix celebra la Messe qui fut chantée par les
                Ecclesiastiques, qui y assisterent tous en Corps. Aprés l’Evangile, l’Oraison
                funebre fut prononcée avec beaucoup de grace &amp; d’éloquence, par le R.P.
                Raimon de la Communauté des grands Carmes de la Ville d’Aiguillon. Il
                prit pour Texte ces paroles rapportées dans le second Chapitre du Prophete
                Malachie,</hi> In pace &amp; æquitate ambulavit &amp; multos avertit ab iniquitate :
                <hi rend="i">&amp; il commença à peu prés en ces termes :</hi></p>
          </quote>
          <p>N’attendez pas, Chrestiens, que dans la triste &amp; lugubre Ceremonie qui vous
            assemble aujourd’huy, je vienne en presence du Dieu vivant, &amp; à la face des saints
            Autels, interrompre un auguste &amp; redoutable Sacrifice, pour mêler mes soupirs avec
            les vôtres, &amp; réveiller par de tristes accens ou par des plaintes entre-coupées, les
            premiers transports d’une vive douleur qu’excite dans le fond de vos cœurs la perte que
            vous venez de faire, <hi rend="i">de Tres-Haute &amp; Tres-Puissante Dame, Madame
              Marie-Madeleine-Therese de Wignerod, Duchesse d’Aiguillon, Pair de France, Comtesse
              d’Agenois &amp; de Condomois</hi>, qui vient de passer par une mort heroïque à une
            glorieuse Immortalité ; qui de ce lieu d’exil &amp; de miseres, de cette vallée de
            larmes &amp; de cette malheureuse Babilone, est passée dans la sainte Cité de Sion, dans
            la Jerusalem celeste, &amp; qui reçoit dans les Tabernacles éternels le prix de sa
            fidelité &amp; le fruit de tous ses travaux. A Dieu ne plaise qu’à la vuë d’un passage
            si glorieux &amp; d’une mort si avantageuse pour elle, je vienne icy renouveller la
            douleur que vous en avez ressentie, r’ouvrir une playe qui saigne encore, n’y employer
            de vaines ou de flateuses expressions d’une éloquence mondaine, pour vous porter
            derechef à une compassion languissante &amp; effeminée, qui n’aboutiroit tout au plus
            qu’à vous faire répandre quelques larmes : Funeste hommage qui accompagne presque tous
            les mortels dans leur tombeau ; Injuste tribut, que l’on rend à leur memoire : si non
            criminel, du moins inutile &amp; impuissant, mais toûjours le triste effet de la misere
            &amp; de la foiblesse humaine. Je ne veux donc, Chrestiens auditeurs, rien vous dire
            dans tout ce discours qui soit capable de vous affliger ny de porter le trouble &amp;
            l’agitation dans vos esprits &amp; dans vos cœurs ; rien au contraire qui ne puisse tout
            à la fois vous édifier, vous instruire, &amp; vous consoler de vôtre perte. Je viens
            ranimer vôtre zele &amp; vôtre ferveur en vous proposant à imiter une infinité de vertus
            heroïques &amp; éclatantes que cette illustre morte a pratiquées pendant sa vie ; je
            viens vous apprendre par le genereux mépris qu’elle a fait de toutes les pompes, de
            toutes les grandeurs &amp; de toutes le vanitez du siecle, celuy que vous devez
            concevoir tous les jours pour les richesses &amp; pour tous les faux plaisirs ; je viens
            enfin réveiller vôtre foy &amp; vôtre esperance par cette douce consolation &amp; par
            cette heureuse assurance qu’elle vous laisse de sa felicité &amp; de son bonheur, fondé
            sur la misericorde infinie de nôtre Dieu, &amp; sur le grand nombre de bonnes œuvres
            &amp; d’actions vertueuses qu’elle a fait paroistre avec tant d’édification aux yeux de
            tout le monde.</p>
          <p><hi rend="i">Pour réussir avec plus de succés dans un si vaste dessein, il considera
              cette grande Duchesse dans deux états differens qui avoient partagé tout le cours de
              sa vie, dans le monde &amp; dans la solitude. Et il prouva d’une maniere fine &amp;
              delicate que dans l’une &amp; dans l’autre de ces états elle avoit toûjours esté
              animée de l’esprit de son Dieu, &amp; verifié les glorieuses paroles qu’il avoit
              choisies pour le sujet de son éloge.</hi> In pace &amp; æquitate ambulavit &amp;
            multos avertit ab iniquitate.</p>
          <p><hi rend="i">Il s’étendit sur le premier Point d’une maniere dont tous ses Auditeurs
              furent charmez, &amp; voicy ce que dit cet habile Orateur en le finissant.</hi></p>
          <p>Faut-il donc s’étonner, si cette grande ame se posseda toûjours au milieu de l’embarras
            &amp; du tumulte du monde, elle qui en estoit si parfaitement détachée par un sentiment
            interieur, &amp; qui estoit toûjours inseparablement unie à Dieu dans le commerce que la
            necessité de sa condition l’obligeoit d’avoir avec les hommes ? Faut-il s’étonner si
            elle joüissoit pendant toute sa vie d’une profonde paix &amp; d’une tranquillité à
            l’épreuve des troubles, des inquietudes &amp; des agitations qui accompagnent toûjours
            la joüissance &amp; la possession des richesses, elle qui en avoit déja conçu tant
            d’aversion dans le fond de son cœur, &amp; qui en faisoit tous les jours de nouveaux
            sacrifices, par le genereux mépris qu’elle en concevoit encore à tous momens ? Et
            n’est-ce pas, <hi rend="i">continua-t-il</hi>, avec beaucoup de raison que cette
            incomparable Duchesse avoit toûjours marché dans des voyes de paix, de justice,
            d’équité, &amp; de droiture. <hi rend="i">In pace &amp; æquitate ambulavit.</hi> Puisque
            rien ne fust jamais capable de la troubler ny de la surprendre, qu’elle ne sentit
            presque aucune revolte dans ses passions, aucune rebellion dans ses sens ; que les uns
            &amp; les autres obéïssoient à son esprit, &amp; que son esprit obéïssoit à Dieu, &amp;
            n’agissoit dans toutes ses actions que pour l’honneur &amp; l’interest de sa gloire. <hi
              rend="i">Il passa ensuite à son second Point, dont tout l’Auditoire ne fut pas moins
              charmé que du premier. Voicy de quelle maniere il finit :</hi></p>
          <p>Il est temps de vous faire voir le terme &amp; la fin où tant de vertus conduisoient
            insensiblement cette sainte ame, &amp; le bonheur qu’elles luy préparoient dans le ciel.
            C’est icy, Messieurs, <hi rend="i">ajoûta t-il</hi>, où je ne doute point que vos cœurs
            ne s’attendrissent &amp; ne se laissent aller aux mouvemens d’une douleur que le recit
            de tant de belles actions n’avoit fait que suspendre pendant quelques momens.
            Ce profond silence, cette grande attention dont vous m’honorez en sont des preuves
            convaincantes, &amp; cette tristesse que je vois peinte sur vos visages avec de
            nouvelles couleurs, me persuade assez le trouble &amp; l’agitation qui se passe dans vos
            ames. Vous ne sçauriez rappeller dans vostre esprit ny dans vostre memoire le
            souvenir de ce qu’a esté cette grande Duchesse, sans vous abandonner au chagrin dans
            cette triste reflexion qu’elle n’est plus ; qu’une mort impitoyable accoûtumée à tout
            vaincre, l’a enlevée du milieu des vivans, &amp; a caché toute sa gloire sous les
            tenebres &amp; sous les obscuritez du Tombeau. Cependant, Chrêtiens, je viens icy pour
            essuyer vos larmes, ou plutost pour vous dire de ne pleurer que sur vous-mêmes, &amp; de
            ne pas pleurer sur elle, de ne pas regretter sa destinée, mais seulement de vous
            plaindre du malheur &amp; du danger de la vostre : En un mot, pour vous exhorter à
            imiter ses vertus, &amp; à si bien regler vostre vie sur la sienne que vous puissiez
            participer au bonheur, au repos, &amp; à la douceur de sa mort. Helas, Messieurs, <hi
              rend="i">s’écria-t-il</hi>, qui pourroit vous exprimer la profonde paix, la
            tranquillité parfaite, &amp; l’humble confiance avec laquelle elle attendit cette mort,
            dont le simple souvenir a de coûtume d’épouvanter tout le monde &amp; dont la seule
            pensée répand tant d’amertume sur tous les plaisirs. Combien de fois dans les transports
            de sa foy &amp; de son zele, s’est-elle écriée avec le Prophete, <hi rend="i">Revertere
              anima mea in requiem tuam</hi>. O mon ame sors avec confiance de mon corps, pour aller
            joüir dans le ciel de la récompense qui t’y est préparée ! Combien de fois dans les
            saintes impatiences que le dégoût du monde &amp; l’esperance d’une éternité bienheureuse
            avoient fait naître dans son ame, s’est elle adressée au Pere des misericordes pour luy
            demander avec l’Apôtre, qu’il la délivrast de ce corps de mort de cet obstacle importun
            qui arrestoit à tous momens son esprit &amp; son cœur au milieu des mouvemens de son
            amour &amp; de sa charité : combien de fois dans la violence &amp; dans la rigueur d’une
            longue maladie, qui la conduisoit insensiblement au tombeau par des douleurs vives &amp;
            piquantes, a-t-elle levé les yeux &amp; poussé des soupirs vers le ciel pour prier le
            Pere celeste, non pas de l’en délivrer, mais seulement de luy donner la force &amp; le
            courage de les supporter pour l’amour de luy. Entendit-on jamais sortir de sa bouche la
            moindre plainte ny le moindre murmure ? Luy vit-on jamais former aucun vœu pour obtenir
            sa guerison ? Aussi intrepide, &amp; aussi courageuse à l’heure de la mort qu’elle
            l’avoit esté pendant sa vie, n’attendit-elle pas toûjours dans le came &amp; le silence
            l’accomplissement des volontez de son Dieu &amp; l’heureux moment qui devoit finir ses
            peines &amp; commencer son bonheur ? Aussi humble &amp; aussi soûmise dans la tempeste
            qu’elle l’avoit esté dans la bonace, ne supporta-t-elle pas toûjours avec une
            resignation au-dessus de la foiblesse humaine, la violence &amp; la durée de ses maux ;
            flotante toûjours entre la vie &amp; la mort, entre la santé &amp; la
            maladie, également satisfaite ou de souffrir pour Jesus-Christ, ou de mourir pour luy
            témoigner son amour, infiniment plus heureuse que ces ames sensuelles &amp; terrestres
            qui aiment mieux les douceurs de Dieu, que le Dieu des douceurs, &amp; qui à la premiere
            occasion qu’il leur presente de souffrir, se laissent aller au chagrin &amp; au murmure,
            le loüant &amp; le benissant quand il les flate, murmurant quand il les exerce :
            victimes toûjours prêtes à courir à l’Autel quand il n’est couvert que de fleurs, mais
            toûjours prêtes à fuïr quand le feu commence à se faire sentir. Nôtre genereuse Deffunte
            fut toûjours dans un aveugle &amp; parfaite soûmission aux ordres de la Providence &amp;
            pour sa maladie &amp; pour sa guerison, soûpirant à la verité aprés la consommation de
            son sacrifice ; mais cependant toûjours disposée à le retarder si la divine Sagesse le
            jugeoit à propos, regardant les douleurs qu’elle souffroit comme des effets de la bonté
            d’un Dieu misericordieux &amp; charitable, qui éprouvoit sa fidelité, &amp; qui vouloit
            bien que l’oblation volontaire qu’elle luy faisoit d’une vie languissante qui luy
            échapoit à tous momens, luy servist pour l’entiere expiation de ses fautes. C’est,
            Messieurs, <hi rend="i">continua-t-il</hi>, avec ces genereux sentimens &amp; ces
            saintes dispositions qu’elle s’est endormie dans le doux baiser du Seigneur, &amp;
            qu’elle a rendu son ame à son Createur, comblée de bonnes œuvres, de merites &amp; de
            vertus. C’est aussi ce qui vous doit tout faire esperer pour son salut &amp; qui nous
            donne lieu de croire, sans vouloir trop penetrer les jugemens de Dieu, mais uniquement
            fondez sur son infinie misericorde qu’il la reçue dans les Tabernacles éternels, pour y
            joüir du bonheur de ces ames innocentes qui suivent l’Agneau par tout où il va, &amp;
            qui regneront avec luy pendant tous les siecles.</p>
          <p>Fasse le Ciel ! que l’image d’une mort si sainte, si douce &amp; si tranquille imprime
            dans vos esprits &amp; dans vos cœurs de veritables &amp; de sinceres desirs d’y
            participer. Fasse le ciel ! que pour attirer les misericordes de Dieu dans les derniers
            momens, vous vous attachiez uniquement à la pratique de la vertu pendant toute vostre
            vie, que vous rompiez le commerce criminel que vous avez avec le monde, que vous
            soûmettiez vos passions à la grace ; en un mot que vous vous détachiez entierement des
            creatures pour vous unir au Createur, afin qu’aprés avoir travaillé sur la terre à vous
            santifier, vous puissiez un jour mourir de la mort des Justes, pour vivre
            à jamais de la vie des Bienheureux dans le Ciel.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Ce Discours fut trouvé d’un si bon goût, les pensées en parurent si
                belles, les expressions si nobles, les termes si purs &amp; si biens choisis, &amp;
                enfin l’élocution si énergique &amp; si éloquente, qu’il merita l’applaudissement
                &amp; l’admiration de toutes les personnes de distinction &amp; des bons
                Connoisseurs qui se trouverent dans cet Auditoire. Je puis vous dire à la gloire du
                R.P. Raimond, qu’il a veritablement herité de toutes les vertus, de l’éloquence,
                &amp; de tous les grands talens de feu Mr Chausé, Sr de la Terrierre, son illustre
                pere ; l’un des plus éloquens &amp; des plus sçavans Avocats du Parlement de Paris,
                dont la réunion à l’Eglise Romaine sera dans tous les siecles en benediction chez
                tous les bons Catholiques, &amp; le nom connu &amp; respectable dans toute la France
                par les beaux ouvrages qu’il a donnez au Public, &amp; sur tout par le dernier
                intitulé,</hi> Le Réüni de bonne foy à l’Eglise Catholique, <hi rend="i">qui peut
                passer pour un Chef-d’œuvre en son genre.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Aprés l’Oraison funebre, Mrs les Maire &amp; Consuls allerent à
                l’Offrande. On continua ensuite la Messe. Aprés qu’elle fût achevée, tout le Clergé
                alla à la Représentation chanter le</hi> Libera, <hi rend="i">&amp; faire les
                encensemens. Tous ces honneurs funebres étant finis, l’Assemblée qui étoit des plus
                nombreuses, se retira tres-satisfaite d’une Ceremonie aussi auguste, &amp; marchant
                dans le mesme ordre &amp; la mesme modestie qu’auparavant, se rendit au Chasteau.
                Cette Pompe funebre commença à dix heures, &amp; ne finit qu’à une heure aprés midy.
                On peut dire à la loüange de tout le Corps de Ville d’Aiguillon en general, &amp; de
                Mrs les Maire &amp; Consuls en particulier, que tous ont eu une attention toute
                extraordinaire, afin de ne laisser rien échaper à l’ardeur de leur zele pour rendre
                ces honneurs funebres majestueux &amp; respectables, &amp; les plus beaux qu’on ait
                jamais vûs dans cette Ville. Tout s’est donc executé par leurs soins &amp; leurs
                ordres, &amp; ç’a esté en suivant leur exemple, &amp; en marchant sur leurs traces
                que tout le monde depuis le plus grand jusqu’au plus petit, cherchant avec
                empressement à remplir ses devoirs, &amp; à satisfaire à ses obligations, a
                contribué de son costé à rendre cette Ceremonie la plus auguste qui fût jamais en ce
                lieu. Les RR. PP. Carmes animez d’une veritable pieté &amp; d’un zele ardent de
                procurer le salut de Madame d’Aiguillon, non contens d’avoir assisté à toute la
                Ceremonie de S. Felix, d’avoir fait des prieres &amp; dit plusieurs Messes basses
                pour Elle, firent en leur Convent un Service solemnel. Les Sœurs de la Croix en
                firent aussi faire un en leur Eglise &amp; établirent des Prieres publiques &amp;
                particulieres dans leur Communauté pour le même sujet, tant pour honorer cette
                Illustre Défunte qui les a toûjours favorisées de sa protection, de son amitié &amp;
                de son estime, que pour faire éclater par un esprit de reconnoissance le profond
                respect &amp; le parfait attachement qu’elles ont toûjours conservé pour l’illustre
                Maison de Wignerod, à qui elles sont redevables de leur établissement &amp; de leur
                fondation, en la personne de feuë Madame Marie de Wignerod, Duchesse d’Aiguillon
                Tante de cette Illustre Défunte.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Outre que tous les Ecclesiastiques du Duché d’Aiguillon ont offert
                chacun en son Eglise le redoutable Sacrifice du Corps &amp; du Sang de Jesus-Christ
                pour le repos de l’ame de cette illustre Morte, beaucoup de particuliers ont aussi
                fait dire des Messes basses, &amp; ont offert des vœux &amp; des prieres à Dieu pour
                elle. J’ay de mon costé établi dans ma Classe pendant trois mois des prieres
                publiques soir &amp; matin, pour le salut de l’ame de cette incomparable Duchesse, à
                la fin desquelles je ferai dire une Messe où assisteront tous mes Ecoliers. J’ay crû
                devoir à cette vertueuse Dame cette marque de mon zele &amp; de mon tres-profond
                respect, sur tout ayant eu l’avantage d’exercer pendant son vivant la Regence
                d’Aiguillon, l’espace de seize ans.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-04_176">
          <head>[Mort de Mre Anne de Fieubet de Launac, Chevalier]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1705 [tome 4], p. 176-180.</bibl>
          <p>M<hi rend="sup">re</hi> Anne de Fieubet de Launac, Chevalier, S<hi rend="sup">r</hi> de
            Jaillac, Cendré, Castanet, Sivry, Saisi, &amp;c. Maistre des Requêtes, mourut le mois
            dernier âgé de soixante-treize ans. Il estoit frere de feu M<hi rend="sup">r</hi> de
            Fieubet, l’un des plus grands Magistrats que la France ait eu, &amp; qui détaché du
            monde avant que le monde le quittast, se retira aux Camaldules qui sont dans la Forest
            de Grosbois, où il est mort &amp; enterré. Ces deux freres estoient oncles de M<hi
              rend="sup">r</hi> le Premier President de la Chambre des Comptes. Feu M<hi rend="sup"
              >re</hi> N… Nicolaï aussi premier President de la même Chambre, &amp; pere de celuy
            qui est aujourd’huy en Charge, avoit épousé Dame N… de Fieubet, sœur de celuy qui vient
            de mourir. M<hi rend="sup">rs</hi> de Fieubet estoient fils de Gaspard de Fieubet,
            premier President au Parlement de Toulouse. Ce grand Magistrat fut à l’âge de dix-huit
            ans President aux Requestes de ce Parlement, &amp; il en fut ensuite Procureur General,
            &amp; à l’âge de trente-un le Roy le nomma premier President. Il fit éclater dans
            l’exercice de cet employ toutes les vertus &amp; toutes les qualitez d’un grand
            Magistrat. Ce que le Roy en a dit le met au dessus de toutes les loüanges qu’on pourroit
            luy donner. Quand ce Monarque apprit sa mort, il dit : <hi rend="i">C’estoit un des plus
              grands Juges de mon Royaume, &amp; des plus attachez à mon service</hi>. M<hi
              rend="sup">r</hi> de Fieubet mort aux Camaldules, son fils aîné, fut Conseiller au
            Parlement de Toulouse à l’âge de vingt ans. La Maison de Fieubet est originaire de
            Languedoc aussi bien que celle de M<hi rend="sup">rs</hi> Nicolaï, avec laquelle elle
            est alliée de plus d’un costé. Ce fut Jean Nicolaï S<hi rend="sup">r</hi> de S. Victor
            qui fut ensuite premier President en la Chambre des Comptes de Paris, qui quitta le
            premier la Ville de Toulouse dans le quinziéme siecle. Feu M<hi rend="sup">r</hi> de
            Fieubet dont je viens de parler estoit un excellent Poëte Latin. Ces quatre Vers qu’il
            fit pour la celebre Comtesse de la Suze, en sont une preuve.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Quædea sublimi rapitur per inania curru ?</hi></l>
              <l><hi rend="i">An Juno, an Pallas, num Venus ipsa venit !</hi></l>
              <l><hi rend="i">Si genus inspicias, Juno, si scripta, Minerva,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Si spectes oculos, mater amoris erit.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-04_182">
          <head>[Mort de Mr Berault, Professeur du Roy en Langue Hébraïque]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1705 [tome 4], p. 182-183.</bibl>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> Berault Professeur du Roy en Langue Hebraïque au College Royal,
            mourut dans le mois de Mars. C’estoit un des plus sçavans hommes de France pour
            l’intelligence des Langues. Il s’y estoit appliqué avec succés dés sa plus tendre
            jeunesse. Il a laissé d’excellens manuscrits remplis de sçavantes remarques sur les
            meilleurs Interpretes de l’Ecriture. Il avoit fait des Notes critiques sur Aben-Ezra
            &amp; sur Maimonides deux fameux Rabins. Il avoit de grandes relations avec le Docteur
            Hydes, mort en Angleterre depuis deux ans.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-04_192">
          <head>[Reception de Mr l’Evesque de Soissons à l’Academie Françoise]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1705 [tome 4], p. 192-216.</bibl>
          <p>Vous sçavez que M<hi rend="sup">r</hi> l’Evêque de Soissons a esté nommé pour remplir
            la place de feu M<hi rend="sup">r</hi> Pavillon à l’Academie Françoise. Ce nouvel
            Academicien fit selon l’usage le jour de sa reception les éloges de l’Academie, du
            Cardinal de Richelieu, du Chancelier Seguier &amp; de l’Academicien dont il remplissoit
            la place. Il finit son discours par un éloge du Roy, qui est Protecteur de l’Academie.
            Voicy de quelle maniere il parla de Sa Majesté.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Mais, Messieurs, l’inclination, le devoir, la reconnoissance, l’usage
                mesme de nos assemblées, tout cela exigera de moy que j’entretienne nostre Academie
                des vertus du Roy vostre auguste Protecteur. Et combien me sera-t-il difficile de
                trouver des expressions qui répondent à la dignité du sujet.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Une seule chose me rassure, c’est que bien que quand on parle de ce
                Prince, ce qu’on en dit soit toûjours infiniment au dessous de ce qu’on en devroit
                dire ; cela même neantmoins est toûjours infiniment au dessus de tout ce qu’on peut
                dire des autres hommes.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Toutefois me sieroit-il bien à moy, Ministre des Autels que
                je suis, de celebrer par preference à toutes ses autres actions, celles que le monde
                admire davantage, &amp; qu’en effet on ne peut regarder que comme autant d’étonnans
                prodiges. Provinces conquises, Batailles gagnées, Villes prises, Armées nombreuses
                &amp; formidables, aguerries par ses soins, &amp; renduës invincibles par sa
                presence ; Flottes maistresses des mers, &amp; dans la derniere Campagne
                contraignant de nouveau l’Angleterre &amp; la Hollande de ceder à leur effort ;
                L’Europe toute jalouse qu’elle estoit de sa grandeur, forcée plus d’une fois à
                accepter la Paix aux conditions qu’il la vouloit ; son alliance recherchée par des
                Peuples puissans, des extremitez de la terre ; Ambassades reçûes des climats les
                plus éloignez. Grand Prince, tant d’éclat m’ébloüit &amp; me feroit apprehender pour
                vous si je ne sçavois que depuis longtemps la Pieté a établi son thrône dans vostre
                cœur.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Qu’il est beau de la voir cette Pieté sacrée faire en toute occasion un
                Chrestien obéïssant &amp; docile, d’un Prince accoûtumé à ne rien trouver qui ne
                plie sous ses volontez. En effet, ne sçavons nous pas qu’il suffit de faire
                connoistre au Roy que Dieu parle, pour qu’il obéïsse ? Ce n’est point flatterie,
                c’est verité, de dire que jamais Prince à cet égard n’eut une volonté plus soûmise
                ny des intentions plus simples &amp; plus pures.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Heureux que nous sommes que Dieu ait mis ainsi dans sa main le cœur de
                ce Prince ! De là comme d’une source benigne vont couler vers nous toutes sortes de
                biens. La Paix sur tout, ce present du Ciel, si desirable, nous la recevrons
                bientost. Dieu conduira bientost ce Prince dans les sentiers de la Paix, &amp; pour
                me servir des paroles du Roy Prophete,</hi> il marquera la paix pour ses
              frontieres ; <hi rend="i">il le fera joüir du fruit de ses longs &amp; glorieux
                travaux ; &amp; le plus doux fruit pour luy, Messieurs, c’est de procurer à ses
                Sujets des jours heureux &amp; tranquilles.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Et que n’a-t-il point fait jusques icy, ce Prince pieux, pour porter ses
                ennemis à recevoir la Paix à des conditions raisonnables ? Que n’est-il pas prest de
                faire encore ! Un succés imprévû peut-estre les flatte &amp; les enorguëillit :
                c’est une sorte de joye qu’ils n’avoient pas encore goûtée, elle a pour eux tout le
                charme de la nouveauté, ils s’y abandonnent sans mesure. Mais cette épée redoutable,
                qui jusqu’icy n’avoit porté que des coups certains, pensent-ils qu’elle soit
                émoussée ? Attendons, Messieurs, de la prudence du Roy, de sa grande experience dans
                l’art de la guerre, &amp; encore plus de la protection dont Dieu l’accompagne,
                qu’encore une fois il confondra les projets de ses ennemis, &amp; les forcera de
                souhaiter un repos qui leur est si necessaire.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Alors nous le verrons s’appliquer à reparer ces bréches, que la
                necessité d’une deffense legitime contraint quelquefois un Prince juste de faire à
                son Etat. Il oubliera en luy le Heros pour se souvenir du Pere ; &amp; considerant à
                quelle fin Dieu a donné des Rois aux Nations, il ne travaillera qu’à faire regner
                avec la paix, la verité &amp; la justice.</hi></p>
            <p><hi rend="i">C’est là sans doute, quelque illusion que l’orguëil humain s’efforce de
                nous faire à ce sujet, ce que les Rois peuvent executer en leur vie de plus glorieux
                &amp; de plus grand. Les trophées qu’on éléve en leur honneur dans le champ de la
                Victoire, à dire vray, ont une sorte d’éclat ; mais que les Rois cessent de s’y
                méprendre, il n’y a de trophées veritables, il n’y en aura de durables que ceux que
                Dieu de sa propre main daignera leur élever dans le Ciel, aprés que parmi les
                hommes, l’amour &amp; la reconnoissance les auront élevez en leur honneur dans le
                fond des cœurs.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ces solides veritez, Messieurs, le Roy les connoist parfaitement ; &amp;
                ne doutons pas qu’en ces momens où nous le voyons prosterné devant les Autels, sa
                plus ardente priere ne soit de demander au Distributeur des dons, celuy de pouvoir
                remplir les obligations à quoy ces veritez l’engagent.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Vivez donc, Prince juste, grand, magnanime ; vivez pour procurer le
                bonheur de la Terre, &amp; que desormais toutes choses refleurissent par vos soins
                dans vostre Estat. Le Ciel vous comble de ses benedictions les plus particulieres.
                Vous voyez les Enfants de vos Enfants, &amp;, ce qui peut-estre n’a point d’exemple
                dans l’Histoire, une troisiéme generation vous a esté encore accordée. Aimé,
                respecté au dedans, craint &amp; redouté au dehors, vous joüissez d’une santé
                vigoureuse qui vous promet de longues années. Vostre felicité est parfaite ;
                puissiez-vous conformément à vos desirs &amp; à l’exemple de Dieu, devenir de plus
                en plus la consolation des hommes, l’esperance &amp; la joye de vos fidelles
                Sujets.</hi></p>
          </quote>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Regnier des Marais, Secretaire de l’Academie répondit au
            Discours de M<hi rend="sup">r</hi> l’Evêque de Soissons, &amp; aprés avoir parlé de
            luy-même avec beaucoup de modestie, il fit l’éloge de ce Prelat &amp; celuy de feu M<hi
              rend="sup">r</hi> Pavillon dont il remplissoit la place. Voicy de quelle maniere il
            entra dans celuy du Roy, &amp; ce qu’il dit de Sa Majesté. Il venoit de parler de la
            liaison qui doit estre entre les Academiciens.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Que si cette liaison est toûjours necessaire entre toutes les personnes
                d’un mesme Corps, de quelle indispensable necessité n’est-elle point entre tous les
                membres d’une Compagnie, qui a LOUIS le Grand pour Chef, &amp; pour Protecteur ;
                &amp; qui par des titres si glorieux pour elle, a l’avantage de tenir à luy d’une
                façon plus particuliere que tout le reste de ses Sujets.</hi></p>
            <p><hi rend="i">N’oublions jamais, Messieurs, à quoy une Protection si singuliere nous
                engage : &amp; souvenons-nous sur tout qu’elle nous impose l’obligation de le faire
                connoistre à toute la Terre &amp; à tous les temps tel que nous avons la bonne
                fortune de le connoistre ; &amp; tel qu’il seroit à desirer que le connussent tant
                d’Ennemis que la jalousie a réunis contre luy.</hi></p>
            <p><hi rend="i">C’est peu de dire qu’il n’en auroit plus depuis long-temps, s’il avoit
                esté possible qu’il eust esté toujours en personne à la teste de ses Armées. Quelque
                grande que puisse estre une pareille idée, &amp; quelque fondement qu’elle puisse
                avoir sur le passé ; ce seroit toujours une gloire qui luy seroit commune avec
                d’autres Princes &amp; d’autres Heros ; &amp; du moins il en devroit une partie à la
                bonté de ses Officiers &amp; de ses Troupes.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Une gloire plus grande, plus pure, &amp; qu’il n’auroit à partager avec
                personne ; mais qu’on ne devroit pas moins justement se promettre de tant de grandes
                qualitez que le Ciel a rassemblées en luy ; de cet esprit de sagesse &amp; d’équité
                qui regne dans tous ses sentiments, &amp; dans toutes ses paroles ; enfin de cet air
                de douceur &amp; de Majesté qui est répandu dans toute sa personne qui luy a
                toujours concilié l’amour &amp; la veneration de tout ce qui est jamais venu à sa
                Cour de tous les endroits de l’Univers ; c’est que pour mettre ses Ennemis de son
                parti, il n’auroit pas mesme besoin d’estre suivi de ses Troupes, toujours fidelles
                sous luy à la Victoire.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On a dit autrefois que la Vertu se feroit aimer de tous les hommes, si
                elle pouvoit se monstrer aux hommes aussi aimable qu’elle est. Si</hi>
              <hi rend="sc">Louis le Grand</hi>
              <hi rend="i">pouvoit se faire connoistre à ses Ennemis tel que le connoissent ceux qui
                ont l’avantage de l’approcher de prés ; au lieu de tant d’Ennemis qui luy font
                aujourd’huy la guerre, il n’auroit bientost plus que des admirateurs zelez ; &amp;
                toute l’Europe joüiroit bientost avec nous d’une Paix profonde.</hi></p>
          </quote>
          <p>Je croy devoir ajoûter ce qui suit, touchant M<hi rend="sup">r</hi> l’Evêque de
            Soissons. Ce Prelat a fait plusieurs ouvrages dont quelques-uns seulement ont vû le
            jour. Sa Lettre au Pere Lamy Religieux Benedictin, a esté imprimée à la teste d’un Livre
            intitulé <hi rend="i">Reflexions sur l’Eloquence</hi>. Pour en bien entendre le sujet il
            faut sçavoir que le Religieux à qui elle est adressée s’estoit declaré ouvertement
            contre la Rhethorique ordinaire qui s’enseigne dans les Colleges &amp; qui se pratique
            au Barreau &amp; dans la Chaire, dans ses Traitez de <hi rend="i">la Connoissance de
              Soy-même</hi> &amp; les <hi rend="i">Eclaircissemens</hi> qu’il avoit donnez sur ces
            Traitez. Cet Auteur dont certainement il faut loüer la subtilité &amp; la politesse, a
            poussé son emportement contre cet Art, autrefois si celebre dans les Ecoles Grecques
            &amp; Latines, jusqu’à dire que la Rhetorique prise selon l’usage ordinaire est nuisible
            à la perfection du jugement ; qu’elle ne sert qu’à resserrer l’esprit, à l’affoiblir, à
            luy faire illusion ; qu’en un mot elle nuit au bon goust, à la droiture &amp; à la
            justesse de l’esprit. Ce qu’il dit sur la Poësie n’est gueres moins fort ; enfin il n’a
            pas tenu à luy qu’on ne ne proscrivist ces deux Arts des Ecoles chrestiennes. Ce sçavant
            Ecrivain envoya son livre à M<hi rend="sup">r</hi> l’Evêque de Soissons, ce Prelat qui a
            un goust excellent &amp; qui a des lumieres tres-sûres sur l’Eloquence &amp; sur la
            Poësie, frappé de cette nouvelle doctrine, écrivit à l’Auteur la Lettre dont il est icy
            question, mais elle estoit si honneste &amp; si polie que l’adversaire de la Rhethorique
            fut charmé de son procedé. On en peut juger par la Lettre même &amp; par les Reflexions
            qui la suivent, &amp; que le même Auteur fit sur le cinquiéme Eclaircissement de <hi
              rend="i">la Connoissance de Soy-même</hi>. Le P. Lamy répondit, &amp; M<hi rend="sup"
              >r</hi> de Soissons repliqua. Au reste cette querelle avoit déja commencé quelques
            années auparavant entre deux fameux Antagonistes. Feu M<hi rend="sup">r</hi> Dubois de
            l’Academie Françoise &amp; Traducteur de plusieurs ouvrages de Saint Augustin, avoit
            répandu dans la Preface de sa Traduction des Sermons de ce saint Docteur, une violente
            declamation contre l’Eloquence, ou pour parler le langage de M<hi rend="sup">r</hi> de
            Soissons, il estoit tombé dans une terrible confusion d’idées touchant la vraye ou la
            fausse Eloquence. M<hi rend="sup">r</hi> Arnaud Docteur de Sorbonne, fit sur cette
            Preface &amp; sur l’Eloquence des Predicateurs des reflexions dont le Traducteur de
            Saint Augustin n’eut pas lieu d’estre content. Ces Reflexions sont precedées d’une
            Lettre de M<hi rend="sup">r</hi> Arnaud à M<hi rend="sup">r</hi> Dubois pour le
            remercier de la Traduction des Lettres de Saint Augustin qu’il luy avoit envoyée, elle
            est pleine d’honnestetez, &amp; il fut sans doute bien aise de le prévenir par là sur la
            vivacité des Reflexions. Cette Lettre &amp; les Reflexions qui la suivent terminent le
            Livre intitulé <hi rend="i">Reflexions sur l’Eloquence</hi>, qui fut approuvé avec de
            grands éloges par M<hi rend="sup">r</hi> Pavillon, auquel M<hi rend="sup">r</hi> de
            Soissons vient de succeder. L’Eloquence eut donc dans le dernier siecle deux illustres
            Deffenseurs en la personne de M<hi rend="sup">r</hi> Arnaud &amp; de M<hi rend="sup"
              >r</hi> l’Evêque de Soissons. Comme la querelle n’est pas finie &amp; que le P. Lamy
            continuë à declamer contre la Rhetorique, elle ne manquera pas dans ces temps-cy de
            Deffenseurs. On peut dire que M<hi rend="sup">r</hi> Gibert Professeur de Rhetorique au
            College des Quatre-Nations, le nouvel adversaire du Pere Lamy, la deffend bien, &amp;
            qu’il la deffendra encore mieux lorsqu’il sera soûtenu des raisons d’un Auteur anonyme
            qui est prest de publier un ouvrage également fort &amp; solide contre le dernier livre
            du Pere Lamy, intitulé <hi rend="i">la Rhethorique du College trahie par son
              Apologiste</hi>. Ce second Antagoniste combat le Benedictin par ses propres principes,
            &amp; comme celuy-cy est un grand Metaphysicien, c’est aussi par des raisonnemens puisez
            dans la plus sublime Metaphysique que nostre Anonyme l’attaque. Au reste, cette dispute
            n’est pas d’une petite consequence, &amp; on fera voir qu’on ne doit pas estre aussi
            indifferent sur le succés de la dispute que le prétendent quelques personnes d’esprit.
              M<hi rend="sup">r</hi> l’Evêque de Soissons a fait d’excellentes Odes dont le P.
            Bouhours qu’il honoroit de son affection, a enrichi son Recüeil de Poësies. Il a fait
            aussi la version des Epîtres de Saint Clement Pape sur le Grec, &amp; il l’a accompagnée
            d’une excellente Preface pour donner le vray goust de ces ouvrages apostoliques, mais il
            n’a point voulu donner cette version au Public.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-04_216">
          <head>[Suite du voyage des Religieux de la Trape à Florence]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1705 [tome 4], p. 216-227.</bibl>
          <p>Vous verrez dans la Lettre suivante que c’est le Pere Dom Garnerin, Savoyard, qui est
            Abbé de la Colonie des Religieux de la Trape, qui vont s’établir dans les Etats de
            Monsieur le Grand Duc de Toscane. Je vous avois mandé que c’estoit le P. d’Aria
            Piémontois, &amp; je ne m’estois pas trompé, puisqu’il avoit d’abord esté nommé, mais
            ses instantes prieres jointes à ses infirmitez, luy ont fait accorder par ses Superieurs
            la grace de ne pas sortir de la Trape, &amp; ils ont nommé à sa place le Pere Dom
            Garnerin.</p>
          <quote>
            <label>A Lyon ce 21. Mars 1705.</label>
            <p><hi rend="i">Les Peres de la Trape, qui vont faire un établissement de leur réforme
                dans les Etats de Monsieur le Duc de Florence, arrivérent en cette Ville par la
                Diligence le soir du neuviéme de Février. Ils avoient passé par Tournu, où Monsieur
                le Cardinal de Boüillon les avoit reçus &amp; regalez magnifiquement. Il voulut se
                donner le plaisir de leur voir faire leurs exercices ; &amp; sur tout celuy du
                travail des mains, ce fut à faire des sabots qu’ils s’appliquerent, le mauvais temps
                ne leur permettant pas de travailler à la Campagne. Cette Altesse craignant qu’ils
                ne trouvassent pas de ces chaussures où ils vont s’établir, leur en fit remplir deux
                grands sacs, qui font une partie de leur bagage. Ces Religieux se servent de ces
                sabots, lorsqu’ils vont travailler aux champs.</hi></p>
            <p><hi rend="i">De Tournus ils descendirent à Mâcon, &amp; de là ils se rendirent icy.
                Comme on estoit averti de leur passage, une infinité de gens se rendirent sur le
                Quay pour les voir arriver. Mrs de Saint Antoine, chez lesquels ils devoient loger,
                avoient pourvû à leurs voitures. On leur avoit presté une vingtaine de carosses, qui
                se trouvérent sur le Port pour les emmener : mais ces Messieurs ne furent pas les
                maistres. Les personnes les plus distinguées, qui y estoient venuës dans le même
                équipage, se firent un honneur d’enlever ces bons Religieux, &amp; de les conduire
                au lieu destiné. Le cortége des principaux de la Ville estoit si nombreux, qu’on
                demeura pendant une demie-heure à le voir passer, avant qu’on pust arriver dans la
                Maison de Saint Antoine. Les ruës estoient bordées d’un peuple infini, &amp;
                l’empressement de voir ces nouveaux Hostes fut des plus grands.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Comme ces saints Religieux estoient venus sur la riviere &amp; que la
                saison estoit extrêmement rude, le froid les avoit penetrez. Dés qu’ils arriverent,
                on les conduisit dans une grande Salle, où ils trouvérent un grand feu. Ce fut là
                qu’on eut le plaisir d’admirer leur modestie. Quoy qu’on eust mis des Gardes aux
                portes de la maison, on n’en pût refuser l’entrée aux Principaux de la Ville, qui
                s’y rendirent pour les voir. Ces Peres estoient debout autour du feu. On ne put les
                obliger à tourner la teste, pour regarder les personnes dont ils estoient
                environnez, ou pour répondre aux demandes qu’on leur faisoit. Leur conduite a esté
                sans affectation, soit pour le lit, soit pour la nourriture. Ils ont couché sur des
                matelats &amp; entre les draps de toile qu’on leur avoit préparez. Ils ont mangé du
                poisson &amp; des œufs, ils ont bû du vin, ils avoient permission de parler avec Mrs
                de Saint Antoine leurs hostes, qui ont toûjours eu la politesse de les servir à
                table, &amp; de faire la lecture pendant le repas, quoy qu’ils ne mangeassent pas
                avec eux.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le lendemain, le Pere Abbé de cette religieuse Troupe dit la grande
                Messe, qui fut servie à Diacre &amp; à Soûdiacre, &amp; chantée par Mrs de Saint
                Antoine. Les Religieux de la Trape estoient seuls dans une petite Tribune, pour
                n’estre pas exposez à la foule qui estoit accouruë pour avoir la consolation de les
                voir. Aprés le dîner, le Pere Abbé, accompagné du Pere Prieur, monta en carrosse
                pour rendre visite à Madame de Villeroy, fille du Maréchal de ce nom, &amp;
                ci-devant Prieure des Carmelites, qui avoit souhaité ardemment d’avoir cette
                satisfaction. C’est la seule visite qu’ils ont renduë en cette Ville. Le jour de
                leur départ, qui fut le onziéme, le Pere Abbé alla dire la Messe chez les Dames de
                la Visitation du premier Monastere, où est le cœur de Saint François de Sales, qu’il
                avoit devotion de baiser. Dés qu’il fut de retour, &amp; qu’on eut dîné, il
                s’embarqua avec ses Religieux, accompagnez chacun d’un de Mrs de Saint Antoine,
                jusqu’au Batteau.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ce qui porta le R. Pere Abbé à choisir son logement chez ces Messieurs,
                est qu’il a esté autrefois de leur Ordre, &amp; qu’il estoit lié d’une amitié
                particuliere avec le Superieur de cette Maison, dont il a parfaitement bien fait les
                honneurs. Il voulut que deux de ses Religieux descendissent jusques à Vienne avec
                cette sainte Troupe, afin de les loger encore dans la maison de Saint Antoine de
                cette Ville-là ; mais Mr l’Archevêque ne voulut pas le permettre, il fut les enlever
                luy-même, leur donna à souper, &amp; les envoya coucher dans son Seminaire, où il
                leur avoit fait préparer des lits. Dés le lendemain ils partirent pour Avignon, où
                ils descendirent dans la premiere maison du Fauxbourg de la Porte du Rhône. Aprés
                quelques momens de repos le Pere Abbé avec le Pere Prieur allerent saluer Monsieur
                le Vicelegat, qui les reçut parfaitement bien. A leur retour ils furent visitez par
                Mr le Doyen &amp; quelques Chanoines de l’Eglise Metropolitaine, par les R.P.
                Jesuites, &amp; par les R.P. Celestins. Le jour d’aprés ils se mirent deux à deux
                dans des Chaises roulantes &amp; allerent jusqu’à Marseille, où ils se rendirent
                heureusement. La Galere qui les devoit porter jusqu’à Livourne n’estant pas encore
                arrivée, on leur choisit une maison spacieuse, accompagnée d’un grand jardin, afin
                qu’ils pussent faire toutes leurs fonctions religieuses, ce qui leur a esté
                jusqu’icy impossible, tant on a esté empressé pour les voir.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le Pere Abbé s’appelle Garnerin ; il est de Chambery, d’une famille
                tres-ancienne ; son ayeul a esté premier President du Senat, &amp; son Pere y a eu
                des emplois tres-honorables. Le Pere Prieur est de Toulouse ; je n’en sçais ny le
                nom, ny la qualité. On a fait mille honneurs en cette Ville au Pere de Janson de
                Rosemberg, qui y estoit connu d’une infinité d’honnestes gens. Vous sçavez le motif
                de sa conversion. Il ne prétend pas de rester en Italie, ce n’est que pour faire
                plaisir à Monsieur le Duc de Florence, qui l’a specialement demandé, qu’il a bien
                voulu quitter la Trape, où il espere de retourner dans peu de temps. La Colonie est
                composée, ce me semble, de dix-sept Profés, &amp; de trois Novices.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-04_273">
          <head>[Lettre de Berlin]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1705 [tome 4], p. 273-294.</bibl>
          <p>La lecture de la Lettre qui suit vous fera connoistre que cette Lettre m’a esté
            adressée.</p>
          <quote>
            <label>A Berlin le 4. Avril 1705.</label>
            <p><hi rend="i">Vous n’ignorez pas, Monsieur, l’irreparable perte qu’a fait nôtre Cour,
                en perdant son incomparable Reine, qu’une mort imprevuë &amp; prématurée nous ravit
                le</hi> 1. <hi rend="i">de Fevrier. Vostre Cour qui la vit avec admiration, dans le
                temps qu’elle ne faisoit que sortir de l’enfance, comme vous le publiastes alors
                dans vostre Lettre du mois de May</hi> 1684 <hi rend="i">n’aura pas esté insensible
                au coup fatal qui l’a mise dans le tombeau à la fleur de son âge. Mais vous,
                Monsieur, qui fites l’éloge de cette merveille naissante, dont vostre Cour fut
                charmée, &amp; qui avez tant de fois pris plaisir à le retoucher, croyiez-vous estre
                obligé à donner si-tôt la relation de sa Pompe funebre ? Vous souvient-il de cette
                prediction, qu’on trouve dans le volume que je viens de citer, où dans un Ballet
                fait à Hanover pour le divertissement de cette jeune Princesse, qui n’estoit point
                encore mariée ; une des Actrices en parle en ces termes :</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l>Le Ciel luy doit une Couronne,</l>
                <l>Et l’Amour l’unira par d’illustres liens.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">La prediction a eu son accomplissement. Le Roy de Prusse son auguste
                Epoux lui a mis de sa propre main la Couronne sur la teste. Vous en parlez,
                Monsieur, dans vostre Lettre de Fevrier de</hi> 1701, <hi rend="i">&amp; on ne
                pouvoit voir de plus doux, ni de plus illustres liens que les leurs. Mais helas !
                qu’ils ont peu duré.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Vous souvient-il encore du Portrait que vous en fites au mois de
                Decembre de la même année ? Quelque achevé qu’il soit, il n’étoit neanmoins point
                flatté : &amp; je ne sçai si on a jamais vû sur le Thrône tant de
                beauté, tant d’élevation d’ame &amp; d’esprit, tant de sagesse, tant de vertu &amp;
                tant de douceur ensemble. Faut-il que tout cela ait disparu ? Que le Ciel nous ait
                ravi sa grande ame, &amp; que le plus beau corps du monde soit renfermé dans un
                triste tombeau ?</hi></p>
            <p><hi rend="i">Elle la rendit sa grande ame au milieu de toute sa famille entre les
                bras d’une mere, de deux freres, &amp; d’un oncle, qui se trouvoient tous à la Cour
                d’Hanover, dont elle ne faisoit pas moins les delices que de la sienne. Une courte
                maladie l’emporta le troisiéme jour qu’elle se fust mise au lit, &amp; changea tous
                les jours de feste en des jours du plus profond &amp; du plus veritable deüil qui
                fust jamais. Elle seule, pendant que ceux qui estoient dans sa chambre, fondoient en
                larmes, ne témoignoit ni douleur ni foiblesse : &amp; aprés avoir donné toutes les
                marques de foy &amp; de pieté qu’on pouvoit souhaiter, elle envisagea la mort avec
                une fermeté dont peu de Heros ont esté capables.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Son Corps, aprés avoir esté embaumé, fut mis sur son lit de parade
                enrichi de tous les Ornements Royaux, &amp; illuminé de flambeaux de cire blanche.
                Pendant qu’il y reposa il fut gardé par ses Filles d’honneur &amp; par les
                principales Dames de la Cour &amp; de la Ville, par deux Chambellans de l’Electeur,
                par trois Gentilshommes de la Chambre &amp; quatre de la Cour, outre les Pages &amp;
                les Valets de pied. Il y eut aussi toûjours une Garde composée de vingt-quatre
                Gardes du Corps, &amp; commandée par leur Officier.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le Corps partit le</hi> 9. <hi rend="i">de Mars de la Cour d’Hanover,
                qui fit les honneurs du Convoy jusques sur les Frontieres, d’où le Roy le fit
                conduire dans sa Capitale, &amp; déposer dans la Chapelle ardente, ou le</hi>
              Castrum doloris <hi rend="i">qu’on lui avoit préparé. L’une &amp; l’autre Cour, ainsi
                que celle de Zell, ayant témoigné dans une si triste Ceremonie, sa douleur &amp; sa
                magnificence. Je ne vous en donneray qu’un détail succinct.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 8. <hi rend="i">de Mars on notifia le départ du Corps pour le
                lendemain, le Château de l’Electeur fut fermé, on y posa des Gardes pour en
                deffendre l’entrée aux spectateurs, dont la multitude n’eust pas manqué de causer de
                la confusion.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 9. <hi rend="i">ce triste &amp; pompeux cortege commença sa
                marche : deux Fouriers à cheval en habit noir &amp; en manteau long parurent les
                premiers pour donner les ordres. Les carosses de l’Electeur, precedez par les
                Domestiques &amp; par les Pages à cheval, venoient au nombre de douze, suivis des
                Trompettes &amp; des Timbales. Le Grand-Maréchal, &amp; le Capitaine du Château les
                suivoient. On voyoit aprés les Chevaliers &amp; les Gentilshommes servants ; &amp;
                cette marche estoit fermée par deux Ministres d’Etat, qui avoient au milieu d’eux le
                Grand-Maître de la Maison de la Reine ; tous à cheval, en habits de deüil, &amp;
                avec leurs manteaux longs.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Alors parut le Chariot portant le Corps, &amp; tiré par huit
                chevaux.</hi> le Ciel <hi rend="i">ou le Dais qui couvroit le cercueil étoit soûtenu
                par deux Generaux Majors, par le premier Capitaine, &amp; par le Grand Veneur de la
                Cour, &amp; par deux Brigadiers ; quatre Lieutenants Generaux en tenoient les quatre
                coins ; aux côtez du Chariot marchoient, le Comte de Platte à la droite, &amp; le
                Baron de Kilmanseck à la gauche.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Vingt-quatre Gardes du Corps, douze d’un costé &amp; autant de l’autre,
                en manteaux noirs, &amp; avec le crespe aux chapeaux &amp; à leurs Pertuisanes, dont
                ils tenoient la pointe baissée contre terre, venoient aprés le Chariot, suivis d’un
                pareil nombre de Valets de pied de l’Electeur, &amp; rangez de même.</hi></p>
            <p><hi rend="i">La Maison de la Reine venoit ensuite dans les Carrosses du Roy :</hi>
                1°. <hi rend="i">La Femme du Grand-Maistre.</hi> 2°. <hi rend="i">Les Filles
                d’Honneur.</hi> 3°. <hi rend="i">Les Carosses de Sa Majesté.</hi> 4°. <hi rend="i"
                >Ceux où estoient les Femmes de Chambre de la Reine ; &amp; un Fourier à cheval
                marchoit le dernier.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Lorsqu’on fut arrivé sur la Frontiere, où finissent les Etats
                d’Hannover, &amp; qu’on entra sur ceux de Son Altesse Serenissime Monsieur le Duc de
                Zell, on y trouva un autre Cortege assemblé par ses ordres, qui ne le cedoit pas en
                magnificence au premier, &amp; qui accompagna le Corps jusqu’aux Frontieres des
                Etats du Roy.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ce fut là que le Grand Maréchal de Sa Majesté, avec deux Chambellans
                &amp; une grande suite de Gentilshommes de sa Cour, vint recevoir le Corps. Les
                Trompettes &amp; les Tymbales suivoient dans un appareil convenable à cette lugubre
                Ceremonie ; les Pages &amp; les Valets de pied venoient ensuite. Un Escadron des
                Gardes du Corps de six-vingts Maistres marchoient aprés, menez par le General
                Major : &amp; ils estoient suivis de la Noblesse de Magdebourg &amp; des Maistres
                des Chasses du Pays, accompagnez de tous leurs Chasseurs.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Par tout où passoit le Corps, dans les Villes &amp; dans le Villages, on
                sonnoit les cloches ; &amp; les Magistrats ou Syndics, aussi bien que le Clergé,
                tous en habit de deüil, &amp; teste nuë, venoient le recevoir aux Portes. La
                Bourgeoisie se mettoit sous les armes ; les Soldats faisoient la même chose dans les
                Places de Garnison, &amp; à l’arrivée du Corps on faisoit trois décharges du
                canon.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Pendant toute la marche le premier Ecuyer de la Reine fut toûjours aux
                costez du Chariot, &amp; un Chambellan à la gauche, &amp; par tout où l’on fit des
                Entrées ils pontoient les quatre coins du drap qui couvroit le cercueil, aidez de
                deux Gentilshommes de la Reine.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ce fut dans cet ordre qu’arriva le Corps de la Reine à Berlin le
                Dimanche</hi> 22. <hi rend="i">de Mars, entre huit &amp; neuf heures du soir. Son
                arrivée fut annoncée par le son des cloches, &amp; par le bruit du canon, dont cent
                pieces firent trois décharges consecutives.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Soixante-six carosses, qui l’allerent recevoir, le precederent, &amp;
                quatre-vingt Gentilshommes à cheval l’accompagnerent ; deux mille flambeaux de cire
                blanche portez par des hommes vêtus de deüil, éclairoient ce Cortege funebre, &amp;
                leur lumiere dissipoit l’obscurité de la nuit.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Plus on avançoit vers le Château, &amp; plus les illuminations
                augmentoient. Toutes les fenestres de la ruë depuis la Porte S. George, ou la Porte
                Royale, par où on entroit, jusqu’au Pont-neuf bâti sur la Sprée, comme le vôtre sur
                la Seine, estoient éclairées. Tout ce Pont l’estoit luy-même par deux rangées de
                flambeaux de cire blanche, une de chaque costé ; ainsi que l’avant-cour du Chasteau
                jusqu’à la Chapelle.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Les ruës depuis la même Porte jusqu’au Pont estoient bordées du Regiment
                des Gardes, qui formoient deux hayes, &amp; depuis le Pont jusques devant le
                Chasteau, estoit un Bataillon de Grenadiers, qui est aussi la Garde du Roy, &amp; un
                autre occupoit l’avancour. Les Cent Suisses placez dans la derniere cour
                s’étendoient jusqu’à la Chapelle, un Page entre deux Suisses tenant en chaque main
                un flambeau de cire blanche, ce qui faisoit une illumination
              extraordinaire.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le Chariot s’en estant approché, le Prince Royal accompagné de leurs
                Altesses Royales Messieurs les Margraves, freres du Roy, &amp; de toute la Cour,
                alla recevoir le Corps, ainsi que fit Son Altesse Royale Madame la Margrave,
                accompagnée de ses Dames &amp; des Dames de la Ville. Dix Chambellans porterent le
                Corps à la Chapelle, &amp; le poserent sur un riche Piédestal ou</hi> Catafalque,
                <hi rend="i">couvert d’un Poësle de velours noir, semé d’Aigles de Prusse, élevé
                sous un Dais tres-magnifique aux Armes de Prusse &amp; de Hanover, &amp; surmonté
                d’une Couronne d’or.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Toute la voûte de la Chapelle est argentée ; les murailles sont tenduës
                de velours noir avec des bandes &amp; des lez de brocart d’argent, garnis d’écussons
                aux Armes de la Reine, &amp; la Chapelle est remplie de Statuës grandes comme le
                naturel, aussi argentées, qui environnent le cercueil de cette Princesse, &amp; qui
                representent les Vertus qui pleurent sa mort, chacune ayant son symbole qui la
                distingue. Je ne vous parleray point des flambeaux de cire qui éclairent nuit &amp;
                jour la Chapelle, des bras d’argent qui les soûtiennent, des girandoles, des
                lustres, des couronnes, dont quelques-unes sont posées sur des appuis, &amp;
                d’autres sont suspenduës.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mais je ne puis passer sous silence la Couronne qui servit au Sacre de
                la Reine ; on la voit sur un carreau de velours cramoisi, avec le Sceptre &amp; le
                Globe sur un autre carreau de la même étoffe, &amp; tous trois enrichis de
                pierreries de grand prix, &amp; couverts de crespes.</hi></p>
            <p><hi rend="i">C’est dans cette Chapelle ardente ainsi ornée que repose, &amp; reposera
                jusqu’au jour de l’Enterrement, le Corps de la Reine, gardé par un Chambellan, deux
                Gentilshommes de la Chambre, quatre Pages, deux Officiers, l’un des Gardes du Corps,
                &amp; l’autre des Suisses, chacun avec douze hommes de leurs Corps ; &amp; un
                troisiéme Officier avec des Grenadiers, qui gardoient la porte en dehors.</hi></p>
            <p><hi rend="i">J’oubliois à vous dire que les Ambassadeurs de Suede, de Pologne, de
                Savoye, &amp; les Ministres des autres Cours qui se trouvent ici, ont voulu voir cet
                auguste &amp; triste appareil, &amp; n’ont pas esté moins charmez de la
                magnificence<note resp="editor">Dans le texte, fin de ligne « magnifi- » sans suite.</note> de nôtre Cour, que touchez de sa douleur.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il semble qu’elle soit generale ; ce n’est pas le deüil de nôtre Cour
                seulement, c’est celuy de toutes les Cours de l’Europe. Celle de l’Empereur n’a pas
                attendu que la mort lui fust notifiée pour prendre le noir, &amp; Vienne n’a paru
                guere moins sensible que Berlin à une si grande perte.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Voila, Monsieur, ce que j’avois à vous aprendre d’une mort
                dont le Roy a de la peine à se consoler, &amp; que ses Etats pleureront longtemps.
                Les obseques qu’on a remis au</hi> 29. <hi rend="i">Juin, &amp; dont je vous
                envoyeray la Relation, acheveront de vous persuader de la somptuosité de nôtre
                Monarque, aussi bien que de son amour pour l’admirable Epouse, dont il honore la
                memoire par des depenses toutes Royales.</hi></p>
          </quote>
          <p>Il faut avoüer que la lecture de tout ce qui se fait à la Cour de Berlin, doit faire
            beaucoup de plaisir, estant toûjours distingué par un caractere de grandeur &amp; de
            magnificence.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-04_321">
          <head>[Lettre contenant l’entrée de Mr l’Evesque d’Auxerre à Auxerre]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1705 [tome 4], p. 321-326.</bibl>
          <p>La Lettre qui suit est écrite d’une maniere naturelle, &amp; qui fait parfaitement
            connoistre la verité de ce qu’elle contient.</p>
          <quote>
            <label>A Auxerre le 23. Mars 1705.</label>
            <p><hi rend="i">Nous partimes hier de Regennes aprés avoir disné de bonne heure. Toute
                la Jeunesse d’Auxerre s’y étoit renduë à cheval pour escorter son nouvel Evesque.
                Elle étoit commandée par plusieurs Officiers bien montez &amp; bien équipez. Toute
                cette Jeunesse accompagna au bruit des tambours &amp; des trompettes, &amp; avec
                beaucoup d’ordre le Carosse de Monsieur d’Auxerre. La Maréchaussée que nous
                rencontrâmes au milieu du chemin se joignit à cette Jeunesse, quoiqu’il restast
                encore une lieuë de chemin à faire pour arriver à la Ville, nous le trouvâmes bordé
                d’un nombre infini de personnes qui étoient sorties de la Ville &amp; venuës de la
                Campagne. Nous trouvâmes à demi-lieuë d’Auxerre plus de cinq cent hommes
                d’Infanterie sous les armes. A l’entrée de la Ville nous trouvâmes le Maire qui
                complimenta Monsieur d’Auxerre à la portiere de son Carosse. Il parla avec beaucoup
                d’esprit &amp; avec une effusion de cœur qui nous fit plaisir. Il dit des choses
                fort glorieuses à la Maison de Quelus, &amp; parla fort avantageusement de Monsieur
                le Maréchal Faber &amp; de sa famille. La harangue étant finie nous continuâmes
                nostre marche jusqu’à l’Eglise. Les rues &amp; les fenestres étoient aussi remplies
                de monde que si tout le peuple de la Province s’étoit rendu à Auxerre. Lorsque le
                Clergé reçut son Evesque, la Cavalerie &amp; l’Infanterie se retirerent, &amp; ce
                fut alors que nous essuyames une presse qui nous fit craindre, puisqu’il y avoit
                quatre fois plus de monde que la grande Eglise n’en peut contenir. Nous penetrâmes
                cependant jusqu’au Chœur, où aprés une longue Musique &amp; plusieurs harangues
                assez interrompues par les acclamations du peuple qui benissoit la mere qui avoit
                porté un tel enfant, Monsieur l’Evesque de son Trône Episcopal, parla à son Troupeau
                avec beaucoup de dignité pendant un quart d’heure. Ce discours reçut de grands
                applaudissemens. On le conduisit ensuite au Palais Episcopal, où tous les Corps se
                sont signalez à l’envi en luy rendant leurs hommages. Tous les appartemens étoient
                si remplis de monde que je doutay si nous y pourrions passer la nuit. Ce matin les
                visites &amp; les harangues ont recommencé. Il s’en est trouvé de si belles qu’elles
                seroient avoüées par les plus habiles Academiciens de Paris ; mais ce qui nous a
                fait le plus de plaisir, a esté de voir l’effusion du cœur de tout le monde ; car je
                ne croy pas qu’il y ait eu jamais icy une Ceremonie plus sincere, ny plus
                solemnelle. Je vous ay déja parlé des beautez de la Maison de campagne où nous avons
                fait quelque sejour, mais je puis vous dire présentement que ce n’est qu’un
                tres-petit échantillon de celles du Palais Episcopal. Le bon goût, la dépense, le
                bon air, en un mot l’art &amp; la nature y donnent le plus accompli Palais qu’aucun
                Evesque puisse avoir en France. Comme les portraits sont toûjours inferieurs à leurs
                originaux, la description que je vous en ferois, seroit beaucoup au dessous des
                beautez qui s’y trouvent &amp; il faut vous laisser le plaisir de la surprise,
                puisque vous nous promettez celuy de vous y voir. Monsieur l’Evesque donna hier un
                grand soupé. Mercredy il fera l’Office dans la Cathedrale, aprés lequel il ira se
                reposer deux jours à la campagne ; car je vous assure que nous sommes accablez
                d’honneurs.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-04_342">
          <head>Air, ou récit de Basse</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1705 [tome 4], p. 342-344.</bibl>
          <p>Les paroles qui suivent on esté mises en Air par Mr de Montailly ; elles servent
            d’explication à la Devise du Jetton de la Marine qui a esté frappée cette année, &amp;
            dont la face droite represente Monsieur le Comte de Toulouse.</p>
          <quote>
            <label>AIR, OU RECIT<lb/>de Basse.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Ov sont-ils ces audacieux,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Qui couvroient les deux Mers de leurs Voiles nombreuses,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et sembloient menacer &amp; la terre &amp; les cieux ?</hi></l>
              <l> <hi rend="i">De nos armes victorieuses,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ils n’ont que trop senti les redoutables coups :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tant de Vaisseaux armez flatoient leur esperance,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ils croyoient ébranler &amp; l’Espagne &amp; la France.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Louis a bravé leur courroux.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sa foudre par mon bras les a dissipez tous.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-04_348">
          <head>[Livre intitulé la Langue]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1705 [tome 4], p. 348-351.</bibl>
          <p>Rien n’est plus curieux que ce Livre, &amp; il seroit à souhaiter qu’il se répandist
            chez tous les Peuples de l’Europe, afin qu’ils fussent instruits à fond des veritez
            qu’il contient, &amp; que ceux qui gouvernent n’ignorent pas, ou du moins ne doivent pas
            ignorer, rien n’estant plus necessaire dans la conjoncture presente pour rendre justice
            à ceux à qui elle est dûë.</p>
          <p>Le sieur Coustelier, ruë S. Jacques au Cœur-bon, vend un Livre intitulé, <hi rend="i"
              >la Langue</hi>. Quoy que ce Livre ait un titre fort court, son utilité ne laisse pas
            d’estre fort étenduë pour la conduite de la vie : vous en pourrez juger par les vingt
            sept Traitez, ou Chapitres qu’il contient ; qui sont, 1. <hi rend="i">De la
              conversation.</hi> 2. <hi rend="i">la Langue du Babillard.</hi> 3. <hi rend="i">la
              Langue du Silentieux.</hi> 4. <hi rend="i">la Langue du Diseur de bons mots.</hi>
              5. <hi rend="i">la Langue du Polisson.</hi> 6. <hi rend="i">la Langue du
              Railleur.</hi> 7. <hi rend="i">la Langue de celuy qui dispute.</hi> 8. <hi rend="i">la
              Langue de l’Opiniastre.</hi> 9. <hi rend="i">la Langue de l’Etourdy.</hi> 10. <hi
              rend="i">la Langue du Complimenteur.</hi> 11. <hi rend="i">la Langue de celuy qui
              louë.</hi> 12. <hi rend="i">la Langue du Flatteur.</hi> 13. <hi rend="i">la Langue du
              Menteur.</hi> 14. <hi rend="i">la Langue de celuy qui se vante.</hi> 15. <hi rend="i"
              >la Langue du Medisant.</hi> 16. <hi rend="i">la Langue de celuy qui jure.</hi>
              17. <hi rend="i">la Langue de celuy qui promet.</hi> 18. <hi rend="i">la langue du
              Nouvelliste.</hi> 19. <hi rend="i">la langue de celuy qui fait des rapports.</hi>
              20. <hi rend="i">la langue de celuy qui conseille.</hi> 21. <hi rend="i">la langue de
              celuy qui fait des reprimendes.</hi> 22. <hi rend="i">la langue de celuy
              qui instruit.</hi> 23. <hi rend="i">la langue de celuy à qui on confie, ou qui confie
              un secret.</hi> 24. <hi rend="i">la langue des Femmes.</hi> 25. <hi rend="i">la langue
              de l’Amour.</hi> 26. <hi rend="i">la langue de celuy qui se plaint.</hi> 27. <hi
              rend="i">la langue de celuy qui console.</hi> Chacun de ces Traitez contient plusieurs
            Maximes, &amp; chaque Maxime est suivie de solides Reflexions que l’Auteur fait sur
            luy-même &amp; sur les autres d’une maniere judicieuse &amp; polie, &amp; sans avoir
            d’autre vûë (puisqu’il ne veut pas estre connu) que l’interest du public ; c’est dans
            cette même vûë qu’il donne dans le dernier Traité les plus forts principes dont on se
            puisse servit pour se consoler dans les plus ordinaires disgraces de la vie. Quand il
            n’y auroit dans ce Livre que ce Traité, on devroit presque toûjours l’avoir à la main,
            parce qu’on a presque toûjours besoin des remedes qu’il renferme.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-04_363">
          <head>[Mort de Monseigneur le Duc de Bretagne]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1705 [tome 4], p. 363-371.</bibl>
          <p>Le 13 de ce mois, à neuf heures &amp; demie du matin, Monseigneur le Duc de Bretagne
            fut saisi tout d’un coup d’un catharre suffoquant, causé par un mouvement de dents, qui
            fut suivi de violentes convulsions réïterées frequemment. Elles furent suspenduës par
            les remedes ausquels on eut recours, pendant trois heures &amp; demie ; de sorte qu’il
            parut presque revenu dans son estat naturel ; mais une cinquiéme attaque de convulsions
            ayant absolument serré sa poitrine, il en fut étouffé sur les sept heures du soir. Ce
            Prince estoit âgé de neuf mois &amp; dix-neuf jours, estant né le 25. de Juin de l’année
            derniere.</p>
          <p>A peine la maladie de Monseigneur le Duc de Bretagne eust-elle esté sçuë à Paris que le
            P. de la Chaise partit pour se rendre à Versailles. Il arriva avant sa mort, mais il ne
            vécut pas longtemps aprés. Lorsqu’il fut expiré, le Roy dit au P. de la Chaise en
            parlant de ce Prince : <hi rend="i">ce n’est pas luy que je plains ; il est
              bien-heureux, &amp; nous sommes dans des places difficiles pour le salut</hi>. Ce
            Monarque dit à Madame la Duchesse de Bourgogne : <hi rend="i">Dieu vous l’avoit
              donné</hi>, Madame, <hi rend="i">Dieu vous l’a osté ; il est le maistre</hi>. Si toute
            la Cour, qui s’estoit renduë chez le Roy pour marquer sa douleur par sa presence,
            demeura muette par respect &amp; pour mieux faire voir la douleur qu’elle ressentoit,
            cette douleur ne l’occupa pas entierement, &amp; elle fut partagée par l’admiration que
            luy donna ce qu’elle entendit dire à Sa Majesté, &amp; par la maniere heroïque &amp;
            chrétienne avec laquelle elle soutint la douleur dont elle estoit penetrée. Celle de
            Monseigneur le Duc de Bourgogne n’estoit pas moindre &amp; ce Prince ne la soûtint pas
            avec moins de dignité &amp; de resignation &amp; ne fit pas voir une constance moins
            chrétienne à la supporter. On voulut luy representer tous les malheurs dont S. Louis
            avoit esté attaqué pendant son regne, &amp; ce qu’il avoit souffert du costé de ses
            enfans, &amp; luy faire voir la constance avec laquelle il avoit supporté tout ce qui
            luy estoit arrivé de plus douloureux. Ce Prince répondit <hi rend="i">qu’il le sçavoit
              bien ; mais qu’il y avoit une grande distance entre S. Louis &amp; luy.</hi> La grande
            pieté de ce Prince est si connuë que toute la Cour estoit persuadée qu’il sçauroit
            mettre en usage pour se consoler &amp; pour se resigner aux volontez du Ciel, toutes les
            vertus qu’il pratique tous les jours. Je n’ose m’expliquer plus au long là-dessus,
            persuadé que je ferois mal ma Cour, la modestie de ce Prince m’estant connuë.</p>
          <p>Je ne vous rapporte point icy ce que Monseigneur le Dauphin a dit dans la douloureuse
            situation où il s’est trouvé à l’occasion de cette mort. Je vous diray seulement que ce
            Prince toûjours égal a fait voir une douleur aussi sage que sa tendresse a toûjours esté
            grande pour son auguste Famille, &amp; qu’il y a joint une resignation heroïque.</p>
          <p>Je ne vous feray point icy le détail de la pompe funebre de ce Prince, puisqu’il a esté
            rendu public. Je vous diray seulement qu’il fut conduit à S. Denis par Monsieur le
            Cardinal de Coislin, Grand Aumônier de France, &amp; par Madame la Duchesse de
            Ventadour, Gouvernante des Enfans de France, accompagnée de Me de la Lande, Sous
            Gouvernante, &amp; que Monsieur le Duc de Bourbon avoit esté nommé par le Roy pour faire
            les honneurs de ce Convoy. Le Carosse dans lequel estoient le corps &amp; le cœur de
            Monseigneur le Duc de Bretagne estoit precedé &amp; suivi de plusieurs détachemens des
            troupes de la Maison du Roy. Le détachement des Mousquetaires gris estoit commandé par
            Mr d’Artagnan, &amp; celuy des noirs par Mr de Canillac : celuy des Gendarmes par Mr de
            Tresnel : celuy des Chevaux legers par Mr de Pourpris : &amp; celuy des Gardes du Corps
            qui suivoient le Carosse &amp; fermoient la marche, par Mr de Scheladet. Monsieur le Duc
            de Tresmes, premier Gentilhomme de la Chambre, &amp; Mr l’Abbé de Sourches, Amônier du
            Roy de quartier, estoient dans ce Carosse, qui estoit accompagné de 24. Pages de la
            grande &amp; de la petite Ecurie à cheval, &amp; d’un grand nombre de Valets de pied,
            qui portoient tous des flambeaux de cire blanche, aussi bien que tous les détachemens
            des troupes dont je viens de vous parler.</p>
          <p>Au retour de S. Denis le cœur de Monseigneur Duc de Bretagne fut porté au Val de Grace
            dans le même ordre.</p>
          <p>Je vous envoye deux Epitaphes sur la mort de Monseigneur le Duc de Bretagne : la
            premiere est de Mr de Messange, &amp; la seconde de Mr Tremaile.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Cy-gist des François l’esperance,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le tendre &amp; juste amour du plus puissant des Rois,</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’ornement inoüi de l’Empire François,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Dont l’Univers n’eut d’exemple qu’en France.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Ne pleurez point sur son tombeau :</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Son calme est doux, son sort est beau ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et la perte pour nous n’en est pas sans ressource ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Puisque le Ciel habile à répandre ses dons,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Nous en laisse l’auguste Source</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui nous rendra bien-tost autant que nous perdons.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
          <quote>
            <label>AUTRE.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Cy-gist un Prince né pour le Trône de France.</hi></l>
              <l><hi rend="i">La triste mort nous l’a ravi dés le Berceau :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Plus qu’on ne vit des feux briller à sa naissance,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il couleroit de pleurs sur son Royal Tombeau,</hi></l>
              <l><hi rend="i">S’il ne portoit déja la seule des Couronnes,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Preferable aux Etats de ses puissans Ayeux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et s’il ne nous restoit deux augustes Personnes</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pour faire encor cesser nos besoins &amp; nos vœux.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-04_372">
          <head>[Autre mariage]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1705 [tome 4], p. 372-376.</bibl>
          <p>Le Lundy 27. Avril Mr de Guiry, Chevalier Seigneur de Noncourt &amp; de Rousieres,
            épousa Madlle de Malezieu, fille de Mr de Malezieu, Chevalier
            Chancelier de Dombes, Seigneur de Chastenay, l’un des dix Honoraires de l’Academie des
            Sciences, &amp; l’un des Quarante de l’Academie Françoise, &amp; de Dame Françoise
            Faudel de Faveresse. Son Altesse Serenissime Madame la Duchesse du Maine vint exprés de
            Marly coucher à Versailles. Elle fit l’honneur à la jeune Mariée de la mener à l’Eglise
            Paroissiale, où la ceremonie fut faite par Mr l’Abbé de Malezieu, &amp; au retour, cette
            Princesse qui ne manque à rien de tout ce qui peut faire plaisir aux personnes qu’elle
            honore de ses bontez, donna la chemise à Madlle de Malezieu. Il y a
            long temps que Madame la Duchesse du Maine, dont le discernement fin &amp; delicat n’est
            touché que du vray merite, a appellé la jeune Mariée à son intime familiarité, &amp; à
            ses plaisirs toûjours reglez par la raison &amp; par la sagesse. Madlle
            de Malezieu à present Me de Guiry, a en effet mille bonnes qualitez. Elle a une
            physionomie douce &amp; insinuante qui luy attire les cœurs, sans qu’on la connoisse ;
            elle joüe du Clavecin, sçait la Musique &amp; chante comme les Maistres. On ne
            s’étonnera pas qu’elle ait reçû une excellente éducation, quand on fera reflexion
            qu’elle a esté élevée par la même personne, qui a esté choisie pour élever tant de
            grands Princes, &amp; que Me sa mere, Gouvernante des Enfans de Monsieur le Duc du
            Maine, ne luy a jamais donné que de grands exemples de sagesse &amp; de vertu. La
            famille de Mr de Malezieu est établie depuis plusieurs siecles à Paris, où elle a donné
            plusieurs personnes distinguées dans l’Epée &amp; dans la Robe. Elle est alliée aux
            Saintions, aux Andrés, aux Parfaits, aux le Coigneux. Le cinquiéme ayeul de la Mariée se
            distingua fort dans les guerres de la Religion, &amp; mourut Lieutenant general &amp;
            Gouverneur du Soissonnois ; mais sans puiser dans l’Antiquité, pour relever la naissance
            de Me de Guiry, il suffit de dire qu’elle est fille, de Mr de Malezieu, dont le merite
            rare &amp; generalement reconnu est au dessus des titres &amp; des éloges. Quant à la
            Maison de Guiry, personne n’ignore qu’elle est des plus considerables du Royaume, &amp;
            qu’elle descend incontestablement des anciens Seigneurs Sicambres. Elle tient depuis
            plus de huit siecles un des premiers rangs parmy la haute Noblesse du Vexin. Elle a
            donné à la France plusieurs Prelats &amp; plusieurs grands Chambellans de nos Rois.
            L’illustre S. Romain estoit de cette Maison ; ce qui se prouve par des titres &amp; par
            des monumens publics, dont il n’est pas possible de douter. On y justifie plus de trente
            degrez de filiation non interrompuë, &amp; le dixiéme ayeul du Marié fut donné en ôtage
            pour la personne du Roy Jean, aprés la bataille de Poitiers. Mr de Guiry, dont il
            s’agit, a eu l’honneur d’estre Page de la Chambre du Roy, &amp; est fils de Mr de Guiry,
            Lieutenant general du Païs d’Aunis &amp; Gouverneur des Tours de la Rochelle, qui a
            laissé une grande reputation de valeur, de conduite &amp; de probité dans les Gardes du
            Corps de Sa Majesté, dont il a eu l’honneur d’estre fort longtemps Enseigne.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-04_412">
          <head>Lettre du Roy, ecrite à Monseigneur le Cardinal de Noailles, Archevêque de
            Paris</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1705 [tome 4], p. 412-418.</bibl>
          <p>Le Roy voulant faire rendre graces à Dieu de toutes ces conquestes envoya la Lettre
            suivante à Monsieur l’Archevêque de Paris. Je sçay qu’elle vous a déja esté envoïée ;
            mais comme ce qui n’est qu’en feüilles volantes s’égare souvent, &amp; qu’on ne le peut
            dans la suite trouver, que lorsqu’il est inseré dans de plus gros ouvrages, vous ne
            devez pas vous étonner si vous trouvez cette Lettre parmi les nouvelles que je vous
            envoye.</p>
          <quote>
            <label>LETTRE<lb/>DU ROY,<lb/>Ecrite à Monseigneur le Cardinal de NOAILLES, Archevêque
              de Paris.<lb/>Pour faire chanter le <hi rend="i">Te Deum</hi> dans l’Eglise de
              Nôtre-Dame, en action de graces de la prise de Veruë par l’Armée de Sa Majesté, sous
              le Commandement de M. le Duc de Vendôme ; &amp; autres avantages remportez contre Mr
              le Duc de Savoye.</label>
            <p><hi rend="i">Mon Cousin, le Siege de Veruë commencé par mon Cousin le Duc de Vendosme
                dés le</hi> 14. <hi rend="i">Octobre dernier, vient d’estre heureusement terminé
                le</hi> 8. <hi rend="i">de ce mois par la reduction de cette Place qui s’est soûmise
                à mon obéissance, &amp; dont la Garnison s’est renduë à discretion aprés une
                deffense de prés de six mois. Le Duc de Savoye par sa presence, par l’union de
                toutes ses troupes, par les secours &amp; par les rafraîchissemens continuels qu’il
                fournissoit à cette Place, n’a rien obmis de tout ce qui auroit pû rebuter d’autres
                troupes que les miennes : Mais tous ces obstacles n’ont fait qu’animer davantage
                leur courage &amp; leur fermeté dans toutes les occasions qui se sont présentées,
                &amp; qu’à redoubler leur patience à supporter la rigueur d’un des plus rudes
                hyvers. Cette entreprise auroit esté plus promptement terminée, si le Duc de Vendôme
                encore plus occupé de la conservation de mes troupes que de sa propre gloire,
                instruit d’ailleurs de l’extremité où étoient les Assiegez, n’avoit jugé plus à
                propos d’en differer le succés, que de l’avancer en exposant au peril inévitable de
                plusieurs mines dont il avoit connoissance, tant de braves Officiers &amp; de
                Soldats, qui s’y seroient livrez avec la mesme ardeur dont il avoit esté témoin en
                tant de differentes occasions. Quoiqu’une partie considerable des troupes que j’ay
                en Italie fust employée à cette entreprise, qu’une autre partie composée l’Armée que
                j’ay en Lombardie opposée à celle de l’Empereur, que j’aye fait avancer un autre
                Corps de troupes vers Pignerol, que plusieurs bataillons soient employez au blocus
                du Chasteau de Montmelian &amp; à la conservation des Vallées ; j’ay neanmoins jugé
                à propos, pour oster au Duc de Savoye tous moyens de se procurer des secours ou par
                terre ou par mer, de former une nouvelle Armée dont j’ay confié le commandement au
                Duc de la Feüillade, soutenu des forces de mes Vaisseaux &amp; de mes Galeres
                commandez par le Marquis de Roye, pour se rendre maistre de la Ville de Nice, des
                Ville &amp; Chasteau de Villefranche &amp; des Forts de Saint Ospice &amp; de
                Montalban, ce qui a esté executé avec autant de capacité que de valeur. Des
                avantages si considerables qui ne sont dûs qu’à la protection du Ciel, m’obligent
                d’en rendre à Dieu de tres-humbles actions de graces. Ainsi je vous écris cette
                Lettre pour vous dire que mon intention est que vous fassiez chanter le</hi> Te Deum
                <hi rend="i">en l’Eglise Metropolitaine de ma bonne Ville de Paris, au jour &amp; à
                l’heure que le Grand Maistre, ou le Maistre des Ceremonies vous dira de ma part :
                Sur ce, Je prie Dieu qu’il vous ait, Mon Cousin, en sa sainte &amp; digne garde.
                Ecrit à Marly le</hi> 21. <hi rend="i">Avril</hi> 1705. Signé <hi rend="i"
                >LOUIS</hi> ; Et plus bas, <hi rend="sc">Phelypeaux.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-04_429">
          <head>Enigme</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1705 [tome 4], p. 429-432.</bibl>
          <p>Le mot de l’Enigme du mois dernier estoit <hi rend="i">le Caresme</hi> ; ceux qui l’ont
            trouvé sont, Mrs le Chevalier de Simery &amp; Chauvelot Avocat de Semur en Auxois :
            Fleury Avocat : Loreau : Robinet proche S. Pierre aux Bœufs : de Sancé, Pensionnaire de
            Mr Thomas : Richard du Marais : le Philosophe neutre : le zelé Cartesien : le Medecin
            poly : le spirituel Abbé du quartier Saint Jacques : le grand Clerc de la ruë des
            Marmousets : le grand Compere de l’aimable Suzon de la ruë des deux Ponts : l’Ami
            content de Versailles : le petit Loup de Versailles &amp; son grand Pere : le Heros du
            Canada : D.L. &amp; la belle Brune du bout de la ruë Quinquempoix : l’Echo fidele :
            &amp; Mlles de Segny de Semur en Auxois : Bailly du Fauxbourg S. Antoine : du Moutier,
            la fille, de la ruë de l’Echarpe : Rousseau du quartier S. Merry : le Vasseur du
            quartier S. Nicolas des Champs : de la Vigne du quartier S. Paul : la constante
            Calesienne &amp; sa fidelle Amie : Tamiriste : la charmante enjouée &amp; l’aimable
            Prude sa sœur de la ruë des Canettes, derriere la Madelaine : les trois sœurs du
            quartier S. Sulpice : la fine Manon de la ruë S. Denis : la brillante Heroïne, &amp;
            l’heureuse mariée.</p>
          <p>Je vous envoye une Enigme nouvelle.</p>
          <quote>
            <label>ENIGME.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Je suis d’une figure ronde</hi></l>
              <l><hi rend="i">Par le cul, la teste, &amp; le corps.</hi></l>
              <l><hi rend="i">A voix haute on m’annonce au monde,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et les soirs sans jambes je sors ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Comme j’affecte d’estre rond</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mon corps ne se remplit que de matiere ronde,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et je fais la joye d’une ronde,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quand on me vuide sur un rond.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je réjoüis les jeunes gens,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mon Maistre chante leur victoire</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il attrape les plus sçavans</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et si pour prix, on le fait boire ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">On l’accuse par tout, dit-on,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qu’il n’a jamais eu de memoire ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais pour empêcher de le croire</hi></l>
              <l><hi rend="i">On l’entend fort souvent qu’il repete son nom.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-04_432">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1705 [tome 4], p. 432-433.</bibl>
          <p>Les paroles que je vous envoye sont de Mlle des Houlieres. Vous sçavez qu’elle a herité
            du talent merveilleux que sa mere avoit pour la Poësie, que cette Demlle
            a infiniment d’esprit, &amp; qu’elle n’est pas moins estimée par son bon cœur que par
            les beaux talens qu’elle possede. Les paroles ont esté mises en air par Mr de la Tour,
            il y a long-temps que sa reputation vous est connuë ; ainsi rien ne doit manquer à l’air
            &amp; aux paroles que je vous envoye.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Venez petits Oiseaux sous ces charmans ombrages</hi></l>
              <l><hi rend="i">De mon Iris annoncer le retour.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Venez celebrer un amour,</hi></l>
              <l><hi rend="i">A qui le temps ne peut faire d’outrages.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pour rendre mon bonheur plus deux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quand vous aurez admiré cette Belle,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Partez, volez, separez-vous,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ames jaloux, portez-en la nouvelle.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1705-05">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, mai 1705 [tome 5]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-05_69">
          <head>[Mariage]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1705 [tome 5], p. 69-76.</bibl>
          <p>Le Lundy 20. Avril M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis de Conflans, fils de M<hi
              rend="sup">r</hi> de Menars President à Mortier au Parlement de Paris, épousa dans la
            Paroisse de S. Jean en Gréve, Marie-Charlote de Salligné, fille de feu
            Julien de Salligné, Marquis de la Cheze, des plus anciennes Maisons de Poitou. Il est
            Colonel d’Infanterie, &amp; sert avec beaucoup de distinction. M<hi rend="sup">r</hi> le
            President de Menars son pere a esté Intendant de la Generalité de Paris. Son nom est
            celebre parmi les Sçavans par l’amour qu’il a toûjours marqué pour les belles Lettres
            &amp; pour ceux qui s’y attachoient avec succés. Le soin qu’il s’est donné de rassembler
            la celebre Bibliotheque de l’illustre Maison de Thou, qui estoit fort dispersée, rendra
            son nom cher à tous les Sçavans qui viendront aprés luy. Il est frere de feu M<hi
              rend="sup">e</hi> Colbert, Marie de Charon, &amp; de M<hi rend="sup">e</hi> la
            Marquise de Saumery ; &amp; fils de feu M<hi rend="sup">re</hi> Jacques Charon, Seigneur
            de Menars, Saint Claude, Villerbon, &amp;c. Conseiller du Roy en ses Conseils, grand
            Bailly de Blois &amp; Capitaine des Chasses de ce Comté. Le nom de Charon est celebre en
            France depuis long-temps. Louis Charon Parisien estoit un celebre Avocat du seiziéme
            siecle, qui ne voulut point quitter cette noble fonction pour passer à de plus grands
            emplois où nos Rois vouloient l’élever. Il a laissé des ouvrages qui nous font voir
            qu’il n’excelloit pas moins dans la connoissance des belles Lettres qu’en celle de la
            Jurisprudence. Il composa un Panegyrique du Roy Charles IX. que Robert Estienne imprima,
            &amp; dont il fit ensuite diverses éditions. On peut voir là-dessus du Verdier &amp; la
            Croix du Maine. La Maison de Salligné dont est M<hi rend="sup">e</hi> la Marquise de
            Conflans est une des plus considerables de la Province de Poitou, où elle estoit déja
            connuë sous le regne de Louis le jeune, à qui Eleonore heritiere de cet Etat &amp; de la
            Guyenne, les porta, &amp; qui en ayant ensuite esté repudiée pour quelque intrigue de
            galanterie que le Roy son époux crut qu’elle avoit eu avec Saladin, Soudan d’Egypte,
            dans une Croisade, où elle accompagna le Roy son mary, elle les porta à Henry second,
            Duc de Normandie &amp; Roy d’Angleterre, qu’elle épousa ensuite. Leur fils Jean sans
            terre perdit ces deux Provinces par crime de felonnie, &amp; l’Histoire
            remarque qu’un Seigneur de la Maison de Salligné ne voulut jamais abandonner ce Prince,
            dans ses plus grandes infortunes. La Province de Poitou ayant esté donnée quelque temps
            aprés en appanage à Alfonse de France, fils du Roy Louis VIII. &amp; frere du
            Roy Saint Louis. Les Seigneurs de Salligné firent une grande figure à la Cour de ce
            Prince. Ce furent encore quelques Seigneurs de ce même nom qui disposerent les Poitevins
            leurs compatriotes, à rentrer sous l’obéïssance de Charles VII. &amp; à chasser les
            Anglois qui étoient rentrez dans leur Province. Le Poitoü fut pour lors annexé &amp; uni
            pour toûjours à la Couronne, c’estoit environ l’an 1436. La Maison de Salligné est
            alliée à celle de Poitiers, dont estoit la celebre Diane, Duchesse de Valentinois, qui
            estoit sur un grand pied à la Cour de Henry II. Roy de France. Elle estoit fille de Jean
            de Poitiers, Comte de Saint Vallier &amp; de Jeanne de Batarnay : elle fut mariée à
            Loüis de Brezé, Comte de Maulevrier, S<hi rend="sup">r</hi> d’Anet, Gouverneur &amp;
            Sénéchal de Normandie. Elle en eut deux filles, Françoise, femme du Duc de Boüillon,
            &amp; Louise, mariée au Duc d’Aumale. Lorsqu’elle vint à la Cour de France elle y amena
            une Demoiselle de Salligné qui y brilla beaucoup, &amp; qui y causa de grandes passions,
            elle eut part à la disgrace de sa protectrice, arrivée à la mort funeste de Henry II.
            l’an 1549. &amp; elle ne la quitta qu’à sa mort arrivée au Chasteau d’Anet en 1566.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-05_76">
          <head>Réponse de l’Auteur des Essais de Litterature à quelques endroits qui le regardent
            dans les Dissertations de Pierre Joseph, sur divers points de l’Histoire de Provence, de
            l'Imprimerie plantinienne, à Anvers 1704</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1705 [tome 5], p. 76-121.</bibl>
          <p>Je vous envoye un ouvrage rempli d’érudition, afin que la varieté des matieres vous
            fasse trouver mes Lettres plus agréables.</p>
          <quote>
            <label>RÉPONSE<lb/>De l’Auteur des Essais de Litterature à quelques endroits qui le
              regardent dans les <hi rend="i">Dissertations de Pierre Joseph sur divers points de
                l’Histoire de Provence, de l’Imprimerie Plantinienne, à Anvers</hi> 1704.</label>
            <p><hi rend="i">Le nommé Pierre Joseph d’Ache, ou d’Aitze,</hi> (<hi rend="i">car il ne
                s’est pas encore déterminé sur le nom qu’il doit porter</hi>) <hi rend="i">Prêtre de
                l’Eglise de Cavaillon, ainsi qu’il prend soin de nous l’apprendre dans son Epître
                Dedicatoire à l’Evêque de ce lieu, répondit enfin, il y a quelques mois aux</hi>
              Reflexions <hi rend="i">que Mr de Chasteuil &amp; Mr de Saint Quentin publierent
                en</hi> 1702. <hi rend="i">à Cologne, sur son Libelle intitulé</hi> : Lettre
              Critique de Sextius le Salien à Euxenus le Marseillois, &amp;c. <hi rend="i">Cette
                nouvelle Reponse sortie, dit on</hi>, de l’Imprimerie Plantinienne, établie à
              Anvers, <hi rend="i">&amp; qui s’est fait si long-temps attendre, a esté distribuée en
                Provence par le nommé Ruffi de la Ville de Marseille, qui s’en est declaré
                l’Apologiste, &amp; qui a travaillé à l’ouvrage quoy qu’il assure le contraire. Ces
                deux Auteurs sont connus par des ouvrages qui ne leur ont pas fait honneur, &amp;
                qui ne feront pas passer leurs noms à la posterité, d’une maniere fort glorieuse
                pour eux. D’Ache publia, il y a quelques années, un Libelle intitulé</hi> : les
              Moines empruntez, <hi rend="i">où il décrioit tous les Ordres Reguliers, ceux même qui
                sont les plus respectables dans l’Eglise. Ruffi, qui s’est veu mêlé en dernier lieu
                d’une maniere un peu humiliante, dans un procés * qui vient d’estre jugé au
                Parlement d’Aix, entre les Religieux &amp; les Chanoines Reguliers de S. Antoine,
                d’une part ; &amp; les Cordeliers, les Augustins, les Carmes, &amp; les autres
                Religieux de la Ville d’Aix, de l’autre, est fils d’un Conseiller au Presidial de
                Marseille, qui publia en</hi> 1682. <hi rend="i">ou</hi> 1683. <hi rend="i"
                >l’Histoire de cette Ville, qui fut si mal receüe dans le monde, &amp; dont le
                Libraire, Henry Martel, eut si peu de debit qu’il en mourut de douleur. Le fils qui
                paroît aujourd’huy sur la Scene, &amp; qui s’est declaré l’Apologiste de Pierre
                Joseph, a encore gasté cet Ouvrage par les Additions qu’il y a faites &amp; par des
                Genealogies tres-suspectes qu’il y a inserées. Aprés cette premiere idée, qu’il
                estoit necessaire de donner au Lecteur des deux Auteurs qui m’ont attaqué dans
                leurs</hi> Dissertations, <hi rend="i">il faut aussi luy donner une pleine
                intelligence du fait dont il s’agit, &amp; l’instruire du premier sujet de la
                contestation, en remontant pour ainsi dire, à la source.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mr de Chasteuil, par un zele qu’il a herité de tant de sçavans Hommes
                dont il descend, voulut bien se charger du soin de faire dresser les Arcs
                Triomphaux, au passage de Messeigneurs les Princes à Aix, en l’année</hi> 1701. <hi
                rend="i">il en composa une Relation qui fut imprimée</hi> in folio, <hi rend="i">en
                la même année, chez</hi> Jean Adibert, Imprimeur du Roy proche le Palais, <hi
                rend="i">sous le Titre de</hi> Discours sur les Arcs Triomphaux dressez en la Ville
              d’Aix à l’heureuse arrivée de Monseigneur le Duc de Bourgogne &amp; de Monseigneur le
              Duc de Berry. <hi rend="i">Cette Relation, où les noms de M</hi><hi rend="sup">r</hi>
              <hi rend="i">de Remerville S. Quentin Gentilhomme de la Ville d’Apt, &amp; de
                plusieurs autres personnes de consideration de la Province, paroissoient d’une
                maniere qui leur faisoit honneur, estoit dediée au premier de ces Princes. L’Epître
                dedicatoire estoit belle &amp; bien écrite ; le corps de l’ouvrage contenoit
                soixante-seize pages, de belles planches pour expliquer le dessein des cinq Arcs
                triomphaux, &amp; la description de ces cinq Arcs. Les points de l’Histoire de
                Provence, que l’Auteur y avoit fait entrer d’une maniere fort ingenieuse, furent
                attaquez quelque temps aprés par les deux Auteurs des</hi> Dissertations, &amp;c.
                <hi rend="i">dans le Libelle intitulé</hi> : Lettre Critique de Sextius le Salien à
              Euxenus le Marseillois. <hi rend="i">M</hi><hi rend="sup">r</hi>
              <hi rend="i">de Chasteuil répondit dans ses</hi> Reflexions <hi rend="i">qu’il
                addressa à M</hi><hi rend="sup">r</hi>
              <hi rend="i">de Suffren Conseiller au Parlement d’Aix, &amp; tres-habile dans
                l’Histoire de sa Patrie. M<hi rend="sup">r</hi> de S. Quentin qui avoit aussi esté
                attaqué dans la</hi> Lettre Critique, <hi rend="i">répondit d’un air à faire juger
                au Prestre de Cavaillon &amp; à l’Historien de la Ville de Marseille, que la partie
                devenoit trop forte pour eux. C’est enfin à ces</hi> Reflexions <hi rend="i"
                >qu’aprés deux années d’attente, Mrs d’Ache &amp; Ruffi viennent de repliquer dans
                un Livre de leur façon &amp; qu’ils ont publié sous le titre de</hi> Dissertations
              de Pierre Joseph sur divers points de l’Histoire de Provence ; <hi rend="i">&amp;
                comme j’y ay esté attaqué, au sujet de ce que j’ay dit des</hi> Reflexions, &amp;c.
                <hi rend="i">de Mr de Chasteuil, dans l’Essai de Litterature du mois de May</hi>
              1703. <hi rend="i">ces Mrs trouveront bon que je leur réponde. Si ce n’est pas avec
                cette delicatesse qu’on remarque dans leur ouvrage, &amp; avec une élocution aussi
                pure que la leur, j’espere du moins que ce sera avec plus de solidité.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Pierre Joseph entreprend de</hi> Discuter <hi rend="i">douze points
                d’Histoire dans ses Dissertations.</hi> 1. <hi rend="i">Si Marius est Fondateur du
                Palais d’Aix, ou si c’est Cajus Sextius.</hi> 2. <hi rend="i">Si les premiers droits
                de la France</hi> dérivent <hi rend="i">de Marguerite de Provence, épouse de S.
                Loüis, ou des Donations de Vitigez Roy des Ostrogots &amp; de l’Empereur
                Justinien.</hi> 3. <hi rend="i">Si les premiers Troubadours estoient des</hi> gens
              loüables, <hi rend="i">où</hi> si c’est le contraire. 4. <hi rend="i">Si c’est</hi> un
                <hi rend="i">équivoque</hi> grossier, <hi rend="i">d’assurer que la Provence a esté
                autrefois connuë sous le nom d’Aquitaine, ou si elle a effectivement porté ce
                nom</hi>. 5. <hi rend="i">Si ce qu’on écrit des Cours d’Amours sont des</hi>
              réalitez <hi rend="i">ou des Fables</hi>. 6. <hi rend="i">Si dans la ligne des Comtes
                proprietaires de Provence, il faut compter cinq Raymonds Berangers, ou seulement
                trois.</hi> 7. <hi rend="i">Si le fameux Fouquet de Marseille quitta le monde à
                cause de la mort des Princes ses protecteurs, ou si ce fut par un autre
                mouvement.</hi> 8. <hi rend="i">Si ce mesme Fouquet a esté Evesque de cette Ville,
                ou s’il ne l’a pas esté.</hi> 9. <hi rend="i">Si le celebre Guillaume Durand,
                surnommé le</hi> Speculateur, <hi rend="i">Evesque de Mende a esté Troubadour, &amp;
                s’il est vray qu’il soit mort d’amour sur la nouvelle du decés de la belle Balbe de
                Balbs, de laquelle on suppose qu’il estoit</hi> amoureux, <hi rend="i">ou si ce
                n’est-là qu’un indigne &amp; fabuleux</hi> travestissement. 10. <hi rend="i">Si la
                Fondation du Monastere. des Religieuses Benedictines de Tarascon est du douziéme
                Siecle ou du quatorziéme.</hi> 11. <hi rend="i">Si le Concile de Latran a approuvé
                en faveur du Parlement d’Aix, le droit d’</hi>annexer, <hi rend="i">ou s’il l’a
                condamné.</hi> 12. <hi rend="i">Si la premiere Proclamation du Roy Henry IV.</hi>
              pour <hi rend="i">Roy, aprés son abjuration a esté faite</hi> dans <hi rend="i">Aix,
                ou</hi> dans Meaux.</p>
            <p><hi rend="i">Comme Mrs de Chasteuil &amp; de S. Quentin, ont répondu à ces douze
                points d’Histoire, d’une maniere qui doit satisfaire tous les Sçavans, dans
              l’</hi>Apologie des anciens Historiens, &amp; des Troubadours ou Poëtes Provençaux,
              servant de réponse aux Dissertations de Pierre-Joseph sur divers points de l’Histoire
              de Provence, <hi rend="i">imprimée</hi> à Avignon, chez Jean du Perier 1704. <hi
                rend="i">Je n’en parleray qu’autant que dans chaque</hi> point, <hi rend="i">je
                trouveray des choses qui me regarderont ; &amp; si j’en touche d’autres où je ne
                dois prendre aucune part, ce ne sera qu’incidemment &amp; pour relever quelques
                béveuës de nos Critiques. Mais avant d’entrer en matiere je dois faire deux
                remarques en faveur du Lecteur.</hi></p>
            <p><hi rend="i">La premiere regarde Mr de S. Quentin, Auteur en partie de la Réponse
                aux</hi> Dissertations. <hi rend="i">Ce Gentilhomme est un des plus habiles en tout
                genre de Litterature, qu’il y ait en France. Il est excellent Critique, personne ne
                connoist mieux que luy, l’Antiquité, &amp; n’est plus versé dans l’Histoire
                Ecclesiastique. On en peut juger par plusieurs Dissertations qui ont paru dans</hi>
              les Pieces fugitives, <hi rend="i">&amp; par celle qui doit bien-tost paroite dans un
                Journal estranger. Il travaille à l’Histoire de sa Patrie &amp; à celle de Comtes de
                Forcalquier, &amp; il donnera au premier jour au public celle de Saint Elzear. Il a
                de plus un goust naturel pour la Poësie, il en connoist toutes les beautez, &amp; il
                compose en ce genre avec une grande facilité.</hi></p>
            <p><hi rend="i">La seconde remarque que j’ay à faire, regarde Mr le Bret Intendant de
                Provence, auquel</hi> l’Apologie des Anciens Historiens &amp; des Troubadours, <hi
                rend="i">est dediée. Ce jeune Magistrat est d’un merite distingué, il soutient avec
                honneur le nom de Cardin le Bret que tant de grands hommes ont portez. En</hi> 1664.
                <hi rend="i">&amp; n’etant âgé que de dix-neuf ans il fut pourvu d’un Office de
                Conseiller au Parlement d’Aix ; &amp; en</hi> 1696. <hi rend="i">d’une Charge de
                Maître des Requestes. Le Roy le nomma en</hi> 1701. <hi rend="i">Intendant à Pau en
                Bearn ; &amp; enfin il le rendit à la Provence l’année derniere. Il y exerce la même
                charge avec un zele &amp; une activité pour les interests du Roy qui ne le rendent
                pas moins cher au peuple ; par le bonheur qu’il a de concilier toûjours ses droits
                avec ceux du Prince, accord souvent difficile à faire. Il a un goût declaré pour les
                Sciences &amp; pour les beaux Arts, &amp; il se fait voir dans toutes les occasions
                le Protecteur de ceux qui s’y attachent. Il est fils de Messire Piere
                Cardin le Bret premier President du Parlement d’Aix, qui a esté pendant</hi> 15. <hi
                rend="i">ou</hi> 16. <hi rend="i">ans Intendant de la même Ville. Cette Maison a
                donné à l’Etat de grands Magistrats. Le celebre Cardin le Bret, Procureur general du
                Parlement de Paris, estoit bisayeul de celui qui donne lieu à cette remarque : sa
                reputation est grande &amp; son nom est encor aujourd’huy en veneration dans
                l’auguste Parlement, dont il remplissoit autrefois un des premiers postes. Il est
                temps de revenir à mon sujet principal.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le premier endroit où je suis attaqué dans les Dissertations, est celuy
                où il est parlé du droit que nos Rois ont sur la Provence. J’avois dit dans l’Essai
                de Litterature du mois de May</hi> (1703) <hi rend="i">que le Critique Sextius par
                un zele indiscret qui sent plus le stile d’un Romancier, que celui d’un Historien,
                tire ce droit de la donation de Vitigez Roi des Ostrogots à un de nos Rois, &amp;
                que Mr de Chasteüil au contraire ne le fait pas remonter plus haut qu’au mariage de
                Marguerite de Provence, fille du dernier Beranger, avec le Roy S. Loüis, &amp; au
                testament de Beatrix sa sœur. Sur ce mot de</hi> Romancier <hi rend="i">Pierre
                Joseph s’eleve &amp; s’evapore en grands raisonnemens pour soutenir sa premiere
                proposition. Il dit donc en premier lieu, que des Romains la Provence avoit passé
                par conquête aux Ostrogots, lors que Vitigez leur Rois pour se procurer l’appuy des
                François, leur fit une cession de cette Province, laquelle fut confirmée quelque
                temps aprés, par l’Empereur Justinien</hi> dans le même esprit. <hi rend="i">Voila
                d’abord un insigne anachronisme, &amp; je crois faire grace à nostre Critique en ne
                traitant que</hi> d’Anachronisme <hi rend="i">la proposition qu’il vient d’avancer,
                puis qu’il n’est point vray que la Provence ait passé des Romains aux Ostrogots.
                Ceux-ci, au contraire, succederent immediatement aux Visigots, qui firent les
                premiers la conqueste d’une partie de cette Province, pendant que les Bourguignons
                s’assujettissoient l’autre, dont ils joüirent jusqu’à la destruction du Royaume de
                Bourgogne, que Clovis Roi de France &amp; Theodoric Roi des Ostrogots
                se partagerent aprés l’avoir conquis ; &amp; jusqu’à la mort du malheureux Sigismond
                †, en qui la race des premiers Rois de Bourgogne finit, Clodomir fils de Clovis,
                ayant eu pour sa part le Royaume d’Orleans, prétendit à celuy de Bourgogne, du Chef
                de sa mere Clotilde. Ses freres s’étant joints à luy, defirent Sigismond, le prirent
                prisonnier, &amp; l’envoyerent à Orleans où il fut jetté dans un puits avec sa femme
                &amp; ses enfans, le premier jour de May de l’an</hi> 523. <hi rend="i">d’ailleurs,
                si c’est le sieur Ruffi, qui dit que la Provence passa des Romains aux Ostrogots, il
                s’éloigne en cela du sentiment de son pere lequel dans son Histoire des Comtes de
                Provence, reconnoist que cette Provence passa des Visigots &amp; des Bourguignons
                aux Ostrogots, &amp; sur ce point son sentiment est conforme à celuy des deux
                Nostradamus, de Bouche, &amp; de Quercetan. Au reste je ne dois pas me faire tout
                l’honneur de cette Remarque, les Auteurs de</hi> l’Apologie des Troubadours <hi
                rend="i">l’ont faite avant moy.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Les François, continuë Pierre Joseph,</hi> joüirent de cette Province
              jusqu’aux enfans de Louis le Begue, de la seconde race, &amp; aprés le decadence de
              cette même race ‡ : <hi rend="i">&amp; même aprés que des Comtes particuliers se
                furent rendus maistres de la Provence les Actes publics font foy qu’on y</hi>
              reconnoissoit encore la Souveraineté de nos Rois. <hi rend="i">Cet Auteur devroit
                sçavoir, que si les Scribes faisoient quelques-fois mention dans leurs Actes publics
                du regne des Rois Carlovingiens, ce n’estoit que pour marquer le respect que l’on
                conservoit en Provence, pour l’Auguste Maison de France, aprés que les Princes de la
                seconde race furent montez sur le Thrône ; &amp; qu’ainsi les Rois de cette
                Monarchie n’avoient pas pour cela plus de droit sur cette Province que sur les
                autres qui composoient l’Empire des Gaules, dont l’Empereur Anastase avoit fait une
                cession authentique à Clovis ; &amp; on a déja fait remarquer à Pierre Joseph, que
                c’est à cette cession, &amp; non pas à la donation de Vitigez, qu’il faut rapporter
                la date des Actes publics, où il est fait mention du regne des Rois François, dans
                le temps que la Provence avoit ses Comtes particuliers ; mais cette simple mention
                ne fut jamais une preuve de la souveraineté de nos Rois sur ce Païs. D’ailleurs,
                s’il leur appartenoit à present sous le titre de la donation de Vitigez, toutes les
                fondations faites par les Souverains de cette Province, seroient nulles, &amp; les
                Fiefs alienez seroient reversibles à la Couronne : cependant nos Rois, depuis la
                donation faite à Loüis XI. n’ont jamais fait valoir ce droit prétendu, persuadez
                sans doute qu’il ne leur étoit pas dû. Cependant Pierre Joseph aprés avoir dit que
                la question est de sçavoir si les premiers droits de nos Rois sur cette Province
                doivent estre limitez à Marguerite de Provence, conclut fierement avec Baronius, sur
                le témoignage duquel il croit pouvoir se fonder, qu’en consequence de la donation de
                Vitigez, nos Rois de la premiere race avoient déja un droit sur cette Province ;
                &amp; qu’à la difference des Domaines ordinaires, Feodaux &amp; Allodiaux, qui
                peuvent estre alienez, ceux de nos Rois ne peuvent jamais l’estre, &amp; quand ces
                Princes en ont souffert la possession à d’autres</hi>, c’a esté par necessité,
              témoin <hi rend="i">la réunion de la Guienne à la Couronne sous Charles VII. aprés en
                avoir esté separée plus de</hi> 500. <hi rend="i">ans</hi> §</p>
            <p><hi rend="i">Pour repondre aux raisonnemens de Pierre Joseph, je soutiens que le
                droit le plus certain de nos Rois sur la Provence vient de la donation de
                Charles IV. Comte du Maine dernier &amp; legitime possesseur faite au profit de
                Loüis XI. &amp; que pour la donation de Vitigez Roi des Ostrogots, c’est une
                trop</hi> vieille drogue <hi rend="i">pour me servir des termes d’un scavant homme,
                qui m’écrivit sur ce sujet il y a que quelques jours, &amp; que si elle avoit lieu,
                il faudroit dire que l’Empereur aujourd’huy regnant ou son successeur, seroit bien
                fondé de reduire en Province de sa domination tous les Royaumes Chrestiens de
                l’Europe, parce qu’il est constant qu’ils obéïssoient aux anciens Empereurs Romains,
                dont celui-ci prétend avoir le droit. De plus le raisonnement de Pierre Joseph est
                concluant contre luy-mesme, puisqu’il est certain que si nos Rois avoient eu
                veritablement le droit qu’ils leur attribuent, ils n’eussent pas manqué de le faire
                valoir en tant d’occasions, où il ne tenoit qu’à eux de réunir la Provence à leur
                Couronne, si elle en eut esté certainement une dépendance. Eh ! qui doute que s’ils
                ne l’ont pas fait dans la seconde &amp; dans la troisiéme race, ce n’a esté qu’un
                sentiment de Religion &amp; de justice qui les en a empêchez, &amp; parce qu’ils
                n’ont pas voulu se servir du pouvoir que Dieu leur avoit donné, pour enlever
                l’heritage des Princes leurs Voisins. D’où je conclus qu’il y a de l’imprudence
                d’abandonner un droit certain &amp; incontestable pour en rechercher un chimerique ;
                &amp; les Historiens qui négligent le titre essentiel &amp; primordial, sur la foy
                duquel nos Rois possedent la Provence, pour en aller puiser un dans la Fable &amp;
                dans l’Antiquité la plus obscure, ne sont pas en verité excusables. Sont-ils plus
                instruits du veritable droit de nos Souverains sur cette Province, que ne l’étoit
                Marguerite de Provence elle-même ? Cette Princesse aprés la mort du Roy son époux,
                voulant faire valoir ceux qu’elle avoit sur la Provence, ne dit pas que cette
                Province, lui appartenoit &amp; qu’elle devoit faire retour à Philippes le Hardy son
                fils, parce qu’elle étoit un démembrement de la Couronne de France ; mais elle se
                retrancha uniquement, à soûtenir, qu’étant l’aînée des filles de Beranger, ce Prince
                n’avoit pû instituer Beatrix, sa sœur cadette, heritiere de ses Etats, à son
                préjudice. Le treisiéme Siecle étoit-il donc si dépourvû de Ministres &amp;
                d’habiles Politiques qui ignorassent en quoi consistoient les droits de leur
                Souverain ? &amp; si dans ce temps-là on ne fit aucune attention à la donation de
                Vitigez, n’en doit-on pas conclure, qu’on la regardoit alors comme une chimere. Mais
                il y a plus ; Charles le Bel Roy de France, fit-il aucune protestation contre
                l’adoption que la Reine Jeanne de Naples fit de Loüis, premier Duc d’Anjou ? C’étoit
                pourtant bien le cas d’en faire une, si veritablement ce Roy eut eu un ancien droit
                sur la Provence ; &amp; lorsque René Duc de Lorraine, contesta le Testament de
                Charles IV. Duc du Maine, en faveur de Loüis XI. les Arbitres choisis par les
                Parties, eurent-ils égard à d’autres titres qu’au Testament de Beatrix de Provence,
                épouse de Charles premier, frere de Saint Loüis &amp; à celui de Charles, Comte du
                Maine, qui à proprement, parler n’étoit que l’execution du premier, puisque Beatrix
                avoit substitué tous ses Etats à la posterité de Marguerite Reine de France, sa
                sœur, au cas que la sienne vint à manquer : ce qui arrivoit en la personne du Comte
                du Maine. Romeo de Villeneuve, Tuteur de la Princesse Beatrix, nous assure même dans
                une de ses Lettres, que lorsque Beranger disposa de ses Etats en faveur de Beatrix,
                cadette de Marguerite, il le chargea de recommander à cette Princesse d’avoir égard
                au droit de sa sœur aînée, qu’il dépoüilloit, pour ainsi dire, en sa
              faveur.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mrs de Chasteüil &amp; de S. Quentin ont-ils donc tant de tort de dire
                que c’est raisonner</hi> en franc Ostrogot, <hi rend="i">de proposer pour un titre
                certain, la donation de Vitigez, Roy des Ostrogots, &amp; que si on vouloit chercher
                un droit ancien, il falloit plustost citer la concession de l’Empire des Gaules
                faite au Roy Clovis par l’Empereur Anastase l’an</hi> 509. <hi rend="i">A propos de
                cette datte, l’Imprimeur ayant mis</hi> 109. <hi rend="i">pour</hi> 509. <hi
                rend="i">Pierre Joseph se récrie ; sur cette faute comme si elle pouvoit estre
                attribuée à ces Messieurs. Qui peut douter que ce ne soit une faute d’impression ?
                le Lecteur même le plus passionné en conviendra, s’il veut bien remarquer que cette
                concession d’Anastase n’est mise dans l’endroit où est l’erreur du chiffre, qu’aprés
                la mort de Siagrius. Cette raison est sans replique ; mais j’ay tort de vouloir
                justifier ces Auteurs d’une faute, dont leur seule habileté les justifie
              assez.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Nostre Critique appuye encore son sentiment sur l’authorité de Procope,
                de Baronius, de Vigner, &amp;c. qui parlent de la donation de Vitigez &amp; c’est
                icy où il crie victoire ; mais malheureusement, on luy a fait voir que ces Auteurs
                ne disent rien moins que ce qu’il leur fait dire, &amp; c’est par leurs propres
                termes, qu’on a renversé son Systéme. Pour soûtenir la prétenduë donation du Roy des
                Ostrogots, il combat encore la concession d’Anastase, &amp; il l’attaque par le
                témoignage de Gregoire de Tours, en disant que cet Empereur envoya seulement à
                Clovis des Lettres de Consul honoraire, &amp; que ce Roy qui avoit déja pris
                auparavant la qualité d’Empereur des Gaules, n’avoit pas besoin de cette
                concession ; mais ce raisonnement est détruit par les paroles de Gregoire de Tours
                &amp; de Roricon, rapportées aux pages</hi> 28. <hi rend="i">&amp;</hi> 29. <hi
                rend="i">de l’Apologie. Pierre Joseph dit de plus, que quand cette
                donation seroit certaine, la Provence n’y pourroit pas avoir esté
                comprise, puisque c’est Justinien qui en fit le don, &amp; il ajoûte d’un air
                triomphant, qu’il est étonnant que pendant que des François contestent cette
                donation, les Etrangers, comme Procoppe &amp; Baronius, la soûtiennent,
                &amp; c’est proprement icy où il m’attaque : l’Auteur des Essais, dit-il</hi>,
              tranchant du décisif sans en avoir le merite, a écrit que le Critique Sextius, par un
              zele indiscret qui sent plus le stile d’un Romancier, &amp;c. <hi rend="i">Il demande
                ensuite en quoy il a péché du costé de la discretion, &amp; ce qu’il y a de
                Romanesque dans ses Remarques ; je luy répons que c’est en abandonnant un titre
                certain &amp; incontestable, &amp; qui a paru si fort à nos Rois, qu’ils n’en ont
                jamais fait valoir d’autres, pour en chercher de vains &amp; de chimeriques. Nul ne
                s’étoit encore avisé, continuë-t-il, de traiter Baronius</hi> de Romancier, pendant
              qu’il traite (<hi rend="i">l’Auteur des Essais</hi>) <hi rend="i">les Troubadours
                d’Historiens</hi>, (<hi rend="i">p.</hi> 369. <hi rend="i">Essay de May</hi>), <hi
                rend="i">il me reproche ensuite que j’ay dit de ces derniers, que nous leur avons
                toute l’obligation des lumieres que l’on a sur l’ancienne Histoire de Provence.
                Pierre Joseph veut icy confondre ses interests avec ceux de Baronius ; il me
                permettra de les distinguer, &amp; je crois que je pourray toûjours traiter la
                proposition du Critique de</hi> Romanciere, <hi rend="i">sans m’éloigner pour cela,
                de la veneration qui est deüe au grand Annaliste de l’Eglise ; enfin si Baronius a
                dit toute autre chose que ce que luy fait dire le Prestre de Cavaillon, je crois que
                je peux attaquer celui-ci, independament du premier : or c’est ce que j’ay fait
                &amp; ce qu’on pourra verifier par le texte de Baronius rapporté à la p.</hi> 21.
                <hi rend="i">de l’Apologie.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Quant à ce qui regarde les Troubadours, je dois d’abord remarquer, que
                Pierre Joseph les confond avec les Comediens &amp; les</hi> Farceurs <hi rend="i"
                >que la Reine Constance amena en France : il nous renvoye à tout ce que Glaber,
                Moyne de saint Germain d’Auxerre, dit des Troubadours qui commencerent à paroistre
                sous Guillaume premier Comte de Provence, dont la fille Constance épousa Robert Roy
                de France</hi>, duquel Glaber nous a conservé l’Histoire ; <hi rend="i">mais comme
                les Comediens qui suivirent cette Princesse en France, &amp; qui au
                raport du Moyne Glaber y porterent la corruption, sont fort differens
                des Troubadours dont il s’agit icy, ce que les Auteurs de l’Apologie, ont
                parfaitement prouvé, dans leur troisiéme Dialogue, pages</hi> 39. 40. 41. 42. <hi
                rend="i">&amp;c. je me réduis à faire voir en peu de mots que les anciens Poëtes
                Provençaux n’ont pas esté des gens aussi méprisables, que la voulu persuader Pierre
                Joseph, &amp; que je ne me suis pas fort éloigné de la verité, lorsque j’ay dit que
                nous leur avons</hi> obligation des lumieres que l’on a sur l’ancienne Histoire de
              Provence. <hi rend="i">Le témoignage du Pape Innocent VI. de Barrail Vicomte de
                Marseille, de la Princesse Adelasie son épouse ; celui des Guillen Adhemar, des
                Fouquets &amp; des Comtesses de Die, des deux Nostradamus &amp; de Martial
                d’Auvergne, ne doivent pas estre oubliez ; ce sont pourtant des personnes si
                respectables par leur naissance &amp; leur qualité, ou par leur merite
                personel, que Pierre Joseph aprés leur avoir donné le nom de</hi>
              Troubadours, <hi rend="i">appelle des</hi> Ongleurs, Comics, Musars, Vialeurs <hi
                rend="i">&amp;</hi> Chantaires, <hi rend="i">&amp; il conclud que ce sont de</hi>
              telles personnes <hi rend="i">que la Reine Constance mena avec elle à Paris. Ne
                fait-il pas beaucoup d’honneur à tous ces grands hommes qui ont cultivé la Poësie
                Provençale, de les comparer à de malheureux Comediens qui suivirent cette Princesse
                à la Cour de France. Mais pour sçavoir de quelle utilité nous ont esté les ouvrages
                des</hi> Troubadours, <hi rend="i">ou</hi> Trouverres, <hi rend="i">pour pouvoir
                faire des decouvertes dans l’ancienne Histoire de Provence, on n’a qu’à consulter
                les Historiens de cette Province, tels que sont Nostradamus, Honoré Bouche, Ruffi
                luy même, le pere de celuy qui se déchaîne si fort aujourd’huy contre eux, &amp;
                Quercetan dans son livre</hi> De Laud. Provenc. &amp;c. <hi rend="i">On verra dans
                leurs écrits, en quelle consideration les Troubadours ont esté dans la Cour de la
                Princesse Douce épouse de Raimond Beranger, dit</hi> Arnould, <hi rend="i">Comte de
                Barcelonne, dans celles d’Alfonse, de Charles le Boiteux, de Robert le
                Bon, de Charles de Duras, de Loüis de France, &amp; de René, dit le Bon, Roy de
                Naples, &amp;c. L’Histoire de ces Princes est pleine de glorieux témoignages qu’ils
                ont rendus aux anciens Poëtes Provençaux, &amp; à ceux qui s’attachoient à la Poësie
                Provençale.</hi></p>
            <note><p>* Il faut voir sur ce sujet le Factum d’un Religieux de S. Antoine, où il
                attaque d’une maniere fort réjoüissante, la déposition du sieur Ruffi.</p></note>
            <note><p>† Godomar son frere qui regna encore dix ans aprés luy, perir en 534. &amp;
                c’est proprement en sa personne que finit le Royaume de Bourgogne, aprés avoir duré
                126. ans.</p></note>
            <note><p>‡ Carlovingienne.</p></note>
            <note><p>§ Charles sept acheva de soumettre la Guyenne en 1453. elle estoit au pouvoir
                des Anglois, depuis la fin du regne de Philipes le Bel qui mourut en
                1314. Ainsi on ne trouvera pas le nombre de 500 ans ; quand on voudroit même les
                compter depuis S. Loüis, qui la ceda aux Anglois en 1259. on trouvera à peine 200.
                ans.</p></note>
          </quote>
          <p>Comme il me reste beaucoup d’articles pour finir ma Lettre, &amp; que cet ouvrage est
            trop long pour vous l’envoyer ce mois-cy tout entier, j’ay cru en devoir remettre la
            suite au mois prochain.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-05_152">
          <head>[Ce qui s’est passé aux assemblées publiques de Academies des Inscriptions et des
            Sciences, tenues aussi tôt après Pâques]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1705 [tome 5], p. 152-173.</bibl>
          <p>Mrs de l’Academie des Inscriptions tinrent leur Seance publique le 21. d’Avril. M<hi
              rend="sup">r</hi> l’Abbé Tallemant parla le premier &amp; fit l’éloge de feu M<hi
              rend="sup">r</hi> Pavillon. C’est un tribut qu’il devoit à la memoire de cet
            Academicien en qualité de Secretaire de la Compagnie ; <hi rend="i">mais quand cette
              loüable coûtume</hi>, dit-il, <hi rend="i">ne l’y eust pas engagé, l’amitié qui estoit
              entr’eux eust demandé qu’il jettast quelques fleurs sur son tombeau, &amp; il n’auroit
              pû refuser à sa consolation ce que son ministere venoit exiger de luy. M<hi rend="sup"
                >r</hi> Pavillon</hi>, continua-t-il, <hi rend="i">naquit à Paris l’an</hi> 1632.
              <hi rend="i">son pere estoit un Avocat riche &amp; celebre, &amp; frere du fameux
              Evêque d’Alet. Mr Pavillon reçut une éducation conforme à sa naissance, à sa fortune
              &amp; à ses belles dispositions. Il fut Avocat general au Parlement de Mets. Ce Poste
              luy donna lieu de mettre ses heureux talens dans un grand jour. Ayant quitté sa Charge
              il se trouva dans un repos qu’il n’avoit jamais osé esperer, &amp; dont les charmes ne
              luy estoient pas naturellement indifferens. Son goust declaré pour la Poësie parut
              alors dans toute son étenduë par le loisir qu’il eut de s’y appliquer. On trouvera
              toûjours dans celle de Mr Pavillon une extrême delicatesse jointe à un beau feu, soit
              qu’elle roule sur des sujets de galanterie, ou sur des sujets de morale.</hi></p>
          <p>De l’éloge de M<hi rend="sup">r</hi> Pavillon, M<hi rend="sup">r</hi> Tallemant passa à
            celuy de M<hi rend="sup">r</hi> Duché, Eleve de l’Academie, qu’elle perdit presque au
            même temps. <hi rend="i">Il estoit fils</hi>, dit-il, <hi rend="i">d’un Secretaire du
              Roy, &amp; Secretaire general des Galeres. La bonne éducation qu’il eut fut le seul
              heritage que son pere luy laissa. Dans les bornes étroites de sa fortune, il donna ses
              premieres années aux delices d’une Poësie galante &amp; enjoüée, qui luy ouvrit
              bien-tost le commerce du monde poly ; mais ses bonnes mœurs &amp; son bon esprit le
              dégouterent insensiblement de ces charmes trompeurs. Sa Muse pleine de feu &amp;
              d’agrémens changea ses occupations profanes, &amp; fut suivie d’un succés encore plus
              heureux en traitant les matieres les plus saintes ; ce fut ce nouveau genre de Poësie
              qui l’introduisit à la Cour. Sa Tragedie d’Absalom l’y fit admirer, &amp; il achevoit
              une Piece du même genre, lorsqu’une mort prématurée l’a enlevé à la fleur de son âge,
              &amp; à l’esperance publique.</hi></p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Tallemant ayant cessé de parler, M<hi rend="sup">r</hi>
            l’Abbé Bignon donna de nouveaux coups de pinceau au Portrait de M<hi rend="sup"
            >r</hi> Pavillon, &amp; peignit avec les couleurs du monde les plus vives &amp; les plus
            touchantes, les qualitez de son cœur &amp; celles de son esprit.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Tilladet, qui a succedé à la place de Pensionnaire de
            feu M<hi rend="sup">r</hi> Pavillon, lut ensuite un Discours sur les <hi rend="i"
              >Allocutions</hi> ou Harangues militaires, dont vous pourrez juger par ce qui
            suit.</p>
          <p><hi rend="i">Le charme de la parole a toûjours esté si puissant que les Anciens ne
              manquoient jamais de l’employer dans les occasions importantes &amp; difficiles. Les
              actions les plus éclatantes ont souvent esté l’effet d’un beau discours. Les Etats
              chancelans par la mollesse des peuples, ont souvent esté raffermis par une Harangue
              pleine de feu qui ranimoit les cœurs abbatus. L’Antiquité nous en fournit un grand
              nombre d’exemples, &amp; les Medailles des Empereurs Romains, qui nous les
              representent haranguant leurs Troupes, quelquefois en habit militaire, quelquefois en
              habit pacifique, c’est-à-dire avec la Toge, tantost à pied &amp; tantost à cheval,
              sont des preuves incontestables de cet usage &amp; de son utilité</hi>. M<hi
              rend="sup">r</hi> l’Abbé de Tilladet dit, <hi rend="i">que la premiere &amp; la plus
              ancienne Medaille que l’on connoisse &amp; qui nous offre une de ces Allocutions est
              celle de Caligula, &amp; que la derniere de celles qu’on a vuës, est de l’Empereur
              Maxence.</hi></p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Simon lut ensuite un Discours sur les acclamations des
            Anciens, particulierement des Romains. Il en fit remarquer de trois sortes, sçavoir :
              <hi rend="i">celles qui estoient en usage dans le Cirque &amp; dans
              l’Amphitheatre, c’est-à-dire, dans les Jeux, les Courses, &amp; les
              Spectacles ; celles dont on se servoit dans le Senat, &amp; celles que l’on employoit
              en faveur des Gens de Lettres lorsqu’il recitoient en public quelque Piece de leur
              façon</hi>. Il dit que, <hi rend="i">les premieres ne consistoient d’abord que dans
              des cris vagues &amp; confus ; que Neron charmé d’avoir entendu quelques Alexandrins
              qui luy applaudissoient en Musique, en fit venir cinq mille d’Alexandrie à Rome, pour
              exercer la jeunesse aux acclamations Musicales ; &amp; que cet usage s’y conserva
              long-temps aprés luy ; que les acclamations dont on se servoit dans le Senat étoit une
              flaterie basse &amp; indigne, dont il n’estoit pas capable dans les premiers temps ;
              qu’il y en avoit des Formules de plusieurs sortes ; que</hi> omnes, omnes <hi rend="i"
              >estoit la plus ordinaire ; qu’on l’employoit lorsqu’il s’agissoit de déliberer sur
              quelque affaire, &amp; que l’Empereur ayant ouvert son avis chacun le suivoit
              aveuglément ; qu’on s’en servit aussi dans quelques élections, comme dans celles des
              Empereurs Tacitus &amp; Probus, &amp; qu’à l’égard des acclamations dont on usoit en
              faveur des Gens de Lettres, elles furent d’abord volontaires &amp; dépendirent
              vray-semblablement de la bonté des Piéces, &amp; du merite des Autheurs ;
              mais que dans la suite on en fit commerce, &amp; qu’il falloit payer certaines gens de
              la lie du peuple &amp; des affranchis pour aller applaudir aux lectures.</hi></p>
          <p>Ce Discours fut suivi d’une sçavante &amp; curieuse dissertation de M<hi rend="sup"
              >r</hi> Moreau de Mautour, au sujet d’une petite statuë ou figure antique de Bronze,
            d’environ quatorze pouces de hauteur, trouvée dans un tombeau en la Province d’Artois.
            Cette Figure qu’il avoit fait porter à l’Academie, represente un homme nud, barbu, &amp;
            ayant deux cornes à la teste. Par ces trois attributs dont le dernier est
            tres-singulier, M<hi rend="sup">r</hi> de Mautour expliqua <hi rend="i">que c’estoit la
              divinité du vieux Bacchus representée de cette maniere, &amp; adorée dans plusieurs
              villes de l’Asie &amp; de la Grece</hi>. Ce qu’il prouva par quantité de traits
            d’érudition tirez des Auteurs &amp; des Poëtes Grecs &amp; Latins, ainsi que par les
            Medailles. Il prit occasion de parler des autres Divinitez, des Heros, des Rois, &amp;
            des Fleuves, figurez avec des cornes. Il fit entendre par plusieurs exemples, &amp; par
            plusieurs passages, même par l’Ecriture, le sens que l’Antiquité avoit toûjours donné au
            mot <hi rend="i">cornu</hi>, &amp; à la chose même, <hi rend="i">&amp; qu’elle l’avoit
              prise tantost pour un simbole de force &amp; de courage ; tantost pour une
              marque de puissance &amp; de dignité ; &amp; quelquefois pour designer la divinité
              dans les Heros &amp; dans les Dieux du Paganisme. Les Anciens</hi>, dit-il, <hi
              rend="i">n’en ont jamais eu une autre idée, en cela bien differente de celle de nostre
              temps, où par un caprice fondé sur des opinions bizarres &amp; populaires, on en a
              fait un objet de raillerie ou d’injure</hi>. La derniere de ses Observations sur cette
            Figure, fut de faire voir <hi rend="i">que les Payens avoient entierement conformé leur
              Bacchus sur Moyse, &amp; de justifier tous les rapports qui se trouvent entre l’un
              &amp; l’autre</hi>. Il finit sa Dissertation en verifiant l’époque du tems
            auquel le tombeau découvert pouvoit avoir esté construit, qui estoit sous l’Empire de
            Probus, &amp; que cette Figure qui avoit au moins prés de quatorze cens ans d’antiquité,
            estoit vray-semblablement le Dieu <hi rend="i">Lare</hi> ou domestique de
            celuy à la memoire duquel ce tombeau avoit esté dressé.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Fraguier fit ensuite le caractere du Poëte Pindare. Il
            dit que <hi rend="i">Pindare est un des Poëtes le plus pur, &amp; en même temps le plus
              élevé, &amp; le plus sublime, soit pour les sentimens, soit pour les expressions ; que
              l’envie cependant de critiquer les Anciens dont on n’estoit pas capable de connoistre
              le haut genie, luy avoit attiré des Censeurs en aussi grand nombre qu’ils estoient
              injustes ; que les uns avoient blâmé son feu, les autres ses figures hardies ; que
              celuy-cy le trouvoit ennuyeux dans ses digressions, &amp; que l’autre disoit qu’il
              avoit peine à le suivre de vüë dans son vol rapide &amp; impetueux ; qu’ayant lû &amp;
              relû Pindare pour en juger avec connoissance de cause, il s’estoit trouvé transporté
              en le lisant du même feu qui animoit cet excellent Poëte ; que la Musique la plus
              concertée n’eust pû produire en luy des effets si merveilleux ; que c’estoit là ce que
              les gens d’un goust mediocre appelloient un vol rapide &amp; impetueux. Qu’il estoit
              vray que le sens froid estoit un mauvais Juge de l’Entousiasme</hi>. Il
            s’attacha à justifier les figures hardies &amp; les digressions de Pindare en rapportant
            celles des meilleurs Poëtes Latins &amp; François qui en sont ou des Copies ou des
            Imitations, &amp; qui sont les plus beaux endroits de leurs ouvrages. Il finit en
            faisant remarquer qu’on devoit avoir une idée bien differente de celle que le vulgaire a
            conçuë du Poëte Pindare, dont le nom luy avoit servi à former une expression qu’il
            employoit à tout moment dans un sens ironique &amp; injurieux.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Bignon, qui presidoit à l’Assemblée, en l’absence de M<hi
              rend="sup">r</hi> le President de Lamoignon, joignit selon sa coûtume à la fin de
            chacun de ces Discours, ses remarques, ses reflexions, &amp; un éloge sommaire de celuy
            qui l’avoit lû ; il le tira toûjours du fond du sujet, &amp; en fit une application
            tres-heureuse.</p>
          <p>Le lendemain, l’Academie des Sciences tint Assemblée publique d’aprés Pasques. M<hi
              rend="sup">r</hi> Homberg en fit l’ouverture par un Discours sur le souffre, non pas
            sur le souffre commun, qui est un Mineral connu de tout le monde, mais sur <hi rend="i"
              >le souffre</hi>, qui est un des cinq principes Chymiques, dont tous les Mixtes sont
            composez. Ce souffre principe ne peut jamais estre vû separé de tout autre
            principe, &amp; Mr Homberg prouva que c’étoit la même chose que la matiere de la
            lumiere : il le fit voir par des experiences tres curieuses, dont il resultoit un
            paradoxe assez surprenant, même pour les Philosophes, qui est que la matiere de la
            lumiere est pesante, comme tous les corps terrestres, &amp; tres sensiblement pesante.
            Ensuite Mr Cassini le fils parla sur les éclipses des Etoiles fixes, causées par
            l’interposition de la Lune, ou de quelque autre Planette. Comme la détermination des
            longitudes geographiques dépend des éclipses en general, que celles de la Lune sont
            assez rares, &amp; souvent ne sont point vûës, il est important pour la Geographie &amp;
            pour la Navigation de ne negliger aucunes sortes d’éclipses, &amp; c’est pour cela que
            Mr de Cassini le fils donna le moyen de se servir des Etoiles fixes. La même utilité à
            peu prés se trouva dans le Discours de Mr de la Hire sur l’usage de l’Aiguille aimantée,
            si necessaire pour la Navigation. Il rapporta quelques détails de pratique,
            tres-importans dans cette matiere. Il observa que la roüillure du fer devient un bon
            Aiman. Enfin Mr Tournefort termina la Séance par une Relation de l’Isle de Milo,
            anciennement nommée <hi rend="i">Melos</hi>. Cette Relation n’est qu’une partie de son
            voyage de Levant qu’il va donner au Public. On a pû juger par là combien ce voyage
            seroit curieux, principalement par rapport à l’Histoire naturelle. Mr l’Abbé Bignon qui
            présidoit, reprit chacun de ces Discours aprés qu’il fust fini, &amp; en fit une espece
            de récapitulation, avec l’érudition, la clarté, &amp; l’agrément qui luy sont
            ordinaires.</p>
          <p>On ne peut trop admirer la presence d’esprit, la memoire, la penetration &amp; la
            profonde érudition de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Bignon, &amp; il faut qu’il possede
            toutes ces choses dans un degré suprême, pour répondre sur le champ à plusieurs
            discours, en les rapportant presqu’entiers, &amp; en y ajoûtant quelquefois des faits
            singuliers qui font plaisir, &amp; pour faire en mesme temps des éloges ingenieux &amp;
            polis de tous ceux qui viennent de prononcer ces discours.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-05_218">
          <head>[Article considerable, touchant le livre intitulé Ecclesiasticae, Jurisdictionis
            vindiciae]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1705 [tome 5], p. 218-232.</bibl>
          <p>Je vous promis le mois passé l’article suivant, je vous l’envoye.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Il paroist depuis quelque temps en France, un Ouvrage d’un des plus
                habiles Jurisconsutes du Royaume, le</hi> Traité de l’Abus <hi rend="i">de Charles
                Fevret, donna lieu à l’Auteur de le composer ; mais il n’a esté publié que</hi> 20.
                <hi rend="i">ans aprés sa mort. Antoine Dadin de Hauteserre, Professeur en Droit
                Civil &amp; Canonique, &amp; Doyen de l’Université de Toulouse, dont il eut la
                Charge d’Antecesseur en</hi> 1644. <hi rend="i">est mort en</hi> 1682. <hi rend="i"
                >&amp; son Livre n’a esté publié par les personnes qui ont pris soin de
                l’Impression, qu’en</hi> 1702. <hi rend="i">à Orleans &amp; à Paris. Le premier
                titre de l’Ouvrage &amp; celuy que l’Auteur luy avoit donné, tel qu’il paroist dans
                le Privilege, &amp; à la teste des huit premiers Livres, est :</hi> De jurisdictione
              Ecclesiastica tuenda, adversus insultus auctoris tractatus de abusu &amp; aliorum. <hi
                rend="i">Ce titre qui donnoit une assez juste idée de l’Ouvrage, a esté changé en
                celuy de</hi>. Ecclesiasticæ jurisdictionis vindiciæ, <hi rend="i">par Mr du G……
                dit-on, ou par d’autres personnes peu attentives sans doute, aux veritables
                sentimens du deffunt, qui n’eût pas consenti à ce changement s’il eust vécu, &amp;
                qui n’eût pas manqué de répondre aux Notes qui ont esté ajoûtées à cet Ouvrage ;
                mais peut-estre aussi que si le fameux Mr de Hauteserre eust poussé le terme de sa
                vie jusqu’au temps de l’impression de son Ouvrage, les Notes n’eussent point parû du
                tout, &amp; que le langage de l’Approbateur eust esté different. Quoiqu’il en soit,
                je crois que les éloges donnez de toutes parts à cet Ouvrage quand il a parû, &amp;
                les sollicitations pressantes qui furent faites à Mr de Hauteserre pour rendre
                public son Livre, doivent prévaloir dans l’esprit des Lecteurs sur la malignité de
                quelques critiques. Si on demande par qui ces sollicitations estoient faites, &amp;
                si elles ne venoient point de quelques amis de Mr de Hauteserre, ou de quelques
                personnes interessées à la publication de l’Ouvrage ; Peut-estre sera-t-on surpris
                d’apprendre, que c’estoit une Assemblée generale du Clergé, qui indignée de
                l’atteinte que Fevret avoit donné à la Jurisdiction &amp; à la discipline
                Ecclesiastique, faisoit faire par Monsieur le Cardinal d’Estrées, alors Evêque de
                Laon, d’instantes prieres à Mr de Hauteserre pour deffendre les droits de l’Eglise,
                en publiant les Memoires qu’il avoit redigez sur cette importante matiere. La Lettre
                de Monsieur le Cardinal d’Estrées est inserée dans la Preface ; &amp; ce
                grand Prelat si versé dans ces questions épineuses, est encore prest aujourd’huy de
                soûtenir l’éloge qu’il faisoit pour lors de la personne &amp; des Memoires de Mr de
                Hauteserre. Pour moy, sans me piquer d’avoir de grandes lumieres sur la
                Jurisprudence, je crois que cet Ouvrage est aussi recommandable par ses maximes
                &amp; par les sentimens qu’il renferme, que par la profonde érudition que l’Auteur y
                a répanduë, &amp; je crois avec d’autant plus de fondement, qu’il est aussi sûr de
                s’attacher aux régles qu’il y establit, qu’aux faits qu’il y raporte.
                Mais parlons un peu en détail de l’Ouvrage.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il contient onze Livres, &amp; je sçay du petit-fils de l’Auteur, qui
                est Chanoine de la Cathedrale de Cahors, &amp; qui soûtient avec honneur le nom de
                Hauteserre, celebre depuis prés d’un siécle dans la Republique des Lettres, que son
                grand-pere en avoit composé un douziéme. Il ne seroit pas impossible que nous n’en
                dussions la suppression à ceux qui prévenus contre l’ouvrage, y ont fait des
                changemens &amp; ont critiqué ce qu’ils n’ont pû changer.</hi></p>
            <p><hi rend="i">L’Auteur examine dans le premier Livre si les Evêques ont une
                jurisdiction particuliere, &amp; qui leur soit propre ; il conclud pour
                l’affirmative, &amp; il ne s’en tient pas là ; il prétend même qu’elle est puisée
                dans le droit divin ou du moins qu’elle tire son origine des constitutions
                Apostoliques. Les autoritez ne manquent pas à Mr de Hauteserre pour prouver cette
                proposition ; il en raporte un grand nombre. La conduite du grand
                Apostre à l’égard de l’incestueux de Corinthe est icy un témoignage de poids. Un
                trait d’un Sermon de saint Gregoire de Nysse</hi> (de castigat) <hi rend="i">&amp;
                le</hi> 39. <hi rend="i">Chapitre de l’Apologetique de Tertullien ne sont pas
                inutiles pour défendre le droit Episcopal ; mais écoutons S. Paul luy-même qui
                recommande aux fidelles de ne point porter leurs contestations particulieres aux
                tribunaux seculiers</hi>. Audet aliquis vestrum habens negotium adversus alterum,
              judicari apud iniquos &amp; non apud sanctos ? an nescitis quoniam sancti de hoc mundo
              judicabunt, secularia igitur judicia si habueritis ; contemptibiles qui sont in
              ecclesia illos constituite ad judicandum. <hi rend="i">Mais, dira-t-on, de telles
                propositions sont contraires à nos usages ; si ce raisonnement a lieu, repondra-t-on
                aussi, que deviendra le respect dû aux saintes Ecritures ? Le second livre contient
                une division de la Jurisdiction Ecclesiastique, en volontaire &amp; contentieuse. De
                la premiere depend l’ordination &amp; la collation des benefices. L’Auteur pose pour
                une maxime constante, que dans les choses qui concernent l’ordre Episcopal, il ne se
                fait point d’évolution, &amp; que la voye d’appel n’est point ouverte au
                Metropolitain ; mais qu’il est seulement permis de se pourvoir vers sa Sainteté. Il
                en conclud qu’en cette matiere l’appel comme d’abus ne doit pas avoir lieu ;
                quelques Jurisconsultes François ne convenant pas de ce principe ; il s’agit de
                sçavoir s’il en est moins incontestable. Le Chapitre</hi> 18. <hi rend="i">des
                Offices de saint Ambroise ; les paroles de l’Empereur Valentinien rapportées dans
                le</hi> 6. <hi rend="i">chapitre du quatriéme Livre de Theodoret, le</hi> 82. <hi
                rend="i">chap. du cinquiéme Livre de saint Jean Chrisostome</hi> de Sacerdot : <hi
                rend="i">&amp; enfin la premiere Epître de Zozime ne sont certainement pas
                favorables à Fevret ni à ses partisans. Le troisiéme Livre traite de la correction
                qui se fait par les Evêques sans forme de procés. Il traite aussi de la Jurisdiction
                contentieuse qui s’exerce dans les Officialités. C’est en cette occasion qu’on
                prétend encore que Mr de Hauteserre s’éloigne du sentiment commun des Jurisconsultes
                François, qui prétendent avec Fevret qu’en matiere Civile, un Clerc peut renoncer à
                son privilege. Une pratique pour n’être pas en usage dans un Païs ou pour y avoir
                esté abolie n’en est pas quelque-fois moins bonne. En tout cas Arnobe sur le</hi>
                16<hi rend="sup">e</hi>. <hi rend="i">Pseaume garentira ma conjecture</hi> :
              Sub-plantatur qui privilegium amittit, sicut à Jacob Esaü sub-plantatus est. <hi
                rend="i">J’appelleray aussi en témoignage pour Mr de Hauteserre, Luitprand</hi> (<hi
                rend="i">cap.</hi> 10. <hi rend="i">hist. lib.</hi> 1.) <hi rend="i">la</hi> 35. <hi
                rend="i">&amp;</hi> 85. <hi rend="i">Lettres d’Yves de Chartres, &amp; enfin
                Theodoret, le celebre Evêque de Tyr. Le quatriéme livre traite de l’instruction
                criminelle contre les Clercs avec la distinction du delit commun &amp; du cas
                privilegié. Mr de Hauteserre releve icy le respect que les Arriens, ces ennemis de
                la divinité du fils de Dieu, ont toûjours conservé pour la dignité Episcopale. Je
                voudrois pouvoir m’étendre sur l’érudition qui est répandue dans ce Livre &amp; dans
                les</hi> 7 <hi rend="i">suivans, mais cela me meneroit loin, je ne dois cependant
                pas finir sans dire un mot des appellations comme d’abus. Dans le livre</hi> 8. <hi
                rend="i">chap.</hi> 5. <hi rend="i">&amp; suiv. Mr de Hauteserre soutient que c’est
                un attentat au droit Ecclesiastique ; &amp; que cette forme judiciaire doit son
                origine à l’impieté &amp; à l’obstination des plaideurs. Il remarque que Paul de
                Samosate Evesque d’Antioche est le premier qui pour couvrir son erreur &amp; éviter
                sa deposition appella à l’Empereur Gallien. Les Donatistes imiterent ensuite
                l’exemple de ce fameux Précurseur d’Arrius, Constantin blâma leur conduite aussi
                bien que celle des Evesques du Concile de Nicée qui porterent au Tribunal de cet
                Empereur leurs differens. En France, continuë Mr de Hauteserre, les appellations
                comme d’abus parurent fort tard. Pasquier n’a pu en faire remonter l’origine plus
                haut qu’au regne de Loüis XII. &amp; Gilles le Maistre n’a sçu produire d’Arrests
                plus anciens sur cette matiere que ceux de l’an</hi> 1533. <hi rend="i">Je ne dois
                pas oublier de remarquer que la famille de Mr de Hauteserre occupe les premieres
                charges de la Cour Souveraine établie à Montauban.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-05_232">
          <head>[Pratique de la Memoire Artificielle]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1705 [tome 5], p. 232-237.</bibl>
          <p>Il paroist depuis peu un Livre intitulé : <hi rend="i">Pratique de la Memoire
              Artificielle pour apprendre &amp; pour retenir aisément la Chronologie
              &amp; l’Histoire Universelle, par le P. Buffier de la Compagnie de Jesus</hi>. Ce
            livre renferme la Methode dont on s’est servi pour faire les Exercices publics de
            Chronologie &amp; d’Histoire, qui ont paru si surprenans, &amp; qui ont esté réïterez
            plusieurs fois au College de Louis le Grand, &amp; même ailleurs, puisque M<hi
              rend="sup">r</hi> Turgot, fils de M<hi rend="sup">r</hi> l’Intendant de Tours l’a fait
            avec beaucoup de succés chez M<hi rend="sup">r</hi> le Pelletier de Souzi, son grand
            pere, devant une Assemblée choisie de Personnes sçavantes. Il estoit difficile de
            comprendre comment un jeune homme pouvoit avoir dans l’esprit une infinité de faits
            historiques arrangez avec tant d’exactitude selon l’ordre des temps ; mais la chose se
            conçoit aisément en jettant les yeux sur l’ouvrage du P. Buffier. Il contient des Vers
            Artificiels où sont enchassez ces faits &amp; les époques d’une maniere concise, &amp;
            ils y sont exposez ensuite plus au long par des Demandes &amp; par des Réponses.
            L’exposition sert à bien faire comprendre tout le sens des Vers qui font allusion en
            même temps à beaucoup de choses ; de sorte qu’afin de posseder toute la suite
            universelle de la Chronologie Historique, il suffit d’aprendre ces Vers ; ce
            qui est facile. En effet, ceux qui cultivent le moins leur memoire apprennent sans peine
            douze ou quinze Vers par jour ; &amp; quand ils s’en sont remplis la memoire, il ne faut
            qu’un mois ou deux pour sçavoir la Chronologie &amp; l’Histoire. Il n’y auroit, ce
            semble, qu’à donner ces Vers pour leçons aux jeunes gens, ils acquerroient
            insensiblement une Science qu’envieroient les Sçavans les plus consommez. Ceux-ci ont
            toûjours besoin d’avoir devant leurs yeux des Tables de Chronologie pour les consulter,
            &amp; ceux-là sçauroient par cœur toutes les Epoques &amp; toutes les dattes des
            évenemens ; ce qui est une avance infinie pour sçavoir à fond toute l’Histoire &amp;
            pour la retenir toûjours. On ne peut guere imaginer d’invention plus avantageuse que
            cette Methode, &amp; le Public en doit sçavoir gré au P. Buffier, d’autant plus que
            c’est un travail fort épineux de mettre en Vers une suite de chiffres &amp; de noms
            extraordinaires ; sans que les Vers ayent rien de dur ou de barbare. L’Histoire de
            France avec cette Methode est actuellement sous la Presse, &amp; dés qu’elle paroîtra je
            ne manqueray pas de vous le faire sçavoir. Ce livre se vend chez le Sieur Jollet, au
            bout du Pont Saint Michel, devant la ruë de l’Hirondelle, au Livre Royal.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-05_251">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1705 [tome 5], p. 251-252.</bibl>
          <p>La chanson qui suit est de Monsieur de Metz de la Fléche.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">O Dieu ! dont la bonté toûjours inépuisable,</hi></l>
              <l><hi rend="i">En faveur de la France éclata tant de fois,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Protege jusqu’au bout, le plus grand de ses Rois ?</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que tes graces pour luy, l’une à l’autre enchaînées,</hi></l>
              <l><hi rend="i">De ses prosperitez éternisent les Cours</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et le fassent regner &amp; vivre autant d’années</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Que les autres de jours.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-05_288">
          <head>[Article qui regarde la Litterature]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1705 [tome 5], p. 288-289.</bibl>
          <p>Il s’est élevé en Hollande une grosse querelle entre le celebre Mr Bayle &amp;
            Mr Jaquelot Ministre de Berlin. Celui-ci a attaqué le premier dans <hi rend="i">la
              conformité de la Foy avec la Raison</hi>, ou <hi rend="i">la deffence de la Religion
              contre les principales difficultez répanduës dans le Dictionnaire Historique &amp;
              Critique de Mr Bayle</hi>. Ce dernier ne demeurera pas sans replique ; personne
            n’ignore que c’est une des meilleures plumes de l’Europe.</p>
          <p>On mande du même pays qu’on vend à Utrecht la belle &amp; nombreuse Bibliotheque du
            fameux Mr <hi rend="i">Francius</hi> mort en Hollande depuis quelque temps. Ce sçavant
            homme avoit rassemblé quantité de manuscrits qu’il avoit enrichi des Notes &amp; des
            Remarques des plus habiles gens de l’Europe.</p>
          <p>On écrit de Lorraine qu’un sçavant Prémontré y a entrepris <hi rend="i">le Nobiliaire
              de Lorraine &amp; du Barrois</hi>, avec un Recueil Historique &amp; Genealogique des
            Maisons &amp; des personnes Nobles des Duchez de Lorraine &amp; de Bar. Mr de S. Urbain
            Medailliste du Pape s’est chargé de faire la gravure des Armoiries. Monsieur le Duc de
            Lorraine l’a fait venir en Lorraine pour ce sujet.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-05_290">
          <head>[Introcuction à la Geographie]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1705 [tome 5], p. 290-293.</bibl>
          <p>Mrs Sanson, Geographes ordinaires du Roi, qui demeurent au Cloître S. Nicolas du Louvre
            vendent un Livre intitulé, <hi rend="i">Introduction à la Geographie en plusieurs Cartes
              avec leur explication</hi>. Ces ouvrages qui sont de leur composition sont inquarto
            &amp; infolio. La division la plus generale de la Geographie est selon les rapports que
            ses Parties ont avec les Cieux, entre elles, &amp; avec l’Histoire ; mais parce qu’en
            les expliquant &amp; en traitant de la Geographie en particulier, on se sert de termes
            peu entendus de ceux qui ne les ont pas étudiez ; ce Livre en donne une idée claire
            &amp; distincte dans la premiere Partie qui est divisée en quatre Livres.</p>
          <p>On démontre dans le premier qu’elles sont les Parties de cette science &amp; quelle
            union elle a avec les autres. Dans le second, les manieres par lesquelles elle peut
            estre representée ; sçavoir, le Globe, les Cartes, les Tables &amp; les Traitez. Dans le
            troisiéme on explique les termes de la Sphere de la Terre &amp; de l’Eau, de la
            Geographie Historique, Politique &amp; Sacrée. Dans le quatriéme on donne une
            Instruction pour se servir des Cartes, &amp; pour y trouver facilement ce que l’on
            desire de sçavoir ; ce qui est d’un grand secours pour s’exempter de la peine de
            chercher les choses où elles ne sont pas &amp; où elles ne doivent pas estre.</p>
          <p>La seconde Partie contient aussi quatre Livres, dans le premier desquels on voit le
            rapport qu’a la Geographie avec le Cieux Dans le second, toute les Parties de la
            Geographie naturelle, tant pour la terre que pour l’eau. Dans le troisiéme la Division
            de la Geographie Historique &amp; Civile ou Politique &amp; Sacrée, &amp; des Religions,
            ce qui est suivi de celle des Langues. Dans le quatriéme sont d’autres Divisions de la
            surface de la terre, l’une par les differentes especes ou races d’hommes ; l’autre par
            leurs couleurs &amp; la derniere par la forme exterieure du corps.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-05_415">
          <head>[Sur la Mirandole]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1705 [tome 5], p. 415-417.</bibl>
          <p>Je vous envoye ce que quelques Auteurs ont écrit touchant la Mirandole.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">La Mirande est un Duché Souverain d’Italie avec une Ville du mesme nom,
                entre le Ferrarois, le Modenois, le Mantoüan &amp; Concordia. La Ville est deffenduë
                par sept Bastions Royaux, par une Citadelle &amp; par un Fort qu’ils appellent</hi>
              Rocca. <hi rend="i">La Maison des Pics est en possession de la Mirande ou Mirandole
                depuis six cens ans. Manfrede ayant debauché Euride fille de l’Empereur Constance,
                la mena en Italie, où elle accoucha de trois fils, &amp; dans ce mesme lieu il fit
                bâtir la Mirande, autrement connuë sous le nom de Mirandole. La Maison des Pics est
                des plus illustres d’Italie. Ce seroit dire une chose cent fois repetée que de
                vouloir parler de la science prodigieuse du celebre Jean Pic de la Mirandole qui
                soûtint dans le quinziéme siecle des Theses à Rome où il y avoit neuf cens Positions
                sur toutes sortes de sciences, &amp; dans lesquelles il fit inserer une excellente
                Dissertation où il sappoit par les fondemens l’Astrologie judiciaire. Cela
                n’empesche pas que la prédiction qui regardoit sa personne ne fut dans la suite
                verifiée, puisque, comme il luy avoit esté prédit, il mourut dans le mesme temps que
                Charles VIII. faisoit son entrée à Florence. Il est vray qu’on dit qu’il fut
                empoisonné par les Astrologues.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-05_436">
          <head>Enigme</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1705 [tome 5], p. 436-439.</bibl>
          <p>Le mot de l’Enigme du mois dernier estoit le <hi rend="i">Corbillon</hi> d’un Oublieur.
            Ceux qui l’ont trouvé sont Mrs de Corimbert, Gentilhomme de la Venerie du Roy : Charbuy,
            sieur de Genotte : Rolin de Champclos : Grimod de Montgelas : de la Porte : de
            Champency : d’Egreville : Bequet du Pont Nostre-Dame : B. Collin, du Quay de la
            Megisserie : de l’Iset, Pensionnaire de Mr Thomas : de Vic &amp; Cathala son amy : H.
            Bachelet : Canelle de la ruë d’Enfer : Bessin de Clamecy : Jourd’ien, de la
            Fere en Picardie : Baget de Lectoure : l’Agreable dans les Compagnies : l’amy content de
            Versailles : le Heros du Canada : &amp; le Mouton de l’Hôtel des Ursins : Mlles Pechon
            de la Fere en Picardie &amp; son amy Ferat : Fleurau de la ruë de l’Eschelle : la belle
            Bourelet &amp; la charmante Boursin de l’Hôtel des Ursins : Babet Rottier de la ruë S.
            Loüis &amp; son gros cousin Moreau : la jolie veuve de la ruë de Richelieu : la Reine de
            la Chine &amp; son amie : l’agreable brune de la ruë des Canettes derriere la Madelaine,
            &amp; les deux Rivaux pacifiques : la Charmante enjouée &amp; l’aimable Prude, sa sœur
            de la même ruë des Canettes : &amp; le fidel Amant : la Souris couronnée de
            G.… prés Montfort-l’Amaury.</p>
          <p>Je vous envoye une Enigme nouvelle, elle est de Mr Tremaile.</p>
          <quote>
            <label>ENIGME.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Des suposts de Themis instrument necessaire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Si l’on me fait servit à tromper quelquefois,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sans moy peut-on regler surement une affaire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et sauver de l’oubli les actions des Rois ?</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Le</hi> Stile <hi rend="i">des Anciens ne m’est pas
                comparable,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je l’ay fait rejetter. Plus que partout ailleurs</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je suis chez le Batave excellente, admirable,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et ma vieillesse plaist à tous les connoisseurs.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">L’Art exige toûjours qu’on m’ouvre &amp; qu’on me fende ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Par là sous mes deux becs se forment de beaux traits</hi></l>
              <l><hi rend="i">Lorsqu’on sçait me guider : autrement qu’on s’attende</hi></l>
              <l><hi rend="i">A n’y voir que des corps durs, grossiers &amp; mal-faits.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-05_439">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1705 [tome 5], p. 439-440.</bibl>
          <p>Les paroles suivantes qui étoient dans ma derniere Lettre de Mars ont esté mises en Air
            par Mr de Montailly.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Un petit bossu pointilleux</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Voulant se railler d’un boiteux</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Luy demanda, quelles nouvelles !</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Vous qui marchez d’un &amp; d’autre costé ?</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’autre pour reprimer sa sotte vanité,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Luy répondit en verité</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Je n’en ay point apris de belles.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">C’est de vous compere Niquet</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Qu’on doit en attendre de telles,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Puisque vous portez le paquet.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1705-06">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, juin 1705 [tome 6]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-06_46">
          <head>[Suite de la réponse de l'Auteur des Essais de Litterature à Pierre Joseph]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1705 [tome 6], p. 46-76.</bibl>
          <p>Je vous tiens parole &amp; vous envoye la suite de la réponse de l’Auteur des Essais de
            Litterature, aux Dissertations de Pierre Joseph.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Le Prestre de Cavaillon nous donne un plat de son métier dans la suite
                de ses</hi> Dissertations ; <hi rend="i">on a lieu de juger en lisant les touchantes
                Reflexions qu’il fait sur les mœurs du Clergé des derniers siecles, que cet Auteur a
                esté favorisé du don de la parole ; en effet depuis la page</hi> 60. <hi rend="i"
                >jusqu’à la</hi> 68<hi rend="sup">e</hi>. <hi rend="i">des</hi> Dissertations, <hi
                rend="i">on trouve un Sermon sur les desordres où vivoient les Prestres du onziéme
                siecle, d’où on conclut que ce siecle n’étoit pas un temps d’innocence</hi> où les
              gens d’Eglise puissent aller sieger dans les Cours d’Amour. <hi rend="i">Pierre Joseph
                infere de là que tout ce que Benoist le Court &amp; Martial d’Auvergne disent de
                cette espece de Tribunal</hi>, ne sont que des Jeux d’esprit &amp; nullement des
              faits historiques. <hi rend="i">Je conviens avec ce Critique que le onziéme siecle
                &amp; même celuy qui le preceda furent des siecles d’abomination sur lesquels il
                seroit necessaire de tirer un rideau pour en ôter le souvenir à la posterité ; mais
                de croire que cette corruption fust une suite de la licence des Poëtes ; c’est une
                illusion toute pure, puisque l’ignorance des Ministres de l’Eglise &amp; le desordre
                où ils vivoient, precederent de plusieurs années, l’établissement des</hi> Cours
              d’Amour. <hi rend="i">D’ailleurs il ne faut point d’autre preuve de l’innocence de
                ceux qui composoient ces sortes d’Assemblées, que ce qu’en dit Innocent VI. ce Pape,
                qui travailla avec tant d’ardeur à la reforme de la Cour Romaine, n’eust pas
                autorisé par son approbation, cette espece d’établissement, s’il l’eust cru
                contraire à la pureté des mœurs. On lit dans le troisiéme Dialogue de
              l’</hi>Apologie, <hi rend="i">les éloges que ce Chef de l’Eglise donne aux personnes
                qui en estoient, &amp; il faut croire que dans cette occasion, l’on ne surprit pas
                son suffrage ; il estoit trop éclairé pour ne pas juger des choses par ses propres
                lumieres, &amp; tous les Auteurs parlent de luy comme d’un Pontife tres-digne de la
                haute estime où sa vertu l’avoit élevé. La Chartreuse de Ville-neuve lez Avignon est
                un monument de sa pieté &amp; une preuve de ce que je dis. Il ne faut point enfin
                d’autre preuve, que Benoist le Court &amp; Martial d’Auvergne</hi> (<hi rend="i"
                >Procureur au Parlement de Paris</hi>) <hi rend="i">ont parlé sincerement, que ce
                que le Poëte Dante &amp; Petrarque disent des Troubadours, ausquels ils attribuënt
                l’invention de la Poësie rimée * le jugement que ces deux Auteurs font des Poëtes
                Provençaux suffit pour nous convaincre, que nous leur devons de grandes lumieres sur
                l’Histoire de Provence ; &amp; il ne seroit pas juste d’abandonner en cette
                occasion, l’autorité de deux Auteurs si celebres pour regler nôtre jugement sur
                celle de Pierre Joseph.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il prétend encore, contre l’opinion commune, que les Fiefs au
                commencement de leur Institution, ont esté nommez</hi> Benefices, <hi rend="i">&amp;
                que c’est d’eux, que ce nom a passé aux biens d’Eglise ; qu’ainsi en se servant du
                mot de</hi> Commende, <hi rend="i">on a suivi l’ancien usage, &amp; que par
                consequent la Commende</hi> n’est pas une qualité nouvelle en fait de Souveraineté,
              ignorée par nos Anciens. <hi rend="i">On ne conteste point à Pierre Joseph, qu’il n’y
                ait eu des Commendes en matiere de Fief ; on conteste seulement l’idée qu’il s’en
                est faite &amp; qu’il ne sçauroit soûtenir sans contredire toute l’Antiquité. Pour
                parler enfin avec plus de précision ;</hi> feudum incommendam alicui dare, <hi
                rend="i">signifie plutost donner l’investiture d’un Fief, infeoder une terre à
                quelqu’un, que donner un Fief en commende. Il faut consulter sur ce sujet les
                Formules de Marculphe du sçavant Mr Bignon</hi> (<hi rend="i">pag.</hi> 407) <hi
                rend="i">&amp; on en conclurra que les paroles citées par le</hi> Sextius Salien,
                <hi rend="i">ne signifieront jamais qu’Idelfonse ait donné le Comté de Provence en
                Commende à son frere Raimond Berenger, mais qu’il luy en a donné l’investiture, ce
                qui est fort different, pour le posseder à la verité</hi> (<hi rend="i">comme l’a
                remarqué le docte Mr de S. Quentin</hi>) in præstaria, <hi rend="i">c’est à dire, en
                titre de Benefice reversible au Seigneur Suzerin aprés un temps limité, parce que
                dans ce temps-là les Infeodations à perpetuité estoient fort rares &amp;
                s’accordoient difficilement ; &amp; à ce sujet il faut remarquer que les Fiefs
                donnez</hi> in præstaria <hi rend="i">estoient differens des Fiefs hereditaires, qui
                s’appelloient</hi> honores, <hi rend="i">pour les distinguer du simple Alleu. On
                conclud necessairement de tout ce que je viens de dire, que Mr de Chasteüil n’a pas
                eu tort de soûtenir que dans la ligne des Comtes Proprietaires de Provence, il faut
                compter cinq Raymonds Berengers, puisque je viens de faire voir que les deux
                ausquels on conteste la proprieté de cet Etat, l’ont possedé sous le titre
                d’investiture, &amp; de veritable infeodation ; puisque le second le posseda sous le
                même titre que Raymond Berenger, frere d’Idelfonse.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Je n’ay rien à répondre au trait de plaisanterie de Pierre Joseph, qui
                dit que comme je n’ay pas compris, le terme de Commende</hi> en fait de Fiefs, <hi
                rend="i">je pourrois bien estre de ceux qui prennent Seneque pour un Auteur de
                matieres Beneficiales, parce qu’il a fait un Traité des Benefices. Voila une pensée
                bien recherchée. Pour la rendre plus touchante, il n’avoit encore qu’à me comparer à
                cet Avocat qui, estant chargé d’une Cause pour une Fille qui avoit esté abusée, alla
                demander à un de ses Amis le Traité de</hi> l’Abus <hi rend="i">de Fevret.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mais l’endroit sur lequel Pierre Joseph m’insulte plus, &amp; où il veut
                plus faire l’agreable, est celuy, où j’ay dit que Guillaume Durand Evêque de Mende
                estoit un si grand Canoniste, qu’il en fut nommé le</hi> speculateur. <hi rend="i">A
                l’occasion de ce mot, nostre Critique étale toute son érudition, &amp; il prend ce
                terme dans l’étymologie la plus éloignée. Il nous apprend donc que</hi> Speculateur,
                <hi rend="i">qui est dérivé de</hi> speculum <hi rend="i">ou de</hi> specula, <hi
                rend="i">ne signifie point</hi> ce que l’Auteur des Essais dit : <hi rend="i">Voila
                bien de l’érudition perduë, puisqu’un moment aprés, Pierre Joseph avoüe que c’est de
                la seconde étymologie</hi> (specula) <hi rend="i">que les Canonistes prennent la
                signification du mot d’Evêque ;</hi> Episcopus idest in specula constitutus ; <hi
                rend="i">&amp; qu’enfin Guillaume Durand, Evêque de Mende, fut nommé le</hi>
              Speculateur, <hi rend="i">du grand ouvrage qu’il avoit fait sous le titre de</hi>
              speculum juris. <hi rend="i">Parler ainsi, n’est-ce pas tomber en contradiction avec
                soi-même, &amp; prouver directement ce qu’on veut nier ? puisque dire</hi> que
              Guillaume Durand estoit un si grand Canoniste, qu’il en fut surnommé Speculateur, (<hi
                rend="i">Essai de May</hi>) <hi rend="i">&amp; dire que</hi> Guillaume Durand fut
              nommé Speculateur du grand ouvrage qu’il avoit fait sous le titre : Speculum juris,
                (<hi rend="i">Dissertation, &amp;c.</hi>) <hi rend="i">est absolument la même chose.
                Tous les raisonnemens que fait ensuite Pierre Joseph sur le Troubadour qui a porté
                le nom de Guillaume Durand, ne prouvent rien contre Mr de Chasteüil, qui n’a jamais
                eu intention de confondre le Poëte &amp; l’Evêque, &amp; qui a même corrigé les deux
                Nostradamus, qui les avoit confondus ; &amp; en corrigeant leur erreur il a
                éclair-ci ce point d’Histoire dans ses</hi> Reflexions <hi rend="i">d’une maniere
                qui ne souffre plus de difficulté. D’ailleurs le Troubadour Durand mourut en</hi>
              1270. <hi rend="i">comme le disent Nostradamus, la Croix du Maine, &amp; du Verdier ;
                &amp; le Speculateur ne mourut qu’en</hi> 1296. <hi rend="i">&amp; c’est en quoy se
                sont trompez Gesner &amp; Bellarmin. Le premier le fait fleurir en</hi> 1236. <hi
                rend="i">or s’il fleurissoit en ce temps-là, il est impossible qu’il ait vécu
                jusqu’à l’année</hi> 1296. <hi rend="i">&amp; soixante ans aprés l’époque où ce
                Bibliographe met le periode de sa reputation. Il y a plus : il auroit fallu que cet
                Evêque eust vécu plus de cent ans, puisqu’aprés avoir fleuri en</hi> 1236. <hi
                rend="i">c’est à dire à l’âge de trente-cinq ou quarante ans</hi> (<hi rend="i">qui
                est à peu prés le temps où la reputation d’un homme est dans tout son éclat</hi>)
                <hi rend="i">il ne seroit mort que soixante années aprés, c’est-à-dire en</hi> 1296.
                <hi rend="i">Or les documens de l’Histoire sont contraires à l’opinion de Gesner
                &amp; à celle de Bellarmin, qui le fait mourir en</hi> 1280. <hi rend="i">Durand
                dedia son ouvrage, divisé en trois volumes, au Cardinal Ottoboni † qui fut ensuite
                Pape sous le nom d’Adrien V. Ce même Auteur publia encore un excellent Traité sur la
                même matiere ;</hi> Repertorium juris, lib. 1.</p>
            <p><hi rend="i">La preuve la plus forte que Pierre Joseph apporte, pour faire voir que
                Mr de Chasteüil a confondu l’Evêque &amp; le Poëte, se tire de cet adage :</hi> Mai
              vau calar, que fol parler, <hi rend="i">dont le Speculateur se servoit souvent : mais
                on luy a prouvé que cette locution proverbiale estoit comme hereditaire dans la
                famille des Durands, qu’elle y a duré jusqu’à nos jours, &amp; qu’enfin c’estoit du
                premier Guillaume, que le Speculateur l’avoit prise. Enfin, outre que Pierre Joseph
                seroit fort en peine de soûtenir l’accusation qu’il forme contre Mr de Chasteüil,
                d’avoir confondu deux Auteurs fort differens, &amp; qu’on le défie de montrer un
                seul endroit où ce dernier aye dit précisément que le Troubadour fut le même que le
                Speculateur ; je ne crois pas que quand il l’auroit dit, il eust fait en cela une
                grande injure à l’Ordre Episcopal. Combien de Papes &amp; de grands Evêques ont fait
                gloire de sçavoir faire des Vers ? Les Papes Alexandre V. Innocent III. &amp;
                Innocent VI. Vrbain VIII. Meliton Evêque de Sardes, S. Gregoire de Nazianze,
                Heliodore Evêque de Trica, Pontus de Thiard, Evêque de Chalons sur Sône, feu M<hi
                  rend="sup">r</hi> Godeau, M<hi rend="sup">r</hi> Fléchier aujourd’huy vivant, se
                sont fait honneur de la Poësie ; &amp; parmy les personnes du second ordre les noms
                de Raimond Ferravi, Prieur Claustral de l’Abbaye de S. Honoré de Lerins, de Pierre
                Gentien, de Guillaume Coquillart, Official de Rheims, de Jean Gower, Chevalier
                Anglois, de Pierre de Gravina, de Claude Guichard, d’Henry Arnoul, Theologien Saxon,
                Secretaire des Peres du Concile de Basle, &amp; qui se fit depuis Chartreux, de
                Baptiste Mantuan, Carme, qui fit ce beau Poëme où il parle d’une femme qu’il aimoit
                sous le nom de Faustus</hi> ‡, <hi rend="i">&amp; de Gilbert Blochovius, autre
                Chartreux d’Vtreckt, de Pierre de Lorris, de Geoffroy de Luc, de Jean de Macotourt
                &amp; de Theodore de Beze, ne seroient peut-estre jamais passez jusqu’à nous, sans
                le talent que ceux qui les portoient avoient pour la Poësie &amp; qu’ils prirent
                tant de soin de cultiver. Pour finir enfin ce qui regarde cet Article qui est dans
                la</hi> 9<hi rend="sup">e</hi>
              <hi rend="i">Dissertation de Pierre Joseph, il faut remarquer que ce Critique s’est
                trompé lorsqu’il a crû que</hi> le Speculateur <hi rend="i">estoit mort à Nicosie,
                il mourut à Rome, comme Mr de Chasteüil le prouve tres-bien.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Pierre Joseph fait grand bruit sur un Anachronisme qu’il prétend que
                l’Apologiste des Troubadours a fait. C’est au sujet de la retraite de la Comtesse de
                Die, dans l’Abbaye de Tarascon. Il veut détruire ce fait, &amp; en fait voir
                l’impossibilité par les dates de la mort de cette Dame, &amp; de la fondation du
                Monastere. Cette Comtesse, dit-il, mourut avant l’an</hi> 1193. <hi rend="i">&amp;
                le Monastere en question, ne fut fondé que plus de cent cinquante ans aprés,
                c’est-à-dire l’an</hi> 1358. <hi rend="i">&amp; sur ce que j’avois dit dans l’Essai
                de May, que Mr de Chasteüil établissoit avec beaucoup de</hi> solidité, <hi rend="i"
                >la certitude de la retraite de la belle Comtesse de Die … &amp; qu’il remarquoit
                qu’il y avoit eu</hi> 3. <hi rend="i">Comtesses de Die, &amp;c. Il me fait une
                allusion tout-à-fait ingenieuse de ces paroles du Prophete Isaye,</hi>
                (<hi rend="i">chap.</hi> 5. <hi rend="i">vers.</hi> 20.) Malheur à vous qui dites
              que le mal est bien, &amp; que le bien est mal : car, <hi rend="i">continuë-t-il, avec
                le même transport de colere</hi>, à moins que de s’estre vendu on ne sçauroit parler
              de la sorte ; &amp; qu’importe en cette rencontre qu’il y ait eu trois Comtesses de
              Die, puisqu’il ne s’agit que du temps de la fondation du Monastere de Tarascon. <hi
                rend="i">Or voyons si la colere de ce Critique, a un legitime fondement, &amp; si
                j’ay merité le reproche d’Ecrivain venal, qu’il me fait si hardiment.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On doit d’abord remarquer que le sujet de la contestation est si leger
                que ce n’estoit pas la peine de s’enflammer, &amp; je crois que c’est sur un point
                d’une si petite consequence, qu’on peut bien dire, &amp; qu’importe</hi> que Paschal
              soit devant, ou Paschal soit derriere. <hi rend="i">En effet, quand j’aurois loüé
                mal-à-propos dans cette occasion Mr de Chasteüil, aurois-je dû m’être attiré pour
                cela le couroux de ce Critique, &amp; une erreur qui interesse si peu la
                religion &amp; les bonnes mœurs, devoit-elle faire tomber sur ma teste, les
                anathémes que le premier</hi> § <hi rend="i">dans l’ordre des Prophetes, lançoit de
                son temps contre les personnes, dont la perversité &amp; la corruption des mœurs,
                aveugloient l’entendement. On doit juger par là, du danger qu’il y auroit de confier
                les tresors &amp; les foudres de l’Eglise, à un Ministre qui en feroit un usage si
                indiscret ; mais ce n’est pas dequoy il s’agit à present, mais bien de sçavoir si
                j’ay pris le mal pour le bien dans cette occasion.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Je soûtiens donc que si j’ay paru suivre le sentiment de Mr de
                Chasteüil, ce n’a pas été sans connoissance de cause. L’autorité de la Croix du
                Maine, des deux Nostradamus, &amp; de du Verdier, m’a déterminé dans cette
                conjoncture, &amp; j’ay dû croire que l’Apologiste des Troubadours en les suivant
                avoit parlé</hi> avec certitude. <hi rend="i">Chorier, l’Historien de Dauphiné, a
                écrit la vie de la Comtesse de Die, de la maniere qu’on la lit dans les Arcs de
                triomphe, d’où il faut conclurre qu’il y avoit à Tarascon, ou dans le voisinage de
                cette Ville, quelque Maison de retraite du même nom, où l’une des Comtesses de Die,
                &amp; celle sans doute, qui avoit esté élevée auprés de la Princesse Garsende de
                Forcalquier, s’estoit retirée aprés le mariage de cette Princesse avec Idelfonse II.
                Peut-estre aussi, que Nostradamus, qui écrivoit l’Histoire des Poëtes
                Provençaux</hi> (<hi rend="i">&amp; c’est la conjecture de Mr de Chasteuïl</hi>) <hi
                rend="i">dans le temps que le dernier des Adhemars Comtes de Grignan estoit
                Gouverneur de Provence, crut faire sa Cour à ce Seigneur en suivant la Tradition de
                sa Maison, &amp; celle du Bourg de Grignan, où on assure encore que Guillen
                Adheimar mourut d’amour pour la belle Comtesse de Die. Quoyqu’il en
                soit, lors qu’on a loué la découverte de Mr de Chasteuïl, l’éloge tomboit plus sur
                la retraite en general de cette Dame, que sur le lieu de sa retraite. D’ailleurs
                l’Apologiste des Troubadours, ne parle pas de cette retraite à la page</hi> 40<hi
                rend="sup">e</hi>. <hi rend="i">de ses</hi> Reflexions, <hi rend="i">comme d’une
                verité incontestable, &amp; il semble même par les termes qu’il employe, qu’il
                dispose son Lecteur à en douter ; &amp; enfin il s’agissoit plus de la retraite, que
                du lieu de la retraite, &amp; c’est plus de l’un que de l’autre, que j’ay dit, que
                Mr de Chasteüil l’avoit étably</hi> avec certitude.</p>
            <p><hi rend="i">Aprés avoir répondu aux points qui me regardent personnellement, dans
                les</hi> Dissertations <hi rend="i">de Pierre Joseph, j’ay cru que les remarques
                suivantes sur quelques endroits de son ouvrage, ne déplairoient pas au
              Lecteur.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Cet Auteur dit dans sa</hi> 4<hi rend="sup">e</hi>
              <hi rend="i">Dissertation, que la Provence a esté connuë autrefois sous le nom
                d’Aquitaine ; je crois qu’il seroit fort embarassé de dire où &amp;
                quand elle a esté connuë sous ce nom. Il cite le Moine Glaber, mais tout ce qu’on
                peut inferer du raisonnement de ce dernier &amp; ce qu’on en doit uniquement
                conclure, c’est qu’on appelloit anciennement</hi> Aquitains <hi rend="i">tous ceux
                qui estoient des pays situez au-delà de Lyon, &amp; on leur donnoit ce nom comme on
                leur donne aujourd’huy celuy de</hi> Gascons, <hi rend="i">mais ce qui est certain,
                c’est que les gens de cette Province ne se sont jamais appellez de ce nom.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On peut dire que nostre Pierre Joseph n’a pas bien étudié son Tite-Live
                Provençal lorsqu’il avance d’un ton Magistral, que Louis surnommé</hi> le Faineant
                <hi rend="i">épousa Constance de Provence, puisque tous les Historiens de cette
                Province conviennent que ce Prince épousa Blanche fille d’un Seigneur d’Aquitaine,
                &amp; non pas Constance ; &amp; en cette occasion nôtre Critique confond Blanche
                &amp; Constance en une seule personne, en parlant de Louis le Faineant ; en un mot
                il seroit bien en peine de montrer l’endroit où le Moine Glaber parle de
                Constance.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mais pour revenir au nom d’</hi>Aquitains <hi rend="i">ou</hi> Gascons
                <hi rend="i">donné anciennement aux Provençaux, il ne faut pas d’autre preuve que
                c’estoit seulement dans les Pays étrangers qu’on leur donnoit ce nom, que le trait
                attribué par Robert le Moine à un Provençal qui s’étoit retiré dans la
                Cour d’un Prince étranger. C’est Pierre Joseph qui nous le rapporte dans ses
                Dissertations, &amp; qui dit qu’on donnoit comme par une espece de</hi> Sobriquet
                <hi rend="i">le nom d’</hi>Aquitain <hi rend="i">à ce Provençal. Le</hi> Sobriquet
                <hi rend="i">a toûjours passé pour une espece d’injure ou de raillerie ; ainsi si
                dans les Pays étrangers on donnoit le nom d’</hi>Aquitains <hi rend="i">ou de</hi>
              Gascons <hi rend="i">par maniere de</hi> Sobriquet <hi rend="i">aux Provençaux, c’est
                une preuve presque démonstrative qu’ils n’avoient pas ce nom, &amp; qu’il ne leur
                étoit pas dû.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il y a eu dans le temps des Rois d’Arles, des Comtes d’Aix particuliers,
                &amp; les Legendes de Provence appellent un saint Evêque de Marseille nommé
                Canut,</hi> fils du Roy d’Aix ; <hi rend="i">c’est une remarque qu’il faut faire sur
                ce que Pierre Joseph dit que la Provence a été nommée</hi> Aquitaine, ab aquis
              sextiis, <hi rend="i">de la Ville d’Aix, où il y a des eaux chaudes. Voila ce que j’ay
                à remarquer sur les</hi> Dissertations <hi rend="i">de Pierre Joseph.</hi></p>
            <note><p>* Giraud de Bournel, Poëte Provençal, qui vivoit vers l’an 1227. inventa la
                Poësie Provençale, &amp; mit en usage les Sonnets.</p></note>
            <note><p>† De la même Maison que le Pape Alexandre VIII.</p></note>
            <note><p>‡ Il n’estoit pas encore alors entré dans l’Ordre des Carmes.</p></note>
            <note><p>§ S. Augustin (<hi rend="i">enchirid.</hi> 19.) a cru que le Prophete en cet
                endroit parloit des choses &amp; non pas des hommes, <hi rend="i">de rebus ipsis
                  loquitur, non de hominibus.</hi></p></note>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-06_163">
          <head>[Traité contre le luxe des hommes &amp; des femmes]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1705 [tome 6], p. 163-170.</bibl>
          <p>Il paroist depuis peu un Livre intitulé : <hi rend="i">Traité contre le Luxe des hommes
              &amp; des femmes, &amp; contre le Luxe avec lequel on élevé les enfans de l’un &amp;
              de l’autre sexe.</hi> Je sçay que l’Auteur, dont la modestie l’oblige à cacher son
            nom, n’avoit pas resolu de faire imprimer cet Ouvrage ; mais que le Manuscrit estant
            tombé entre les mains de quelques personnes qui ne sont pas moins distinguées par leur
            sçavoir &amp; par leur profonde érudition, que par leur naissance, elles ont engagé
            l’Auteur à le donner au public, &amp; luy ont même fait avoir toutes les permissions
            necessaires pour cela, craignant que dans le peu d’empressement qu’il avoit de mettre
            son Ouvrage au jour, il ne se donnast pas tous les soins necessaires pour les obtenir.
            Il est à présumer que ce Livre fera grand bruit &amp; que deux partis ne manqueront pas
            de se declarer l’un pour, &amp; l’autre contre. Les partisans de la vertu, &amp; qui de
            tout temps ont esté ennemis declarez du Luxe ne manqueront pas d’applaudir avec justice
            à l’Auteur &amp; à son Livre ; &amp; ceux qui sont ensevelis dans le luxe &amp; qui
            croyent que c’est le seul moyen de paroistre dans le monde avec distinction, sçauront
            fort mauvais gré à l’Auteur d’avoir donné au public un ouvrage qui les condamne : mais
            ce que diront les uns &amp; les autres ne pourra que luy faire honneur. Le choix qu’il a
            fait de Monsieur le Duc de Beauvillier pour luy dedier son Livre, est si juste &amp; si
            à propos, qu’il doit faire avoir bonne opinion de son ouvrage ; la sagesse de ce
            Ministre est connuë, &amp; le grand poste où il se trouve ne l’a jamais fait sortir des
            bornes d’une modestie toute Chrestienne.</p>
          <p>Comme les Chapitres d’un Livre font connoistre le plaisir qu’en peut donner la lecture,
            j’ay crû devoir mettre icy ceux dont traite le Livre dont je vous parle.</p>
          <quote>
            <p>Chap. I. <hi rend="i">Du luxe en general.</hi></p>
            <p>Chap. II. <hi rend="i">Du luxe des habits.</hi></p>
            <p>Chap. III. <hi rend="i">Du luxe des femmes dans les parures.</hi></p>
            <p>Chap. IV. <hi rend="i">Contre le luxe des habits &amp; des parures.</hi></p>
            <p>Chap. V. <hi rend="i">Sentimens des Anciens contre le luxe.</hi></p>
            <p>Chap. VI. <hi rend="i">Discours de Caton, Consul Romain, fait a peuple pour soutenir
                la loy Oppienne, contre le luxe des femmes.</hi></p>
            <p>Chap. VII. <hi rend="i">Discours de Valerius, Tribun du peuple, en faveur des Dames
                Romaines pour la revocation de la loy Oppienne.</hi></p>
            <p>Chap. VIII. <hi rend="i">Des effets funestes du luxe parmi les Romains &amp; autres
                peuples.</hi></p>
            <p>Chap. IX. <hi rend="i">Des moyens qu’on a pratiquez anciennement pour reprimer le
                luxe.</hi></p>
            <p>Chap. X. <hi rend="i">Du luxe de la table.</hi></p>
            <p>Chap. XI. <hi rend="i">Du luxe des équipages.</hi></p>
            <p>Chap. XII. <hi rend="i">Reflexions contre le luxe des équipages.</hi></p>
            <p>Chap. XIII. <hi rend="i">Exemple memorable de moderation contre le luxe des
                équipages.</hi></p>
            <p>Chap. XIV. <hi rend="i">Conseils aux Dames contre le luxe.</hi></p>
            <p>Chap. XV. <hi rend="i">Du luxe des meubles.</hi></p>
            <p>Chap. XVI. <hi rend="i">Reflexions contre le luxe des ameublemens.</hi></p>
            <p>Chap. XVII. <hi rend="i">Du luxe dans l’éducation des enfans.</hi></p>
            <p>Chap. XVIII. <hi rend="i">Du luxe dans l’éducation des filles.</hi></p>
            <p>Chap. XIX. <hi rend="i">De la frugalité.</hi></p>
            <p>Chap. XX. <hi rend="i">De la modestie.</hi></p>
            <p>Chap. XXI. <hi rend="i">De l’émulation qui est parmi les femmes pour les
                parures.</hi></p>
          </quote>
          <p>Ce Livre se vend chez le sieur Brunet, dans la grande Salle du Palais, à l’enseigne du
            Mercure Galant.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-06_170">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1705 [tome 6], p. 170-171.</bibl>
          <p>Je me trompay le mois passé, &amp; je mis dans ma derniere Lettre les paroles d’un air
            que je ne vous envoyay pas. Voicy les paroles que je crûs vous avoir envoyées. Vous
            sçavez qu’elles sont de M<hi rend="sup">r</hi> de Metz qui n’en fait point d’autres que
            pour le Roy.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Grand Dieu, de qui Loüis a reçû la Couronne,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Conservez-nous long-temps son auguste personne :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Faites qu’il soit un jour aussi saint dans les Cieux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qu’il est dessus la terre &amp; grand &amp; glorieux.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-06_336">
          <head>[Addition de l’Auteur des Essais de Litterature à la pièce qui est de luy dans ce
            même Volume]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1705 [tome 6], p. 336-337.</bibl>
          <p>Voicy ce que l’Auteur des Essais de Litterature ajoûte à la <hi rend="i">Réponse à la
              Dissertation de Pierre Joseph</hi>, dont la suite est au commencement de ma Lettre,
              <hi rend="i">Je dois ajoûter pour prévenir les remarques des Critiques qui pourroient
              trouver à redire, qu’en parlant du Pape Adrien V.</hi> (<hi rend="i">à la page</hi>
            60. <hi rend="i">de ma Dissertation</hi>) <hi rend="i">j’aye dit qu’il estoit de la
              Maison Ottoboni, que je n’ignore pas qu’il estoit de celle de Fiesque, &amp; que
              lorsque j’ay avancé qu’il étoit de la mesme Maison que le Pape Alexandre VIII. je n’ay
              prétendu dire autre chose, sinon qu’il en estoit du costé maternel, puisque son ayeule
              estoit Venitienne &amp; sortie de la Maison Ottoboni, &amp; qu’elle obligea ses enfans
              de joindre le nom d’Ottoboni à celuy de Fiesque.</hi></p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-06_356">
          <head>Autre</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1705 [tome 6], p. 356-357.</bibl>
          <quote>
            <label>AUTRE.</label>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 16. <hi rend="i">les Ennemis embarquerent leur artillerie &amp;
                leurs gros équipages, &amp; décamperent le soir sur les neuf heures, sans trompettes
                &amp; à la sourdine ; ce qui dura jusqu’au lendemain midy qu’on vit leur
                arriere-garde se retirer. Ils firent passer la Moselle à leur droite, &amp; ils
                plierent leur gauche, &amp; s’en allerent droit à Consarbrik, où toute leur armée
                repassa la Sarre &amp; s’en alla à Tréves. Ils apprehendoient apparemment que nous
                ne voulussions donner sur quelqu’une de leurs ailes, puisqu’ils ont pris tant de
                precautions pour nous abandonner honteusement le Païs. D’abord Mr le Maréchal crût
                que c’étoit une feinte pour nous faire décamper du poste où nous sommes,
                ou qu’ils faisoient paroistre ainsi une teste de leur armée, pendant qu’il y avoit
                quelque detachement, qui défiloit pour se saisir de Bouzonville, &amp; ensuite aller
                à Sar-Loüis ; c’est pourquoy il avoit resolu de commander la Brigade de Picardie
                avec la Maison du Roy pour leur donner la chasse : mais les nouvelles vinrent qu’ils
                se retiroient veritablement à Tréves. Mr le Maréchal dit en colere,</hi> Que c’étoit
              la montagne qui avoit enfanté la souris.</p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-06_384">
          <head>Enigme</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1705 [tome 6], p. 384-387.</bibl>
          <p>Le mot de l’Enigme du mois passé estoit la <hi rend="i">Plume</hi>, ceux qui l’ont
            trouvé sont Mrs Laurent de S. Loup : de Montgelas ; le beau Julien, de la ruë de la
            Cossonnerie : le sieur Roze, Perspecteur, ruë S. Vincent : le charmant Brun, du Nom de
            Jesus de la ruë S. Jacque : le beau Blond de dessous les Piliers des Halles ; le Cœur
             bannal : Tamiriste : l’Agreable dans les compagnies : Canelle, ruë d’Enfer :
            le Heros du Canada : le troisiéme Roi de Pologne : l’Ami content de Versailles : Gagnat,
            mon petit Poulet : le Mari de Margot aux belles dents : le pere des trois pucelles, de
            la ruë du bout du monde : le Solitaire Desangloux, &amp; sa grosse Gouvernante :
            l’apprentif, de la Barriere du petit marché, &amp; sa charmante voisine de la ruë de
            Bussi. Mlle du Moustier la fille, de la ruë de l’Echarpe : la charmante Cataut, de la
            courte-ruë : la charmante Javotte, du quartier de S. Sulpice, &amp; son Amant : Luce,
            ruë S. Honoré, proche les bâtons Royaux : Marie Caron, dite Belotte, de Beauvais : la
            belle pensionnaire de la ruë du bout du monde : la grande amie du gros merite :
            l’aimable Brune, du quartier de S. Nicolas : les deux inseparables, de la ruë S. Denis :
            la Brune Notennay, &amp; Ellibis.</p>
          <p>Je vous envoye une Enigme nouvelle.</p>
          <quote>
            <label>ENIGME.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Il est vray, je suis mere, &amp; divers enfans,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et je les ay dés mon enfance ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais les petits, comme les grands,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sont égaux d’âge &amp; de naissance,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et viennent tous à même temps.</hi></l>
            </lg>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Chacun d’eux, sans en estre morne,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Se croit à ce sort destiné,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qu’il doit, au moment qu’il est né,</hi></l>
              <l><hi rend="i">En sa teste porter la corne.</hi></l>
            </lg>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Ils sont tous disposez à me rendre service ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais telle est la severe Loy,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que si l’on me reprend pour quelques malefice,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Chacun d’eux passant pour complice,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ils sont tous punis avec moy.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-06_387">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1705 [tome 6], p. 387.</bibl>
          <p>L’Air qui suit ne vous déplaira pas.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Venez, venez, tendre amours,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Fondez la glace de nos ames :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Venez, venez, en ces beaux jours :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Brûlez-nous de vos douces flames.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1705-07">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, juillet 1705 [tome 7]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-07_19">
          <head>[Reflexions sur la Rhetorique]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1705 [tome 7], p. 19-22.</bibl>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> Gibert, l’un des Professeurs d’éloquence au College de Mazarin,
            vient de donner au public le livre dont je vous ay parlé dans une de mes Lettres
            précedentes ; il est intitulé : <hi rend="i">Reflexions sur la Rhetorique, où l’on
              répond aux objections du Pere l’Amy, Benedictin.</hi> La querelle de M<hi rend="sup"
              >r</hi> Gibert &amp; du Pere l’Amy commença, comme je vous ay déja dit, du tems de
              M<hi rend="sup">r</hi> Arnauld, dont nostre Professeur soûtient aujourd’hui
            vigoureusement les sentimens, j’entends sur l’éloquence. On sent en lisant cet Ouvrage,
            que l’Auteur est plein de la lecture des livres de Ciceron, de Quintilien &amp; de S.
            Augustin ; &amp; il met heureusement en pratique les régles que ces grands modéles
            d’éloquence nous ont laissées sur l’art des Orateurs. Il établit d’une maniere
            incontestable, la conformité des préceptes d’éloquence que l’on donne aux jeunes gens
            dans les Colleges, avec ceux que nous ont donnez les plus excellens Orateurs de
            l’antiquité ; &amp; il fait voir que la seule difference qu’on y trouve, c’est que les
            préceptes d’aujourd’huy sont donnez avec bien moins d’ornemens &amp; d’étenduë, que ceux
            que ces grands Hommes nous ont laissez. Il fait connoître aussi qu’on n’en donne point
            d’autres, &amp; qu’on prévient les abus qu’on en peut faire, non par de vaines
            reflexions de Philosophie (il attaque en cet endroit les Metaphisiciens) mais
            par les principes de la conscience &amp; de la Religion. Ce raport une fois
            établi, le Lecteur conclud naturellement que le P. l’Amy a attaqué, non pas M<hi
              rend="sup">r</hi> Gibert ; mais Ciceron, Quintilien &amp; S. Augustin. Ce Livre se
            vend chez Michel David, sur le Quay des Augustins, à la Providence.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-07_44">
          <head>[Article de litterature]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1705 [tome 7], p. 44-46.</bibl>
          <p>Le bruit qui a couru en France de la mort du celebre M<hi rend="sup">r</hi> Bayle, est
            faux ; il travaille à un suplément de son Dictionnaire, &amp; il promet de
            répondre à ce que M<hi rend="sup">r</hi> Jaquelot vient de publier contre lui. On
            distribuë en Hollande, depuis le commencement de l’année, un ouvrage de cet ingenieux
            auteur, intitulé : <hi rend="i">Continuation de pensées diverses, écrites à un Docteur
              de Sorbonne, à l’occasion de la Comete qui parut au mois de Decembre</hi> 1680. où <hi
              rend="i">Réponse à plusieurs difficultez que Mr *** a proposées à
              l’Auteur</hi>. On croit que M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de la M. *** connu dans la
            Republique des Lettres, par la grande connoissance qu’il a des Livres, est ce Docteur de
            Sorbonne. On sçait qu’il a d’étroites relations avec M<hi rend="sup">r</hi> Bayle ;
            &amp; c’est ce qui donne lieu à la conjecture.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-07_102">
          <head>[Epitaphe Romaine découverte depuis peu à Lion]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1705 [tome 7], p. 102-103.</bibl>
          <p>On a découvert depuis peu à Lion une épitaphe Romaine, dans laquelle il y a une
            expression tres-singuliere. La voicy.</p>
          <quote>
            <lg rend="center">
              <l><hi rend="i">D.M.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et quieti perpetuæ</hi></l>
              <l><hi rend="i">Cn. Dani solemniis qui vixit</hi></l>
              <l><hi rend="i">Annos</hi>
                <hi rend="sc">xxv.</hi>
                <hi rend="i">menses</hi>
                <hi rend="sc">vii.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Cn. Danius</hi></l>
              <l><hi rend="i">Minuso memoriæ æternæ</hi></l>
              <l><hi rend="i">Liberti Pussimi deceptus.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quidem sub ascia dedicavit.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Cette expression, <hi rend="i">Deceptus quidem</hi>, est fort rare ; &amp; le P. de
            Colonia qui a vû ce monument &amp; qui entend assez bien l’antiquité, nous assure qu’il
            ne l’a encore trouvée nulle part, mais ce ne seroit pas une consequence fort seure, si
              M<hi rend="sup">r</hi> de la Vallette qui est un des hommes du Royaume qui l’entend le
            mieux, &amp; qui est un Gentilhomme qui a un goust exquis &amp; une érudition fort
            étenduë, n’estoit dans le même sentiment, &amp; n’avoit fait placer dans la cour de sa
            maison, la pierre sur laquelle s’est trouvée cette épitaphe.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-07_104">
          <head>[Nouvelle découverte de neuf cens medailles antiques &amp; d’argent]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1705 [tome 7], p. 104-108.</bibl>
          <p>Ce qui suit touchant les Medailles, a esté tiré d’une Lettre du Pere Bontoux Jesuite,
            écrite de Lion à un Abbé qui reside à Paris. Ce Pere est connu par les progrés qu’il a
            faits en plusieurs genres de Litterature ; il est bon Poëte, excellent Predicateur,
            &amp; a de grandes connoissances de l’Antiquité.</p>
          <p>On a découvert depuis peu plusieurs Medailles, sur la rive du Rhône, dans le vieux
            chemin qui méne de Lion à Narbonne, &amp; qu’Agrippa fit faire autrefois. Cette
            découverte a esté faite par un païsan ; il a découvert à deux pieds de terre en
            creusant, un vase de cuivre rouge dans lequel il y avoit neuf cens Medailles d’argent,
            ou, pour mieux dire, de billon, comme sont presque toutes celles de ce temps-là. Ces
            Medailles sont presque toutes depuis Balbin jusqu’à Posthume, &amp; il n’y en a que
            trois de Posthume ; ce qui fait croire qu’elles furent cachées au commencement de son
            Gouvernement, &amp; qu’elles sont demeurées en terre plus de quatorze cens cinquante
            ans. Voici les principales.</p>
          <p>L’Empereur Severe, avec la Legende <hi rend="i">P.M. Trp. XIIII. Cos.</hi> 111.</p>
          <p>Antonin son fils, avec la legende : <hi rend="i">Adventus Augg. Adventus Augustorum
              duorum</hi>, &amp; une Galere.</p>
          <p>Alexandre Severe : <hi rend="i">Perpetuitati Aug.</hi></p>
          <p>Pupien, avec la legende : <hi rend="i">Patres Senatus.</hi></p>
          <p>Gordien III. <hi rend="i">Jovis Stator</hi>. Le même à cheval, avec la legende : <hi
              rend="i">P.M. Trp.</hi> 111. <hi rend="i">Cos. P.P.</hi></p>
          <p>Philippe le pere, avec ces differentes Inscriptions : <hi rend="i">Ætern. Imp.
              Felicitas, Impp. Nobilitas Augg. Tranquillitas Augg. Victoria carpita, &amp; pax
              fundata cum Persis.</hi></p>
          <p>Valerien le pere, avec la legende : <hi rend="i">Felicitas sæcli</hi>. Le même
            Empereur : <hi rend="i">Liberalitas Augg.</hi></p>
          <p>Gallien : <hi rend="i">Jovi victori.</hi> Le même : <hi rend="i">Victoria
              Parthica.</hi></p>
          <p>Salonine femme de Gallien : <hi rend="i">Augusta in pace.</hi></p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-07_108">
          <head>[Recuëil de poësies Italiennes]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1705 [tome 7], p. 108-109.</bibl>
          <p>Le Signor Alessandro Marchetti a dedié à Son Altesse Royale Monsieur le Prince de
            Toscane, son Recüeil de Poësies ; les loüanges du Roy tres-Chrestien y sont touchées
            d’une maniere noble &amp; proportionnée à son sujet. Monsieur le Grand Duc &amp; les
            Princes de sa Maison, les Hommes illustres qui ornent l’Italie, &amp; entr’autres le
            fameux Magliabecchi, grand Bibliothecaire de ce Prince, ont tous occupé la Muse de
            nostre Poëte.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-07_109">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1705 [tome 7], p. 109-111.</bibl>
          <p>Les paroles suivantes sont de M<hi rend="sup">r</hi> de Choisel &amp; regardent le Roy.
            Je vous en ay donné un si grand nombre de cet Auteur, qu’il semble qu’il ne travaille
            que pour Sa Majesté. M<hi rend="sup">r</hi> de Mez a fait les Airs de toutes ces
            paroles ; ils sont tous deux de la Fléche en Anjou.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Orgüeilleux ennemis, quel sujet vous engage</hi></l>
              <l><hi rend="i">A liguer contre nous tant de peuples divers,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et troubler une paix qu’un Roy vaillant &amp; sage</hi></l>
              <l><hi rend="i">Avoit par sa bonté donnée à l’Univers !</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tous vos puissans efforts vont le combler de gloire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">D’un triomphe achevé tout l’assure aujourd’huy ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Rien ne peut à ce Prince enlever la Victoire ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">C’est pour Dieu qu’il combat, &amp; Dieu combat pour luy.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-07_111">
          <head>[Nouvelles découvertes sur la Guittarre]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1705 [tome 7], p. 111-112.</bibl>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> Campion vient de mettre au jour un Livre de Pieces de Guitarre,
            intitulé : <hi rend="i">Nouvelles découvertes sur la Guitarre, contenantes
              plusieurs Pieces sur huit manieres differentes d’accorder.</hi> Il est dedié à M<hi
              rend="sup">r</hi> le Maréchal Duc de Noailles.</p>
          <p>On connoist par ces nouvelles manieres d’accorder, que les modes de Musique les plus
            transposez deviennent faciles &amp; naturels sur cet Instrument. Le beau chant de ces
            pieces qui sont propres à toutes sortes de concerts, &amp; qui a esté inconnu jusques à
            present, luy a fait meriter l’approbation du public. On peut dire qu’il a découvert une
            nouvelle étenduë à cet Instrument que l’on ne connoissoit point encore, chacun l’ayant
            crû tres-borné. Ce Livre se vend chez Michel Brunet, grande Salle du Palais, au Mercure
            Galant.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-07_112">
          <head>Sonnet</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1705 [tome 7], p. 112-114.</bibl>
          <p>Une Dame ayant demandé à M<hi rend="sup">r</hi> le Gendre de la Terrasse, connu par
            plusieurs ouvrages de Poësie, une déclaration d’amour d’un stile extraordinaire, il luy
            envoya le Sonnet suivant. Il seroit difficile d’en trouver un plus emphatique &amp; plus
            rempli de feu.</p>
          <quote>
            <label>SONNET.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Des antres de Vulcain les fournaises ardentes,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Où mille Forgerons &amp; la nuit &amp; le jour,</hi></l>
              <l><hi rend="i">S’empressent à tirer des flammes devorantes</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les fers étincellans qu’ils frapent tour à tour.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Du formidable Etna les entrailles brûlantes,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Dont l’ardeur fait fumer les rochers d’alentour :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ce Fleuve renommé par ses ondes boüillantes,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qu’on traverse en entrant dans l’infernal sejour.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Enfin cette vapeur si long-temps retenuë,</hi></l>
              <l><hi rend="i">S’arrache avec éclat des prisons de la nuë,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Dont le marbre &amp; l’airain éprouvent la fureur.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Tous ces feux les plus vifs qui soient dans la nature,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ne sont, cruelle Iris, qu’une foible peinture,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Des feux dont vos beaux yeux ont embrasé mon cœur.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-07_164">
          <head>[Troisième article de morts]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1705 [tome 7], p. 164-184.</bibl>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> de la Chetardie, Brigadier des Armées du Roy, &amp; cy-devant
            Inspecteur des Troupes d’Alsace, est mort à Landrecies, dont il estoit Gouverneur. Il y
            avoit long-temps qu’il estoit dans le service. Il estoit cousin de M<hi rend="sup"
              >r</hi> le Curé de saint Sulpice, &amp; d’une bonne maison de Poitou.</p>
          <p>Landrecies est une Ville considerable du Hainaut, sur la Riviere de Meuse, à trois
            lieues du Quesnoy, &amp; à six de Valenciennes. L’Empereur Charle-Quint la prit en 1543.
            à la teste d’une nombreuse Armée. Elle fut reprise sur les Espagnols en 1547. qui la
            reprirent quelque tems aprés. L’Armée du Roy la prit encore en 1655. &amp; enfin elle
            nous est restée par le trente septiéme Article, si je ne me trompe du Traité
            d’Aix-la-Chapelle, conclu en 1659.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> Lestrade, Lieutenant des Gardes du Corps &amp; Maréchal des
            Camps &amp; Armées du Roy, a eu le Gouvernement de Landrecies. C’est un Officier d’un
            merite, &amp; d’une valeur reconnuë. Il a merité cette récompense par ses longs
            services, ayant passé par tous les degrez de son Corps, &amp; s’estant distingué dans
            plusieurs actions.</p>
          <p>Monsieur le Cardinal de Noailles ayant appris la mort de M<hi rend="sup">r</hi>
            l’Evêque &amp; Comte de Valence, son Eminence dit à l’Assemblée, <hi rend="i">que l’on
              sçavoit la perte qu’elle venoit de faire de Mr l’Evêque de Valence, qui meritoit
              d’estre regretté de la Compagnie, par toutes les qualitez aimables &amp; estimables
              qui estoient en luy, &amp; par le zéle avec lequel il avoit servi le Clergé dans
              plusieurs Assemblées : Qu’aprés avoir donné à Mr de Valence pendant sa vie tant de
              marques d’estime &amp; de consideration, il estoit persuadé qu’elle voudroit bien luy
              rendre aprés sa mort, les devoirs de religion &amp; de pieté qu’on a coûtume de rendre
              aux Prelats, qui meurent pendant la tenuë des Assemblées ; &amp; qu’en attendant qu’on
              resolust la maniere dont on luy feroit un Service solennel, il estoit de l’usage de
              dire un De profundis.</hi> Aussi-tôt la Compagnie se leva, &amp; Mr le Cardinal
            commença le <hi rend="i">De profundis</hi>, qui fut continué par M<hi rend="sup">rs</hi>
            les Députez ; &amp; l’Assemblée remit à une autre séance à fixer le jour du Service
            qu’elle devoit faire pour ce Prelat. Il se nommoit M<hi rend="sup">re</hi> Guillaume <hi
              rend="i">Bochart de Champigny</hi> ; &amp; avoit esté cy-devant Archidiacre de Roüen
            &amp; grand Vicaire de Pontoise. Il est mort dans l’Hôtel de la Tresorerie de la sainte
            Chapelle du Palais, chez M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Champigny son frere, qui en
            est Tresorier. Il n’estoit âgé que de cinquante cinq ans ; il estoit fort estimé &amp;
            fort aimé dans son Diocese. Il a trois freres vivans ; l’un Intendant du Havre, &amp;
            qui l’a esté du Canada, aprés avoir esté Conseiller au Parlement de Paris ; le Tresorier
            de la sainte Chapelle ; le troisiéme est Prévost du Chapitre de Lille en Flandres ;
            &amp; Guy Bochart Chevalier de Malthe, tué au siege de Nimegue, estoit aussi frere du
            défunt. Leur pere qui avoit esté Maistre des Requestes &amp; Conseiller d’Etat, estoit
            petit-fils du premier President Bochart, qui avoit merité par ses services d’estre mis à
            la teste du premier Parlement du Royaume ; &amp; il avoit un frere Chartreux à Paris,
            qui passoit pour un homme d’un genie superieur. L’autre branche de M<hi rend="sup"
              >rs</hi> <hi rend="i">Bochart</hi> est celle de <hi rend="i">Saron</hi> ; elle descend
            aussi du premier President Bochart. M<hi rend="sup">r</hi> de Saron, Conseiller au
            Parlement de Paris, est frere de M<hi rend="sup">r</hi> l’Evêque de Clermont, &amp; pere
            de M<hi rend="sup">r</hi> de Saron qui a épousé la sœur de M<hi rend="sup">r</hi> de
            Pontcarré premier President du Parlement de Roüen, de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de
            Saron, Tresorier de la sainte Chapelle de Vincennes ; &amp; de M<hi rend="sup">r</hi>
            l’Abbé de Saron, Chanoine de l’Eglise de Paris. La mere de M<hi rend="sup">r</hi>
            l’Evêque de Valence estoit de la maison de Boivin. La maison de Bochart est
            tres-ancienne ; M<hi rend="sup">rs</hi> de Champigny en sont les aînez.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Evêque de Valence a esté enterré le Lundy 6. de Juillet, entre
            neuf &amp; dix heures du soir, dans la sainte Chapelle basse. Les Augustins qui sont les
            Chapelains du Clergé quand il est assemblé, y assisterent &amp; porterent le corps. M<hi
              rend="sup">r</hi> l’Abbé Dongois, Chanoine de la sainte Chapelle, portoit l’étole,
              M<hi rend="sup">r</hi> le Tresorier ne s’étant pas trouvé à l’enterrement. M<hi
              rend="sup">r</hi> l’Abbé de Maulevrier, Agent General du Clergé, &amp; M<hi rend="sup"
              >r</hi> l’Abbé de Persigny, Doyen de Nostre-Dame &amp; Député de la Province de Paris,
            y assisterent de la part du Clergé. Les deux Aumôniers du défunt marchoient les premiers
            aprés le corps, en rochet &amp; en manteau long ; l’un portant la couronne de Comte,
            parce que l’Evêque de Valence est Comte de Valencinois ; &amp; l’autre portant le cœur
            de ce Prelat, qui devoit estre inhumé dans l’Eglise Cathedrale de Valence.</p>
          <p>M<hi rend="sup">rs</hi> de l’Assemblée generale du Clergé firent faire un service
            magnifique pour feu M<hi rend="sup">r</hi> l’Evêque de Valence, dans l’Eglise des grands
            Augustins, le 15. du mois passé. L’Eglise estoit toute tenduë de noir, avec deux laiz de
            velours couverts d’écussons aux armoiries du défunt. La representation estoit sous un
            magnifique daiz de velours noir ; elle estoit élevée de six degrez, &amp; entourrée d’un
            grand nombre de chandeliers d’argent garnis de cierges. M<hi rend="sup">r</hi> l’Evêque
            de Coûtances officia, il avoit pour Diacre &amp; Soûdiacre, M<hi rend="sup">rs</hi> les
            Abbez de Malissole &amp; de Tencin. Les quatre Prelats qui firent les Absoutes à la fin
            de la Messe, sont M<hi rend="sup">rs</hi> les Evêques de Senlis, de Condom, de Blois
            &amp; d’Alet. La Messe fut chantée à deux Chœurs par les Peres Augustins. Les Evêques
            qui ne sont pas de l’Assemblée &amp; qui y assisterent, sont M<hi rend="sup">r</hi>
            l’Archevêque d’Aix, M<hi rend="sup">r</hi> l’Evêque de Metz, M<hi rend="sup">r</hi>
            l’Evêque de Soissons, l’ancien Evêque de Condom, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> l’Evêque
            de Meaux. La parenté du défunt Evêque, qui est tres-illustre &amp; tres-considérable,
            fut placée sur des formes, qui avoient esté mises exprés dans le Chœur. Les Abbez qui se
            trouverent à ce service, &amp; les Chanoines de la sainte Chapelle qui y assisterent
            presque tous, estoient placez dans le Sanctuaire.</p>
          <p>M<hi rend="sup">re</hi> Nicolas Petitpied, Prêtre, Docteur de la Maison &amp; Societé
            de Sorbonne, Chanoine &amp; Sous-Chantre de l’Eglise de Nostre-Dame de Paris, ancien
            Chefcier de l’Eglise de S. Estienne des Grez, &amp; ancien Curé de S. Martial &amp;
            Conseiller Clerc au Châtelet, est mort au commencement du mois dernier, âgé d’environ
            soixante dix-huit ans. Il a esté enterré, ainsi qu’il l’avoit souhaité, dans l’Eglise de
            Nôtre-Dame. Il avoit passé sa vie dans une application continuelle à ses devoirs, &amp;
            dans l’exercice assidu des œuvres de charité. Il a donné en mourant des marques de
            l’amour qu’il avoit pour les pauvres ; le bien qu’il leur a fait, en dit plus que tous
            les éloges que je pourrois luy donner. Il a laissé dix mille livres à l’Hôtel Dieu,
            &amp; environ la même somme à l’Hôpital de la Misericorde, dont il estoit Superieur ; il
            a donné des legs à plusieurs autres Maisons Religieuses qui en avoient assez besoin. Il
            a donné cinq ou six mille livres à l’Hôpital des Quinze-vingts ; &amp; il a mis ses
            domestiques, par le bien qu’il leur a fait, en estat de se passer de maîtres. Il a
            laissé à l’Eglise de Paris un fonds de soixante quinze mille livres ; &amp; une partie
            de cette somme est destinée pour augmenter le revenu de sa Dignité, &amp; l’autre pour
            augmenter la retribution des Matines, qui se disent à minuit dans cette Eglise. Il y a
            déja quelques années qu’il avoit donné à cette Eglise un Calice d’or, qui est estimé
            plus de quarante mille livres. Il a donné douze cens livres de rente à la Maison de
            Sorbonne, &amp; a laissé à cette même Maison sa Bibliothéque, où il y a quantité de
            manuscrits. Il a donné cinq cens livres de rente au Chapitre de saint Estienne des Grez,
            à la charge de se desister des appels d’un reglement que le Chapitre de Nôtre-Dame avoit
            fait, sans quoy ce legs doit retourner à Nôtre-Dame. Il a donné aussi quatre mille
            livres à la Fabrique de l’Eglise de saint Martial dont il a esté autre-fois Curé, &amp;
            il a donné encore à cette Eglise, sa belle Etolle qui a coûté six cens liv. &amp; il y a
            fondé quatre services ; un pour luy ; le second pour le Curé auquel il avoit succedé ;
            &amp; deux autres pour M<hi rend="sup">rs</hi> de la grande Confrairie de l’Eglise de
            Nôtre-Dame, qui doivent y faire chanter deux grandes Messes, aux jours qu’il a marquez
            dans son Testament. Il estoit frere de M<hi rend="sup">r</hi> Petitpied Avocat au
            Parlement de Paris, qui s’est rendu celebre par ses Plaidoyez, &amp; par la connoissance
            qu’il avoit de la Jurisprudence. Cet Avocat a laissé plusieurs enfans, sçavoir M<hi
              rend="sup">r</hi> Petitpied, l’aîné, qui ne s’est point marié, M<hi rend="sup">r</hi>
            de Vaubreüil, Auditeur des Comptes ; &amp; M<hi rend="sup">r</hi> Petitpied Docteur de
            Sorbonne, &amp; cy-devant Professeur en Theologie ; &amp; quelques filles. M<hi
              rend="sup">r</hi> Petitpied a fait ses neveux legataires universels.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Dreux, Conseiller au grand Conseil, Chanoine honoraire
            de l’Eglise de Paris, frere de M<hi rend="sup">r</hi> de Dreux, Conseiller à la
            grand’Chambre &amp; oncle Mr le Marquis de Dreux, de Grand Maître des Ceremonies de
            France, a succedé à la Dignité de Soûchantre.</p>
          <p>M<hi rend="sup">re</hi> N... Lizot, ancien Curé de S. Severin, est mort, âgé de prés de quatre-vingt
            ans ; il est peu de Pasteurs qui ayent fait plus de bien que luy dans leurs Paroisses.
            Il estoit vigilant, &amp; entroit par luy-même dans tous les besoins de ses Paroissiens.
            Il estoit sur tout le pere des pauvres ; il leur a fait des charitez qui excedoient
            souvent ses forces, on en rapporte des circonstances étonnantes. Voicy entr’autres un
            trait de son désinteressement. Un de ses Vicaires qui laissoit une succession assez
            considerable, le fit à la mort son legataire universel ; dés qu’il eut les yeux fermez,
              M<hi rend="sup">r</hi> Lizot envoya chercher les heritiers naturels du deffunt,
            ausquels il partagea la succession de leur parent, à l’exception des contrats &amp;
            billets sous seing privé, qu’il rendit aux debiteurs qu’il avoit fait avertir. Il avoit
            resigné sa Cure depuis environ une année, à Mr Pinelle son Vicaire. Mr Lizot estoit
            frere de feu Mr Lizot, premier Medecin de feuë S.A.R. Monsieur ; ils estoient de la
            Ville de Caën, &amp; d’une tres-bonne famille. Ce Curé avoit un talent particulier pour
            faire les Prosnes ; il ne se servoit que de l’Homelie du jour, mais il l’expliquoit
            d’une maniere solide, &amp; qui estoit à la portée de tous ses auditeurs. Mr Lizot avoit
            succedé dans la Cure de S. Severin à Mr le Tellier, aujourd’huy Evêque de Digne ; feuë
            S.A.R. Mademoiselle, dont Mr Lizot estoit Confesseur, voulant l’attacher auprés d’elle,
            luy fit avoir cette Cure, en faisant donner un Evêché à Mr le Tellier. Mr Lizot avoit
            esté long-temps Vicaire de cette Paroisse, &amp; il l’avoit esté auparavant de celle de
            Saint Cosme, dont il disputa même la Cure qui luy avoit esté resignée, contre feu
            Mr Deffita, dernier Titulaire, &amp; frere de feu Mr le Lieutenant Criminel ; mais comme
            elle dépend de l’Université, elle fut declarée de Patronage laïque, &amp; on jugea par
            consequent qu’on ne pouvoit la resigner.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-07_353">
          <head>Enigme</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1705 [tome 7], p. 353-356.</bibl>
          <p>Le mot de l’Enigme du mois dernier est <hi rend="i">la Main</hi>. Ceux qui l’ont trouvé
            sont M<hi rend="sup">rs</hi> Bertier, Curé de Parly, prés d’Auxerre : Daniel le Chin,
            Procureur Fiscal d’Eglegny ; &amp; son amy le sieur Trébuchet, Lieutenant dudit lieu :
            Medard Labitte, &amp; R. Mottet de l’homme, P.D. M : Fleury, Marchand à la Rochelle,
            &amp; son Procureur le sieur Prévost : Deslandes-Blaizot, de S. Brieuc : Besse,
            Languedocien pour la vie : Jordy le Cadet, &amp; son fidele amy : le Solitaire
            Desangloux, &amp; son gros amy Alliot : l’Agreable dans les Compagnies : le Heros du
            Canada : le troisiéme Roy de Pologne : Canelle de la ruë d’Enfer : l’amy content de
            Versailles : l’Echo fidele : l’Amant constant &amp; malheureux : le Rival heureux, de la
            ruë Guisarde, &amp; la Charmante Javotte : Mlles de la Marre : Martin, &amp; d’Avimare :
            la petite Manon Benjamine, du faubourg S. Germain : Catin Toffier, de la ruë S. Martin :
            la Timide &amp; spirituelle M<hi rend="sup">e</hi> Lucas, de la Butte S.
            Roch : sa bonne Maman, &amp; sa chere sœur Marie-Anne : la sœur aînée : l’Amante de
            Marly.</p>
          <p>Je vous envoye une Enigme nouvelle.</p>
          <quote>
            <label>ENIGME.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Bien que je sois commun dans toutes les Provinces,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que l’on me foule aux pieds mesme dans mon terroir,</hi></l>
              <l><hi rend="i">On me voit fort souvent à la table des Princes ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Plusieurs dans leurs repas sont ravis de m’avoir :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je ne suis pourtant pas aimé de tout le monde,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Ma couleur est ardente ou blonde ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et toutes les vertus qui m’ont fait adorer,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Me font souvent perdre la vie,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais mon trépas a souvent fait pleurer,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Ceux qui me l’ont ravie.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-07_357">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1705 [tome 7], p. 357.</bibl>
          <p>L’Air que je vous envoie, est de Mr de Montaillis.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Le Soleil trop ardent fait languir la nature</hi></l>
              <l><hi rend="i">Nos bois, nos prez &amp; nos Côteaux</hi></l>
              <l><hi rend="i">Perdent l’éclat de leur verdure</hi></l>
              <l>  <hi rend="i">Et nos ruisseaux,</hi></l>
              <l>  <hi rend="i">Leur doux murmure ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’ardeur de ses rayons brûlans</hi></l>
              <l><hi rend="i">Détruit les dons de Cerés &amp; de Flore :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais ses feux ne sont point encor si violens,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que ceux dont l’amour me dévore.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-07_374">
          <head>[Lettre sur la surprise des lignes]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1705 [tome 7], p. 374-382.</bibl>
          <p>Voicy une Lettre qui vous apprendra ce qui se passa depuis la surprise des lignes
            jusques au 22. de ce mois.</p>
          <quote>
            <label>Du 22. Juillet.</label>
            <p><hi rend="i">Les ennemis envoyerent un Trompette le</hi> 19. <hi rend="i">de ce mois,
                Dimanche dernier, jour qu’ils sont arrivez devant Louvain, au Bourguemestre de la
                Ville, pour luy dire de leur en faire ouvrir les portes, afin qu’ils pussent
                poursuivre les François, ou de leur donner cinq tonnes d’or ; &amp; que pour se
                resoudre, ils ne luy donnoient que deux heures, ou qu’autrement ils les brûleroient.
                Ce Magistrat leur répondit sur le champ, qu’ils estoient maîtres de faire ce qu’il
                leur plairoit. Les ennemis veulent à ce que l’on dit, bombarder la Ville, &amp; ils
                dressent même une batterie sur la riviere ; pour cet effet ils ont fait venir six
                vingts-quatre pieces de gros canon, qui sont à Tirlemont
                d’avant-hier, &amp; qui n’ont pû arriver à leur Camp, à cause qu’il pleut depuis
                deux fois vingt quatre heures. Louvain apprehende sur tout les Anglois, qui
                commettent des impietez abominables, par tout où ils passent ; ils ont tué dans un
                Village le Curé &amp; une femme grosse, &amp; ont pris le saint Ciboire dans lequel
                ils ont bû, aprés avoir jetté les Hosties, &amp; les avoir foulées aux pieds. Cela
                irrite les Flamands contre eux. Les ennemis manquent de pain dans leur Camp ; la
                livre vaut chez eux trois escalins, c’est à dire, monnoye de France vingt-six sols
                &amp; un liard. Le Mylord Duc de Marlboroug dit qu’il veut faire cuire du pain dans
                Louvain, &amp; qu’il ne veut pour en faire ouvrir les portes, qu’un canon : mais il
                y a un peu de fanfaronnade, car on ne prend pas si facilement une Ville, quand il y
                a une grande Armée campée derriere. De la maniere que nous sommes campez, nous
                mettons à couvert, Louvain, Malines, Bruxelles, Liere, &amp; Anvers nous avons la
                Ville de Louvain vis-à-vis de nostre droite, &amp; la riviere de Dyle qui passe au
                travers, est à nostre gauche ; l’Infanterie borde cette riviere, &amp; nous avons
                fait sur les bords un retranchement tout du long. Les ennemis témoignent qu’ils
                veulent absolument la passer, nous voulons les en empêcher, &amp; nous prenons
                serieusement toutes les mesures pour cela. Ils voulurent avant-hier
                établir un Pont ; mais nous les obligeâmes de se retirer, &amp; nous jettâmes leurs
                pieces de bois dans l’eau. Comme ils ont les mêmes postes que nous sur la riviere,
                c’est-à-dire, les uns d’un costé, les autres de l’autre, il y a souvent des
                escarmouches ; &amp; quand on croit que l’un ou l’autre party est le plus foible,
                l’on fait monter le piquet à cheval de part &amp; d’autre : &amp; c’est ce qui
                arriva hier, lorsqu’ils voulurent faire une tentative pour sonder la riviere. Nos
                grandes Gardes &amp; les leurs se battent à tous momens. Tout cecy pourroit nous
                engager à une affaire ; au moins nous y attendons-nous, car leur grand dessein est
                de prendre Louvain. Ils ne peuvent le faire qu’en l’investissant ; &amp; pour cela
                il faut passer la riviere &amp; nous faire décamper : ce qui ne leur sera pas
                facile. Il est vray qu’à la faveur de leur canon ils peuvent jetter des Ponts ; car
                lors que nous voulûmes secourir Namur que le Prince d’Orange assiegeoit, le même cas
                arriva pour nous qu’il est à present pour eux, &amp; nous jettâmes des Ponts sur la
                riviere devant presque autant de Regimens qu’il y en avoit dans l’Armée ennemie, à
                la faveur de nostre canon. Car pendant que l’on tire on les jette fort bien dans les
                intervalles ; mais aprés cela il faut passer, &amp; c’est ce que nous empêcherons.
                Hier cinq cent maistres de la Maison du Roy &amp; de la Gendarmerie accompagnerent
                Mr le Maréchal qui alla reconnoistre un Camp à deux lieuës d’ici, afin de suivre les
                ennemis, en cas qu’ils aillent à Namur. Comme ils ont un Pont sur la riviere, qui
                est à Herarle, à un demi quart de lieuë de Louvain, les Bourgeois de cette Ville
                l’ont rompu, &amp; ont lâché leurs écluses ; de sorte que de ce costé-là la plaine
                est inondée, &amp; que l’on y a de l’eau jusques à la ceinture. Nous avons des
                Troupes depuis nostre Camp jusqu’à Anvers, par la jonction de Mr de la Mothe. Mylord
                Marlboroug a envoyé un Trompette avec un Passeport pour avertir tout ce Pays-cy de
                contribuer ; mais on l’a renvoyé en luy declarant que s’il revenoit, ou que s’il en
                renvoyoit un autre pour le même sujet, on le jetteroit dans la riviere. Nous croyons
                le siege de Namur comme impossible, vû que les ennemis n’ont ny provisions ny
                magasins.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-07_387">
          <head>Madrigal</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1705 [tome 7], p. 387-389.</bibl>
          <p>Monsieur le Comte de Toulouse partit le 29. Juillet pour se rendre à Toulon. Mr Moreau
            de Mautour envoya à ce Prince les Vers suivans, la veille de son départ.</p>
          <quote>
            <label>MADRIGAL.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Pars, grand Prince, &amp; soûtiens la gloire de LOUIS ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Poursuis, en l’imitant, tes Exploits inoüis ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les borde de l’Iberie &amp; le rivage Môre</hi></l>
              <l> <hi rend="i">De tes hauts faits seront témoins encore.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les Vents fiers de conduire un si noble Vainqueur,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Tel qu’autrefois Cesar &amp; sa fortune,</hi></l>
              <l>  <hi rend="i">Par tout l’Empire de Neptune</hi></l>
              <l><hi rend="i">Seconderont tes vœux &amp; ta valeur.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Nos ennemis flattez d’une vaine esperance,</hi></l>
              <l>  <hi rend="i">Ont beau s’armer contre la France ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ils ont déja senti la force de ton bras ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">De ton départ leur Flotte est allarmée ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Attentifs &amp; jaloux ils observent tes pas ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ta présence contre eux, qui vaut seule une armée,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Va porter dans les cœurs de nos vaillants Soldats,</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’espoir de la Victoire, &amp; l’ardeur des Combats.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1705-08">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, août 1705 [tome 8]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-08_33">
          <head>[Divertissement donné à leurs Majestez Catholiques]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1705 [tome 8], p. 33-36.</bibl>
          <p>Le 11. du mois de Juin, jour de la Feste Dieu, on representa au Palais de Madrid,
            devant Leurs Majestez, deux Pieces spirituelles, appellées <hi rend="i">Autos
              Sacramentales</hi>, du fameux Poëte Dom Pedro Calderon. Cet Auteur est fort estimé
            parmi les Espagnols ; &amp; c’est ordinairement dans le Recüeil de ses Pieces qu’on en
            choisit pour estre joüées au Palais. La derniere qu’on y a representée eut un grand
            succés, &amp; toute la Cour donna beaucoup de loüanges aux Acteurs, qui se surpasserent
            dans cette representation. La Reine marqua beaucoup de satisfaction dans le cours de la
            Piece, &amp; elle fit connoistre de la delicatesse de son esprit, en faisant remarquer
            les plus beaux endroits de cette Piece à ceux qui estoient auprés d’elle. Tout le monde
            fut surpris de la facilité avec laquelle cette jeune Princesse entroit dans la pensée de
            l’Auteur, &amp; comme elle en démêloit le fonds. Le Roy &amp; la Reine donnérent en
            sortant des marques de leur liberalité à la Troupe qui avoit representé cette Piece ;
            &amp; tous les Spectateurs firent paroistre en cette occasion l’amour &amp; le zele
            qu’ils ont pour leur Monarque, en le comblant de benedictions lorsqu’il entra &amp;
            lorsqu’il sortit. Il sembloit alors que tout conspiroit à la joye universelle, puisque
            toute l’Assemblée avoüa qu’il y avoit plus de soixante-dix ans qu’on n’avoit joüé de
            Piece avec un si grand succés qu’avoit eu celle-là.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-08_56">
          <head>[Œuvres mêlées du Duc de Buckingham]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1705 [tome 8], p. 56-59.</bibl>
          <p>On joüa autrefois en Angleterre une excellente Comedie, qui fit beaucoup de bruit. Elle
            est intitulée <hi rend="i">Rehearsal</hi>, &amp; pour en bien comprendre le dénoüement,
            il falloit en avoir la clef ; ceux qui voudront avoir cette clef, que l’on a si
            longtemps cherchée inutilement, la trouveront dans le second volume in 8°. des Oeuvres
            mêlées du Duc de Buckingham, recuëillies par feu Thomas Brown, &amp; publiées aprés sa
            mort. Ce recuëil renferme plusieurs autres Pieces de Poësie, des Lettres écrites par ce
            Duc, ou qui luy ont esté écrites par ceux qui joüoient de son tems les plus grands rôles
            en Angleterre.</p>
          <p>Ce second Volume vient d’estre imprimé, &amp; il a esté receu des sçavans avec beaucoup
            d’empressement ; on y trouve plusieurs faits particuliers qui avoient échapez aux
            historiens, qui ont écrit sur les revolutions arrivées en Angleterre depuis 50. à 60.
            ans. L’Auteur y a répandu quelques traits de Morale, qui donnent de bonnes idées de son
            cœur &amp; de ses sentimens. Les reflexions qui suivent quelquefois les faits qu’il
            rapporte, font aussi juger que ce Duc estoit un grand politique, &amp; que personne
            n’entendoit mieux que luy les veritables interests de la Cour d’Angleterre. Les pieces
            de Poësie qui sont dans ce Volume, font honneur à ceux qui en sont les auteurs ; on
            remarque neanmoins qu’elles sont dans le goût Anglois, &amp; que par consequent elles ne
            sont pas exemptes des défauts que l’on reproche aux Poëtes de cette nation.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-08_79">
          <head>[Relation d’une Mission faite à Sarlat]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1705 [tome 8], p. 79-91.</bibl>
          <p>La Relation suivante estant tombée entre mes mains, &amp; ne pouvant que produire de
            bons effets dans les cœurs de ceux qui la liront, je croirois faire mal, si je ne vous
            l’envoyois pas.</p>
          <quote>
            <label>RELATION<lb/>D’une Retraite faite dans la Ville de Sarlat, par le R.P. Bonneau
              Jesuite, à l’occasion de l’Adoration perpetuelle du S. Sacrement, établie par l’Evêque
              de la même Ville.<lb/>A Sarlat le 31. Juillet.</label>
            <p><hi rend="i">Je m’imagine que vous serez bien aise, mon tres-cher Fils, d’apprendre
                quelques particularitez de la celebre Mission que nous a fait icy le R.P. Bonneau,
                Jesuite. Le merite de cet habile Missionnaire n’est pas inconnu à Paris, où il a
                prêché plusieurs Avents &amp; plusieurs Carêmes ; il a même donné à S. Germain en
                Laye, au feu Roy Jacques, la même retraite dont il nous a favorisez. Il ne
                s’attendoit point, non plus que nous, à exercer icy son zele, &amp; c’est un un
                effet de la Providence qu’il nous ait visitez. M<hi rend="sup">r</hi> nostre Evêque
                sçachant que venant de Toulouse il s’en retournoit à Paris, fut l’attendre à
                Souliac, à son passage, pour l’amener en cette Ville. Il y arriva, croyant n’y
                rester que trois ou quatre jours pour se délasser ; mais ayant esté prié de nous
                donner un Sermon, on fut si content de ce premier Sermon, qui estoit au sujet de
                l’obéïssance qu’on doit à la loy, qu’il ne put se deffendre de nous prescher une
                seconde fois, &amp; le grand empressement qu’il vit dans ses Auditeurs, aprés un
                troisiéme Sermon, joint à la sollicitation de nostre Prelat qui est toûjours porté
                du desir de gagner des ames à Dieu, l’obligea à nous donner cette Mission qu’il a
                soûtenuë seul pendant plus de quinze jours, avec un zele extraordinaire, nous
                prêchant en forme de meditation deux fois le jour, dans la Cathedrale, le matin à
                dix heures, &amp; le soir à quatre. La Parole du Seigneur nous estoit distribuée
                avec tant de force &amp; d’onction, que malgré le temps de la moisson, &amp; les
                chaleurs excessives qui durent depuis prés de quatre mois, l’Eglise estoit alors
                aussi remplie que le jour de la Passion. Nôtre Prelat y a toûjours assisté, &amp;
                nous a édifiez à tous les exercices qui finissoient par la Benediction du Saint
                Sacrement, avant laquelle on chantoit en Musique quelques Versets du</hi> Miserere,
                <hi rend="i">il demeuroit pendant tout ce temps-là prosterné à terre devant l’Autel,
                il commençoit même chaque exercice en chantant seul toutes les premieres paroles des
                Versets du</hi> Veni Creator, <hi rend="i">que l’Assemblée achevoit sur le même ton.
                Le P. Bonneau a établi dés les premiers jours l’Adoration perpetuelle du Saint
                Sacrement, où presque toute la Ville s’est enrollée, avec vingt-quatre Directeurs
                qui composent un Bureau de Reconciliation ; il a prêché si vivement le pardon des
                ennemis, que les plus obstinez se sont rendus des visites mutuelles. Le jour que les
                femmes communierent presque toutes de la main de M<hi rend="sup">r</hi> nostre
                Evêque, quoy qu’elles fussent au nombre de plus de douze cens, elles allerent en
                Procession de l’Eglise Paroissiale à la Cathedrale, marchant deux à deux, les
                coëffes abbatuës, &amp; chacune portant un flambeau à la main. La veille de la
                Communion des hommes, il nous assembla le soir dans l’Eglise, &amp; nous parla d’une
                maniere si touchante sur la douleur qu’on doit avoir du peché mortel, que toute
                l’Assemblée se fondoit en larmes, chacun se frappant la poitrine &amp; tous criant
                hautement</hi> misericorde, <hi rend="i">pendant un assez longtemps ; ces
                lamentations furent si grandes que la porte estant fermée, plusieurs femmes que les
                cris ou la curiosité avoient attirées autour, vouloient la faire enfoncer, craignant
                qu’il ne fust arrivé à leurs Maris quelque malheur dans l’Eglise. On prétend que le
                vieux Bourguignon, Maître Cordonnier, étant sourd depuis plusieurs années, recouvra
                ce soir-là l’ouye, &amp; pour en convaincre sa femme, il luy raconta une partie de
                ce qui l’avoit le plus touché dans le Sermon. Le lendemain, avant la Communion, on
                nous fit faire la même Procession qu’aux femmes ; mais avec cette difference, que
                nous portions le flambeau allumé, &amp; élevé entre les deux mains, comme les
                Criminels qui font amande-honorable. Mr le Grand Archidiacre estoit seul, revêtu de
                Surplis, parce qu’il portoit la Croix, tout le reste du Clergé estoit mêlé avec les
                Laïques, parmi lesquels il y avoit plusieurs Personnes de qualité. Quoyque l’on
                marchât deux à deux &amp; en ordre, il n’y avoit neanmoins nulle distinction, chacun
                prenant pour compagnon celuy qui se trouvoit par hasard à la sortie de l’Eglise ;
                nôtre Evêque y marchoit comme les autres, dépoüillé des marques de sa dignité,
                chantant tout haut le</hi> Miserere, <hi rend="i">de même que le reste des
                Assistans, dont la pluspart versoient beaucoup de larmes. On nous fit faire en cette
                maniere le tour ordinaire de la Procession ; aprés qu’elle fut finie nous entendîmes
                la Messe que nôtre Prelat dit sans ceremonie ; &amp; dans le temps que nous allions
                recevoir la sainte Hostie, le Predicateur qui estoit en Chaire, nous fit faire des
                protestations publiques &amp; crier tout haut</hi> misericorde, <hi rend="i">comme
                le soir auparavant. La Mission finit par une Procession generale &amp; solemnelle, à
                laquelle assisterent en Corps toutes les Communautez de la Ville, &amp; dix ou douze
                Paroisses des environs qui suivoient leurs Croix &amp; leurs Pasteurs, aussi-bien
                que la Confrérie Royale de Messieurs les Penitens bleus, qui y parurent avec une
                humiliation &amp; un anéantissement qui approchoit fort de ceux de Ninive. C’estoit
                un monde infini pour la petitesse du lieu ; mais le spectacle le plus surprenant
                étoit de voir prés de quatre-vingt personnes qui portoient la Croix de la Mission,
                parmi lesquels il y avoit plusieurs Officiers de Robe, de l’Election &amp; du
                Presidial, avec de notables Bourgeois, tous pieds nuds, sans justaucorps, la teste
                couverte de cendre, &amp; d’un sac de toile, avec la corde au cou. Cet équipage
                estoit bien humiliant &amp; faisoit verser des larmes aux cœurs les plus endurcis.
                Cette Croix fut portée à la place de Landrevie ; là le Pere Bonneau commença à nous
                dire d’un ton fort élevé</hi>, Ecce lignum Crucis, in quô salus mundi pependit ; <hi
                rend="i">&amp; malgré ses sanglots qu’il avoit de la peine à retenir, il nous parla
                d’une maniere si pathetique, qu’il nous fit tous prosterner &amp; crier</hi>
              misericorde, <hi rend="i">le Prelat aussi-bien que le peuple, qui assistoit à la
                Procession, dont le nombre estoit de plus de huit ou dix mille personnes. Il me
                faudroit plus de temps que je n’en ay pour vous marquer toutes les suites
                surprenantes de cette Mission, Dieu veüille que nous en fassions un saint usage,
                &amp; que nous profitions, comme nous le devons, des Sermons de la perseverance qui
                nous ont esté prêchez depuis, d’une maniere bien forte &amp; bien touchante. Je suis
                toujours, mon cher Fils, vôtre bon Pere.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-08_95">
          <head>[Nouveau Commentaire sur Horace]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1705 [tome 8], p. 95-96.</bibl>
          <p>Nous ne manquerons pas de Commentaires sur Horace ; le Pere Tarteron, Jesuite, a publié
            le sien sur les Odes, mais il n’a traduit que celles qui sont dans l’édition du Pere
            Juvenci son Confrere ; c’est à dire, que toutes celles où le Poëte égaye sa Muse, ont
            esté retranchées : ainsi cette traduction est un peu mutilée. M<hi rend="sup">r</hi>
            l’Abbé de Bellegarde en a donné une où il n’y a rien de retranché, &amp; que l’on a
            publiée à Lyon. Enfin M<hi rend="sup">r</hi> Bentley, un des plus habiles hommes qu’il y
            ait en Angleterre, en ce genre de litterature, va donner encore un Horace, où l’on
            assure qu’il a expliqué prés de trois cens endroits d’une maniere toute nouvelle.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-08_101">
          <head>[Exercice au College d’Harcourt]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1705 [tome 8], p. 101-104.</bibl>
          <p>On a fait au College d’Harcour un Exercice sur le Quatriéme Livre de l’Eneïde de
            Virgile, qui a eu beaucoup de succés. M<hi rend="sup">r</hi> des Authieux, Bachelier en
            Theologie, &amp; Professeur de la troisiéme Classe de ce College, y présidoit. Le jeune
              M<hi rend="sup">r</hi> Amelot de Gournay, fils de M<hi rend="sup">r</hi> Amelot,
            Ambassadeur en Espagne, fit cet Exercice, &amp; Mr le Pelletier de la Houssaye, son
            cousin-germain, ouvrit la dispute. Mr de Gournay donna d’abord une juste idée de la
            Poësie &amp; de ses especes differentes ; il expliqua ensuite l’origine, la dignité,
            &amp; le sublime du Poëme Epique, ce Poëme, où Virgile a si bien réussi. Il montra d’une
            maniere évidente, que le vraisemblable &amp; le merveilleux, sont les deux caracteres
            les plus propres du Poëme Epique &amp; du Dramatique, &amp; que ces deux choses
            conviennent à l’un &amp; à l’autre ; que dans tous les deux il se doit trouver des
            peripeties, des épisodes, &amp; des reconnoissances : mais que l’Epique differe du
            Dramatique, en ce que le premier est plus étendu que l’autre, tant pour le
            lieu que pour le temps ; &amp; que dans l’Epique, tantost c’est le Poëte qui parle,
            tantost ce sont des Personnes illustres &amp; interessées dans l’action, au lieu que
            dans la Dramatique le Poëte ne parle jamais. Il ajoûta à ces excellentes reflexions, un
            parallele de Virgile &amp; d’Homere, qui fut trouvé tres-juste. Il fit enfin une
            tres-exacte analyse du Quatriéme Livre de l’Eneïde, &amp; il répondit à toutes les
            difficultez de Grammaire, de Geographie, de la Fable, &amp; de l’Histoire, qui luy
            furent proposées pendant prés de trois heures. Toute l’assemblée qui estoit fort
            nombreuse, sortit tres-satisfaite de ce qu’elle avoit oüi ; elle donna beaucoup de
            loüanges à M<hi rend="sup">r</hi> des Authieux, &amp; la memoire de ceux qui avoient
            paru dans cet Exercice, fut fort admirée.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-08_123">
          <head>Plainte que les Poissons font à Timante, sur ce qu'il paroist les avoir négligez
            lorsquil a si bien chanté les Oiseaux du Bois de Manicamp. Sur l'Air de Joconde</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1705 [tome 8], p. 123-128.</bibl>
          <p>Je devrois vous avoir envoyé les Vers suivans dés le mois d’Avril dernier ; mais ils
            ont esté égarez depuis ce temps-là, &amp; le hazard me les ayant fait retrouver, je vous
            les envoye. Ils ont esté faits par le jeune Polydore qui les donna luy-même à Mlle de
            Montaterre à Manicamp, le lendemain du départ de M<hi rend="sup">r</hi> le Comte de
            Manicamp, son frere, pour l’Armée.</p>
          <quote>
            <label>PLAINTE<lb/>Que les Poissons font à Timante, sur ce qu’il paroist les avoir
              negligez lorsqu’il a si bien chanté les Oiseaux du Bois de Manicamp.<lb/>Sur l’Air de
              Joconde.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Tout paroist tranquille en nos champs.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et l’on entend dans l’onde</hi></l>
              <l><hi rend="i">Certains bruits sourds de temps en temps</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Comme de l’autre monde :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les Vents à nos paisibles flots</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Ne donnent point d’atteintes ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais nos Poissons dans leurs Canaux</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Font entendre ces plaintes.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Nous avons lieu d’estre jalous</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Des chansons de Timante ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le calme qui regne chez nous</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Merite qu’on nous chante ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qu’il ne vante plus ses Oiseaux,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Leur bruit, ny leur ramage,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Nôtre silence au fond des eaux</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Est un plus doux langage !</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Nous nous assemblons par monceaux</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Sur les boras de l’Arêne</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pour attirer auprés des eaux</hi></l>
              <l> <hi rend="i">L’Infante nôtre Reine ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quand nous admirons ses appas</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Qui font seuls sa parure,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Timante, nous ne sommes pas</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Ennemis de nature.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Dans l’eau qui coule mollement</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Au milieu des Prairies,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Nous entretenons doucement</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Nos tendres rêveries,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et dans les fossez du Chasteau,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Sans barque ny nacelle,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les uns font leur ronde dans l’eau ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Les autres sentinelle.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Nous paroissons chez le Marquis</hi></l>
              <l> <hi rend="i">En plus d’une posture ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">A sa table on nous trouve exquis,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Nous y faisons figure ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et souvent celuy d’entre nous</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Qu’on croit le moins de mise,</hi></l>
              <l><hi rend="i">A le bonheur de plaire au goust</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Même de la Marquise.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Oyseaux de qui tant de chansons</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Vante l’amour volage,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Comme vous, nous nous caressons,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Peut-être davantage ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais nous sommes bien plus secrets</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Que vous sur ce mistere,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Vous n’estes que des indiscrets,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Qui ne sçauriez vous taire.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Comme vous nous n’avons pour loix</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Que la simple nature :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le sort, quand il s’agit d’un choix,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Decide à l’aventure ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Nostre instinct, sans autres raisons,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Dirige nos tendresses,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et quand il nous plaist nous faisons</hi></l>
              <l> <hi rend="i">De nouvelles Maistresses.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Chantez Oiseaux dans le Printemps,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et tant que l’Esté dure :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Aprés l’Automne, adieu bon temps ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Vous craignez la froidure ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Vous errez pour lors dans les airs ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et nous restons en place,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Vous estes transis les hyvers,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Nous brûlons dans la glace.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-08_128">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1705 [tome 8], p. 128.</bibl>
          <p>Je vous envoye un Air nouveau.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Pour punir un audacieux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui vous a découvert un secret qui vous touche,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qu’est-il besoin, Philis, des traits de vôtre bouche,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Quand vous pouvez tout par vos yeux ?</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-08_139">
          <head>[L’homme abusé par la Fortune &amp; par l’Amour, Satyre]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1705 [tome 8], p. 139-150.</bibl>
          <p>Vous vous plaignez de ce que mes Lettres ne sont presque plus mêlées de Vers, &amp;
            quoique les grandes nouvelles dont elles sont remplies, depuis la guerre, satisfassent
            vôtre curiosité, vous voulez de la varieté &amp; pour répondre à vos souhaits, je vous
            envoye la Piece suivante. Elle est de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Cantenac, dont
            les ouvrages remplis de sel &amp; de morale, ont toûjours esté recherchez &amp;
            applaudis.</p>
          <quote>
            <label>L’HOMME ABUSÉ<lb/>par la Fortune &amp; par l’Amour.<lb/><hi rend="i"
              >SATIRE.</hi></label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">L’Homme a presque toûjours l’ignorance en partage,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que ce soit la Fortune, ou l’Amour qui l’engage,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il est souvent leur dupe, &amp; n’est pas bien instruit,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Des malheurs qu’il doit craindre, &amp; du bien qu’il
                poursuit.</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’ambition l’expose à cent sortes de peines.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il faut pour s’élever, qu’il se forge des chaînes.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et que d’un grand Seigneur essuyant la fierté,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il perde son repos avec sa liberté.</hi></l>
              <l><hi rend="i">S’il sçavoit que l’envie excite plus d’orages,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que les vents sur la mer ne causent de naufrages,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il fuiroit de la Cour les écüeils dangereux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Où les plus avancez sont les plus malheureux.</hi></l>
              <l><hi rend="i">C’est-là qu’aveuglement exerçant son empire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">La Fortune est cruelle à tous ceux qu’elle attire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et que les exposant à d’étranges revers,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Elle leur fait sentir ses caprices divers.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Elle abuse les uns, d’une vaine esperance.</hi></l>
              <l><hi rend="i">D’autres qu’elle agrandit, tombent en decadence.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pour fléchir cette ingrate, il faut longtemps ramper.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais ses propres faveurs servent à nous tromper.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les biens &amp; les honneurs qu’offre cette inconstante,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tels que les pommes d’or, dont la fiére Atalante</hi></l>
              <l><hi rend="i">Fut trompée autrefois par un de ses Amants,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sont aux ambitieux de vains amusemens.</hi></l>
              <l><hi rend="i">La Fortune qui court avec plus de vitesse,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ne répand qu’en fuyant, le bien qu’elle nous laisse,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et sans discernement ses biens mal répandus</hi></l>
              <l><hi rend="i">S’envolent avec elle, &amp; sont bien-tôt perdus.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ils charment pour un temps, mais enfin il n’en reste</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que le remords cruel du souvenir funeste</hi></l>
              <l><hi rend="i">Des rebuts, des chagrins, &amp; des soins superflus,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et d’un temps écoulé, qu’on ne recouvre plus.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Si l’homme est abusé par la Fortune ingrate,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il l’est plus par l’Amour, qui le perd &amp; le flatte.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ce tyran fait durer les langueurs, les tourmens.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et les plaisirs qu’il fait, n’ont que quelques momens.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ces momens sont suivis d’une peine éternelle.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Comme il aime à changer, &amp; qu’il est infidelle,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le dégoust, les chagrins, &amp; les soupçons jaloux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Succedent tost ou tard aux plaisirs les plus doux.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tyrcis se figuroit, en épousant Sylvie,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que rien ne manquoit plus au bonheur de sa vie.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Elle estoit riche &amp; belle, &amp; mille fois le jour,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Elle luy promettoit un éternel amour ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais qui peut s’assurer de n’estre pas volage,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quand d’un galant commerce on pratique l’usage ?</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il n’estoit pas le seul, qu’elle vouloit charmer.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Elle ne se paroit que pour se faire aimer ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais la foule d’Amans, qui l’obsedoit sans cesse,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ebranlant sa constance excita sa tendresse,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et Damon, le plus jeune &amp; le mieux fait de tous,</hi></l>
              <l><hi rend="i">La rendit infidele, &amp; trahit son époux.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le malheureux Tyrcis, abusé par sa femme,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ne la soupçonnoit pas d’une nouvelle flâme,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Par la credulité qui l’avoit endormi ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Damon luy sembloit sage, &amp; son meilleur Ami ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il n’en avoit aucun qu’il cherist davantage ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">C’estoit son confident, &amp; s’il faisoit voyage,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il luy recommandoit, avant que de partir,</hi></l>
              <l><hi rend="i">D’avoir soin de sa femme &amp; de la divertir.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ce sot aveuglement est, au temps où nous sommes,</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’inévitable écüeil de la pluspart des hommes,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui trop infatuez, ont beaucoup plus de peur</hi></l>
              <l><hi rend="i">De paroistre jaloux, que de perdre l’honneur.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Chacun croit que sa femme est une autre Lucrece,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Seule avec un Galant dans sa chambre on la laisse ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et le timide époux qui craint de l’offenser,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Cause par là sa perte, &amp; n’ose le penser.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pour moy, je ne crois pas qu’une femme bien faite,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui reçoit des Galans ajustée en Coquette,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui souvent en secret se laisse cajoller,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Possede une vertu qu’on ne puisse ébranler.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Epoux infortuné, qui par vostre imprudence,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Exposez vostre femme à perdre l’innocence,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Chassez tous ces Galans, qui viennent l’obseder.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Plus un tresor est grand, mieux on doit le garder.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Un Pilote seroit blâmé de tout le monde,</hi></l>
              <l><hi rend="i">S’il quittoit le timon lorsque l’orage gronde,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et si se confiant à de vains Matelots,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il exposoit sa barque à la mercy des flots.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Un Berger prévoyant ne doit jamais attendre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">A garder sa brebi quand le loup la veut prendre ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’observant avec soin, il la doit retirer</hi></l>
              <l><hi rend="i">Loin des lieux où les loups la pourroient devorer.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais quelquefois, dit-on, la femme est si fragile,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qu’on prend à la garder une peine inutile.</hi></l>
              <l><hi rend="i">La Tour de Danaé ne luy servit de rien ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Celle qui se veut perdre, en trouve le moyen.</hi></l>
              <l><hi rend="i">La contrainte l’irrite, &amp; redouble l’envie</hi></l>
              <l><hi rend="i">De recouvrer sous main sa liberté ravie.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pour punir un jaloux, elle sçait le tromper ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et qui la serre trop, l’oblige à s’échaper.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais ne peut-on, sans rendre une femme captive,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Borner sa liberté, quand elle est excessive ?</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les regles de l’honneur, &amp; la droite raison</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sont-elles pour l’Hymen une étroite prison ?</hi></l>
              <l><hi rend="i">On doit sans luy marquer un soupçon qui l’irrite,</hi></l>
              <l><hi rend="i">La traiter en Epoux, &amp; non pas en Comite.</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’honneste-homme, en ce point, trouve un temperament ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais il doit toûjours craindre, &amp; le peril est grand.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-08_150">
          <head>[Nouvel article du mariage de Mr le Comte d’Harcourt]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1705 [tome 8], p. 150-159.</bibl>
          <p>Quoyque je vous aye parlé dans ma Lettre précedente du Mariage de Monsieur le Comte
            d’Harcour, fils aîné de Monsieur le Prince d’Harcour, avec Mademoiselle de Montjeu ; je
            dois neanmoins vous entretenir une seconde fois de ce mariage, non seulement parce que
            j’ignorois alors plusieurs particularitez qui sont venuës depuis à ma connoissance :
            mais aussi parce que je me suis trompé en quelques endroits de cet article.</p>
          <p>Ce mariage se fit le 2 de Juillet à Arcuëil, dans la Chapelle de la maison de Madame la
            Princesse d’Harcour. M<hi rend="sup">r</hi> de Carcassone en fit la ceremonie ; cet
            Evêque est cousin germain de Monsieur le Prince d’Harcour, par la Maison de Grignan. Ils
            auroient esté fiancez dans le Cabinet du Roy, si Sa Majesté n’avoit point esté alors à
            Trianon. Monsieur le Comte d’Harcour est l’aîné de la seconde branche de Lorraine en
            France, estant petit fils de François de Lorraine, Prince d’Harcour, fils puisné de
            Charle de Lorraine 2. du nom, Duc d’Elbeuf, &amp; frere de Charles de Lorraine 3. du
            nom, Duc d’Elbeuf, pere de Monsieur le Duc d’Elbeuf d’aujourd’huy. Madame la Princesse
            d’Harcour, sa mere, est de l’ancienne &amp; illustre Maison de Brancas. Il ne luy reste
            qu’un frere, qui est Monsieur le Prince de Maubechq, Capitaine de Cavalerie dans le
            Regiment du Roy.</p>
          <p>Le nom de la jeune Princesse est de Castille de Chenoise ; elle tire son origine de
            Navarre, &amp; descend en droite ligne de Philippe de Castille, l’un des premiers
            Officiers de cette Couronne. En 1494. Pierre de Castille, son fils, vint s’établir en
            France, &amp; commandoit une Compagnie de cent Hommes d’Armes, à la Bataille de Pavie.
            De Pierre de Castille sont descendus les Ancestres de Mademoiselle de Montjeu, qui ont
            tous servi nos Rois, dans les armes, &amp; dans le ministere, &amp; entr’autres, Pierre
            de Castille, Controlleur General des Finances &amp; Ambassadeur en Suisse, sous le regne
            de Henry IV. qui épousa Charlotte Jeannin, fille &amp; unique heritiere de Pierre
            Jeannin, Baron de Montjeu, premier President du Parlement de Bourgogne, &amp; Ministre
            d’Etat : Et c’est par cette alliance que les biens des Maisons de Jeannin &amp; de
            Montjeu sont tombées dans celle de Castille. Charlotte Jeannin fut mere de M<hi
              rend="sup">e</hi> la Comtesse de Charny, de la Maison de Chabot, &amp; en secondes
            noces elle épousa le Prince de Chalais. La Mere de feu M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis
            de Saint-Heran, Gouverneur de Fontainebleau, estoit aussi de la Maison de Castille. M<hi
              rend="sup">rs</hi> de Castille-de-Chenoise, dans les premieres années du siecle passé,
            estoient reçûs Chevaliers de Malthe.</p>
          <p>M<hi rend="sup">e</hi> la Marquise de Montjeu, mere de Madame la Comtesse d’Harcour,
            est de la Maison Dauvet-des-Maretz. Elle est fille du Comte des Maretz, Grand Fauconnier
            de France, &amp; petite-fille de Gaspard des Maretz, Baron des Maretz, &amp;c. Chevalier
            des Ordres du Roy, Capitaine d’une Compagnie de Gendarmes, Maréchal des Camps &amp;
            armées de S.M. &amp; Ambassadeur en Angleterre, Gouverneur de Beauvais, &amp; Lieutenant
            General du Beauvoisis. Il avoit épousé la fille du Chancelier de Sillery. Christine de
            Lantage, Dame de Vitry &amp; autres lieux, mere de M<hi rend="sup">e</hi> la Marquise de
            Montjeu, estoit fille unique d’une des meilleures Maisons de Champagne ; elle estoit
            petite-fille de M<hi rend="sup">e</hi> de Montglas, dont le mari estoit de la Maison de
            Clermont-d’Amboise. Cette Dame de Montglas estoit Gouvernante des Enfans de Henry IV.
            Elle avoit élevé Madame Elisabeth, Reine d’Espagne ; Madame Henriette, Reine
            d’Angleterre ; &amp; Madame Christine, Duchesse de Savoye.</p>
          <p>Quelques jours aprés le mariage de Monsieur le Comte d’Harcour, Monsieur le Duc &amp;
            Madame la Duchesse du Maine firent l’honneur aux nouveaux Mariez de les venir voir à
            Arcuëil. Madame la Princesse d’Harcour n’oublia rien pour les bien recevoir ; elle leur
            donna un souper magnifique, qui fut suivi de la Musique, aprés laquelle on dansa, &amp;
            ces divertissemens durérent pendant la plus grande partie de la nuit.</p>
          <p>Le Roy estant revenu à Versailles, quelques jours aprés ce mariage, Madame la Comtesse
            d’Harcour fut presentée à Sa Majesté, &amp; eut ensuite le Tabouret. Ce Prince la reçut
            avec distinction, &amp; eut la bonté de luy dire, qu’il luy souhaitoit toute sorte de
            bonheur ; &amp; qu’il ne doutoit pas que cela ne fust, estant dans la Maison où elle
            estoit entrée.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-08_159">
          <head>[Nouvelles de l’Armée de Mr le Duc de La Feüillade]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1705 [tome 8], p. 159-169.</bibl>
          <p>Pour reprendre les affaires d’Italie où je les ay quittées, je laissay dans ma derniere
            Lettre M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de la Feüillade devant Chivas, qui aprés en avoir
            fait sortir Monsieur de Savoye par une ruse de guerre, dont je vous ai donné un assez
            ample détail, venoit de prendre la demie-lune de cette Place. Mais comme il prévoyoit
            que le Siege pourroit estre long, s’il ne tâchoit d’éloigner les ennemis qui estoient
            derriere luy, &amp; qui pouvoient l’inquieter à tout moment, il partit de devant cette
            Place le 28. Juillet avec quarante-six Escadrons, onze Bataillons, &amp; cinq cens
            Grenadiers, &amp; prit le chemin de Turin, ayant laissé un nombre de Troupes suffisant
            sur les hauteurs de Chivas pour en continuer le Siege ; &amp; ce Duc ayant ensuite
            marché pour attaquer la Cavalerie des ennemis, prés du Malon, trouva qu’elle s’estoit
            retirée vers la Sture. Il la suivit, &amp; la fit charger par M<hi rend="sup">r</hi> le
            Chevalier de Miane, avec trois cens Dragons qui défirent ceux des ennemis, qui se
            renverserent sur leur Cavalerie. Il y en eut un grand nombre de noyez dans la Sture,
            quatre à cinq cens tuez ou blessez, deux cens faits prisonniers, &amp; beaucoup de
            chevaux &amp; d’équipages pris, avec huit étendards, &amp; deux paires de Tymbales. Et
            Monsieur le Duc de Savoye jugeant qu’aprés cet avantage, on pouvoit donner un assaut
            general à Chivas, envoya des ordres la nuit du 29. au 30. pour en faire sortir la
            Garnison par la communication, &amp; pour en abandonner tous les Postes. Ce Prince se
            retira ensuite sur la hauteur des Capucins, &amp; laissa deux Bataillons dans Gasso, de
            l’autre costé du Pô, à moitié chemin de Chivas à Turin.</p>
          <p>Vous devez ajoûter foy à cette Relation, puisqu’elle est tirée d’un imprimé publié par
            les ennemis mêmes, &amp; qui nous apprend des faits qui ne se sont point trouvez dans
            plusieurs autres relations, &amp; qui sont à nostre avantage.</p>
          <p>L’abandonnement de Chivas, de Castagnette &amp; des Cassines doit estre regardé comme
            une chose surprenante, aprés tout ce que les ennemis avoient publié. Les Cassines
            estoient hors d’insulte, selon leur rapport, elles ne manquoient de rien, les chemins
            par où on y pouvoit arriver estoient presque impraticables, &amp; devoient coûter
            beaucoup de monde, si l’on entreprenoit d’y passer. Chivas estoit rempli de coupures, il
            falloit gagner le terrain pied à pied pour penetrer jusqu’au milieu de la Ville, &amp;
            les mines dont la place estoit toute remplie devoient faire sauter tous ceux qui
            seroient assez hardis pour monter à l’assaut. Cependant M<hi rend="sup">r</hi> de la
            Feüillade, par sa bonne manœuvre, &amp; en marchant deux fois aux ennemis, a rompu
            toutes leurs mesures, leur a fait perdre courage, &amp; les a obligez d’abandonner
            honteusement tant de postes qu’ils croioient devoir tenir pendant le reste de la
            campagne, &amp; ruiner nôtre Armée.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de la Feüillade voulant profiter de tant d’avantages
            qu’il n’avoit pas crû devoir remporter si promtement, donna aussi-tost les
            ordres necessaires pour la conservation de ses conquestes, &amp; pour en démolir les
            fortifications, &amp; fit marcher son armée vers Turin. Le six Aoust il luy fit passer
            la Sture, du costé de Villanova, entre Cirié &amp; Nolli, &amp; il mit la droite à la
            petite Doire, qui vient de Suze, la gauche à la Sture, &amp; le quartier general à la
            Venerie, maison de plaisance de Monsieur le Duc de Savoie, à trois milles de Turin. On a
            trouvé dans ce Camp qui est couvert par deux rivieres, &amp; par le Pô, une grande
            abondance de vivres &amp; de fourrages. Monsieur le Duc de Savoye se campa sur la
            contrescarpe de Turin, avec trois mille cinq cents chevaux, &amp; quatre mille
            fantassins, &amp; fit entrer cinq cents cavaliers démontez dans la Citadelle. Il avoit
            levé deux Bataillons de milices : mais à l’approche de l’armée du Roy, ils se
            débanderent entierement. Ce qui fait voir que ce Prince a tiré de ses Etats tout le
            secours qui luy estoit possible d’en tirer, &amp; qu’il n’y a plus pour luy de ressource
            dans ses sujets, n’en ayant plus aucun qui veüille porter les armes pour son service. Il
            est mesme à croire que la plûpart de ceux qu’il a levez par force, ne le serviront que
            par contrainte, &amp; s’il les employe à faire des sorties, lorsqu’ils seront enfermez
            dans Turin, plusieurs pourront bien n’y pas rentrer ; &amp; que quand mesme la bonne
            volonté ne leur manqueroit pas pour leur Souverain, le courage pourroit leur manquer.
            C’est pourquoy on ne doit jamais conter sur les troupes levées par force.</p>
          <p>Monsieur le Duc de Savoye a aussi eu le chagrin, en se voyant pousser presque jusqu’aux
            fossez de Turin, de perdre M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis de Parelle. C’estoit le
            plus ancien de ses Generaux : il avoit souvent commandé ses armées en chef, &amp; son
            experience luy avoit acquis des lumieres qui pouvoient estre utiles à son Souverain dans
            les conjonctures presentes.</p>
          <p>On doit remarquer que l’activité &amp; la conduite de M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de
            la Feüillade ont rompu toutes les mesures de Monsieur le Duc de Savoye. Il
            contoit que le siege de Chivas, &amp; celuy de tous les postes qu’il avoit fait
            fortifier auprés de cette place, dureroient assez pour luy donner le temps d’en
            fortifier d’autres sur le chemin de Turin, &amp; que ces postes pouvant tenir jusqu’à
            l’arriere-saison, on ne pourroit faire cette année le siege de cette Capitale. Les
            ennemis estoient si persuadez que les choses iroient ainsi, qu’ils avoient déja publié
            dans plusieurs de leurs écrits, que la Venerie estoit fortifiée, &amp; qu’elle
            arresteroit long-temps M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de la Feüillade. La suite a fait
            voir le contraire ; &amp; le temps nous fera bientost voir de plus grandes choses de ce
            costé-là.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-08_311">
          <head>[Le Pape donne à la Ville d’Urbin des marques de son affection]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1705 [tome 8], p. 311-314.</bibl>
          <p>Le Pape voulant donner des preuves de son affection pour la Ville d’Urbin, sa patrie, a
            donné cent huit mille livres en argent comptant, pour payer une pareille dette dont elle
            estoit chargée ; Sa Sainteté a aussi supprimé à perpetuité un impost dont la Chambre
            Apostolique tiroit neuf mille livres, &amp; un autre de moindre valeur. Le Pape a uni
            pour plusieurs années, une Abbaye d’un revenu considerable à la Manse de l’Eglise
            Cathedrale d’Urbin, pour la reparer &amp; pour l’embellir ; Sa Sainteté a aussi donné à
            la même Eglise une Croix &amp; six Chandeliers d’argent. Le Bref de cette donation qui
            avoit esté porté par Dom Oratio &amp; Dom Annibal Albani, fut lû en leur presence dans
            le Conseil de Ville, &amp; reçu avec de grands applaudissemens. Le Conseil de la Ville
            députa six de ses Membres les plus distinguez pour aller faire des remerciemens à Sa
            Sainteté, convenables aux bien-faits qu’elle venoit de luy faire. Dom Oratio &amp; Dom
            Annibal Albani furent haranguez dans la Salle du Conseil, &amp; pendant deux jours ils
            furent regalez par les Magistrats de la Ville avec une magnificence qui exprimoit
            parfaitement la joye de tous les habitans. Tous les Orateurs &amp; tous les Poëtes de la
            Ville d’Urbin, où il n’y en a pas moins que dans les autres Villes d’Italie, se sont
            distinguez dans cette occasion, &amp; pendant plusieurs jours on n’a vû que pieces
            d’Eloquence, des Odes &amp; des Poëmes de toute sorte de genres, à l’honneur du Pape
            &amp; de tous ceux qui portent le nom d’Albano. Un Professeur de College prononça,
            quelques jours aprés, un Discours latin sur le même sujet, qui fut admiré de tous ceux
            qui l’entendirent ; l’Orateur loüa le Pape d’une maniere aussi fine que delicate.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-08_314">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1705 [tome 8], p. 314-315.</bibl>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> de Mez, de la Fléche, continuë toujours à chanter les loüanges
            du Roy, comme vous verrez par les paroles suivantes.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Publions en tous lieux les vertus de LOUIS,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sa gloire, sa valeur, ses exploits inoüis ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Honorons à jamais ce Heros magnanime ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que nos chants redoublez resonnent dans les airs ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Qu’un même zéle nous anime ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Il est digne de nos concerts.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que de mille bienfaits il comble nostre vie ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qu’il triomphe toujours en dépit de l’envie ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que l’immortalité ne l’arrache à nos yeux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que pour briller un jour dans le plus haut des Cieux.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-08_324">
          <head>[Quatorze Pièces de Théâtre de feu Mr de Montfleury]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1705 [tome 8], p. 324-326.</bibl>
          <p>Pour varier la matiere, &amp; passer de la guerre à ce qui regarde les plaisirs ; on
            vient de donner au Public deux volumes de Pieces de Theatre, qui en contiennent chacun
            sept. L’Auteur de ces ouvrages estant mort depuis plus de vingt ans, &amp; n’ayant point
            avant sa mort, fait mettre ses ouvrages en corps, il estoit difficile aux amateurs du
            Theatre de les rassembler tous ; c’est ce que vient de faire le sieur Christophle David,
            Libraire, demeurant sur le Quay des Augustins, à l’image S. Christophle. L’Auteur de ces
            Pieces, qui n’a jamais embrassé la Profession de son pere, est fils du celebre
            Montfleury, fameux Comedien, qui s’est fait long-temps admirer sur le Theatre de
            l’Hostel de Bourgogne, &amp; qui passoit sans contredit pour un des plus fameux
            Comediens de son siecle. Parmi les Pieces de son fils qui viennent d’estre mises au
            jour, il y en a deux, dont l’une est la Femme Juge &amp; Partie, &amp; l’autre, la Fille
            Capitaine, dont le succés a esté au delà de tout ce que l’on peut imaginer. La Femme
            Juge &amp; Partie fut joüée sur le Theatre de l’Hôtel de Bourgogne, dans le même temps
            que l’on joüoit Tartuffe sur celuy du Palais Royal ; &amp; cette Piece eut le bonheur
            d’estre suivie &amp; fort applaudie, pendant que tout Paris couroit à Tartuffe.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-08_379">
          <head>Lettre écrite par le Roy à Mr le Cardinal de Noailles</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1705 [tome 8], p. 379-384.</bibl>
          <p>Je vous envoye la Lettre écrite par le Roy à Monsieur le Cardinal de Noailles, pour
            faire chanter le <hi rend="i">Te Deum</hi>, en action de graces de cette grande
            Victoire.</p>
          <p><hi rend="i">Mon Cousin, Les progrés de mes Armes en Italie, ne pouvoient estre suivis
              d’un évenement plus glorieux ny plus éclatant, que la Victoire remporté le</hi> 16.
              <hi rend="i">de ce mois par mon Cousin le Duc de Vendosme sur l’Armée Imperiale
              commandée par le Prince Eugene de Savoye. Ce General, aprés avoir mis tout en usage
              pour donner au Duc de Savoye les secours promis &amp; attendus depuis si long-temps,
              ou du moins pour empêcher par une diversion la perte entiere de ses Etats ; voyant ses
              tentatives sans succés, a pris enfin le party de s’ouvrir un passage par la force :
              Mais quelques mouvemens qu’il ait fait pour attaquer mon Armée avec avantage ; tous
              ses efforts se sont trouvez impuissans par la valeur de mes Troupes, &amp; par la
              capacité &amp; la vigilance du Duc de Vendosme. Les Officiers &amp; les soldats,
              également animez par la juste confiance qu’ils ont en luy, ont soutenu le premier choc
              avec une fermeté incroyable : &amp; bien-tost ceux qui étoient venus les attaquer,
              n’ont plus songé qu’à se deffendre, &amp; ont enfin esté forcez de se retirer avec
              précipitation, &amp; d’abandonner le champ de Bataille. Le Prince Eugene blessé, une
              partie de leurs Generaux tuez, &amp; plus de sept mille hommes de leurs Troupes restez
              sur la place, dix-huit cens faits prisonniers, plusieurs Canons &amp; plusieurs
              Drapeaux pris sur eux, font voir que le combat qui a duré pendant quatre heures, a
              esté sanglant &amp; opiniâtre, &amp; que la Victoire est entiere &amp; complete. Comme
              le succés en est dû principalement à une protection visible du Ciel ; je ne veux pas
              differer d’en rendre graces à Dieu par des Prieres publiques : Ainsi je vous écris
              cette Lettre, pour vous dire que mon intention est que vous fassiez chanter le</hi> Te
            Deum <hi rend="i">dans l’Eglise Metropolitaine de ma bonne Ville de Paris, au jour &amp;
              à l’heure que le Grand Maître, ou le Maître des Ceremonies vous dira de ma part. Sur
              ce, Je prie Dieu qu’il vous ait, Mon Cousin, en sa sainte &amp; digne garde.</hi></p>
          <p>Il y eut le soir du même jour que le <hi rend="i">Te Deum</hi> fut chanté, des feux
            dans toutes les ruës de Paris, &amp; l’on tira de l’Artifice en beaucoup d’endroits. Ces
            réjoüissances durerent une partie de la nuit, &amp; aprés avoir bû en beaucoup de
            quartiers à la santé du Roy, on but à celle de Monsieur de Vendôme, à qui le peuple ne
            cesse point de donner des loüanges.</p>
          <p>J’ay tiré l’Article qui suit de plusieurs Lettres de Madrid.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-08_384">
          <head>[Reception faite en Espagne à Madame la Princesse des Ursins]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1705 [tome 8], p. 384-393.</bibl>
          <p>Madame la Princesse des Ursins arriva à Saint Jean de Luz le 9. de Juillet. Les
            Carosses de la Reine l’y attendoient depuis quelques jours. Un grand nombre de
            Gentilshommes &amp; d’Officiers Espagnols s’y étoient rendus ; un Colonel député du
            Guipuscoa vint l’y complimenter, luy presenter les hommages de toute la Province, &amp;
            l’assurer de la part que le Pays prenoit à son retour en Espagne. Il ajoûta que tout le
            monde y voyoit avec joye que cet heureux retour avoit esté accordé aux vœux &amp; aux
            prieres de toute la Nation. Il luy offrit tout ce qui dépendoit du Guipuscoa ; &amp; il
            finit en luy disant l’ordre qu’il avoit de l’accompagner jusqu’aux Frontieres de la
            Province pour luy faire rendre les respects &amp; les honneurs qui luy étoient dûs. Ce
            Colonel s’acquitta de sa commission avec toute l’attention possible. Cette Princesse
            trouva sous les armes, dans toutes les Villes, dans tous les Bourgs &amp; Villages où
            elle passa, la Bourgeoisie &amp; les Communes qui venoient au devant d’elle, &amp; qui
            montoient la garde aux maisons où elle logeoit. Elle partit de S. Jean de Luz de
            Mercredy 15. avec une suite de quatre-vingts personnes. Les ordres étoient donnez, &amp;
            ils ont esté tres-bien executez, de fournir à cette Princesse &amp; à toute sa maison,
            toutes les commoditez capables d’adoucir les fatigues &amp; la peine qu’on souffre en
            cette saison à traverser les rudes montagnes, &amp; les plaines brûlantes qui conduisent
            à Madrid. Il seroit difficile de vous bien exprimer les acclamations des Peuples, les
            festes qui ont esté données à cette Princesse, &amp; les honneurs qu’on luy a rendus par
            tout. Ce qui est de plus glorieux pour elle, c’est que tous ces témoignages de la joye
            publique ont esté égaux de la part du peuple, &amp; de la part de la Noblesse ; &amp;
            que le cœur a toujours paru s’accorder avec le devoir qu’on s’en faisoit par tout. Un
            nombre de personnes de distinction, &amp; même des Grands ont succedé les uns aux autres
            dans la route pour faire cortege à cette Princesse. Les danses, les jeux, les combats de
            Taureaux, les feux d’artifice, les décharges d’Artillerie ont celebré son retour, par
            tout où elle a passé. Je n’exagere rien, en disant que son chemin étoit semé de fleurs ;
            on luy en jettoit à pleines mains &amp; à pleines corbeilles. On alloit fort loin au
            devant d’elle. Elle a esté complimentée dans les Villes par le Clergé &amp; par les
            Magistrats, &amp; à Vitoria, qui est à plus de soixante lieuës de Madrid, par un Ecuyer
            de la Reine Doüairiere, que Sa Majesté avoit envoyé exprés avec ordre de grossir le
            cortege de cette Princesse jusqu’à son arrivée à Madrid. Tous ces honneurs ont augmenté
            à mesure qu’elle s’est approchée de cette Ville Capitale ; mais rien n’égale ceux dont
            elle fut comblée le dernier jour. Le Roy &amp; la Reine avoient envoyé à Canillas, qui
            est un Village à deux lieuës de cette Ville, leurs Officiers de Bouche ; ils y avoient
            préparé un dîner magnifique, qui fut servi à plusieurs tables. Madame la Princesse des
            Ursins y trouva Mr l’Ambassadeur de France, Mr le Maréchal de Tessé, une infinité de
            grands Seigneurs, &amp; plusieurs Ministres Etrangers. Comme l’usage de cette Cour ne
            permet pas aux femmes de manger avec les hommes, cette Princesse dîna seule dans sa
            Chambre. Mr l’Ambassadeur &amp; Mr le Maréchal firent les honneurs de la premiere table.
            Sur la fin du repas il arriva un Courier qui apporta à cette Princesse une Lettre de la
            Reine, qui luy mandoit d’attendre ses ordres pour partir. On vit à cinq heures &amp;
            demie arriver leurs Majestez avec toute la Cour, honneur que les Rois d’Espagne n’ont
            jamais fait à personne. Madame des Ursins alla les recevoir à leur Carosse. Le Roy &amp;
            la Reine la baisérent, luy témoignerent publiquement leur joye, monterent dans sa
            Chambre, &amp; elles y resterent seules avec elle pendant trois quarts d’heure. Ensuite
            cette Princesse les accompagna à leur Carosse. Leurs Majestez vouloient qu’elle s’y
            mist, &amp; l’en presserent fortement à plusieurs reprises : mais comme il est
            absolument contraire à la coûtume, que qui que ce soit aille dans le Carosse de la
            Reine, quand le Roy y est, elle refusa cet honneur, &amp; suplia leurs
            Majestez de souffrir qu’elle leur désobéist une fois en toute sa vie. Elle monta dans le
            Carosse destiné à la Camerera Mayor, qui étoit vuide ; elle alla en cette qualité
            immediatement aprés celuy de leurs Majestez, &amp; dés ce moment elle reprit possession
            d’une Charge que la voix &amp; les acclamation des Peuples lui avoient déja restituée
            dans toute la route. Enfin elle arriva le 3. d’Aoust entre une double haye de Carosses,
            qui s’étoit formée depuis Canillas, de l’affluence de ceux qui étoient venu pour la
            voir, &amp; elle entra à Madrid avec le plus auguste, le plus beau, &amp; le plus
            nombreux cortege qu’on y ait jamais vû, suivie de tout le peuple qui
            souhaittoit mille années à la Camerera-Mayor.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-08_397">
          <head>Enigme</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1705 [tome 8], p. 397-400.</bibl>
          <p>Le mot de l’Enigme du mois passé estoit l’<hi rend="i">Oignon</hi>. Le Bourgeois de
            Vernon l’a expliqué par les quatre Vers suivans.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Chaque pays a sa maniere ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">l’on vit de Pommes à Vernon ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’on vivoit d’amour à Cyther ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">En Egypte jadis on adoroit</hi> l’Oignon.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Ceux qui ont aussi trouvé le mot de l’Enigme, sont, M<hi rend="sup">rs</hi> Chastre,
            Curé d’Eglegny, prés d’Auxerre, &amp; Daniel le Chin, Procureur Fiscal dudit lieu :
            Medard Labitte : Roger le Maire d’Aubaton : Robert Mollet de l’Homme, P.D.M. Jacquart de
            Nanteüil, Procureur à Auxerre, &amp; son ami le S<hi rend="sup">r</hi> Trébuchet : le
            gros Prieur de Sainte Claire : le Solitaire de la Forest de Compiegne : le Solitaire
            Desangloux, &amp; sa bonne amie Olympia : le petit Maigret, de Dammartin : l’Ami
            sincere, de la ruë sainte Anne : l’Agreable dans les compagnies : l’Heureux infortuné :
            le Colin-maillart, du Mont-Parnasse : la grosse Jacqueline, de la ruë Guisarde : la
            petite Manon Benjamine, du Fauxbourg S. Germain : la Charmante Niece du Lieu Royal : la
            jolie Brune de Dieppe : la belle Margoton de la ruë des Noyers : &amp; son fidele Ami de
            la ruë Mazarine.</p>
          <p>Je vous envoye une Enigme nouvelle ; elle est de M<hi rend="sup">r</hi> Durey
            d’Harmoncour.</p>
          <quote>
            <label>ENIGME.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Je reçois les honneurs qu’on rend aux immortels ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Un peuple tout entier me dresse des Autels,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Que l’espoir d’expier ses crimes</hi></l>
              <l><hi rend="i">Fait fumer chaque jour du sang de cent Victimes.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Quoiqu’adoré, le moindre des humains</hi></l>
              <l> <hi rend="i">A tout mon sort entre ses mains ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il me peut écraser, il me peut mettre en pieces.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Dans ma perte pourtant, je brave ses rigueurs ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">J’en tire, malgré luy, des marques de tendresses,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">En luy faisant verser des pleurs.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-08_404">
          <head>[Situation de l’état présent des affaires de la Guerre dans toutes les Armées du
            Roy]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1705 [tome 8], p. 404-416.</bibl>
          <p>Je devrois en fermant ma Lettre, vous mander la situation où se trouvent présentement
            les affaires de la Guerre dans toutes nos Armées ; ce qui est assez difficile. Cependant
            je vous diray que tout paroist assez tranquille en Flandre, depuis que Mylord
            Marlborough est de retour, aprés avoir manqué tous les projets dont il s’étoit formé une
            idée. Il n’est pas aisé, quand on a manqué une entreprise de passer tout d’un coup à une
            autre pour laquelle on n’a pris aucunes mesures, &amp; fait aucuns préparatifs.
            D’ailleurs, ce Mylord ne peut rien faire que de concert avec les Etats ; &amp; quand on
            est aussi brouillé qu’il l’est avec eux &amp; avec les Députez, avec lesquels il doit
            conferer, le temps s’écoule aisément, avant qu’on ait arresté ce qu’on doit faire. Il
            paroist néanmoins que le Mylord veut faire le Siege de Leewe ; mais comme la résolution
            de faire ce Siége n’étoit pas encore prise il y a sept ou huit jours, &amp; qu’il n’y
            avoit aucuns ordres donnez pour cela, la saison se trouve bien avancée pour assieger une
            Place environnée de Marais impraticables, lorsque les pluïes deviennent frequentes :
            &amp; comme la saison de ces pluïes approche, ce siege devient bien douteux, &amp; le
            succés en sera bien incertain, en cas que la place soit assiegée. La desertion continuë
            dans l’Armée des Alliez, &amp; il en vient souvent quarante ou cinquante Deserteurs à la
            fois Nos Troupes ont esté renforcées de huit Bataillons &amp; de huit Escadrons, qui ont
            esté amenez par M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis de Conflans. Quelque grand bruit que
            l’on fasse en Angleterre, des grands progrés faits en Flandre par Mylord Marlborough,
            pour lesquels on vient tout recemment de chanter un <hi rend="i">Te Deum</hi>, il est
            certain qu’en examinant bien tout ce qui s’est passé, on ne trouvera pas que les Alliez
            y ayent eu plus d’avantages que les Armées des deux Couronnes. Les Alliez ont trouvé
            moyen d’entrer dans nos Lignes sans les forcer : ainsi nous n’avons perdu du monde qu’en
            faisant nostre retraite, &amp; la belle manœuvre de M<hi rend="sup">r</hi> de Caraman a
            empêché que nôtre perte ait esté grande, &amp; l’on peut même dire, qu’il en a fait
            essuyer une assez considerable aux ennemis. Enfin, s’ils nous ont poussez de ce côté-là,
            &amp; si nous y avons perdu du monde, nous les avons repoussez au passage de la Dyle,
            &amp; ils n’y ont pas fait une perte moins grande que celle que nous avons pû faire,
            lorsqu’ils sont entrez dans nos Lignes ; &amp; s’ils ont fait contribuer le pays de
            Waës, nous tirons aussi des Contributions de la Mairie de Bolduc : de maniere que l’on
            peut dire, que tout est assez égal de part &amp; d’autre. Mais ce qu’il y a d’avantageux
            pour nous, est que leurs Deserteurs sont dix fois en plus grand nombre que les notres ;
            ce qui doit faire connoistre qu’on a toujours souffert dans leur Armée.</p>
          <p>A l’égard de ce qui se passe entre Monsieur le Prince de Bade, &amp; M<hi rend="sup"
              >r</hi> le Maréchal de Villars, il est assez mal aisé de le dire au juste, puisque
            tout consiste en ruses de Guerre. Monsieur le Prince de Bade menace en même temps les
            Lignes de Haguenau &amp; le Fort-Loüis, &amp; tâche d’engager M<hi rend="sup">r</hi> de
            Villars à faire des mouvemens qui puissent favoriser ses entreprises, &amp; à l’obliger
            à tirer des troupes de quelques postes dont il seroit incommodé. Mr de Villars, de son
            costé, n’oublie rien pour parer tous les coups qu’on luy veut porter, &amp; donne de la
            jalousie au Prince de Bade pour les Lignes de Stolhoffen, dont la conservation luy est
            précieuse, parce qu’elles couvrent son Pays ; &amp; je ne doute point que vous
            n’appreniez quelque nouvelle importante du costé de ces deux Armées, avant que vous
            receviez ma Lettre. Mr de Villars ne fait pas moins bonne contenance que Monsieur le
            Prince de Bade ; quoique son armée soit en mouvement depuis sept mois, &amp; que celle
            de ce Prince ne commence qu’à entrer en campagne, &amp; soit forte de quarante mille
            hommes.</p>
          <p>Quant à Mr le Duc de la Feüillade, il travaille à faire toutes les dispositions
            necessaires pour le siege de Turin, afin de le pousser vivement lorsqu’il sera commencé,
            &amp; que rien n’en puisse interrompre le cours. Son Camp se remplit tous les jours pour
            cet effet de toutes les provisions, &amp; de toutes les munitions dont on pourra avoir
            besoin pour ce siege, où l’on n’attendra ny Mortiers, ny Canons, ny troupes ; de maniere
            que si Monsieur le Duc de Savoye le laisse commencer, il en verra bien-tost la fin.
            Selon les dernieres nouvelles, Mr le Duc de la Feüillade doit avoir envoyé prendre
            Veillane, afin qu’il ne reste autour de Turin aucun poste qui le puisse inquieter
            pendant le siege. Ce Duc ayant sçû que Monsieur le Duc de Savoye craignoit qu’il ne
            ruinast sa maison de plaisance de la Venerie, il luy avoit envoyé dire, <hi rend="i"
              >qu’il n’estoit pas venu pour la ruiner, mais plustost pour la conserver</hi> ; ce qui
            avoit esté cause que Monsieur le Duc de Savoye luy avoit envoyé des boules de Mail,
            parce qu’il y en a un tres-beau dans cette Maison, &amp; plusieurs autres choses de
            cette nature pour servir à son divertissement. Mais Mr de la Feüillade, dont l’ame
            genereuse est connuë, &amp; qui se fait un plaisir de donner, envoya aussi-tost à
            Monsieur de Savoye plusieurs Mulets chargez de vin de Champagne.</p>
          <p>On apprend tous les jours, que la perte que les Imperiaux ont faite en Italie, est plus
            grande que l’on n’avoit crû, &amp; que de quatre mille Prussiens, qui estoient dans
            l’Armée de Monsieur le Prince Eugene, trois mille ont esté tuez, &amp; cinq cens faits
            prisonniers. La puanteur causée par les cadavres est si grande, &amp; l’air si empesté,
            que Monsieur de Vendosme n’a osé risquer d’aller attaquer Monsieur le Prince Eugene dans
            son Camp, ainsi qu’il l’avoit résolu depuis le gain de la Bataille ; parce que son Armée
            auroit esté empestée de ce mauvais air, sur tout pendant les grandes chaleurs, qui sont
            en Italie encore plus excessives, qu’elles ne sont icy.</p>
          <p>Je ne puis vous rien dire encore du débarquement de l’Archiduc avec six mille hommes à
            Blanes, entre Barcelone &amp; Rose. Il a esté joint par quelques Miquelets ; mais toute
            la Noblesse qui a résolu de garder la fidélité qu’elle doit à Philippes V. s’est jettée
            dans Barcelone. Mr de Velasco, Viceroy de Catalogne, marque n’avoir aucune appréhension
            des Rebelles, &amp; il a fait mettre quarante pieces de Canon dans le Fort de Montjoüy,
            qui est auprés de Barcelone. Tant de Troupes sont en mouvement de tous côtez, pour aller
            au secours de cette Principauté, que selon toutes les apparences, la descente de
            l’Archiduc ne doit pas estre heureuse.</p>
          <p>Je remets au Mois prochain, à vous parler de ce qui s’est passé à l’Academie Françoise,
            ainsi qu’aux Academies des Sciences &amp; des Inscriptions, le jour de la Feste de S.
            Loüis. Je vous parleray aussi de la Harangue faite au Roy, lorsque les nouveaux Echevins
            luy furent presentez. Je suis, &amp;c.</p>
          <p><hi rend="i">A Paris ce</hi> 3 <hi rend="i">Septembre</hi> 1705.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1705-09">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, septembre 1705 [tome 9]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-09_5">
          <head>[Prélude, contenant le détail de tout ce qui s’est paßé le jour de la Feste de S.
            Louis à l’Academie Françoise, à celle des sciences et à celle des Medailles &amp;
            Inscriptions]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1705 [tome 9], p. 5-44.</bibl>
          <p>Ie ne puis mieux commencer ma Lettre, que par ce qui regarde ce qui s’est passé le jour
            de la feste de S. Loüis à trois Academies, que la protection &amp; les bienfaits du Roy
            font fleurir. Les Sermons qui ont esté faits ce jour-là, &amp; les Ouvrages qui ont
            remporté les prix de l’Eloquence &amp; de la Poësie à l’Academie Françoise, sont remplis
            de tres-beaux éloges de Sa Majesté, &amp; délicatement touchez. Ce jour-là cette
            Academie se trouva en Corps à la Chapelle du Louvre, &amp; assista à la Messe, pendant
            laquelle on chanta le Pseaume <hi rend="i">Beati omnes qui timent Dominum</hi>, de la
            composition de M<hi rend="sup">r</hi> du Bousset. Elle fut celebrée par M<hi rend="sup"
              >r</hi> l’Abbé Fleury, l’un des quarante de la Compagnie. Ensuite M<hi rend="sup"
              >r</hi> l’Abbé Prévost prononça le Panegyrique du Saint, &amp; soûtint avec beaucoup
            d’avantage la gloire qu’il s’étoit déja acquise en faisant l’Oraison funebre de feu
            Monsieur le Cardinal de Furstemberg, &amp; en prêchant devant le Roy le jour de la Céne.
            Il prit pour son Texte ces paroles de l’Ecriture, <hi rend="i">Dominus dedit illi
              gloriam regni</hi> ; &amp; ayant entrepris de faire voir dans le premier Point de son
            discours, <hi rend="i">que saint Loüis avoit eu toute la gloire de la Royauté devant les
              hommes</hi> ; &amp; dans le second, <hi rend="i">qu’il avoit eu toute cette même
              gloire de la Royauté devant Dieu</hi> ; il dit <hi rend="i">que s’il n’avoit à traiter
              que la premiere Partie, la presence des illustres Auditeurs qu’il avoit devant luy,
              &amp; à qui l’Eloquence étoit comme naturelle, par la connoissance qu’ils avoient de
              toute les délicatesses de la Langue, suffiroit pour luy inspirer des termes dignes
              d’un si grand sujet : mais qu’ayant à parler sur la seconde, il avoit besoin d’un
              puissant secours,</hi> qu’il implora <hi rend="i">par l’intercession de la Vierge que
              l’Ange avoit saluée pour luy annoncer qu’elle devoit être la Mere de Dieu.</hi> Ce
            Panegyrique fut rempli par tout de traits brillans ; &amp; en peignant vivement les
            avantages que la France avoit reçûs par le soin que S. Loüis avoit eu de bannir de son
            Royaume le Blaspheme, l’Usure, le Duel &amp; l’Heresie ; il fut aisé de connoistre qu’il
            faisoit l’éloge du Roy. Il marqua l’obligation que la France avoit à la Reine Blanche de
            Castille, mere de saint Louis, pour l’excellente éducation qu’elle avoit donnée au Roy
            son fils, &amp; il ajoûta <hi rend="i">que si l’Espagne luy avoit fait en elle un
              present inestimable, Loüis le Grand avoit fait paroistre le dernier effort de la
              reconnoissance, en donnant à l’Espagne son Petit-Fils, qui faisoit l’admiration &amp;
              le bonheur de tous ses sujets.</hi> Les applaudissemens que toute l’Assemblée donna à
              M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Prévost, furent des marques du plaisir qu’elle s’étoit
            fait de l’écouter.</p>
          <p>On doit remarquer que la ceremonie qui se fait dans la Chapelle du Louvre, commence de
            bonne heure, afin que ceux qui s’y sont trouvez, tant de M<hi rend="sup">rs</hi> de
            l’Academie Françoise, que des autres personnes qui ont assisté à cette cette ceremonie,
            puissent aller à celle qui se fait ensuite aux Peres de l’Oratoire, en cas qu’ils y
            soient portez par le desir de voir &amp; d’entendre ce qui s’y passe. Les deux Academies
            Royales des Inscriptions &amp; des Sciences, entre lesquelles il y a une union établie
            par le Reglement de Sa Majesté, s’y trouverent &amp; assisterent, selon leur coûtume, à
            la Messe qui y fut celebrée. Elles avoient à leur teste M<hi rend="sup">r</hi> le
            President de Lamoignon, President de l’Academie des Inscriptions, M<hi rend="sup">r</hi>
            l’Abbé Bignon, Vice-President, M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Beaujeu, nommé à
            l’Evêché de Castres, &amp; plusieurs autres personnes de distinction. Pendant la Messe
            la Musique chanta le Pseaume <hi rend="i">Cæli enarrant gloriam Dei</hi>, de la
            composition de M<hi rend="sup">r</hi> du Bousset. Le Panégyrique de Saint Louis fut
            ensuite prononcé par le Pere Massillon, avec cette éloquence solide &amp; pleine
            d’onction, dont le public a déja esté tant de fois charmé. Il prit pour texte :</p>
          <quote>
            <label><hi rend="sc">An nescitis quoniam justi de hôc mundô judicabunt ?</hi></label>
            <label>Ne sçavez-vous pas que les Justes doivent un jour juger le monde ?</label>
            <p><hi rend="i">Si la loy de Dieu,</hi> dit-il, <hi rend="i">toute seule devoit un jour
                juger le monde, les mondains pourroient opposer à leur condamnation les obstacles
                presque insurmontables continuellement attachez à leur état &amp; à leur condition.
                Ils pourroient apporter pour dispense de la pratique des vertus, la distinction de
                leur rang &amp; la dignité de leurs emplois. Mais l’Apostre nous avertit que les
                Justes seront assis à la droite de Jesus Christ pour juger les hommes avec luy ;
                qu’ils seront les défenseurs de la cause de Dieu contre les vaines excuses des
                pecheurs, &amp; que leur exemple condamnera alors le monde, qui n’aura pas voulu les
                imiter.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ce droit cependant de juger &amp; de condamner le monde n’appartiendra
                pas à tous les Justes également ; il ne suffit pas de l’avoir hay pour condamner
                ceux qui l’aiment, il faut l’avoir vaincu avec tout ce qu’il a de grandeurs, de
                richesses, de puissances, de plaisirs, de vanité &amp; de charmes.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ainsi condamnera le monde le Saint Roy que la France autrefois honora
                comme son pere, &amp; qu’elle invoque aujourd’huy comme son protecteur. Il trouva
                dans la pratique des vertus la source des qualitez heroïques qui l’ont rendu le plus
                grand &amp; le plus saint de tous les Rois. Il trouva dans la qualité de Roy un
                excellent motif pour s’animer à la pratique des vertus les plus austeres.</hi></p>
            <p>Il divisa son sermon en deux points, &amp; dit dans le premier.</p>
            <p><hi rend="i">Que Loüis fut un grand Roy devant les hommes, parce qu’il fut un grand
                Saint devant Dieu ;</hi> &amp; dans le second.</p>
            <p><hi rend="i">Que Loüis crût qu’il devoit estre plus Saint que tous les autres devant
                Dieu, parce qu’il estoit plus grand que tous les autres devant les hommes.</hi></p>
            <p><hi rend="i">La Sainteté de Loüis</hi>, poursuivit-il, <hi rend="i">en fit
                un grand Roy ; la Royauté en fit un grand Saint.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le monde</hi>, dit-il dans son premier point, <hi rend="i">toûjours
                injuste estimateur de la vertu, la regarde comme le partage des ames foibles ; Il se
                persuade que la grandeur du Prince est incompatible avec celle du Chrétien, il
                separe toûjours le Heros &amp; le Saint ; il croit que la Religion a attaché à la
                condition de ceux-cy un certain fond de penitence, qui doit toûjours estre
                accompagné ou d’une mediocrité de raison, ou d’une obscurité de naissance, &amp;
                qu’on ne doit enfin chercher la sainteté que dans cet estat pauvre &amp; humiliant,
                qui n’a d’autre gloire à esperer que celle d’estre Saint.</hi></p>
            <p><hi rend="i">C’est pour détruire ces préjugez, &amp; convaincre le monde de son
                erreur, que l’Eglise nous propose aujourd’huy l’exemple de ce grand Roy dont je vais
                parler en présence de deux Compagnies sçavantes, que le devoir &amp; la pieté
                réunissent pour celebrer sa gloire &amp; leur reconnoissance.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Au milieu des soins d’une Regence difficile, la Reine sa mere ne trouva
                point d’affaire plus importante que l’éducation du jeune Roy. Peu contente d’avoir
                assemblé auprés de luy ce qu’il y avoit alors d’hommes sages, capables &amp;
                vertueux, elle voulut par elle-même le rendre utile à la Religion &amp; au monde,
                formant tour à tour le Chrestien par ses exemples, &amp; le Prince par ses leçons :
                Ainsi il porta sur le Thrône toute l’onction de la grace, il y fut tout à Dieu,
                &amp; tout à ses Peuples.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Jettant comme Moïse, un voile sur l’éclat de sa Majesté, pour se
                conformer à la petitesse des sujets qui vouloient l’approcher, il se dépoüilloit de
                toute sa grandeur, &amp; on ne s’appercevoit qu’il fust grand, que lorsqu’il
                accordoit des graces reservées à un grand Roy.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le rétablissement des Loix fut sa premiere occupation. Dans cette
                Capitale de la France étoient assis des hommes corrompus, qui abusoient impunément
                de l’authorité qu’on leur avoit confiée, &amp; auprés de qui l’indigence étoit le
                seul crime dont on ne devoit point esperer de grace. Louis donna à la Jurisprudence
                des Maîtres éclairez, &amp; à la Justice des Magistrats habiles &amp;
              integres.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le rétablissement de la discipline &amp; de la pieté suivit de prés
                celuy des Loix. Des Theologiens nouveaux s’étoient élevez, gens charnels &amp;
                ignorans, qui debitoient des obscuritez que la grossiereté des temps aidoit à
                recevoir, &amp; que la licence rendoit agréables. Louis commença par arrester les
                abus qui se commettoient dans la distribution des places &amp; des emplois, persuadé
                que le déreglement de ceux qui occupent les premiers postes de l’Eglise fut toûjours
                la source de ses maux ; que sous des Pasteurs ignorans ou mondains le troupeau
                s’égare ou se relâche, que les instructions chrétiennes degenerent peu à peu en
                railleries profanes, &amp; que l’Arche sainte ne tarde guére à devenir la risée des
                Philistins lorsqu’elle est à la garde de Levites imprudens ; il fit succeder par
                tout la science &amp; la vertu, à la malice &amp; à l’ignorance. Comme un autre
                Machabée, aprés avoir desolé les ennemis du Dieu vivant, il s’attacha
                à purifier les lieux saints qui devoient servir à son culte :</hi> Ecce contriti
              sunt inimici, ascendamus nunc mundare sancta, &amp; renovare.</p>
            <p><hi rend="i">Pere de justice &amp; de misericorde, qui renouvellez dans nostre siecle
                une pratique si necessaire à la gloire de vostre Eglise &amp; au salut de vos
                Peuples, secondez les soins de l’auguste Monarque que vous nous avez donné ; son
                Histoire déja embellie de tant de faits éclatans, va l’estre encore de mille actions
                pleines de sainteté.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le monde</hi>, poursuivit-il, dans son second Point, <hi rend="i">croit
                communément que la bonté n’est que la derniere vertu des Rois, &amp; que ceux qui la
                possedent à un certain point, sont peu capables de se rendre illustres par des
                endroits plus brillans. Le Saint Roy que je louë fit bien sentir la fausseté de
                cette maxime mondaine, autant de fois qu’il s’agit des interests de son Dieu, ou de
                ceux de sa Couronne.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ce n’est plus alors ce Roy pacifique qui écoute tout, qui souffre tout,
                qui appaise tout. C’est ce Lion de la Tribu de Juda, terrible à ses
                ennemis, lors mesme qu’il ne semble pas songer à se deffendre. Avec quel courage,
                avec quelle prudence &amp; avec quelle fermeté ne détruisit-il pas la puissance
                liguée du Duc de Bretagne, &amp; des Comtes de la Marche &amp; de
              Champagne ?</hi></p>
            <p><hi rend="i">Et vous, ô terre infortunée, qui malgré les efforts de ce pieux &amp;
                magnanime Heros, gemissez encore sous la tirannie du démon, dites-nous avec quelle
                joye vous vous rappellastes à la vûë de ce nouveau Liberateur, vos anciens jours de
                gloire &amp; de splendeur ; vous crûtes voir un autre Josué, un autre Gedeon, un
                autre David à la teste des Tribus, &amp; que c’étoit luy que Dieu envoyoit pour
                rendre à la veritable Religion un Peuple incirconcis ; mais le Seigneur ne vouloit
                qu’éprouver son Serviteur, &amp; non pas signaler sa puissance. Quelles actions de
                valeur ne fit-il pas alors ? à quels perils ne s’exposa-t-il point ? Déja cassé par
                la foiblesse d’un âge avancé, accablé par les fatigues de la guerre, attenué par la
                longueur de ses voyages, affoibli par les malheurs de sa premiere expedition, &amp;
                plus abattu encore par les austeritez d’une vie penitente, il vole une seconde fois
                dans la Palestine pour aller conquerir ce sejour des Saints, mais comme un autre
                Moyse, il meurt avant que d’y entrer ; il s’écrie en parlant à ses enfans :</hi> Je
              meurs dans cette terre étrangere. Le Seigneur refuse sans doute à mes crimes la
              consolation de passer le Jourdain : <hi rend="i">Non transibo Jordanum.</hi> Mais vous
              le passerez, vous possederez cette terre délicieuse. <hi rend="i">Vos transibit, &amp;
                possidebitis terram egregiam.</hi></p>
            <p><hi rend="i">O Dieu, conservez donc à la France une si auguste prosperité ; faites
                descendre sur ses dignes Successeurs ces vertus qui le rendirent si agréable à vos
                yeux, &amp; aux yeux de son Peuple. Donnez leur ce que vous donnastes à saint Louis
                pour en faire un grand Saint &amp; un grand Roy. Recevez favorablement les vœux que
                nous vous adressons en particulier pour le grand &amp; genereux Prince qui nous
                gouverne, &amp; qui porte vers vous toutes ses actions &amp; toutes ses pensées.
                Soyez à jamais beni, ô mon Dieu, de ce que vous voulez bien affermir contre tous ses
                ennemis, la prosperité de son Regne ; continuez à donner une place honorable à sa
                tendre pieté dans le Livre éternel de sa vie &amp; de ses exploits.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Pour vous, mes Freres</hi>, ajoûta-t-il, en s’adressant à son Auditoire,
                <hi rend="i">ne vous deffendez plus de la pieté sous quelque prétexte de grandeur
                que ce soit, aprés l’exemple que je viens de vous proposer ; souvenez-vous qu’il n’y
                a rien de si grand sur la terre que vous ne deviez faire servir à vous sanctifier,
                afin que loin d’être un jour jugez avec le monde, vous le jugiez luy-même avec les
                Saints.</hi></p>
            <p>L’aprés dînée de ce mesme jour l’Academie Françoise s’assembla pour distribuer les
              Prix qu’elle donne tous les deux ans. Celuy d’Eloquence fut remporté par M<hi
                rend="sup">r</hi> l’Abbé Colin ; &amp; celuy de Poësie par M<hi rend="sup">r</hi> de
              la Mothe, qui a remporté cette année le même Prix de Poësie aux Jeux Floraux de
              Toulouse. Ces deux pieces furent lûës, &amp; furent fort applaudies de tous les
              assistans. Aprés cela on lût une Dissertation de M<hi rend="sup">r</hi> d’Hericourt le
              fils, l’un des Academiciens de Soissons, dans laquelle il donnoit à examiner, <hi
                rend="i">si la prosperité est aussi utile pour le salut, que l’adversité</hi>. Ce
              sujet parut fort bien traité. C’étoit un tribut que cette Academie s’est obligée de
              rendre tous les ans à l’Academie Françoise, à cause de l’association qui est entre
              l’une &amp; l’autre Compagnie. Il avoit esté apporté par M<hi rend="sup">r</hi> le
              Picard, l’un des membres de la premiere ; &amp; il fut placé ce jour-là parmi les
              Academiciens.</p>
            <p>Le discours de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Colin fut lû par M<hi rend="sup">r</hi>
              l’Abbé de Choisy, &amp; il parut si beau, que j’ay crû devoir vous en envoyer un
              extrait. Le sujet de ce discours est, <hi rend="i">Que la justice &amp; la verité sont
                les plus fermes appuis du Thrône des Rois</hi>. Il dit d’abord que <hi rend="i">si
                les hommes estoient demeurez dans l’innocence où Dieu les avoit créez, il n’y auroit
                point eu de Rois parmi eux</hi>, &amp; que <hi rend="i">naissant tous égaux, ils
                auroient tous vescu dans l’égalité</hi>. Il fit voir ensuite que <hi rend="i">le
                peché les ayant fait décheoir de cet état, chacun voulut dominer, &amp; se faire le
                maistre des autres</hi>. Il fit aprés une peinture des desordres que ce dérangement
              causoit dans le monde ; ce qui luy donna lieu de faire un portrait du pouvoir &amp; du
              devoir des Rois, &amp; de celuy des sujets. Il dit que <hi rend="i">les Rois furent
                établis pour estre les Arbitres de la foy publique, pour maintenir les foibles
                contre l’oppression des plus forts, pour terminer les differends des particuliers,
                fixer leurs prétentions, &amp; faire rendre à chacun ce qui luy appartient.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Voilà</hi>, continua-t-il, <hi rend="i">l’origine de la Royauté. Mais
                cet établissement, le plus utile qui soit dans le monde, &amp; le chef-d’œuvre de la
                raison, ne pouvoit estre ny legitime, ny durable, si Dieu, unique dispensateur de
                toute autorité, souverain Maistre de la vie &amp; de la mort, ne l’avoit confirmé,
                en communiquant aux Rois sa puissance, &amp; le droit de faire des Loix, de juger
                les hommes, d’imposer des peines aux crimes &amp; de punir ceux qui troublent
                l’ordre de lu societé. Ainsi la Royauté est une participation de la souveraineté de
                Dieu sur les hommes. Il s’en déclare le Protecteur. Il commande * à toute sorte de
                personnes d’estre soûmises aux Puissances superieures. Il avertit que les Rois
                tiennent sa place sur la terre, &amp; que qui leur resiste, resiste à ses
                ordres.</hi></p>
            <p>Il fit voir ensuite que <hi rend="i">suivant ces principes, il y a des devoirs de
                Rois, &amp; des devoirs de sujets : &amp;</hi> que <hi rend="i">ces devoirs estant
                reciproques</hi>, que <hi rend="i">l’estat de sujet renfermoit un engagement de
                soûmission, d’obéïssance, &amp; de fidelité ; &amp; que l’état de Roy renfermoit un
                engagement de protection, d’équité &amp; de droiture dans l’usage du
                gouvernement</hi>. L’Auteur prouve dans la premiere Partie de son discours, <hi
                rend="i">qu’un Roy qui aime la justice &amp; la verité, se fait aimer de ses
                sujets ;</hi> &amp; dans la seconde, <hi rend="i">qu’il se fait redouter de ses
                ennemis.</hi></p>
            <note><p>* Sap. 6. 4. Pet. 1. c. 2. Rom. 13.</p></note>
          </quote>
          <p>Il fit deux peintures admirables dans sa premiere partie. La premiere estoit de ce que
            font les hommes pour pervertir les Rois, en tâchant de les surprendre par toutes les
            choses qui les peuvent flatter. La seconde estoit un portrait d’un Roy parfait ; &amp;
            ce portrait renfermoit tout ce que le Roy a fait de plus remarquable en sa vie : de
            maniere qu’il ne fut pas necessaire qu’il nommast ce Monarque pour le faire reconnoître.
            Ces portraits firent beaucoup de plaisir à toute l’Assemblée, tant ils furent bien
            touchez ; &amp; je dois même ajoûter que la diction ne fut trouvée tres-belle.</p>
          <p>La seconde partie du Discours de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Colin renfermoit deux
            portraits bien opposez, sçavoir, celuy de ces anciens &amp; prétendus Heros, qui
            n’écoutoient que les conseils d’une ambition demesurée, qui leur faisoit sacrifier la
            veritable gloire, &amp; tout ce que la religion, l’humanité &amp; la justice ont de plus
            sacré, au violent &amp; impetueux desir de regner. Le second portrait estoit celuy d’un
            Roy juste ; &amp; il fit voir dans ce portrait, tout ce qui n’avoit pû entrer dans
            l’éloge de Louis le Grand, qu’il venoit de faire admirer dans la premiere partie de son
            Discours. De maniere que ceux qui entendirent la lecture de cette piece furent
            extrêmement surpris d’entendre de si belles choses sur une matiere qui leur avoit paru
            entierement épuisée. Ce Discours finissoit par une Priere pour le Roy, dont la beauté
            répondoit au reste de l’ouvrage.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Colin, connu par son merite &amp; par son érudition, est
            d’une des meilleures familles du Bourbonnois, du costé paternel ; &amp; du costé
            maternel, d’une des plus anciennes noblesses d’Auvergne. Sa mere estoit de la maison de
            Sarrazin-de-Bonnefond.</p>
          <p>Les loüanges du Roy sont devenuës un langage commun à toutes les Nations. Le Livre
            intitulé : <hi rend="i">Seconda Lettera del Signor Michel Agnolo de la Chausse,
              &amp;c.</hi> en est une preuve. M<hi rend="sup">r</hi> de la Chausse, Italien, dans sa
            seconde Réponse aux Remarques du Pere de Grainville, (imprimée à Naples) sur la Colonne
            de l’Apotheose d’Antonin, trouvée à Rome dans le Champ de Mars, a donné au Roy des
            loüanges tres-delicates, en parlant de ce Monarque &amp; du Roy d’Espagne son
            petit-fils. Il les a representez comme deux Heros qui soûtiennent les efforts de tous
            les Princes conjurez contre eux. L’Auteur finit son ouvrage par l’aveu qu’il fait de
            l’impuissance où il est de pouvoir parler dignement de ces deux Princes.</p>
          <p>Le fonds de la dispute de M<hi rend="sup">r</hi> de la Chausse &amp; du Pere de
            Grainville, consiste en ce que le premier prétend que la Colonne Granique, nouvellement
            découverte à Rome dans le Champ de Mars, est celle qu’on voit sur les Medailles
            d’Antonin. Le Pere de Grainville, au contraire, soûtient que celle qu’on voit sur les
            Medailles de cet Empereur, est cette Colonne magnifique qu’on voit encore aujourd’huy
            élevée dans une des places de Rome.</p>
          <p>Le 19<hi rend="sup">e</hi> du mois de Decembre, jour de la naissance du Roy d’Espagne,
            fut celebré l’année derniere à Naples d’une maniere toute nouvelle. La coûtume est d’y
            celebrer le jour de la naissance des Rois par des Festes publiques ; M<hi rend="sup"
              >r</hi> le Duc d’Escalona, qui en est Viceroy, &amp; un des plus sçavans hommes de
            l’Europe, crût qu’il estoit plus à propos de faire ce jour-là une Academie, où il ne
            fust parlé qu’à l’honneur du Prince, que de suivre l’ancien usage, qui est souvent
            l’occasion de beaucoup coup de desordres. Il fit avertir un mois auparavant tous les
            gens de Lettres, afin qu’ils préparassent quelques ouvrages pour ce jour-là. Il souhaita
            que les discours se fissent en plusieurs langues : ainsi on y entendit des harangues en
            Hebreu, en Grec, en Latin, en Espagnol, en Italien, &amp; en François, &amp;c. &amp;
            tous ces discours font la matiere d’un volume, imprimé à Naples chez Felice Mosca. On y
            voit les discours de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Botoni, Messinois, Gouverneur de M<hi
              rend="sup">r</hi> le Marquis de Moya, fils de M<hi rend="sup">r</hi> le Viceroy, &amp;
            de M<hi rend="sup">r</hi> le Regent Biscardi, homme illustre par son employ. Le premier
            parla en douze langues, sçavoir, en Hebreu, en Syriaque, en Grec, en Latin, en Italien,
            en François, en Espagnol, en Portugais, en Allemand, en Flamand, en Polonois, &amp; en
            Anglois. M<hi rend="sup">r</hi> le Regent fit un discours Latin qui fut generalement
            applaudi. M<hi rend="sup">r</hi> Natale Conseiller, fit en Italien l’ouverture de
            l’Assemblée. M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Sicion fit un discours en François. On ne
            prononça que ces quatre discours en Prose ; tout le reste fut en Vers. Ils furent
            recitez par cent personnes ou environ, du nombre desquelles estoient quatre ou cinq
            Dames. Madame la Princesse de Saint-Buono, que son esprit &amp; ses belles manieres
            distinguent encore plus que sa naissance, qui est des plus illustres du Royaume de
            Naples, fit lire un Sonnet Italien, qui fut trouvé tres-beau. M<hi rend="sup"
            >r</hi> Natale qui fit dans cette ocasion la fonction de Secretaire de
            l’Academie, y lût les ouvrages des Dames. L’Assemblée se tint dans une des plus grandes
            Salles du Palais, qui estoit fort ornée &amp; fort éclairée, la Compagnie y fut
            nombreuse. M<hi rend="sup">r</hi> le Viceroy y estoit sous un daiz, &amp; autour de luy
            tous les Officiers Generaux. Plus de cinquante Dames se trouverent à cette action, &amp;
            furent placées dans un lieu separé. La Séance commença à sept heures du soir, &amp; ne
            finit qu’aprés minuit.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-09_49">
          <head>[Edition nouvelle du Livre de Mr Poiret, de l’Education des enfans]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1705 [tome 9], p. 49-50.</bibl>
          <p>Quoique les Lutheriens de Hambourg ayent censuré le Livre de Mr Poiret, <hi rend="i">de
              l’Education des enfans</hi>, comme contenant la doctrine du pur Sabellianisme, ainsi
            que Mr Basnage l’a remarqué dans son Histoire des ouvrages des Sçavans de 1694. page
            189. On en vient de faire une Edition nouvelle à Amsterdam, in 12. qui se vend chez
            Henry Desbordes.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-09_50">
          <head>[Geometrie de Mr Descartes, &amp;c. nouvelle édition]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1705 [tome 9], p. 50-57.</bibl>
          <p>Le S<hi rend="sup">r</hi> Christophle David, demeurant sur le Quay des Augustins, à
            l’Image S. Christophle, vend depuis peu un Volume in 12. intitulé : <hi rend="i">La
              Geometrie de Mr Descarte, divisée en trois Livres.</hi> Le premier traite des
            Problêmes qu’on peut construire, n’y employant que des cercles &amp; des lignes
            droites ; le second, de la nature des lignes courbes ; &amp; le troisiéme, de la
            construction des Problêmes qui sont solides ou plus que solides. Cet ouvrage est une
            nouvelle édition de la Geometrie de Mr Descarte, qui fut imprimée à Leyde en 1637. &amp;
            comme cette premiere édition a esté entierement venduë, on a crû devoir faire cette
            seconde, qui est tres-exacte. Mr Descarte montre d’abord, dans le premier Livre, comment
            le calcul d’Arithmetique se rapporte aux operations de Geometrie. <hi rend="i">Comme
              toute l’Arithmetique</hi>, dit-il, <hi rend="i">n’est composée que de quatre ou cinq
              operations, qui sont l’Addition, la Soustraction, la Multiplication, la Division &amp;
              l’extraction des racines qu’on peut prendre pour une espece de division ; ainsi
              n’a-t’on autre chose à faire en Geometrie touchant les lignes qu’on cherche, pour les
              préparer à estre connuës, que leur en ajoûter d’autres, ou leur en oster.</hi> Pour
            faire voir la nature des Problêmes plans, &amp; comment ils se resolvent, Mr Descarte
            rapporte un exemple tiré de Pappus, qui en a parlé au commencement de son septiéme
            Livre. Cet Auteur, aprés s’être arresté quelque temps à dénombrer tout ce qui avoit esté
            écrit en Geometrie, parle d’une question qu’il dit que ny Euclyde, ny Apollonius n’ont
            pû entierement resoudre. Voicy ses paroles : <hi rend="i">Quem autem dicit</hi> (<hi
              rend="i">Apollonius</hi>) <hi rend="i">in tertio Libro, locum ad tres &amp; quatuor
              lineas ab Euclyde perfectum non esse</hi>, &amp;c. Mr Descarte répond à la question de
            Pappus, en faisant voir qu’on peut toujours trouver les points cherchez par la Geometrie
            simple : on voit dans le Livre, la question &amp; la réponse. On trouve dans le second
            Livre une explication de quatre nouveaux genres d’ovales qui servent à l’Optique ;
            l’Auteur en donne une sçavante explication pour faire connoître que la consideration des
            lignes courbes qu’il propose n’est pas sans usage. Aprés l’avoir suffisamment fait
            comprendre, il remarque qu’en chacune de ces ovales il faut considerer deux parties, qui
            ont diverses proprietez touchant les reflexions &amp; les refractions. On le doit voir
            dans l’ouvrage, à cause des figures qui guident le Lecteur. Mr Descarte donne dans le
            troisiéme Livre, un exemple touchant l’invention de plusieurs moyennes proportionnelles,
            pour en trouver autant qu’on veut, &amp; pour en trouver dont la démonstration soit plus
            évidente que par le moyen des lignes courbes, qui se décrivent par l’Instrument XYZ.
            Pour bien comprendre la question, il faut voir la figure qui est tracée en cet endroit.
            On trouve aussi dans ce même Livre une sçavante &amp; curieuse Dissertation sur les
            équations ; on y voit leur nature, leurs racines, combien il y en a en chaque équation,
            combien il y en peut avoir de fausses, &amp; comment à l’aide de ces racines on peut
            diminuer le nombre des dimensions d’une équation. L’Auteur finit son ouvrage, en faisant
            remarquer au Lecteur, qu’ayant réduit à une même construction tous les Problêmes d’un
            même genre, il a donné le moyen de les reduire à une infinité d’autres diverses, &amp;
            ainsi de resoudre chacun d’eux en une infinité de façons. Il dit enfin que la posterité
            luy sçaura gré, non-seulement des choses qu’il a expliquées ; mais aussi de celles qu’il
            a omises volontairement, afin de luy laisser le plaisir de les inventer.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-09_130">
          <head>[Articles d’Erudition]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1705 [tome 9], p. 130-148.</bibl>
          <p>Vous me demandez quelques articles d’érudition, &amp; je vous en envoye.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de l’Etanche, de la Reforme de Prémontré, dont il a esté
            Vicaire General, a donné au public cette année, une Histoire de l’ancien Testament,
            imprimée à Nancy, où il propose un Systéme particulier sur la lumiere de la Lune. Les
            Auteurs du Journal des Sçavans en ont fait un Extrait ; &amp; M<hi rend="sup">r</hi>
            l’Abbé de l’Etanche a répondu à cet Extrait, dans une Lettre qu’il a écrit à un Abbé de
            ses amis, connu par son érudition &amp; par le goût qu’il a pour les sciences.</p>
          <quote>
            <label>Lettre de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de **** à M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé
              ***</label>
            <p><hi rend="i">Vous souhaittez, Monsieur, de sçavoir sur quoy l’Auteur de
                l’Histoire de l’ancien Testament, imprimée à Nancy, &amp; dont on a vû un Extrait
                dans le Journal de Paris, a pû appuyer le Systéme qu’il a avancé touchant la Lune, à
                laquelle il attribuë une lumiere propre &amp; fonciere, distincte de celle qu’elle
                emprunte du Soleil.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Je puis d’abord vous dire, Mr que cette hypothese n’est point l’ouvrage
                de l’Auteur, ni une production dont il doive se faire honneur ou rougir. Saint
                Augustin a adopté ce sentiment qui vous paroist si singulier, &amp; qui a revolté
                les Journalistes de Paris. Nous lisons en effet dans le livre</hi> 22. <hi rend="i"
                >Chapitre</hi> 10. <hi rend="i">contre Fauste, que ce grand Docteur reconnoist deux
                manieres d’expliquer d’où vient la lumiere du Soleil &amp; de la Lune ; &amp; ces
                deux manieres favorisent également l’opinion de l’Auteur de l’Histoire de l’Ancien
                Testament. La premiere est de dire que Dieu créa ces deux Astres avec lumiere ;
                &amp; la seconde, qu’il alluma ces deux vastes Corps avec la lumiere qu’il produisit
                au premier jour de la création. Quelque parti qu’on prenne dans cette distinctive ;
                vous comprenez, Mr, que la lumiere de la Lune ne luy sera pas venuë du
              Soleil.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il est vray que du temps de S. Augustin, les Astrologues étoient
                partagez sur la lumiere de la Lune. Les uns en faisoient une proprieté de la nature
                de cet Astre ; les autres, un rejaillissement de la lumiere du Soleil. Ces deux
                sentimens qui avoient cours dans le siecle de S. Augustin, n’avoient aucun avantage
                l’un sur l’autre ; &amp; ce saint Pere avoüe qu’aprés tous les efforts de
                l’Astronomie, on ne peut que tres-difficilement décider lequel des deux est le
                veritable :</hi> Harum autem quæ vera sit, aut non omnino, aut difficillimè arbitror
              posse hominem scire. In Psalm. 10. 21. <hi rend="i">Vous trouverez dans cet endroit
                même des raisons capables de satisfaire aux experiences qui vous déterminent à
                forcer le sens naturel de l’Ecriture. Car en supposant avec ce saint Docteur que la
                lumiere est intrinséque à la Lune, &amp; que son corps n’est lumineux qu’à moitié,
                il raisonne de ses phases differentes de même que des aspects differents d’une
                boule, dont une moitié seroit brillante, &amp; l’autre moitié obscure. Si vous
                regardez cette boule, elle paroistra lumineuse par quartiers, &amp; enfin pleinement
                lumineuse. Il en est ainsi des quartiers &amp; du plein de la Lune ; &amp; il n’est
                pas besoin de recourir aux rayons du Soleil, si ce n’est pour expliquer les
                accroissemens de lumiere qu’elle en reçoit, &amp; qu’elle perd au temps de ces
                éclipses, sans que pour cela elle perde sa lumiere intrinséque, comme on peut s’en
                assurer par l’éclat de sa face, dans le moment même de ses éclypses.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Voilà comment raisonnoit S. Augustin, &amp; que la pluspart des
                Astrologues ont raisonné dans son siecle, qui n’étoit assurément pas moins éclairé
                que le nostre. Pourquoy donc, Mr, n’auroit-il pas esté permis à Mr l’Abbé de
                l’Etanche de dire serieusement, &amp; sur la parole du plus sçavant des Peres, que
                la Lune avoit la lumiere de son fond ? Ce sentiment ancien a perdu, il est vray, son
                credit chez les Astrologues de nos jours ; mais peut-estre qu’il viendra un temps où
                il prendra le dessus. Cela ne seroit pas plus merveilleux que ce que le seiziéme
                siecle a vû à l’égard de l’opinion d’Aristarque touchant la mobilité de la terre. Le
                sentiment de cet ancien Philosophe, qui fleurissoit sous le Regne de Philometor,
                c’est à dire</hi> 145. <hi rend="i">ans avant Jesus-Christ, estoit entierement
                décrié ; les experiences de l’Astronomie &amp; le torrent des Philosophes luy
                avoient osté le vray-semblable ; cependant Mr Copernic &amp; Galilée l’ont fait
                revivre, &amp; il est aujourd’huy l’Idole de nos Astronomes. Les demonstrations de
                dix-sept siecles n’ont point prévalu sur les raisons de Copernic ; peut-estre que le
                mesme sort arrivera à l’hypothese que l’Abbé de l’Etanche a embrassée.</hi></p>
            <p><hi rend="i">La bizarerie de l’Astrologie est sujette à de pareilles
                revolutions ; c’est pourquoi, Mr, je ne croy pas qu’on doive faire dépendre
                l’explication de la parole de Dieu, des experiences incertaines d’une étude si
                capricieuse. Aussi l’Auteur n’y a-t-il eu aucun égard dans le Systéme qu’il a
                suivi ; ce qui l’y a engagé est plus décisif : le voicy.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il est des regles de l’interpretation de l’Ecriture, d’entendre un mesme
                mot d’un mesme verset, dans un sens univoque, pour ne pas exposer l’Ecriture sainte
                aux explications captieuses des Sociniens. Or</hi>, luminare, <hi rend="i">selon
                vous, marque à l’égard du Soleil, un Astre lumineux de sa nature ; pourquoy ne le
                marqueroit-il pas de mesme à l’égard de la Lune ? ou s’il ne le marque pas, qui peut
                empescher un Socinien de donner un sens équivoque au</hi> Filius Dei, <hi rend="i"
                >du Chapitre</hi> 16. <hi rend="i">de S. Matthieu, &amp; de dire que ce terme
                pouvant estre pris pour la filiation naturelle ou pour l’adoptive, il est autant en
                droit de l’entendre d’une filiation d’adoption, que vous d’expliquer le luminaire de
                la Lune par une lumiere empruntée ? Le privilege doit estre commun.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On objecte que les Ecrivains sacrez, en traittant des choses Physiques,
                ont parlé comme le commun des hommes. En vous passant la supposition, il en
                reviendra cet avantage à l’Abbé de l’Etanche, que l’opinion qu’il tient aujourd’huy,
                estoit communement reçue du temps de Moyse ; elle est passée de Moyse à
                Jesus-Christ, puisque nous lisons dans S. Matthieu, qu’entre tous les Phénomenes qui
                précederont le Jugement dernier, l’obscurcissement de la Lune en sera un : la Lune
                ne donnera plus alors sa lumiere, dit Jesus-Christ.</hi> Luna non dabit lumen suum,
              c. 24. v. 29. <hi rend="i">Ce prénom</hi>, suum, <hi rend="i">est possessif, &amp; il
                signifie une chose propre &amp; appartenante au sujet sur qui il tombe : par
                consequent il est vray qu’au temps de Jesus-Christ l’on croyoit que la Lune avoit la
                lumiere de son fond.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Voilà donc, Mr, l’hypothese de l’Abbé de l’Etanche munie d’une Tradition
                bien averée, &amp; infiniment respectable. Le détour que l’on donne pour éluder le
                poids de cette Tradition ne paroist point fort Catholique ; &amp; je ne pense pas
                qu’avant Copernic on se soit avisé d’écarter le sens naturel des termes de
                l’Ecriture sainte, en recourant à l’opinion vulgaire, à laquelle les Ecrivains
                sacrez ont dû s’assujettir. Ce principe a des consequences dangereuses ; il
                affoiblit le respect que nous devons à ce Livre divin : son infaillibilité est
                exposée aux insultes des libertins ; ils se diront à eux-mesmes, que la
                condescendance en fait d’Histoire &amp; de Morale, a dû donc presider à la
                composition de cet ouvrage, aussi-bien que dans les matieres de Physique. Ils diront
                que Jesus-Christ a imposé aux hommes, en leur enseignant des erreurs, &amp; que la
                politique luy a fait préferer une fausseté autorisée &amp; cherie, à une verité
                cachée qui auroit irrité ses Auditeurs par son dévelopement. Ce sont là
                des extrêmitez qui naissent de la maxime que l’on se permet aujourd’huy. Pour moy,
                Mr, qui ne suis pas Astrologue, mais qui fais profession d’estre Catholique, je
                crains jusques aux apparences d’une liberté si perilleuse ; &amp; j’aime mieux me
                tromper, de peur d’estre trompé, sans hazarder la Foy, que de risquer la Foy en
                m’éloignant de l’Ecriture. Je suis, Monsieur, avec un profond dévouëment,
                &amp;c.</hi></p>
          </quote>
          <p>Le Pere de la Maugeraye, Jesuite, a encore donné une nouvelle Dissertation sur la
            percussion des Liqueurs. C’est un ouvrage de Physique, qui peut passer pour un
            chef-d’œuvre en son genre.</p>
          <p>George Cheyne, Docteur en Medecine à Londres, a donné au Public un Livre intitulé : <hi
              rend="i">Principes Philosophiques de la Religion naturelle, &amp;c.</hi> Le but de
            l’Auteur est de ramener la Physique à son veritable usage, en tirant de la meditation de
            la nature, une demonstration sensible de l’existence de Dieu Auteur de la nature.
            Mr Cheyne parcourt ce que la Physique renferme de plus inexplicable ; &amp; aprés avoir
            appliqué à ces difficultez les differens sistêmes qui ont cours, il fait clairement
            concevoir leur insuffisance pour rendre raison des merveilles qui frappent nos yeux. Le
            flux, par exemple, &amp; le reflux de la mer, la nature des corps fluides, les couleurs,
            la lumiere, la circulation du sang, le jeu de chaque partie du corps humain, le concert
            enfin de toutes ensemble épuiseront toujours les efforts de l’esprit humain, avant qu’on
            aye découvert leurs veritables causes : <hi rend="i">S’il faut tant d’esprit pour les
              démesler, quelle sagesse</hi>, s’écrie nostre Auteur, <hi rend="i">a-t-il fallu pour
              les inventer ? Il n’y a point de Plante dont la formation ne soit un ouvrage, en son
              genre, plus admirable que l’Eneide, &amp;c.</hi> Voilà une idée des raisonnemens de
            l’Auteur Anglois.</p>
          <p>On a imprimé en Angleterre les œuvres de M<hi rend="sup">r</hi> de Saint-Evremont, en
            deux volumes in quarto, beaucoup augmentées &amp; plus correctes, que celles de cet
            Auteur qui ont paru jusques à present.</p>
          <p>On vient de traduire en François un livre Anglois, fait par M<hi rend="sup"
            >r</hi> Scherlock, qui a pour titre ; <hi rend="i">Discours touchant la fidelité des
              gens de bien, &amp; la punition des méchans dans l’autre monde</hi> ; dans lequel
            l’Auteur tâche principalement de prouver l’immortalité de l’ame, &amp; la vie éternelle
            contre les incredules. Cette édition a esté faite par le S<hi rend="sup"
            >r</hi> Desbordes.</p>
          <p>Le S<hi rend="sup">r</hi> Roger d’Amsterdam a aussi mis tout nouvellement sous la
            Presse <hi rend="i">l’Histoire du Martyre de la Legion Thébenne, avec une Dissertation
              historique &amp; critique sur le martyre de cette Legion.</hi></p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-09_181">
          <head>[Article curieux, contenant tout le détail de l’incendie arrivé auprès de l’Église
            nommée le petit S. Antoine]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1705 [tome 9], p. 181-196.</bibl>
          <p>Le Roy, au milieu des grands soins qui l’occupent ordinairement, &amp; sur tout dans la
            conjoncture des affaires presentes, qui l’oblige à soutenir les efforts de la plus
            grande partie de l’Europe liguée contre luy, ne néglige aucune occasion de contribuer au
            bonheur, &amp; au soulagement de son peuple. Sa bonté s’estend par tout &amp; à tous ;
            &amp; sans sa sage prévoyance, qui a fait distribuer vingt Pompes dans Paris, au moyen
            de la Lotterie, dont je vmous entretins le mois de May dernier, le funeste accident dont
            je vais vous faire le triste recit, auroit esté beaucoup plus terrible &amp; plus
            general.</p>
          <p>Le Vendredy 11<hi rend="sup">e</hi> de ce mois, entre 7. &amp; 8. heures du matin, le
            nommé la Briere, Marchand Quincaillier &amp; Artificiaire, qui demeuroit ruë S. Antoine,
            attenant l’Eglise des Peres de ce nom, &amp; qui occupoit derriere leur Chœur une Maison
            qui leur appartenoit, fumant dans son Grenier, pour chasser une mauvaise senteur, qui
            s’estoit répanduë dans sa maison, laissa tomber sur le plancher, le charbon qui luy
            avoit servi à allumer sa pipe ; il porta d’abord le pied dessus pour l’éteindre : mais
            une legere étincelle ayant volé sur des amorces, elles prirent à l’instant feu, &amp; il
            fut impossible à la Briere &amp; à son fils, qui estoit avec luy, d’en arrester le
            progrés. Les Voisins s’apperçurent aussi-tost du peril qu’ils couroient ; ils en
            donnerent avis à la femme de la Briere &amp; à sa fille, qui estoient en bas, &amp; qui
            se sauverent sans perdre de temps : dans ce moment, ce malheureux pere &amp; son fils
            furent enlevez par la violence de plusieurs livres de poudre, qui prirent toutes à la
            fois, &amp; portez de l’autre costé de la ruë, quoy que fort large en cet endroit. Le
            bruit que fit cette poudre fut terrible, &amp; fut entendu de toutes les extremitez de
            Paris ; le Grenier en sautant en l’air, mit le feu au plancher de dessous ; la maison la
            plus voisine s’entrouvrit, &amp; tout le derriere du Chœur du petit S. Antoine fut jetté
            dans toute l’Eglise, jusques au haut des Orgues qui furent fracassées : tous les
            Tableaux, les Boisures, &amp; une partie du Tabernacle furent renversez &amp; mis en
            pieces. Le Pere Gautier, qui celebroit la Messe au Maistre-Autel, fut renversé par terre
            tout couvert de pierres &amp; de sang, de deux blessures qu’il reçut à la teste, dans le
            moment qu’il alloit consacrer, &amp; se traîna avec beaucoup de peine sur les genoux
            jusques à la Sacristie ; plus de trente-cinq personnes furent pareillement blessées,
            &amp; dans l’Eglise, &amp; dehors l’Eglise, par la chûte des pierres, &amp; les solives
            &amp; les fenestres brisées qui tomboient. Les fusées &amp; autres artifices dont cette
            maison estoit remplie, voloient de tous costez, &amp; plusieurs Artisans qui estoient
            dans differentes boutiques, en furent atteints ; les maisons qui vont jusques à l’Hostel
            de Beauvais, &amp; celles même qui sont plus éloignées, ont eu presque toutes leurs
            vitres cassées ; &amp; les plus proches n’ont conservé ni vitres, ni fenestres, ni
            glaces, ni porcelaines. Le Saint Ciboire du grand Autel fut sauvé par un petit garçon de
            douze ans ; &amp; une Servante, au travers des flammes, apporta celuy de la Chapelle de
            la Vierge. La force du feu transporta l’infortuné la Briere, au travers de sa fenestre,
            jusque contre l’ancien Hostel du Connétable de Guesclin où il tomba, &amp; il mourut
            incontinent aprés, sans jugement ni connoissance ; son fils qui fut jetté dans le
            ruisseau, ne luy survêcut que de quelques momens ; &amp; deux autres de ses enfans,
            ensevelis sous les ruines, en furent retirez blessez, brûlez à moitié &amp; presque
            agonisans. Les choses estoient dans ce pitoyable état, lors qu’on vit arriver M<hi
              rend="sup">r</hi> d’Argenson, M<hi rend="sup">r</hi> le Prévost des Marchands,
            accompagné de M<hi rend="sup">rs</hi> les Echevins, M<hi rend="sup">rs</hi> les
            Procureurs du Roy &amp; de la Ville, &amp; plusieurs Commissaires de differens
            quartiers. Ils fremirent tous, &amp; demeurerent immobiles pendant quelques momens, à la
            vûë de cet affreux desastre ; mais le zele &amp; la charité prenant aussi-tost le
            dessus, chacun s’occupa au soulagement de ce grand nombre de blessez : les uns allerent
            chercher avec empressement des Chirurgiens ; d’autres panserent eux-mêmes les playes les
            moins dangereuses ; &amp; d’autres retirerent dans leurs maisons des personnes
            mourantes ; &amp; plusieurs firent porter, &amp; porterent eux-mesmes sur leur bras, les
            malheureux dont les jambes venoient d’estre cassées. Le feu, cependant, ayant pris aux
            Tableaux &amp; à toute la boisure de l’Eglise, donna lieu de craindre un
            embrasement total de cet Edifice ; la maison voisine &amp; entr’ouverte, dont j’ay
            parlé, brûloit aussi ; &amp; le feu estoit pareillement à la premiere chambre, &amp; à
            la boutique de celle dont partie avoit sauté : de sorte que ces trois incendies n’en
            composoient qu’un, qui menaçoit tout le quartier. La boutique brûlante &amp; pleine de
            mille choses combustibles, avoit un Caveau à costé, &amp; presque sous le Maistre-Autel,
            où peu de jours auparavant la Briere avoit mis plusieurs barils de poudre ; &amp; si
            cette poudre eust pris, S. Antoine &amp; trente autres maisons auroient également sauté.
            Mais M<hi rend="sup">r</hi> d’Argenson, toujours infatigable, &amp; M<hi rend="sup"
              >r</hi> le Prévost des Marchands donnerent sur le champ de bons ordres, qui furent
            executez avec autant d’ardeur que de diligence. On ordonna à tous les voisins de tirer
            de l’eau, &amp; l’on fit faire dans la ruë S. Antoine un bâtard-d’eau ; l’on fit venir
            les seaux de la Ville, l’on manda le S<hi rend="sup">r</hi> du Perier, &amp; l’on fit
            apporter deux de ses Pompes nouvellement distribuées dans les differens quartiers de
            Paris. Dés qu’elles furent arrivées, on en porta une dans l’Eglise, qui arresta tout à
            coup le feu déja monté &amp; attaché au plus haut lambris de la voûte ; &amp; du milieu
            de la ruë on jetta avec l’autre de l’eau en abondance jusques au quatriéme étage de la
            maison qui brûloit, &amp; en moins d’un quart d’heure &amp; demi de travail, elle parut
            hors de danger. M<hi rend="sup">r</hi> d’Argenson, qui se portoit dans tous les endroits
            les plus perilleux, ordonna alors au S<hi rend="sup">r</hi> du Perier, de diriger l’eau
            de ses deux Pompes sur la boutique &amp; dans le Caveau où la poudre estoit, &amp; comme
            l’on avoit déja consommé beaucoup d’eau, &amp; que la pluspart des puits estoient taris,
            on dépava quelques endroits de la ruë, pour couper le tuyau de plomb, qui porte l’eau à
            la Fontaine qui est devant les Jesuites. Cette précaution fut sage, &amp; produisit un
            effet merveilleux ; car une demie-heure aprés, le feu de la boutique, surmonté par la
            grande quantité d’eau qu’on y avoit dardée avec les deux Pompes &amp; de fort loin, pour
            n’estre pas exposez au risque d’estre enlevez par le feu, donna moyen à des Ouvriers,
            plus intrepides que les autres, d’aller retirer les barils de poudre, qui causoient une
            tres-grande &amp; tres-juste apprehension. A dix heures &amp; demie tout le feu estoit
            éteint. Jamais accident aussi terrible n’a eu de secours si promt, ni si
            bien concerté entre tous les Magistrats, Commissaires, &amp; autres Officiers qui se
            trouvent ordinairement en de pareilles occasions. La foule du peuple, accouruë de tous
            costez, voyant que tout estoit fini, ne s’occupa plus qu’à remercier Dieu, &amp; à
            donner au Roy mille &amp; mille benedictions, de la bonté qu’il a eu, d’accorder à sa
            Ville de Paris la Lotterie des Pompes, qui ont déja servi à sauver le Palais des
            Thuilleries &amp; plusieurs autres maisons qui auroient peri par le feu.</p>
          <p>Sur les onze heures, le S<hi rend="sup">r</hi> du Perier alla en poste à Marly, pour
            rendre compte au Roy de ce qui venoit de se passer. Il y arriva lorsque Sa Majesté
            sortoit de disner ; Elle écouta avec compassion tout le détail de ce grand malheur,
            &amp; luy ordonna de luy faire incessamment des Pompes pour Versailles, Marly &amp;
            Fontainebleau, &amp; pour ses autres Maisons Royales. Depuis un mois Monseigneur le
            Dauphin en a fait mettre deux à Meudon. La Ville de Lion en demande, &amp; plusieurs
            autres tâcheront, sans doute, d’obtenir comme Paris, la permission de faire des
            Lotteries, afin de parvenir à un établissement si necessaire, sans qu’il en coûte rien à
            personne.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-09_203">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1705 [tome 9], p. 203-205.</bibl>
          <p>Je ne doute point qu’en lisant les Vers suivans, vous ne deviniez qu’ils sont de M<hi
              rend="sup">r</hi> de Maiz, de la Fléche ; puisqu’il s’est fait un devoir de m’envoyer
            tous les mois un Air sur le mesme sujet.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Ocean de bonté, source en graces feconde,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Dont sans cesse sur nous découlent mille biens ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">La France vous invoque, &amp; joint ses vœux aux miens,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pour son Roy, le plus grand qui fut jamais au monde.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que nos justes desirs, grand Dieu, soient écoutez !</hi></l>
              <l><hi rend="i">Conservez en LOUIS vostre plus vive Image ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et laissez-nous long-temps un gage,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui nous répond luy seul de toutes vos bontez.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-09_308">
          <head>[Article curieux, qui fait connoistre que les Alliez ont faussement publié que la
            bataille de Cassano a esté gagnée par Mr le Prince Eugene]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1705 [tome 9], p. 308-336.</bibl>
          <quote>
            <label>A Chivas le 6. Juin 1705.</label>
            <p>La France &amp; l’Espagne sont fort obligées à Monsieur le Prince Eugene, d’avoir
              fait faire presque dans toute l’Europe, des réjoüissances, &amp; chanter des <hi
                rend="i">Te Deum</hi>, en actions de graces pour le succés d’une Bataille, où les
              armes des deux Couronnes sont demeurées triomphantes, &amp; ont remporté une Victoire
              si pleine, qu’il n’est pas permis aux plus incredules d’en douter. Il ne faut pas s’en
              étonner ; puisque le caractere du Prince Eugene a toujours esté tel qu’il a paru en
              cette occasion, &amp; qu’il n’a jamais voulu demeurer d’accord du moindre desavantage.
              La Bataille de Luzzara fut une preuve éclatante de son obstination naturelle à ne
              s’avoüer jamais vaincu. Il avoit perdu cette Bataille ; les Armées des deux Couronnes
              triomphoient sur le Champ où elle avoit esté donnée, &amp; estoient sur le point
              d’emporter Luzzara, qui devoit estre le fruit de leur Victoire, &amp; qui devoit en
              servir de preuve à toute l’Europe, comme elle fit peu de temps aprés : &amp; cependant
              ce Prince, toujours rempli de sa Victoire imaginaire, ne laissa pas d’en envoyer des
              Relations par tout, même aprés la prise de Luzzara. Ce qu’il vient de faire à l’égard
              de la Bataille de Cassano, n’a pas esté seulement un effet du caractere qui luy est
              ordinaire ; mais aussi de la politique des Alliez ; &amp; il n’y avoit point de doute,
              qu’il n’eust ordre de crier toujours victoire, quoy qu’il pust arriver : la
              conjoncture des affaires presentes des Alliez demandant qu’il parlast de la sorte. On
              vouloit que les Mécontens de Hongrie apprissent des Victoires imaginaires, afin de les
              engager à faire quelques pas pour la Paix ; &amp; il auroit esté difficile de le leur
              faire croire, même pour un temps, si on ne faisoit à Vienne d’éclatantes
              réjoüissances, &amp; si on n’en rendoit des graces au Ciel. Il importoit encore à
              l’Empereur, pour d’autres raisons, que les choses se passassent ainsi ; tous ses pays
              hereditaires sont remplis de Mécontens nouveaux par la suppression de plus de 2000
              Charges de Justice, Police &amp; Finances, qui des premieres personnes de ces Etats,
              font autant de miserables. Il y en a encore beaucoup d’autres dans les mêmes Etats ;
              les exactions coup sur coup réiterées ont esté si grandes, qu’on peut dire que les
              Sujets du nouvel Empereur sont aujourd’huy les plus mal-heureux peuples de
              l’Europe.</p>
            <p>Ceux de Hollande ne le sont guére moins aujourd’huy ; &amp; il n’est pas moins besoin
              de les retenir par des Victoires imaginaires ; leurs charges sont si pesantes, qu’on
              en voit tous les jours abandonner leurs terres, plûtost que de payer les taxes dont
              elles sont chargées : Et ce qu’il y a de surprenant, &amp; que l’on ne sçauroit nier,
              le fait estant visible &amp; constant, est que depuis quelque temps, des Provinces
              entieres ne fournissent plus aux frais de la guerre, à quoy les autres Provinces ont
              esté obligées de suppléer en leur place. Enfin personne n’ignore les desordres recents
              arrivez à Nimegue ; cette Ville ayant voulu s’ériger en Republique particuliere, pour
              secouer le joug du Gouvernement present, &amp; pour s’exempter de payer les charges
              exorbitantes de l’Etat. Il est constant que la Republique de Hollande ne s’est jamais
              trouvée dans l’état malheureux où elle se voit aujourd’huy ; &amp; il faut que le mal
              soit bien réel &amp; bien sensible, puisqu’elle ne peut s’empêcher de l’avoüer. Ce
              n’est pas qu’il ne se trouve encore quelques particuliers, que les frais de la guerre
              n’ont pas épuisez ; mais l’Etat est si oberé, qu’il ne soûtiendroit pas plus
              long-temps la guerre, si ceux qui s’enrichissent ordinairement dans les troubles &amp;
              dans les desordres, ne mettoient tout en usage pour la faire durer. Et comme les
              peuples la souffrent impatiemment, n’ayant presque plus de quoy fournir aux frais, ils
              tâchent de les amuser par des avantages imaginaires, en leur faisant esperer qu’ils
              viendront bien-tost à bout de leurs projets, &amp; qu’en donnant la Loy aux deux
              Couronnes, ils les contraindront de leur accorder toutes leurs demandes.</p>
            <p>Si l’Empereur &amp; ceux qui gouvernent en Hollande ont besoin de se servir de toutes
              sortes de stratagemes pour empescher que les peuples qui n’aspirent qu’aprés la Paix,
              ne se soûlevent, ceux qui ont le maniement des affaires en Angleterre ne doivent pas
              paroistre moins embarassez ; quoique ces peuples paroissent plus dociles
              contre leur ordinaire, parce que l’on prend encore plus de précautions pour les
              ébloüir &amp; pour les tromper. Mais comme cette guerre leur coûte infiniment, &amp;
              qu’en la continuant, ceux qui l’entretiennent si opiniâtrement, n’ont pas le moindre
              but qui soit à leur avantage ou à leur gloire, &amp; que cette guerre ne se fait que
              pour maintenir l’usurpation, &amp; pour enrichir ceux qui ont le maniement des
              affaires ; il est à craindre que plus ces peuples auront souffert patiemment, plus
              leur chagrin n’éclate contre ceux qui seront cause, que pour leurs propres interests
              la nation se trouvera dans peu épuisée d’hommes, d’argent, de matelots &amp; de
              vaisseaux. Les Anglois ont soûtenu presque seuls la guerre de Portugal, &amp; celle de
              Piémont : &amp; comme il n’y a pas d’apparence qu’ils en puissent sortir à leur
              avantage, ni que l’Archiduc avance beaucoup ses affaires ; ce leur doit estre une
              grande mortification de voir manquer toutes leurs entreprises, aprés avoir fait une
              dépense dont ils ne se remettront de plusieurs siecles. Les choses estant ainsi, &amp;
              le peuple estant à tout moment sur le point d’ouvrir les yeux sur son malheur, sur ses
              tresors enlevez, &amp; sur les fausses &amp; malheureuses démarches de ceux qui les
              gouvernent ; on ne doit pas estre surpris, s’ils n’oublient rien de tout ce qui peut
              servir à les entretenir dans leur ignorance : &amp; c’est là le veritable sujet de
              tant de réjoüissances &amp; de tant de <hi rend="i">Te Deum</hi> chantez pour des
              avantages, ausquels on ne trouveroit pas seulement de vraisemblance, si on les
              examinoit bien.</p>
            <p>Pendant que l’on s’abandonnoit à la joye dans les Etats, où l’on croyoit devoir
              déguiser les mauvais évenemens (si l’on en pouvoit entierement cacher la verité) &amp;
              où l’on auroit trompé Dieu même, s’il estoit possible, comme on sembloit le vouloir
              essayer par des actions de graces publiques ; pendant, dis-je, que le peuple de tous
              ces Etats differens étoit occupé à prendre les fausses impressions qu’on
              vouloit luy donner, il s’attendoit d’apprendre, à tous momens, des nouvelles qui luy
              feroient sçavoir que le Prince Eugene avoit passé l’Adda, puisque c’estoit la seule
              preuve de sa victoire que ce Prince pust donner, &amp; le fruit qu’il pouvoit tirer de
              la perte de deux Princes, des principaux Generaux de l’Empereur, qui avoient servi en
              Chef, &amp; des meilleurs Commandans des Troupes auxiliaires, dont on ne pouvoit
              cacher la mort, ni même essayer de le faire, comme on avoit voulu cacher celle de cinq
              ou six mille hommes morts dans le Combat, au de-là de la perte que l’on avoüoit. Mais
              ces peuples furent bien surpris, &amp; virent bien-tost changer leur allegresse en
              chagrin, lorsqu’ils apprirent que le Prince Eugene <hi rend="i">crioit au
              secours</hi>, dans les mêmes Lettres <hi rend="i">où il chantoit Victoire</hi>, &amp;
              qu’il ne demandoit pas seulement des Troupes pour remplacer celles qui avoient peri
              dans le Combat, ses Blessez, &amp; ses Deserteurs ; mais il demandoit une Armée
              nouvelle, avec les plus fortes instances, &amp; le plutost qu’il seroit possible. Ce
              qui se fait pour cela dans tous les Etats des Alliez est manifeste, &amp; ne se peut
              cacher ; tout y est en mouvement, &amp; tous les Souverains de ces Etats doivent
              envoyer en Italie des secours tirez de leurs propres Troupes, ou achetez des Princes
              qui en font trafic. On connoist par-là que jamais Combat n’a tant coûté aux Alliez que
              celuy de Cassano ; puisqu’on est obligé d’envoyer autant de monde &amp; d’argent au
              Prince Eugene, que s’il n’en avoit jamais eu ; que les pertes qu’il a faites ne luy
              ont esté d’aucune utilité ; que le sang de tant de Braves est perdu, &amp; qu’il n’a
              point passé l’Adda. Ce qui laisse Monsieur le Duc de Savoye aussi inquiet &amp; aussi
              embarrassé, &amp; même davantage qu’il ne l’estoit avant le Combat ; quoique pour
              tromper ses peuples, il ait fais chanter le <hi rend="i">Te Deum</hi>, comme les
              autres, pour une Victoire imaginaire qui recule ses affaires, loin de les avancer ;
              puisque le Prince Eugene s’est trouvé beaucoup moins en état de passer l’Adda aprés la
              Bataille de Cassano, qu’il ne l’estoit auparavant.</p>
            <p>Aprés avoir parlé de ce qui regarde les Alliez touchant l’ostentation d’une prétenduë
              victoire ; victoire qui produit des faits nouveaux, puisqu’elle empesche le Vainqueur,
              non-seulement de tirer des fruits de sa victoire, mais mesme qu’elle l’en éloigne
              beaucoup, en l’empeschant de marcher au secours d’un Prince dont l’entiere perte est
              certaine, s’il n’avance pas. Aprés, dis-je, vous avoir parlé de tout ce que les
              ennemis ont fait pour obliger toute l’Europe à croire qu’ils avoient remporté une
              pleine victoire en Italie, &amp; les motifs qu’ils ont eus de parler de la sorte ; je
              dois vous dire que nous n’avons point de raisons, comme eux, qui nous engagent à
              cacher la verité Le Roy n’est point auteur de la guerre presente ; la jalousie &amp;
              les autres motifs des Alliez, tant de fois repetez, sont cause qu’on la luy a
              déclarée ; il soûtient un Monarque, à qui la Couronne d’Espagne appartient si
              legitimement, que toutes les Puissances même de l’Europe qui luy font aujourd’huy la
              guerre, l’ont reconnu, à l’exception d’un ou deux petits Etats, &amp; de ceux qui
              prétendent à sa Courone. Ainsi nôtre Auguste Souverain ne
              combatant que pour une bonne cause, &amp; pour se défendre, n’est point
              obligé de déguiser à ses Peuples la verité des évenemens, lorsqu’ils ne sont pas
              heureux ; au contraire, ils vont au devant des secours dont il peut avoir besoin,
              &amp; offrent tous les jours leur sang &amp; leurs biens pour la gloire de ce
              Monarque, &amp; pour le bien de l’Etat. Enfin, loin que ces peuples imitent ceux de
              quelques-uns des Alliez qui demandent la paix seditieusement, ils témoignent hautement
              qu’ils seroient fâchez de l’avoir, si les conditions n’estoient pas tout à fait
              avantageuses à la France. Ainsi quand on a publié la victoire remportée à Cassano, on
              ne l’a dit que parce que c’est une verité incontestable ; &amp; la politique n’a point
              obligé de parler de la sorte, comme elle a fait chez les Alliez. Monsieur de Vendôme
              n’a point grossi la verité, dans la Lettre qu’il s’est donné l’honneur d’écrire au
              Roy ; la modestie de ce Prince est connuë, il n’exagere jamais rien, &amp; ne voudroit
              pas grossir une action dont la gloire luy est dûë. Quant aux autres Relations, qui ont
              paru en grand nombre, &amp; qui sont toutes demeurées d’accord du gain de la
              bataille ; on les doit croire, puisqu’elles sont écrites par des François, qui loin
              d’encherir sur la verité, ont souvent bien de la peine à loüer les Commandans qui font
              des prodiges, &amp; qui voudroient toujours qu’on en fist de si grands, qu’ils ne sont
              souvent pas contens d’eux-mêmes lorsqu’ils ont fait des actions dignes de la plus
              haute valeur. Enfin tous les peuples de l’Europe commencent à ouvrir les yeux, &amp; à
              connoistre qu’on leur a imposé, en voulant leur faire croire que le Prince Eugene
              avoit remporté une signalée victoire. La suite fait aisément voir le contraire ; le
              Prince Eugene, au lieu de passer l’Adda aussi-tost aprés le combat, a repassé la
              Communa &amp; la Ritornella ; &amp; c’est avoir perdu la bataille que d’estre demeuré
              dans son Camp, &amp; de n’avoir pas avancé ; puisqu’il n’a commencé cette bataille que
              pour marcher au secours de Monsieur le Duc de Savoye, &amp; qu’il n’y a pas marché.
              Ainsi ce Prince n’est pas parvenu au but qu’il s’étoit proposé. Au lieu que Monsieur
              de Vendôme est parvenu au sien en demeurant dans son Camp, sans s’y laisser forcer.
              Quand il auroit marché aprés la bataille pour faire reculer le Prince Eugene plus
              loin, cette marche n’auroit servi qu’à fatiguer ses troupes, &amp; à luy faire perdre
              du monde. Il a beaucoup mieux fait de prendre le parti de fortifier les bords de
              l’Adda ; &amp; par ce moyen il embarrasse beaucoup plus le Prince Eugene, qui a besoin
              d’un plus grand nombre de troupes pour forcer ce passage, qu’il n’en recevra de
              long-temps, toutes celles qui luy ont esté promises n’estant pas prestes d’arriver,
              &amp; ce Prince n’ayant pas encore reçû plus de trois mille hommes de renfort. Je dois
              finir cet article en vous disant que Mylord Marlborough ayant fait faire des
              réjoüissances dans son Camp pour la victoire remportée par les Alliez, à Cassano,
              &amp; ne voulant pas qu’on crust qu’il étoit persuadé d’une chose dont il sçavoit le
              contraire, dit, en soûriant, à un Trompette du Roy, que Mr le Maréchal de Villeroy luy
              avoit envoyé, justement dans le temps de ces réjoüissances : <hi rend="i">Qu’il
                n’avoit pû refuser ces marques de joye à Monsieur le Prince Eugene, qui les avoit
                souhaitées.</hi></p>
            <p>Je dois ajoûter icy, que si les ennemis remportoient chaque année autant d’avantages
              que nous, ils feroient tous les mois des réjoüissances publiques : au lieu que nous
              n’en faisons que pour les principaux évenemens, &amp; il faut même qu’ils soient
              tres-considérables ; puisqu’on n’en a point fait pour la prise de Chivas, &amp; des
              Cassines fortifiées qui sont auprés de cette Place, non plus que pour les autres
              avantages remportez par M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de la Feüillade sur les Troupes
              de Savoye. Ce qui doit faire juger qu’on n’auroit pas parlé en France, de la Victoire
              remportée à Cassano aussi avantageusement que l’on a fait, &amp; que les réjoüissances
              n’y auroient pas esté aussi grandes, si on n’y avoit remporté une pleine Victoire.
              Tous ces avantages mettent Monsieur le Duc de Savoye dans une tres-fâcheuse situation,
              &amp; ce Prince n’a plus de secours à esperer, aprés ceux qui viennent de luy manquer.
              Je ne dis rien de ce qui regarde celuy qu’il attendoit de Monsieur le Prince Eugene,
              vous sçavez ce qui le regarde dans toutes ses circonstances ; mais vous ignorez
              peut-estre l’autre secours qui a manqué à ce Duc, qui estoit beaucoup plus
              considerable, &amp; qui luy donne lieu de faire de si grandes plaintes à ses Alliez,
              qu’il pourroit les abandonner sans qu’ils eussent aucun lieu de s’en plaindre. Ils
              avoient assuré ce Prince pendant plusieurs mois, que leur Flotte devoit aller en
              Italie, pour y débarquer toutes les Troupes qui ont esté débarquées en Catalogne,
              sçavoir 19 Bataillons &amp; 1300 Dragons.</p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-09_352">
          <head>[Nouvelles d’Allemagne]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1705 [tome 9], p. 352-366.</bibl>
          <p>Je ne suis pas surpris que l’article de ma Lettre derniere, qui regardoit Mr le
            Maréchal de Villars, ait eu l’avantage de vous plaire, toute la gloire en est dûë à ce
            Maréchal, qui a toujours poussé Monsieur le Prince de Bade, tant que l’Armée de ce
            Prince n’a point esté infiniment superieure à la sienne. Je ne vous repete point tout ce
            que ce Maréchal a fait, &amp; dont vous avez esté si satisfait, vous en trouverez la
            suite dans la Lettre suivante.</p>
          <quote>
            <label>Au Camp de Bischveiller, ce 6. Septembre.</label>
            <p><hi rend="i">Le Convoy que les ennemis aidoient ayant eu avis que nous avions fait un
                détachement pour luy couper le chemin, s’en est retourné dans les Lignes de
                Lauterbourg, ne se croyant pas ailleurs en sureté, ce qui obligea Mr le Chevalier du
                Rosel de nous venir rejoindre.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mr le Maréchal de Villars reçut un Courrier vendredy dernier de la Cour,
                qui luy apporta la permission du Roy d’attaquer les Ennemis, s’il en trouvoit
                l’occasion favorable. Il envoya ordre sur le champ à toutes les Troupes, qui
                estoient dispersées en differens postes de le venir joindre ; ce qui a esté executé.
                L’armée a commencé aujourd’huy à deux heures du matin à se mettre en marche ; Mr le
                Maréchal s’y est rendu à trois heures. On n’a jamais vû d’Armée marcher avec plus de
                fierté, ni plus resoluë. Mais la situation du Camp des ennemis est si avantageuse,
                &amp; d’un abord si difficile, qu’à moins de risquer l’Armée entiere, il est
                impossible de le forcer ; en voicy la situation. Les Ennemis sont campez sur une
                hauteur, deux Villages dans le centre, l’un à droite, &amp; l’autre à gauche, avec
                un Ruisseau au bas qui est impraticable, sans compter les Marais qui l’environnent
                de tous costez. Nous avons trouvé les Ennemis en bataille dans leur Camp, lesquels
                n’ont fait aucun mouvement, s’estant contentez de tirer seulement trois coups de
                canon sans boulets, de même qu’un autre coup aprés pour avertir les Fourrageurs
                &amp; les Maraudeurs ; ayant laissé brusquer leurs Gardes avancées. Nos Hussars leur
                ont pris</hi> 500 <hi rend="i">bœufs, autant de chevaux, &amp; quelques Maraudeurs.
                Leurs Deserteurs nous assurent tous, que la disette est fort grande dans leur Camp,
                ne recevant point de Convois. Mr le Maréchal a esté obligé de faire revenir l’Armée,
                voyant qu’il estoit impossible de les forcer. Dans le tems qu’il se plaçoit dans ce
                Camp, Monsieur le Prince de Bade envoya un Trompette, pour demander un Passeport
                pour Monsieur le Duc de VVirtemberg, qui est fort malade ; ce Prince n’osant passer,
                à cause du grand nombre de Partis que nous avons sur leurs derrieres, qui ramenent
                tous les jours au Camp beaucoup de prisonniers &amp; de chevaux.</hi></p>
          </quote>
          <p>Je vous envoye encore une Lettre sur le même sujet, dans laquelle vous trouverez des
            particularitez qui ne sont pas dans la premiere.</p>
          <quote>
            <label>Extrait d’une Lettre de Strasbourg, du 7. Septembre.</label>
            <p><hi rend="i">Vous avez sçû, sans doute que les ennemis entrerent le</hi> 28. <hi
                rend="i">du passé dans nos lignes prés de Phaffenhoffen sans aucune resistance de
                nôtre part. Mr le Maréchal de Villars, qui sçavoit qu’ils en vouloient au
                Fort-Louis, qu’il a ordre de la Cour de couvrir, envoya ordre à Mr de Cognies de se
                retirer, à l’approche des ennemis ; ce qui fut executé, &amp; Mr de Cognies joignit
                le mesme jour le Camp de Mr de Villars prés de Bischvveiller. Les ennemis en entrant
                dans nos Lignes mirent l’allarme dans tout le Pays aux environs, &amp; les Paysans
                croyant que nous avions esté battus, se retirerent icy avec tous leurs bestiaux
                &amp; tous leurs effets ; ce qui a tellement rempli cette Ville, qu’on ne peut s’y
                tourner, à cause de la quantité de choses &amp; de monde qui y sont entrez depuis ce
                temps : &amp; pour surcroist, Mr le Maréchal a envoyé icy tous les gros bagages de
                l’Armée, qui campent sur le glacis de la Place. Nostre Armée se mit en bataille
                le</hi> 30. <hi rend="i">&amp; le</hi> 31. <hi rend="i">du passé, &amp; marcha sur
                trois colonnes droit aux ennemis pour les attirer au combat ; mais il n’y eut pas
                moyen de les y engager. Enfin avant-hier, Mr le Maréchal reçût ordre de la Cour de
                faire ce qu’il jugeroit à propos, &amp; ayant pris la dessus le parti d’aller
                attaquer l’ennemi dans son Camp, il fit mettre hier</hi> 6. <hi rend="i">de ce mois
                toute l’armée en bataille, à une heure du matin. Et aprés avoir fait dire la Messe à
                la teste de l’armée, il marcha droit aux ennemis pour leur livrer bataille, &amp;
                envoya icy un Courier pour donner cet avis à Me la Maréchale ; ce qui se répandit
                dans l’instant par toute la Ville. Mr l’Evesque de Toul, nostre grand Vicaire, donna
                ordre d’abord de faire exposer le tres-saint Sacrement dans toutes les Eglises, pour
                implorer la benediction de Dieu sur les armes du Roy. Cependant Mr le Maréchal
                arriva en ordre de bataille à un quart de lieuë de l’armée ennemie ; toute son armée
                estant disposée sur trois colonnes, &amp; faisant face aux ennemis, campez sur une
                hauteur prés de Phaffenhoffen, &amp; ayant un ruisseau devant eux. Ce Maréchal
                envoya un Trompette à Monsieur le Prince Louis de Bade pour luy dire,</hi> qu’il
              venoit pour avoir l’honneur de le voir, &amp; qu’aïant fait plus des trois quarts du
              chemin, il le prioit de faire le reste. <hi rend="i">Mr le Prince Louis fit aussi-tost
                tirer trois coups de canon, soit pour assembler son monde, ou pour saluer l’Armée,
                ausquels Mr le Maréchal fit répondre par trois autres coups ; aprés quoy Monsieur le
                Prince Louis renvoya le Trompette, dire à Mr le Maréchal,</hi> qu’il ne pouvoit pas
              sortir de son Camp, &amp; que s’il vouloit y venir, il luy feroit honneur de venir
              dîner avec luy. <hi rend="i">Mr le Maréchal voyant bien qu’ils refusoient le combat,
                fit tenter à droite &amp; à gauche pour sçavoir s’il pourroit les attaquer dans leur
                Camp ; mais estant inaccessible de tous costez, &amp; voyant la chose impossible, il
                retourna sur ses pas, &amp; arriva le soir dans son ancien Camp de Bischvveiller. Il
                dépescha ensuite un Courrier icy, à Me la Maréchale pour luy donner avis, que les
                ennemis n’avoient pas voulu accepter le combat, &amp; qu’il ne s’estoit rien passé
                de part &amp; d’autre.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il nous vient beaucoup de Deserteurs, qui asseurent tous que les ennemis
                meurent de faim dans leur Camp. Mr le Maréchal leur coupant tous leurs convois de
                vivres, &amp; ayant de plus fait rompre tous les Moulins de ces quartiers-là ; de
                sorte qu’ils n’y peuvent pas demeurer, &amp; qu’avant qu’il soit peu, il faut qu’ils
                s’en retournent.</hi></p>
          </quote>
          <p>Cet abandonnement volontaire de nos lignes a donné lieu à ceux qui font imprimer des
            nouvelles publiques, dans une partie des Villes qui appartiennent aux Alliez, de dire
            que Mr la Maréchal de Villars en avoit esté chassé, qu’il avoit perdu beaucoup de monde
            en se retirant, &amp; qu’il avoit esté obligé d’abandonner Haguenau ; &amp; quoy qu’ils
            ayent dû reconnoître peu de temps aprés la fausseté de cette nouvelle, Haguenau estant
            encore en nostre possession ; ils n’ont pas laissé de parler encore plusieurs fois de
            suite, de la prise de cette Place, comme ils ont fait du faux passage de l’Adda par
            Monsieur le Prince Eugene, &amp; dont ils parleroient peut-estre encore sans la bataille
            de Cassano, qui a fait voir à toute l’Europe que ce Prince n’avoit point passé cette
            riviere, &amp; qu’il n’avoit pû la passer aprés le combat. Quant à M<hi rend="sup"
              >r</hi> le Maréchal de Villars, vous venez de voir tout ce qu’il a tenté, dans le
            temps que Monsieur le Prince de Bade n’avoit guére plus de troupes que luy ; mais enfin
            ce Prince ayant reçu des renforts de trois ou quatre costez, &amp; les troupes qui
            marchoient en Flandre, l’ayant rejoint : comme il est de la prudence de ceder à la
            force, il s’est trouvé obligé de faire une manœuvre toute autre que celle qu’il avoit
            fait jusque-là. Vous la trouverez dans la Lettre suivante.</p>
          <quote>
            <label>Du 20. Septembre.</label>
            <p><hi rend="i">La nuit du</hi> 14. <hi rend="i">au</hi> 15. <hi rend="i">l’Armée du Roy
                décampa de Bischeveiller, &amp; vint camper prés de l’Isle de Rupersan, à
                demie-lieuë de Strasbourg ; c’est comme si elle estoit sous le canon de la Ville. Mr
                le Maréchal, avant que de partir, fit jetter dans Haguenau trois mille hommes
                commandez par Mr de Pery, Maréchal de Camp, &amp; deux Brigadiers, avec des
                munitions &amp; dix pieces de canon, dont trois de fonte. Par cette retraite, l’on
                découvre le Fort-Loüis, Haguenau, Drusenheim, &amp; Saverne.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mr le General Tungen estant entré le</hi> 15. <hi rend="i">au soir dans
                le Camp de Bischvveiller, l’avant-garde des Imperiaux s’est avancée jusques à
                Brumpt. Le Quartier General de l’Armée du Roy estoit le</hi> 16. <hi rend="i">à
                Lambertheim, avec apparence que l’on se porteroit derriere le Canal de
                Molsheim.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il faut vous dire l’état du Fort-Loüis, &amp; ce que l’on en écrit
                du</hi> 13. <hi rend="i">de ce mois ; il y avoit six bataillons, &amp; Mr le
                Maréchal y a encore jetté depuis, en se retirant le second Bataillon de Provence ;
                avec un Convoy de vivres. Le Gouverneur en a fait sortir toutes les bouches
                inutiles.</hi></p>
          </quote>
          <p>Depuis ce temps-là le Prince de Bade a envoyé demander à Francfort du gros canon &amp;
            des provisions pour quelque entreprise. Les ennemis tenterent le 21. d’emporter l’épée à
            la main le Fort de Drusenheim ; mais ils furent repoussez avec perte de 400 hommes, ce
            qui les obligea de se retirer. Ils l’attaquent presentement dans les formes, parce que
            ce Poste leur est necessaire pour faire le Siege du Fort-Loüis ; mais comme il est situé
            dans un marais, on croit qu’ils y perdront auparavant bien du monde.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-09_368">
          <head>Enigme</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1705 [tome 9], p. 368-371.</bibl>
          <p>L’Enigme du mois passé estoit encore l’<hi rend="i">Oignon</hi> ; mais quoi qu’elle ait
            esté devinée par plusieurs personnes, il s’en est peu trouvé qui ayent osé en envoyer le
            mot, persuadez qu’ils se trompoient, parce que ce n’estoit pas l’usage de donner deux
            fois de suite une Enigme sur le même sujet. De maniere que j’ai réussi, en leur causant
            l’agreable embarras que je m’estois proposé. Elle a esté expliquée dans les vers
            suivans, par Mr Thouroude, Peintre.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Les Peuples qu’autrefois gouvernoit Pharaon,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Auroient eu de l’encens de reste,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Si leur aveuglement, aussi grand que funeste,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Au nombre de leurs Dieux n’eust aussi mis l’</hi>Oignon.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Les autres qui en ont envoyé le mot, sont, le Gascon de la Sorbonne : l’Amant Peintre,
            de la ruë Guisarde : le Censeur, &amp; le petit Esclave du cœur partagé, de la mesme ruë
            Guisarde, Fauxbourg S. Germain.</p>
          <p>Je vous envoye une Enigme nouvelle.</p>
          <quote>
            <label>ENIGME.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Je m’attache sans cesse à ce qui me détruit ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et j’ay lieu de craindre la nuit.</hi></l>
              <l><hi rend="i">La grandeur fait durer ma vie,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sans qu’à mon sort on porte envie.</hi></l>
              <l><hi rend="i">On me connoist tres-peu chez les petites gens ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais on me reçoit bien dans les maisons des Grands.</hi></l>
              <l><hi rend="i">En certains temps sans moy, l’on n’y pourroit rien faire ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je rassemble chez eux, les jeux &amp; les plaisirs.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quoique pour contenter leurs plus pressans desirs,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">On craigne mon ministere,</hi></l>
              <l><hi rend="i">J’assiste cependant à bien plus d’une affaire.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-09_371a">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1705 [tome 9], p. 371.</bibl>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Si vous tenez l’Hiver vos passions secrettes,</hi></l>
              <l>  <hi rend="i">Vous les publiez au Printems ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Helas ! petits Oiseaux, quand vous estes contens,</hi></l>
              <l>  <hi rend="i">Vos ardeurs ne sont plus discretes.</hi></l>
              <l>  <hi rend="i">Pour moy, dans l’empire amoureux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je me plains du destin à mes desirs contraire ;</hi></l>
              <l>  <hi rend="i">Mais si j’étois heureux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je sçaurois bien m’en taire.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-09_371b">
          <head>[Voyage du Roy à Fontainebleau]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1705 [tome 9], p. 371-373.</bibl>
          <p>Le Roy &amp; Madame la Duchesse de Bourgogne partirent le 22. de ce mois de Versailles
            pour aller coucher à la delicieuse maison de Sceaux, séjour des ris &amp; des jeux &amp;
            des plaisirs de bon goust. Sa Majesté y prit le divertissement de la promenade, &amp;
            des eaux qui sont admirables dans ce lieu, &amp; ne voulut point qu’on luy en donnast
            d’autres. Mr de Malezieu y tint une table magnifique pour toutes les personnes de
            distinction de la suite de Sa Majesté, &amp; de Madame la Duchesse de Bourgogne. Le
            lendemain 23. le Roy partit de Sceaux pour aller coucher à Fontainebleau, où Monseigneur
            le Dauphin estoit allé quelques jours auparavant, avec Monseigneur le Duc de Berry &amp;
            Madame la Princesse de Conti, &amp; où Monseigneur le Duc de Bourgogne s’étoit aussi
            rendu. Toute la famille Royale y est en bonne santé, &amp; y prend souvent les plaisirs
            de diverses Chasses, de la Comedie, du Jeu &amp; de la Musique.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1705-10">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, octobre 1705 [tome 10]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-10_52">
          <head>[Service fait pour Me d’Alençon, Abbesse de Ste Hoïlde]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1705 [tome 10], p. 52-56.</bibl>
          <p>M<hi rend="sup">e</hi> Coquet, nouvelle Abbesse de Sainte Hoïlde en Barrois, de l’Ordre
            de S. Bernard &amp; de la filiation de Clairvaux, fit faire le mois de Septembre
            dernier, un magnifique Service pour Dame Marguerite d’Alençon, à qui elle a succedé en
            la dignité d’Abbesse. La principale noblesse du Barrois y assista, avec tous les
            Officiers de la Chambre des Comptes de Bar-le-Duc, dont M<hi rend="sup">r</hi>
            d’Alençon, frere de la deffunte, est President, &amp; Conseiller d’Etat de S.A.R.
            Monsieur le Duc de Lorraine. M<hi rend="sup">e</hi> d’Alençon avoit succedé il y a
            environ dix-sept ans à M<hi rend="sup">e</hi> de Vaubecourt-d’Haussonville,
            sœur de feu M<hi rend="sup">r</hi> le Comte de Vaubecourt, de M<hi rend="sup">r</hi>
            l’Evêque de Montauban &amp; de M<hi rend="sup">e</hi> la Comtesse d’Estin. M<hi
              rend="sup">e</hi> Coquet qui a succedé à M<hi rend="sup">e</hi> d’Alençon, est
            Parisienne, &amp; fille de feu M<hi rend="sup">r</hi> Coquet Maître d’Hostel du Roy,
            &amp; frere du Controlleur general de la Maison de Sa Majesté. La mere de cette Abbesse
            qui vit encore, a épousé en secondes noces M<hi rend="sup">re</hi> François d’Oluc de
            Ville-Evrat, qui a l’honneur d’estre allié à M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de
            Luxembourg.</p>
          <p>Le Service fut tres-solemnel, &amp; tout ce qu’il y a de considerable dans la Ville de
            Bar-le-Duc y assista ; le Clergé fut tres-nombreux. La Messe fut chantée à deux Chœurs
            par les Religieuses, parmy lesquelles il y a de tres-belles voix. La nouvelle Abbesse
            donna dans cette occasion des marques du zele &amp; de la veneration qu’elle conserve
            pour la memoire de feuë M<hi rend="sup">e</hi> d’Alençon, à qui elle vient de succeder,
            &amp; qui l’avoit fait élire il y a quelques années Prieure de cette Abbaye, connoissant
            parfaitement ses talens pour la conduite d’une Communauté.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-10_102">
          <head>[Articles de Litterature]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1705 [tome 10], p. 102-110.</bibl>
          <p>Les Articles suivans vous feront connoistre les éditions qui ont esté faites de
            plusieurs Livres nouveaux qui n’ont pas esté imprimez à Paris.</p>
          <p>On debite un livre de pieté en Angleterre, sous le titre d’<hi rend="i">Habitude de la
              vertu, &amp; de l’obéïssance requise par l’Evangile pour estre en état de salut</hi> ;
            &amp; un autre, sous le titre de <hi rend="i">Pensées par rapport à une vie vertueuse
              &amp; chrestienne.</hi></p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> Toland a fait imprimer une <hi rend="i">Relation des Cours de
              Prusse &amp; de Hannower, dédiée à un Ministre d’Etat en Hollande.</hi></p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> Cupperus fait imprimer à Amsterdam des Dissertations sur les
            Monumens antiques ; l’on y voit des élephans representez. On dit que ce dessein sera
            bien executé.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> Buddæus, connu de tous les Sçavans, vient de faire paroistre un
            Recüeil de douze Dissertations imprimées à Hall en Saxe in 8°. sous le titre de <hi
              rend="i">Selecta juris naturæ &amp; Gentium.</hi></p>
          <p>On a imprimé à Anvers une Réponse à l’Histoire de la Congregation <hi rend="i">de
              Auxiliis</hi> du Pere Serri Dominicain, sous ce titre : <hi rend="i">Historiæ
              controversiarum de Auxiliis divinæ gratiæ sub Summis Pontificibus Sixtô V°,
              Clemente VIII°, &amp; Paulô V°. quibus demonstrantur ac refelluntur errores &amp;
              imposturæ innumeræ quæ in Historiâ Congregationum de Auxiliis, editâ sub nomine
              Augustini le Blanc, notatæ sunt ; &amp; refutantur acta omnia earumdem Congregationum,
              quæ sub nomine Fratris Thomæ Lemos prodierunt. Authore Theodorô Eleutheriô
              Theologô.</hi></p>
          <p>On a fait à Metz, chez Brice Antoine, une édition nouvelle des Lettres Pastorales de
              M<hi rend="sup">r</hi> Fléchier, Evêque de Nismes, aux Fidéles de son Diocese. Ce
            Prelat y décrit d’une maniere bien touchante &amp; apostolique, les desordres des
            Fanatiques des Cevennes. <hi rend="i">L’orage avoit long-temps</hi>, dit-il, <hi
              rend="i">grondé sur les montagnes ; nous en estions aussi menacez dans la plaine. La
              mort funeste, mais bienheureuse d’un Abbé</hi> (<hi rend="i">Mr du Cheylar</hi>) <hi
              rend="i">qui s’estoit dévoüé dés sa jeunesse aux Missions Evangeliques, fut le premier
              coup qui servit comme de signal pour la revolte generale de vos Paroisses. Vous vistes
              alors, mes tres-chers Freres, parmy ces peuples nouvellement réünis, des mouvemens qui
              nous firent craindre pour la Religion, pour eux, pour vous-mêmes. Ils écouterent la
              voix trompeuse des seducteurs ; le souffle du démon leur parut une inspiration du
              Saint Esprit ; ils apprirent à leurs enfans l’art de trembler &amp; de dire des choses
              vaines. Il se forma dans leurs assemblées des conspirations &amp; des complots
              d’iniquité, au milieu même de leurs prieres. Vos Eglises devinrent desertes ; la
              parole de Dieu estant negligée, l’ignorance se trouva jointe à la malice ; les cœurs
              s’endurcirent de plus en plus ; les lumieres de la Foy s’éteignirent ; la Religion se
              perdit, &amp; la fureur enfin prit la place de la raison.</hi></p>
          <p><hi rend="i">Déja dans les Dioceses voisins cette secte meurtriere faisoit couler le
              sang des Prestres, perçant les uns de mille coups, brûlant les autres à petit feu,
              égorgeant quelques-uns presque à la vûë des Autels où ils venoient d’offrir le saint
              sacrifice ; &amp; pour comble d’impieté écorchant ces testes sacrées, qui portoient la
              Couronne venerable du royal Sacerdoce, coupant ces doigts consacrez par les onctions
              ou par l’attouchement des saints Mysteres, &amp; déchirant les lévres encore teintes
              du Sang de l’Agneau sans tache pour avoir le plaisir de les dégrader inhumainement,
              &amp; de leur oster, avec la vie, tout ce qui pouvoit avoir servi à exercer les
              fonctions de leur Prestrise.</hi> Il anime les Fidéles à soûtenir en patience les
            tribulations presentes, &amp; à ne se point laisser abatre par de vaines
            frayeurs, ou par des tristesses selon la chair. Il leur donne pour motif de consolation,
            l’exemple des premiers Chrestiens ; &amp; aprés les avoir encouragez à soûtenir la
            persecution avec force, il justifie la prudence de leur retraite. <hi rend="i"
              >L’Eglise</hi>, dit-il, <hi rend="i">a crû, que comme il y a une generosité
              Chrestienne qui brave quelquefois les perils, il y a aussi une prudence Evangelique
              qui les évite.</hi></p>
          <p>On a joint aux Lettres de M<hi rend="sup">r</hi> l’Evêque Nismes, une Lettre de M. Pr.
            Fr. elle est adressée <hi rend="i">aux Religionnaires revoltez des Cevennes</hi>, &amp;
            conçûë dans les sentimens d’une charité Chrêtienne, &amp; avec les expressions d’une
            éloquence pathetique. Les Religionnaires trouveront dans ces deux ouvrages, dequoy se
            confondre ou se convertir.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-10_172">
          <head>[Prieres faites pour la santé de Mr l’Evesque de Vannes]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1705 [tome 10], p. 172-174.</bibl>
          <p>Le bruit s’estoit répandu à Rennes, au mois de Septembre dernier, que M<hi rend="sup"
              >r</hi> l’Evêque de Vannes estoit mort de la petite Verole ; ce Prelat en aïant esté
            attaqué à l’âge de 51. an, &amp; ce mal l’ayant mis à l’extrêmité, le Chapitre de sa
            Cathedrale a fait pour sa conservation, pendant trois jours consecutifs, des Prieres
            publiques &amp; des Processions, où tout le peuple a assisté, en faisant voir par ses
            soupirs &amp; par ses larmes combien luy eust esté sensible la perte d’un Prelat si
            vigilant &amp; si éclairé. Son Diocese a suivi l’exemple de l’Eglise Cathedrale &amp;
            toutes les maisons Religieuses ont fait des vœux pour le retour de sa santé. Leurs
            prieres ont esté exaucées, &amp; le Ciel leur a rendu leur Pasteur ; &amp; si la
            tristesse s’estoit tout d’un coup emparée de tous les cœurs de ses Diocesains, leur joie
            n’est pas maintenant moins generale ses domestiques mêmes ont fait chanter à leurs frais
            une Messe solemnelle en Musique, avec le <hi rend="i">Te Deum</hi> à la fin, dans
            l’Eglise Paroissiale du Miné de Vannes, pour rendre graces au Seigneur de la
            convalescence d’un Maître qui possede leur cœur.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-10_225">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1705 [tome 10], p. 225-226.</bibl>
          <p>Les paroles de la Chanson suivante sont de M<hi rend="sup">r</hi> de la Terrasse, &amp;
            l’Air est de M<hi rend="sup">r</hi> du Bousset.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Je ne veux plus qu’amour triomphe de mon cœur,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le Dieu Bacchus sur luy remporte la Victoire.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Laquais verse du Vin pour celebrer sa gloire.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ah ! qu’il est doux de suivre un si charmant vainqueur !</hi></l>
              <l><hi rend="i">La bouteille sera desormais ma maistresse ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et mon cœur ne veut plus conserver de tendresse,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que pour cette agreable &amp; divine liqueur.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-10_372">
          <head>Enigme</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1705 [tome 10], p. 372-375.</bibl>
          <p>Le mot de l’Enigme du mois dernier estoit <hi rend="i">la Bougie</hi>. Mr Thouroude,
            Peintre l’a expliqué par les Vers suivans :</p>
          <quote>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Quand je vais, vers la fin du jour,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Assurer de mon cœur mon aimable Silvie ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Eclairé que je suis du flambeau de l’Amour,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mercure, je n’ay pas besoin de</hi> ta Bougie.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Ce mot a aussi esté trouvé par Mrs Bouffanges, Medecin : De Sauge, du Croissant :
            Besse, Albigeois : Jean-Battiste-Seraphin-Joseph Marotin, Sr de Martineau, de
            la ruë S. Honoré, proche S. Roch : Vesel, Allemand ; Mr &amp; Me le Bas : L’Heureux
            Esclave du cœur non partagé, de la ruë Guisarde : Le Grand Ecuyer de la Caffrerie :
            Tamiriste : L’Agreable dans les Compagnies : Le troisiéme Roy de Pologne : &amp;
            Canelle, de la ruë d’Enfer. Me la Presidente de l’Election de Chaumont, à Magni :
            Mlles Luce, proche les Bâtons Royaux, ruë S. Honoré : Catin Toffier, de la ruë S.
            Martin : L’Agreable Catin ; de chez Mr de Bretaucourt : La Charmante de Laborie, du
            Perigord : La belle Chantraine : L’aimable &amp; spirituelle Mlle B. de la ruë de
            Bretagne, au Marais, &amp; son fidele Amant, de la ruë S. Martin : La chere mere de
            Manon : &amp; la belle Brune, de la ruë Garanciere. Mr de Montour le fils, &amp; sa
            poulette de la ruë de Poitou. Mrs Regnoust, Clerc de Mr Buglet Procureur, &amp; Jean de
            Paris, Clerc de Mr Millu aussi Procureur.</p>
          <p>L’Enigme que je vous envoye, est de Mr Thouroude ; mais quoiqu’elle me paroisse assez
            juste, je croy qu’elle sera difficile à deviner.</p>
          <quote>
            <label>ENIGME.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Je suis un corps piramidal,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Composé de plus d’une piece,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Qui quoique de semblable espece,</hi></l>
              <l><hi rend="i">En grandeur neanmoins n’ont rien que d’inégal.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Un même lien les assemble,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sans pourtant les laisser s’approcher de trop prés ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ordre qu’il faut garder, en les mettant ensemble :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Autrement l’on n’en peut esperer de succés.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Lorsque pour mon usage on vient me bastonner,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Aux coups que je reçois, je répons à merveille.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Vous qui cherchez le nom que l’on me doit donner ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sçachez que je ne puis contenter que l’oreille.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-10_375">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1705 [tome 10], p. 375-376.</bibl>
          <p>La Chanson qui suit est de la composition de Mr Charles.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Que la rape au tabac s’accorde,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sans avoir ni tuyau, ni corde,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mieux que l’Orgue &amp; le Violon.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Cet instrument surpasse la Musique,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il ne cherche jamais son ton ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et quand il cherche, c’est du bon,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Du bon tabac de Martynique.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-10_377">
          <head>[Affaires d’italie]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1705 [tome 10], p. 377-389.</bibl>
          <p>Les trois Lettres que vous allez lire, vous apprendront la suite des affaires
            d’Italie.</p>
          <quote>
            <label>Au Camp de Tornio, ce 13. Octobre.</label>
            <p><hi rend="i">L’Armée des Ennemis décampa de Tréviglio le</hi> 9. <hi rend="i">de ce
                mois, &amp; vint camper à Caravaggio. Monsieur de Vendosme en fut averti le</hi> 10.
                <hi rend="i">au matin, s’estant contenté d’observer leur marche, &amp; ayant appris
                qu’ils marchoient du costé de Crême, fit décamper le</hi> 11. <hi rend="i">l’Armée
                de Rivolta pour les suivre, aprés avoir ordonné à tous les équipages de l’Armée de
                passer l’Adda sur nostre Pont, pour se rendre à Lodi. On estoit averti que les
                Ennemis avoient resolu de tenter un passage sur l’Adda entre Lodi &amp;
                Pizzighittone ; ce qui a obligé son Altesse de faire descendre une partie des
                Troupes qui estoient sur le haut de l’Adda, &amp; d’y envoyer encore deux Brigades
                d’Infanterie avec force Canon. Les deux Armées sont campées de maniere à ne rien
                craindre l’une de l’autre à cause du terrain coupé par la grande quantité de
                Navilles impraticables. S.A. doit aller ce soir à Lodi pour s’aboucher avec Monsieur
                le Prince de Vaudemont. Je suis, &amp;c.</hi></p>
          </quote>
          <quote>
            <label>Au Camp de Gombeto, ce 16. Octobre.</label>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 13. <hi rend="i">à l’entrée de la nuit toute l’Armée décampa de
                Tornio, &amp; passa l’Adda sur le Pont de Lodi ; l’Artillerie &amp; les deux
                Brigades dont je vous ay parlé dans ma derniere, en avoient déja esté détachez ;
                &amp; elle marcha si diligemment toute la nuit, que le lendemain sur les dix heures
                elle repassa toute entiere l’Adda sur le Pont de Pizzighittone, &amp; elle arriva le
                soir de bonne heure au Camp de Gombeto, à une mille du Village &amp; du Pont de
                Montandin, où estoit le quartier de Monsieur le Prince Eugene. Aujourd’huy Monsieur
                de Vendôme a fait attaquer la teste du Pont &amp; la partie du Village qui est en
                deçà du Serio ; nous avons emporté tout cela avec assez de facilité, &amp; avec
                tres-peu de perte. Les Ennemis y ont perdu au moins trois cents hommes ; nous y
                avons fait cent prisonniers, avec quatre Officiers. Ce poste est si avantageux,
                qu’il met en sûreté tout le Crémonois ; &amp; si Monsieur le Prince Eugene l’avoit
                pû garder, il auroit pû prendre Castel-Leone &amp; reprendre les quatorze Navilles,
                sans que son Altesse y eust pû donner du secours. Et c’est l’importance de ce Poste
                qui a déterminé Monsieur de Vendôme à faire cette belle marche de prés de trente
                milles, &amp; à en dérober la connoissance au Prince Eugene, par le stratageme que
                je vais vous raconter. Son Altesse ayant donné ordre à l’Armée de marcher, ainsi que
                je viens de dire, fit rester une centaine de Tambours avec toutes les Gardes
                d’environ cinq cents chevaux, avec ordre de battre la Diane à l’ordinaire à la teste
                du Camp, &amp; la retraite à l’heure ordinaire ; de sorte que le Prince Eugene n’en
                fut averti que le soir, dans le temps que toutes les Gardes du Camp se retirerent.
                Cela est d’autant plus désavantageux à ce Prince, qu’il ne peut plus retourner sur
                l’Adda, où on le suivroit &amp; où il ne pourroit subsister faute de fourrages ;
                &amp; l’on ne doute point à present qu’il ne prenne le party de passer le Serio à
                Crême pour se retirer du costé de Soncino, &amp; le long de l’Oglio. Je suis,
                &amp;c.</hi></p>
          </quote>
          <quote>
            <label>Au Camp de Tizango, ce 21. Octobre.</label>
            <p>MONSIEUR,</p>
            <p><hi rend="i">J’eus l’honneur de vous informer par ma derniere, de l’action qui s’est
                passée à la teste du Pont de Montandin le</hi> 16. <hi rend="i">de ce mois. Les
                Ennemis en décamperent le lendemain pour venir passer le Serio à Crême. Monsieur de
                Vendôme ne l’eut pas plûtost appris, qu’il fit marcher l’Armée le même jour ; &amp;
                le lendemain nous nous trouvâmes devant &amp; à la teste du Pont de Crême, dans le
                temps que les Ennemis commençoient à passer. Leur logement estoit déja marqué au
                Village de saint Bernardin, &amp; vray-semblablement ils l’avoient choisi pour leur
                quartier general ; mais l’arrivée de nostre Armée a entierement déconcerté tous
                leurs projets. Nous trouvâmes leur Armée sous les rempars de Crême ; &amp; rien ne
                la separoit de la nostre que la largeur du Serio. Son Altesse fit mettre sur les
                bords de cette riviere, des Grenadiers &amp; six pieces de Canon, qui firent jusqu’à
                la nuit un feu continuel sur les Ennemis ; la plus grande partie de leurs chariots
                fut renversée, &amp; on n’a jamais tant vû de desordre, qu’il y en avoit parmy eux.
                Leur Armée décampa hier, &amp; ils ont passé le Serio vis-à-vis Gabian. Leur
                Infanterie a passé dans l’eau jusqu’à la ceinture, n’ayant pas eu le temps de faire
                un Pont, de crainte que nostre Armée ne vinst les en empescher, &amp; ils sont venus
                camper à Fontanella. Son Altesse a décampé ce matin, &amp; est venuë mettre la
                gauche de son Armée icy, &amp; a fait étendre sa droite jusqu’à l’Oglio, le long du
                principal Canal qui forme les quatorze Navilles, que nous avons à nostre droite ;
                laissant derriere nous, Soncino que l’on va assieger. De sorte que si Monsieur le
                Prince Eugene le veut secourir, il faudra qu’il livre une Bataille, &amp; qu’il nous
                passe sur le corps ; ce qui ne luy est pas facile à faire. Voilà ce qu’il y a de
                nouveau ; je continuëray de vous mander ce qui se passera dans la suite : mais de la
                maniere que les choses sont disposées, on ne doute point que l’Armée des Ennemis ne
                soit contrainte de repasser l’Oglio, estant du tout impossible qu’elle puisse
                subsister en deçà. Je suis &amp;c.</hi></p>
          </quote>
          <p>J’ay préferé ces relations à celles qui ont esté renduës publiques, parce que je ne
            doute point qu’elles ne soient tombées entre vos mains ; ainsi le party que j’ay pris
            sera cause que vous sçaurez beaucoup plus de circonstances de ces actions éclatantes,
            puisqu’il n’y a point de relations qui ne contiennent des faits qui ne se trouvent pas
            dans les autres. Monsieur de Vendosme s’est trouvé à tout en personne ; il n’est pas
            seulement l’ame de tout ce qui se fait dans son Armée, par les ordres qu’il donne : mais
            ce Prince a aussi part à l’execution de tout ce qui s’y fait de considerable. Par ses
            dernieres expeditions, il a mis à couvert le Crémonois, le bas Oglio, les 14. Navilles
            &amp; Castel-Leone, où il y a un magasin de douze mille sacs de grain ; &amp; les
            Ennemis avant attaqué Castiglione, où il y a un autre magasin de quinze mille sacs de
            bled, gardé par 300. Venitiens, le Gouverneur de cette Place envoya demander du secours
            à Monsieur de Vendosme, qui lui envoya un détachement, qui battit les Ennemis &amp; les
            mit en fuite. Il a donné beaucoup de loüanges, dans ce qu’il a écrit au Roy touchant ces
            dernieres actions, à Mrs les Comtes de Chemeraut &amp; Albergotti, à Mylord Galmoy, à Mr
            le Chevalier de Luxembourg, à Mr le Marquis de Broglio, à Mr de Carolle, à Mr le Prince
            Pio, à Mr le Chevalier Spinola, &amp; à Mr le Comte de Muret.</p>
          <p>A peine eut-on appris icy toutes les expeditions faites par Monsieur de Vendosme, que
            l’on vit paroistre la lettre suivante ; elle est écrite par ce Prince.</p>
          <quote>
            <label>Au Camp devant Soncino, le 21. Octobre.</label>
            <p><hi rend="i">Les ennemis remonterent hier le Serio jusqu’à six milles au dessus de
                Crême, &amp; le passerent la nuit à Vidalsco. Je les en aurois bien empêché si
                j’avois voulu ; mais comme le Serio est presque réduit à rien en ce lieu-là, &amp;
                qu’on le passe en bataille, je n’ay pas voulu hazarder un combat, dans le temps
                qu’il me vient un secours considerable de Piémont &amp; des quatorze Navilles. Je me
                suis rendu icy diligemment avec l’Armée, pour n’estre pas prévenu par le Prince
                Eugene, qui n’est qu’à neuf milles de Soncino. Nous avons investi cette Place, &amp;
                nous avons appuyé la droite à l’Oglio, &amp; la gauche à Tizzingue, la laissant
                toûjours derriere nous. Je vais la faire attaquer incessamment ; &amp;
                j’espere que nous en serons bientost maîtres.</hi></p>
          </quote>
          <p>Ce Prince ne s’est pas trompé, &amp; à peine sa lettre eut-elle paru icy, qu’on y
            apprit qu’il estoit maistre de Soncino. Je vous en diray davantage à la fin de ma
            lettre, lorsque j’auray appris les particularitez de cette prise. Cependant voici ce qui
            s’est passé à celle de Diest.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1705-11">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, novembre 1705 [tome 11]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-11_196">
          <head>[Mariages, du nombre desquels sont deux étrangers]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1705 [tome 11], p. 196-211.</bibl>
          <p>Le 4. de Novembre M<hi rend="sup">re</hi> Henry-François de Paule le
            Fevre-d’Ormesson-d’Amboile, Conseiller au Parlement, épousa Dlle
            Catherine de la Bourdonnaye de Coëtyon ; ce mariage a eu un applaudissement general.
              M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé d’Ormesson, oncle de l’époux &amp; Doyen de Beauvais, en
            fit la ceremonie à S. Mederic, Paroisse de la nouvelle épouse.</p>
          <p>Il y a peu de familles dans la robe aussi anciennes &amp; aussi bien alliées que celle
            de M<hi rend="sup">r</hi> d’Ormesson ; il est frere de M<hi rend="sup">e</hi> Anne le
            Fevre-d’Ormesson, épouse de Mr Daguesseau, à present Procureur General ; &amp; neveu de
              M<hi rend="sup">re</hi> Antoine François de Paule le Fevre-d’Ormesson, Maître des
            Requêtes &amp; Intendant en la Generalité de Soissons. Son pere qu’il perdit en bas âge,
            estoit M<hi rend="sup">re</hi> André le Fevre-d’Ormesson, qui est mort Maître des
            Requêtes &amp; Intendant en la Generalité de Lyon. Son ayeul est le celebre Olivier le
            Fevre-d’Ormesson, qui s’estoit acquis par son integrité &amp; sa fermeté inébranlable la
            veneration de tout le Royaume. André, son bis-ayeul, est mort Doyen du Conseil. Olivier,
            son tris-ayeul, avoit épousé une arriere-petite niece de S. François de Paule : il a
            fait la tige de trois illustres familles, sçavoir, <hi rend="i">d’Ormesson,
              d’Eaubonne</hi>, &amp; <hi rend="i">de Lezeau</hi>. La mere de M<hi rend="sup">r</hi>
            d’Ormesson mourut quelques jours aprés qu’il fut né ; elle se nommoit Eleonor le Maître,
            &amp; estoit fille de M<hi rend="sup">re</hi> Jerosme le Maître, President en la 4<hi
              rend="sup">e</hi> Chambre des Enquestes, &amp; de Dame Marie-Françoise Feydeau. Cette
            Dame, dont tout le monde connoist la probité &amp; le merite singulier, a eu soin de
            l’éducation de M<hi rend="sup">r</hi> d’Ormesson. M<hi rend="sup">r</hi> le President le
            Maître estoit de la famille du fameux Gilles le Maître, premier President du Parlement
            de Paris.</p>
          <p>La nouvelle épouse est aussi d’une famille tres-considerable ; elle est fille de M<hi
              rend="sup">re</hi> Yves-Marie de la Bourdonnaye de Coëtyon, Maître des Requêtes &amp;
            Intendant de Bordeaux, &amp; de Dame Catherine de Ribeyre. Mr de la Bourdonnaye est
            frere de Mr l’Evêque de S. Paul de Leon, &amp; sa famille est tres-distinguée en
            Bretagne, où elle a rempli les premieres Charges de ce Parlement ; mais le merite
            personnel de Mr de la Bourdonnaye ne sert pas peu à relever sa famille. Le Roy vient
            encore de luy donner une nouvelle marque de son estime, &amp; de la satisfaction qu’il a
            de ses services. M<hi rend="sup">e</hi> de la Bourdonnaye est le seul enfant qui reste
            maintenant à Mr de Ribeyre, Conseiller d’Etat, que sa capacité, sa prudence, &amp; son
            integrité ont toujours distingué dans le Conseil. M<hi rend="sup">e</hi> de Ribeyre est
            fille de feu Mr Pottier de Novion, premier President du Parlement de Paris. Le nom de
            Pottier de Novion est si generalement connu, que je ne vous en dis rien davantage.</p>
          <p>On maria le 3. du mois de Novembre, dans la Paroisse de saint Troüé à Nevers, un homme
            âgé de cent huit ans ; l’Eglise put à peine suffire pour contenir le monde qui y estoit
            venu en foule pour voir une chose si extraordinaire. Les Dames qui s’y trouverent,
            l’obligerent de danser au sortir de l’Eglise ; ce qu’il fit fort agreablement.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis de Deinse, Gouverneur de Bruxelles, a épousé en
            secondes noces Mlle d’Oignies, fille de M<hi rend="sup">r</hi> le Comte de Coupignies,
            Chevalier de la Toison d’or. Cette Dame est d’une tres-ancienne maison &amp; alliée aux
            plus considerables des Pays-bas ; l’Ordre de la Toison d’or, dont M<hi rend="sup">r</hi>
            le Comte de Coupignies son pere a l’honneur d’estre, est une preuve de l’éclat de sa
            naissance &amp; du rang que cette Maison tient dans le monde. M<hi rend="sup">e</hi> la
            Marquise de Deinse a beaucoup d’agréemens, &amp; les soins qu’on a pris pour son
            éducation ont parfaitement réüssi, puisque c’est une des personnes de la Cour de
            Bruxelles, des plus accomplies. M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis de Deinse est d’une
            tres-ancienne Maison, &amp; qui a produit de celebres personnages ; ce nom est
            tres-connu dans les Pays bas. L’employ de M<hi rend="sup">rs</hi> de Deinse est une
            preuve de la confiance que l’on a en luy ; &amp; on ne donne de pareils postes qu’à ceux
            qui les ont merité par de longs services &amp; par une fidelité souvent éprouvée. La
            maison dont M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis de Deinse est le chef, estoit connuë dans
            les Pays-bas dés le temps des premiers Comtes de Flandres. L’heritiere de Flandres qui
            épousa le premier Duc de Bourgogne, qui estoit fils du Roy Jean, avoit à son service,
            &amp; en qualité d’un de ses principaux Officiers, un Seigneur de Deinse. Le pere de
              M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis de Deinse a servi une grande partie de sa vie, &amp;
            il a donné en diverses occasions des marques de son courage. Celuy qui vient de se
            marier a aussi long-temps porté les armes, &amp; il s’est fait voir souvent digne du nom
            qu’il porte.</p>
          <p>La Maison de Coupignies dont est Mlle d’Oignies, n’est pas moins illustre ; elle a
            donné plusieurs Chevaliers de l’Ordre de la Toison d’or. Dans l’établissement de cet
            Ordre un Seigneur de cette Maison fut des premiers à qui le Duc de Bourgogne l’accorda.
            Le Comte de Coupignies, fils de ce Seigneur, fut fort consideré à la Cour de Philippes
            le Bon, Duc de Bourgogne ; il estoit fort avant dans la confidence de ce Prince, qui le
            combla de biens-faits. Le fils de ce Comte fut aussi tres-attaché à la
            Princesse Marie, petite-fille de Philippes le Bon, qui épousa Maximilien
            Roy des Romains, qui fut ensuite Empereur &amp; ayeul de Charlequint. Bruxelles, dont
              M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis de Deinse est Gouverneur, est la Capitale du Duché
            de Brabant, le Siege de la Chancellerie &amp; de la Cour de Brabant, des Conseils
            d’Etat, des Finances, &amp; de la Guerre, &amp; la demeure ordinaire du Prince ou du
            Gouverneur general que le Roy d’Espagne tient dans les Pays-bas. Elle est située sur la
            petite riviere de Saine, qui se rend dans l’Escaut par un canal de cinq lieuës qu’on y
            fit en 1561. elle est en partie bâtie dans la plaine, &amp; en partie sur un costeau
            fort agreable.</p>
          <p>Le Roy d’Espagne a donné la Charge de Mayor-Domo-Mayor, à Mr le Conestable de
            Castille ; &amp; ce Seigneur épousa peu de jours aprés, Donna Anna-Maria Giron, l’une
            des Dames de la Reine. Cette ceremonie se fit avec beaucoup de magnificence ; le Roy
            &amp; la Reine firent voir beaucoup de distinction pour les nouveaux Mariez, &amp; leur
            firent tous les honneurs que des Souverains peuvent faire à des sujets. Il y eut pendant
            plusieurs jours de magnifiques Festes dans l’Hostel de ce Connestable, &amp; qui se
            trouverent du goust de toutes les Nations, tant il avoit pris soin de les diversifier.
            La symphonie estoit admirable ; &amp; il avoit envoïé chercher des Musiciens meme hors
            du Royaume. Je ne vous diray rien de la Maison de Velasco, dont est Mr le Connêtable de
            Castille, vous en ayant parlé plusieurs fois. Je vous diray seulement que l’illustre
            Maison de Giron, dont est M<hi rend="sup">e</hi> la Connestable de Castille, a produit
            sur la fin du 16<hi rend="sup">e</hi> siecle, un Archevêque de Tolede. Garcias de Loyasa
            Giron ne joüit pas long-temps de cette dignité, il mourut en 1599. six mois aprés avoir
            esté élevé à cette dignité, &amp; avoir succedé au Cardinal Albert d’Autriche qui
            l’avoit laissé grand Vicaire à Tolede, lorsqu’il vint prendre le gouvernement des
            Pays-bas ; ce Prince s’estant marié ensuite, Philippe II. donna cet Archevêché à Loyasa
            Giron. Ce Prelat estoit né à Talavera, &amp; fils de Pierre Giron Conseiller au Conseil
            suprême de Castille ; &amp; de Dame Mencia de Caravaial. Son oncle Lopez de Caravaial
            luy resigna l’Archidiaconé de Guadalaiar, qui est une des dignitez de l’Eglise de
            Tolede, où il avoit déja une Chanoinie. Il y demeura jusqu’en 1585. que Philippe II.
            l’appella à la Cour, où il le fit son Aumônier &amp; Maistre de sa Chapelle, &amp; peu
            de temps aprés Précepteur du Prince Philippe Infant d’Espagne. Ce Prelat nous a laissé
            une collection des Conciles d’Espagne. M<hi rend="sup">e</hi> la Connestable de Castille
            est une tres-aimable personne, &amp; fort aimée de la Reine sa Maistresse. La Charge de
            Mayor-Domo-Mayor est une des plus importantes de la Cour d’Espagne. On croit qu’elle fut
            établie un peu aprés l’an 1010. qu’un Sanche de Villa Espinosa avertit un Comte de
            Castille, que sa mere le vouloit empoisonner : mais on ne doit pas beaucoup compter sur
            cette vieille tradition.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-11_215">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1705 [tome 11], p. 215-216.</bibl>
          <p>L’Air que je vous envoye a esté noté par Mr de Montailly, &amp; les paroles sont tirées
            des œuvres de M<hi rend="sup">e</hi> des Houlieres.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Agreables transports qu’un tendre amour inspire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Desirs impatiens, qu’étes-vous devenus ?</hi></l>
              <l><hi rend="i">Dans le cœur du Berger pour qui le mien soûpire,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Je vous cherche, je vous desire ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et je ne vous retrouve plus.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-11_250">
          <head>[Messe celebrée par Mr l’Evêque de Fréjus, à l’ouverture du Parlement]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1705 [tome 11], p. 250-254.</bibl>
          <p>Le mesme jour, le Parlement fit chanter à l’ordinaire une Messe solemnelle, où tous
            ceux qui composent ce grand Corps, doivent se trouver en robes rouges. Elle fut chantée
            en musique, &amp; celebrée par M<hi rend="sup">r</hi> de Fleury, ci-devant Aumônier du
            Roy, &amp; presentement Evêque de Fréjus, qui fut servi par M<hi rend="sup">rs</hi> du
            Seminaire de Saint Nicolas du Chardonnet, parmi lesquels on remarqua M<hi rend="sup"
              >r</hi> l’Abbé de Canillac &amp; M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Colonges, tous deux
            Comtes de Brioude. La Messe estant finie, M<hi rend="sup">rs</hi> du Parlement passerent
            dans la Grand-Chambre, où le Prélat Officiant prit place au dessus du plus ancien
            Conseiller. Mr le premier President le remercia au nom de la Compagnie de la peine qu’il
            avoit pris de venir à Paris, &amp; de sortir de son Diocese pour faire cette ceremonie ;
            il le loüa de son application à ses devoirs, &amp; sur tout de l’exacte residence qu’il
            faisoit dans son Eglise ; il toucha quelque chose de la maniere dont il avoit rempli ses
            devoirs pendant le long séjour qu’il avoit fait à la Cour en qualité d’Aumônier de sa
            Majesté : Enfin, il finit en lui souhaitant un long Episcopat &amp; rempli de toutes
            sortes de benedictions. Le compliment de Mr l’Evêque de Fréjus fut trés-delicat, &amp;
            l’éloge qu’il fit du Parlement de Paris fut trouvé tres-beau. Il loüa le zele, la
            fidelité, &amp; l’attention continuelles de cette celébre Compagnie pour le bien &amp;
            la tranquillité de la patrie ; &amp; l’éloge particulier qu’il fit de Mr le premier
            Président fut fort applaudi. Il dit à ce grand Magistrat <hi rend="i">qu’il réunissoit
              en luy la vertu, les lumieres &amp; l’integrité des Achilles de Harlay &amp; des
              Pompones de Belliévre ses illustres ayeuls ; que le public avoit encore aujourd’huy la
              consolation de voir revivre en luy ces grands noms, autrefois si chers aux François,
              &amp; si venerables à toute l’Europe : que le sang de ces dignes Chefs de la Justice
              qui couloit dans ses veines faisoit tomber sur sa teste avec encore plus d’abondance
              les benedictions de tous les peuples de cette grande Monarchie</hi>. Ce discours reçût
            de grands applaudissemens.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-11_280">
          <head>[Ce qui s’est passé à Lille, pendant le sejour que S.A.E. de Bavière y a
            fait]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1705 [tome 11], p. 280-284.</bibl>
          <p>Monsieur l’Electeur de Baviere jugeant que la Campagne finiroit par la prise de Diest
            &amp; par celle de Santvliet ; que les ennemis estoient trop avancez pour revenir sur
            leurs pas ; qu’ils estoient trop affoiblis ; que presque toute leur Cavalerie estoit
            ruinée ; &amp; qu’ils estoient persuadez que les troupes de deux Couronnes étoient en
            estat de s’opposer à tous leurs desseins, resolut avec M<hi rend="sup">r</hi> le
            Maréchal de Villeroy de les faire mettre en quartiers d’hyver : &amp; pendant qu’elles y
            ont marché, ce Prince a esté voir à Lille son Altesse Electorale de Cologne, son frere,
            où elle fait son sejour. Cette Altesse y a demeuré <hi rend="i">incognito</hi>, &amp; a
            refusé absolument tous les honneurs qu’on se préparoit à luy rendre ; cependant on n’a
            pas laissé de tirer le canon à son arrivée &amp; à sa sortie. Pendant le sejour que son
            Altesse Electorale a fait à Lille, Monsieur l’Electeur de Cologne &amp; M<hi rend="sup"
              >r</hi> le Maréchal de Boufflers n’ont rien oublié pour la divertir ; &amp; Monsieur
            de Cologne sçachant qu’elle souhaitoit de voir une Comedie Allemande, a trouvé le moyen
            de luy donner ce divertissement. M<hi rend="sup">r</hi> le Maréchal de Boufflers s’est
            empressé de son costé à chercher tout ce qui pouvoit contribuer aux divertissemens de ce
            Prince. On a donné plusieurs Bals pendant son sejour ; il y a eu grand Jeu ; on a pris
            plusieurs fois le plaisir de la Chasse ; &amp; M<hi rend="sup">r</hi> le Maréchal de
            Boufflers a traité ce Prince avec toute la magnificence imaginable. Il l’a accompagné à
            son retour jusques à Tournay ; ils ont chassé sur leur route : &amp; estant arrivez à
            Tournay, ils en ont visité les fortifications, qui ont esté trouvées tres-belles, &amp;
            dans un tres-bon estat. Enfin cet Electeur, aprés avoir esté regalé de nouveau avec
            beaucoup de somptuosité par M<hi rend="sup">r</hi> le Maréchal de Boufflers, ce Maréchal
            prit congé de son A. Electorale, qui retourna à Bruxelles, où elle a esté reçuë avec
            beaucoup de joye &amp; de grands applaudissemens ; toute la Ville ne pouvant cesser de
            loüer un Prince, qui par sa prudence &amp; par les grands mouvemens qu’il n’a point
            cessé de se donner, a trouvé le moyen d’empescher que les ennemis, aprés leur entrée
            dans les Lignes, ne se rendissent maistres de cette Capitale du Brabant.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-11_284">
          <head>[Discours prononcez à l’ouverture de l’Académie des Médailles &amp; Inscriptions,
            &amp; à l’Academie des Sciences]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1705 [tome 11], p. 284-295.</bibl>
          <p>Le Vendredy 13. Novembre, l’Academie des Inscriptions &amp; des Medailles, recommença
            ses Séances par une Assemblée publique, dans laquelle M<hi rend="sup">r</hi> Danché,
            connu par plusieurs Tragedies en Musique, qui ont eu beaucoup de succés, ouvrit la
            Séance par la lecture qu’il fit d’une Dissertation de sa composition, touchant les repas
            des Anciens. Elle étoit remplie de traits agréables d’érudition ; &amp; tous les
            Passages qu’il cita de nos plus celebres Auteurs, firent beaucoup de plaisir. Il en
            rapporta plusieurs tirez des ouvrages de Platon, sur les Festins symposiaques, où les
            anciens Philosophes se trouvoient moins pour boire &amp; pour manger, que pour parler
            avec plus de liberté &amp; d’enjoüement des hautes Sciences &amp; des plus grands sujets
            de la Morale. Apulée, Athenée, Lucien, &amp; tous les anciens Auteurs qui ont écrit sur
            cette matiere, furent amenez dans cette Dissertation ; celle du Pere Fronteau, Chanoine
            Regulier de Sainte Genevieve, sur l’ancienne maniere de se saluer à table, &amp; qui a
            paru depuis peu par les soins de M<hi rend="sup">r</hi> de S. Flachard-de-Saint Sauveur,
            ne fut pas oubliée. M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Bignon, en resumant tout ce que M<hi
              rend="sup">r</hi> Danché avoit dit, luy donna de grandes loüanges, sur la fecondité de
            son genie, &amp; particulierement sur le succés des Pieces qu’il a données au
            public.</p>
          <p>Aprés M<hi rend="sup">r</hi> Danché, M<hi rend="sup">r</hi> Gros de Boze lût un
            discours sur les recompenses &amp; les marques d’honneur que les Grecs &amp; les Romains
            accordoient à ceux qui se distinguoient dans les sciences ou dans l’art militaire.</p>
          <p>Il remarqua d’abord, <hi rend="i">que quelque estimable que fust la vertu par
              elle-mesme, on avoit jugé presque dans tous les temps, que son nom seul &amp; ses
              charmes ne suffisoient pas pour engager les hommes à la suivre ; que c’est ce premier
              aveu de la foiblesse humaine qui introduisit l’usage des recompenses &amp; des marques
              exterieures de gloire &amp; de distinction : qu’ainsi l’honneur devint le chemin
              ordinaire de la vertu, contre l’idée de ce Sage, qui bâtissant un temple à chacune de
              ces Divinitez, les joignit l’un à l’autre &amp; les disposa de maniere, que l’on ne
              pouvoit entrer dans celuy de l’honneur, sans passer par celuy de la vertu. Que ce fust
              pour exciter cette noble passion dans le cœur de leurs Citoyens, qu’Athenes &amp; que
              Rome commencerent à tirer le marbre &amp; le porphyre des carrieres ; qu’elles
              apprirent à fondre l’or, l’argent &amp; le bronze, &amp; qu’elles en dresserent ces
              Monumens ingenieux ou superbes, qui font encore aujourd’huy le sujet de nostre
              admiration.</hi></p>
          <p>Il parcourut ensuite avec ordre les differentes especes des recompenses que les Grecs
            &amp; les Romains accordoient à ceux qui se rendoient celebres par une sagesse profonde,
            par un esprit juste, ou par une valeur éprouvée. Statuës, Inscriptions, Medailles,
            Couronnes Civiques, Murales, Castrenses, Navales ou Classiques, Bracelets, Chaisnes
            d’or, Colliers, Ornemens d’hommes &amp; de chevaux, Javelines, Etendarts, Acclamations,
            Eloges funebres, Apotheoses ; tout cela entra dans son sujet.</p>
          <p>La connoissance que M<hi rend="sup">r</hi> de Boze a de l’antique, luy fit
            rappeller tres-à-propos les plus précieux Monumens, dans tous les endroits
            où ils pouvoient servir de preuves, ou d’ornement à son discours.</p>
          <p>C’est ce que remarqua fort bien M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Bignon dans la réponse
            qu’il fit à M<hi rend="sup">r</hi> Gros-de-Boze. Il en rapporta, à son ordinaire, tous
            les endroits les plus remarquables ; &amp; ce qu’il y ajoûta fit un extrême plaisir à
            toute l’Assemblée, qui ne pouvoit se lasser d’admirer la presence d’esprit &amp; la
            memoire de ce sçavant Abbé.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> de Boze est connu par plusieurs Dissertations sur les Medailles,
            qui sont sorties de sa plume depuis un an ou deux. La premiere qui a paru de luy, est
            une Lettre, adressée au Pere de Chamillart, sur une Medaille qui est dans le Cabinet de
            ce Sçavant Jesuite. Nous avons obligation de la publication de cette piece au même M<hi
              rend="sup">r</hi> de S. Sauveur dont je viens de parler. M<hi rend="sup">r</hi> de
            Boze composa au commencement de ce siecle un <hi rend="i">Traité historique du Jubilé
              des Juifs</hi> ; &amp; cet ouvrage fut tres-estimé. Une année ou deux auparavant il
            avoit prononcé à Lion sa patrie, le Discours Consulaire que l’on y fait toutes les
            années, la veille de la Feste de Saint Thomas, à l’élection des Echevins de cette Ville.
            Cette piece d’Eloquence fut tres-applaudie.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Massieu, qui par la en suite, avoit choisi pour sujet de
            son discours, <hi rend="i">la défense de la Poësie</hi>. Quelque temps auparavant, il
            avoit lû à cette illustre Compagnie le commencement d’un ouvrage, au quel il travaille ;
            c’est l’Histoire de la Poësie Françoise. L’Apologie dont nous parlons, y doit servir de
            Préface. Dans cette Dissertation il répondit à ce qu’autrefois Platon, &amp; à ce que,
            dans ces derniers temps, M<hi rend="sup">r</hi> le Fevre &amp; le Pere Lami ont publié
            contre la Poësie. Il refuta ces sçavans hommes avec tous les égards qui leur sont dûs ;
            &amp; en combattant leurs sentimens, il fit voir par tout un fort grand respect pour
            leurs personnes. Il remarqua que tous les reproches qu’on fait à la Poësie, peuvent se
            reduire à deux principaux : On prétend qu’elle est propre à gaster l’esprit &amp; à
            corrompre le cœur. Il justifia sur ces deux accusations, cette partie des belles lettres
            qui a toujours passé pour la plus agreable ; &amp; montra que si on la considere dans la
            pureté de sa premiere institution, elle peut être la plus utile.</p>
          <p>Ce Discours qui auroit pû ennuyer, s’il n’avoit esté que mediocre, puisque la lecture
            que M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Massieu en fit, prolongea d’un quart d’heure le temps
            ordinaire des Assemblées, parut encore trop court à tous ceux qui l’entendirent, &amp;
            luy fit donner mille loüanges sur la force de ses preuves &amp; sur la noblesse de son
            stile. On conçut de là une grande idée de la beauté de l’ouvrage auquel il doit servir
            de Préface, &amp; il ne peut estre donné au public assez tost pour satisfaire
            l’impatience que les Amateurs de la Poësie ont de le voir ; &amp; à qui la Poësie ne
            plaist-elle pas ?</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-11_356">
          <head>[Lettre de Monsieur le Duc de Savoie à la Reine d’Angleterre, précédée d’un prélude
            sur la même lettre, &amp; suivie de divers raisonnements]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1705 [tome 11], p. 356-372.</bibl>
          <p>Je vous envoye une piece fort curieuse, quoy qu’elle ne soit pas nouvelle ; mais le
            contenu vous sera sans doute nouveau. C’est une lettre de Monsieur le Duc de Savoye à la
            Reine d’Angleterre, qui fait voir tous les projets qui avoient d’abord esté concertez
            pour la derniere campagne. Je vous en marquay quelque chose lorsque la Flotte des Alliez
            se rendit devant Barcelone ; &amp; je vous dis que Monsieur de Savoye auroit grands
            sujets de plainte contre ses Alliez, qui faisoient toute autre chose que ce qu’ils luy
            avoient promis. Je vous marquay aussi qu’il y avoit eu de grandes disputes entre les
            Alliez, les uns voulant que l’on tinst parole à Monsieur le Duc de Savoye ; &amp; les
            autres soûtenant qu’il falloit profiter des mesures que Monsieur le Prince d’Armstadt
            avoit pris pour exciter une rebellion en Catalogne. L’affaire se développe aujourd’huy
            par la Lettre de Monsieur de Savoye, dans laquelle on voit les premieres resolutions qui
            avoient été prises, &amp; tout ce qui s’est passé à cette occasion. Vous y remarquerez
            ce que Monsieur de Savoye dit de Mylord Marlborough, sans le nommer ; mais ce que ce
            Prince en dit, le fait aisément reconnoistre. Il y a lieu de croire que voulant dominer
            parmi les Alliez, &amp; avoir la gloire de tout ce qui se passera, tant entre les
            Troupes, que dans le Cabinet, l’harmonie qui est entre toutes ces Puissances sera
            bientost rompuë. Il s’estoit broüillé en Allemagne avec Monsieur le Prince de Bade ; il
            n’est pas mieux presentement avec Monsieur de Savoye, qu’il estoit avec Monsieur de Bade
            au commencement de la Campagne : &amp; vous avez vû de quelle maniere il s’est attiré
            les Hollandois, à cause du juste &amp; prudent refus qu’ils ont fait de joindre leur
            Armée aux Troupes Angloises, pour une expedition, dont le succés paroissoit impossible,
            &amp; qui pouvoit faire perir leurs Troupes. On verra si ce Mylord sera heureux dans les
            négociations qu’il prétend faire cet hyver dans la plus grande partie des Cours
            d’Allemagne ; mais il est à craindre pour luy, que la superiorité qu’il veut avoir par
            tout, que ses grands projets échoüez sur la Moselle, &amp; le peu d’avantage qu’il a
            tiré d’avoir trouvé nos Lignes ouvertes, sans avoir esté obligé de les forcer, ne luy
            procurent quelques chagrins, &amp; sur tout en Angleterre, les Anglois sçachant que leur
            Armée de Flandre est entierement ruinée, &amp; qu’il n’y reste pas cinq mille chevaux.
            Je ne croyois pas donner tant d’étenduë à cet article lorsque je l’ai commencé ; mais
            vous devez remarquer que c’est la verité des faits qui m’a fait parler, tout ce que je
            viens de dire ne contenant que des faits, &amp; non des raisonnemens.</p>
          <p>Voici la Lettre dont je viens de vous parler, &amp; qui a donné occasion à cet
            article.</p>
          <quote>
            <label>A Turin le 26. Aoust.</label>
            <p>MADAME,</p>
            <p><hi rend="i">Les assûrances que Vostre Majesté nous donna par sa Lettre du</hi> 12.
                <hi rend="i">du mois dernier, que l’Armée Imperiale, sous le commandement du Prince
                Eugene, nous joindroit incessamment, &amp; délivreroit nos peuples du triste estat
                où ils se trouvent ; viennent de s’anéantir par le fâcheux succés de la Bataille de
                Lombardie. Le malheur qui vient d’arriver à cette Armée, ne doit estre attribué ni à
                ce Prince, ni aux autres Generaux qui servoient sous luy ; puisque les uns &amp; les
                autres y ont donné des marques de leur valeur : la mort de quelques-uns, &amp; le
                sang des autres justifient assez leur conduite. Cependant nos Etats sont les seuls
                qui souffriront des suites de cet évenement ; puisque l’Empereur n’est guére en état
                de faire passer en Italie un secours aussi prompt, &amp; aussi nombreux qu’il seroit
                à souhaiter, pour réparer la perte que Sa Majesté Imperiale vient d’y
              faire.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Si les projets de la Campagne que nous fismes communiquer à Vostre
                Majesté &amp; à nos autres Alliez dés le mois de Mars dernier, avoient esté suivis,
                les affaires de l’Europe auroient aujourd’huy une toute autre face. Vous sçavez,
                Madame, que nostre sentiment estoit, d’estre sur la défensive en Allemagne, en
                Brabant, &amp; même en Portugal ; &amp; que pendant que la Flotte de Vostre Majesté
                &amp; celle de Messieurs les Etats Generaux tiendroient en crainte &amp; en allarme
                les Côtes d’Espagne &amp; de France, on feroit passer en Italie du moins soixante
                mille hommes, dont vingt mille auroient fait diversion du costé du Milanois, pendant
                que le reste ayant penetré en Piémont, auroit chassé l’ennemi de nos Etats &amp;
                favorisé en même temps les Mécontens du Languedoc, qui se voyant abandonnez du côté
                du Piémont, d’où ils attendoient leur unique soûtien, on les a vû accablez dans un
                instant.</hi></p>
            <p><hi rend="i">L’événement n’a jusqu’icy que trop prouvé, que nous ne nous estions
                point trompez dans les conjectures que nous tirâmes, lorsque nos Ambassadeurs à
                Londres &amp; à la Haye, nous donnerent avis, que le fort de la guerre tomberoit
                cette Campagne sur la Moselle. Ils en firent en nostre nom des remontrances
                inutiles ; les Alliez crurent, sans doute, que nous n’avions en vûë que nos propres
                interests : ce qui les engagea de préferer les avis de quelques particuliers aux
                nostres. Si ces particuliers ambitionnoient si fort la gloire, ils pouvoient venir
                en acquerir plus surement en Italie que sur la Moselle, où leurs vûës se sont
                trouvées bornées.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Nostre conduite jusques à present a esté fort opposée à l’idée qu’on en
                a voulu donner dans les Conferences de la Haye, on a vû que bien loin de songer à
                nos veritables interests, nous les avons sacrifiez pour ceux de la cause commune ;
                &amp; ce sacrifice volontaire ne nous a procuré que l’abandon de la part de nos
                Alliez. Car, Madame, nous ne sçaurions nommer autrement la foiblesse &amp; la
                lenteur des secours qu’on nous a envoyez jusqu’à present ; puisque V.M. n’ignore pas
                qu’ils nous ont esté entierement inutiles.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Nous nous trouvons presentement dans deux extremitez également
                fâcheuses ; il faut que nous voyions passer le reste de nos Etats entre les mains de
                l’Ennemy, ou que nous fassions une paix forcée avec luy, qui ne sera pas moins
                desavantageuse pour nous, que honteuse pour nos Alliez.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Si nous en venons à cette dure necessité, aucune personne raisonnable ne
                sçauroit nous en blâmer ; car vous voyez, Madame, qu’il n’est plus temps pour nous
                de demander du secours aux Alliez, puisqu’ils ont negligé de nous en envoyer,
                lorsque nous estions en estat d’en favoriser le passage, dans le temps que l’Armée
                ennemie estoit fort affoiblie par la longueur du siege de Veruë.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Cependant s’il y a encore quelque milieu à prendre pour l’interest de la
                cause commune, &amp; que nous puissions y contribuer de nôtre part, nous sommes
                encore prests d’écouter là-dessus les sentimens de V.M. &amp; ceux de l’Empereur,
                &amp; des Etats Generaux, à qui nous écrivons aujourd’huy sur le même sujet ; mais
                comme le temps ne sçauroit estre plus precieux, nous esperons que les Puissances
                alliées avec nous ne l’employeront pas en vaines deliberations. Cependant nous
                souhaitons à Vostre Majesté un heureux regne, &amp; toutes sortes de prosperitez,
                puisque nous sommes avec sincerité, Madame, vostre affectionné Amy &amp;
                Confederé.</hi></p>
            <p>Signé, <hi rend="sc">Victor-Amedée</hi>.</p>
          </quote>
          <p>Personne ne doutera, aprés la lecture de cette lettre, que les Alliez n’ayant esté
            battus au Combat de Cassano, puisque Monsieur le Duc de Savoye l’avouë luy mesme ; &amp;
            quand il n’en demeureroit d’accord, ce qui s’est passé depuis ce combat fait connoistre
            la verité. Toutes les Lettres d’Allemagne &amp; celles de l’Armée de Monsieur le Prince
            Eugene ont fait connoistre que ce Prince a reçu sept ou huit mille hommes de secours
            depuis le Combat de Cassano ; &amp; quand il n’en auroit reçeu que six, suivant les
            Lettres de ceux qui l’étendent le moins, il auroit dû, s’il avoit gagné la bataille,
            suivant le langage de ceux qui en ont fait chanter le <hi rend="i">Te Deum</hi> dans
            leurs Etats, faire reculer beaucoup en deçà Monsieur le Duc de Vendosme : puisqu’une
            Armée victorieuse &amp; qui reçoit des secours, aprés le gain d’une bataille, doit
            profiter de ces deux avantages, &amp; pousser vigoureusement ses ennemis. Cependant il
            faut, ou que le gain de cette Bataille tant vanté, soit faux, ou que Monsieur de
            Vendosme soit le plus grand &amp; le plus habile de tous les Capitaines, &amp; que l’on
            ne puisse rien ajoûter à la valeur des François ; puisque les ennemis ont presque
            toujours esté battus, &amp; ont toujours reculé depuis le Combat de Cassano, quoyque
            Monsieur de Vendosme n’ait receu aucun secours. C’est un fait constant, &amp; chacun
            sçait que ce Prince n’a point reçeu ce luy qui luy avoit esté destiné.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-11_407">
          <head>Enigme</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1705 [tome 11], p. 407-410.</bibl>
          <p>Le mot de l’Enigme du mois dernier étoit <hi rend="i">Les Orgues de Barbarie</hi>.
            Quoyque tous les vers en soient justes, je croyois que le mot de cette Enigme seroit
            plus difficile à trouver ; le sujet en estant peu connu. Voicy les noms de ceux qui ont
            trouvé ce mot.</p>
          <p>Mrs de la Panneterie, d’Amiens, ruë Sainte Croix prés du Palais ; Les quatre bien zelez
            pour la Societé, Mrs G. Despiet &amp; Poitevin, Syndics ; Commes &amp; Dorliat, Notaires
            à Bordeaux : André-François Santus, fils du Bailly Royal de Vincennes : Jean Paris &amp;
            Loüis Regnoust, Clercs, de la ruë des Rats : Maître Estienne, de la ruë Guisarde :
            Martel le jeune, de la ruë Bethisy &amp; son Associé, du coin de la ruë des petits
            Champs, avec la charmante Bruné, de la ruë de. Tamiriste : Fanchon, &amp; sa petite
            Poulle, de la ruë de la Bucherie : Le Solitaire Desangloux, &amp; sa chere petite
            Gougou : Et Mlles la plus jeune des trois. Tantes de leur Neveu, de la ruë Guisarde :
            &amp; la Nouvelle Commere, de la porte Saint Antoine.</p>
          <p>L’Enigme que je vous envoye, est de Mr L’Abbé Bechet, Chanoine d’Uzés.</p>
          <quote>
            <label>ENIGME.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">D’étrange &amp; bizarre attitude,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Je n’ay qu’un ventre &amp; qu’un boyau,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le plus pur élement dissout ma plenitude.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Richesse du monde nouveau,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Delice du siecle où nous sommes ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Je fais respirer en repos</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’Artisan, le Soldat, le Docteur, le Heros.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Charmant amusement de la pluspart des hommes,</hi></l>
              <l><hi rend="i">D’usage en tous les temps, &amp; de guerre &amp; de paix,</hi></l>
              <l><hi rend="i">D’usage en tous les lieux, sur la terre &amp; sur l’onde,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais tandis que je fais le plaisir des Palais,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">On ne representa jamais</hi></l>
              <l><hi rend="i">Si naturellement les vanitez de monde.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-11_410">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1705 [tome 11], p. 410.</bibl>
          <p>L’Air que je vous envoye est de Mr de Montaillis.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Que l’on m’apporte un muid au bout de cette table,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et voyons en buvant de ce bon vin nouveau,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui contiendra le plus d’un jus si delectable,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ou de mon ventre, ou du Tonneau.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1705-12">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, décembre 1705 [tome 12]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-12_5">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1705 [tome 12], p. 5-7.</bibl>
          <p>Rien n’estant plus agreable que la varieté en toutes choses, je commence ma Lettre
            d’une maniere assez nouvelle, &amp; dont je ne me suis encore servi qu’une fois ;
            c’est-à-dire, par la chanson suivante, quidoit y servir de Prélude. Elle regarde le Roy,
            dont j’ay accoûtumé de vous parler au commencement de toutes mes Lettres.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Dieu de la Paix, Dieu de victoire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Exauce de</hi>
                <hi rend="sc">LOUIS</hi>
                <hi rend="i">les plus ardens souhaits ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il ne veut vaincre, &amp; ne cherche la gloire,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Que pour faire la Paix.</hi></l>
              <l><hi rend="i">C’est pour tes droits sacrez qu’il entreprit la guerre ;</hi></l>
              <l><hi rend="sc">Seigneur,</hi>
                <hi rend="i">benis tous ses exploits,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et permets que son bras puisse calmer la terre,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Pour y faire regner tes loix.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-12_7">
          <head>[Relation curieuse de tout ce qui s'est passé à Naples, à la découverte de la statue
            équestre de sa Majesté Catholique]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1705 [tome 12], p. 7-16.</bibl>
          <p>Vous devinez bien que cet Air est de M<hi rend="sup">r</hi> de Mez, de la Fléche en
            Anjou ; puisque tous ceux qu’il m’envoye regardent le Roy.</p>
          <p>Je vous ay parlé fort imparfaitement de la découverte d’une Statuë Equestre érigée à
            Naples ; ce qui m’oblige à vous en envoyer la Relation suivante, que je viens de
            recevoir, &amp; de la même maniere qu’elle m’a esté renduë.</p>
          <quote>
            <label>RELATION<lb/>De ce qui s’est passé à la découverte de la Statuë Equestre que la
              Ville de Naples, a élevée au Roy Philippe V. en marque de sa fidelité, &amp; en
              memoire de la venuë de Sa Majesté dans ladite Ville de Naples l’année 1702. faite par
              les soins de M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de Popoli &amp; du Tribunal de la
              Fortification de ladite Ville. Ecrite par Antoine Bulifon.</label>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 16. <hi rend="i">du mois de Septembre dernier. Aprés midy,
                toutes les choses necessaires estant prestes pour découvrir la Statuë Equestre,
                dressée par la Ville de Naples à S.M.C. à la place du Jesus-neuf. Cette place qui
                a</hi> 1600. <hi rend="i">Palmes de circonference, estoit toute ornée de parements
                &amp; de loges, qui estoient remplies d’un grand nombre de Dames &amp; du plus beau
                monde de la Ville. On avoit élevé au milieu de la place une superbe machine de</hi>
              150. <hi rend="i">palmes de hauteur, dans un quarré diametral de</hi> 80.
                <hi rend="i">palmes, formé sur les bases de trois colonnes, qui representoient les
                quatre parties du monde, aux bases desquelles estoient les armes de tous les
                Royaumes &amp; de tous les Estats que S.M.C. possede par toute la terre. Au sommet
                de la machine qui se serroit en fleurs de lis, estoit un Soleil de</hi> 20. <hi
                rend="i">palmes de diametre, avec trois fleurs de Lis, qui forment les armes de S.M.
                Il y avoit au dessous une Couronne Imperiale de</hi> 30. <hi rend="i">palmes de
                circonference, au dessous de laquelle pendoit un pavillon de Damas cramoisi, de</hi>
              100. <hi rend="i">palmes de hauteur, qui couvroit le Roy jusques à terre. Les colonnes
                estoient ornées de Statuës, de festons, de trophées &amp; de cartouches, avec des
                inscriptions à la louange du Roy. Le tout disposé par les soins du Mestre de Camp
                &amp; Ingenieur. Dom Dominique Dentici, Noble du siege de Nido, qui avoit aussi eu
                l’ordre de faire la Statuë Equestre du Roy.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Au milieu de cette machine estoit cette Statuë, qui a esté faite en
                trois années de tems par le fameux Statuaire Nicolas Vacaro. La Statuë avec le
                Cheval pese environ deux cens quintaux, poids de France, &amp; elle a dix-sept
                palmes de haut, sur une base de marbre bien travaillé, de la même hauteur. Le tout
                entourré d’une belle grille de fer, &amp; de</hi> 16. <hi rend="i">petites colonnes
                de marbre. On lit sur la face du devant de la base, l’inscription suivante, composée
                par le sçavant Matthieu Egizi.</hi></p>
            <quote>
              <lg rend="center">
                <l>PHILIPPO V. HIS.</l>
                <l>NEAP. SICIL. ET INDIARUM</l>
                <l>REGI POTENTISSIMO</l>
                <l>CATHOL. PIO FELICI.</l>
                <l>QVOD ADVENTU SUO PRÆSENTIQ</l>
                <l>NUMINE CIVES BENEFICIIS</l>
                <l>ITALIAM MAGNITUDINE RER</l>
                <l>GESTARUM COMPLEVERIT</l>
                <l>ORD. POP. Q. NEAPOLITANUS</l>
                <l>OPT. MAXIMOQ PRINCIPI</l>
                <l>P.P.</l>
                <l>ANN. DOM. MDCCII.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">A quatre heures aprés midi Mr le Marquis de Villena, Viceroy de Naples
                sortit de son Palais en cavalcade précedé de toute la principale Noblesse montée sur
                de beaux chevaux, au milieu des Gardes Suisses, il passa par la belle ruë de Tolede,
                &amp; se rendit à la place du Jesus, où étant devant la Statuë du Roy, on tira
                adroitement</hi> 8. <hi rend="i">cordons du rideau &amp; du grand pavillon, dont il
                se forma un grand dais, garni de galons, franges, &amp; fleurs de lis d’or, Alors le
                Viceroy levant son chapeau, salua le Roy, criant</hi> viva el Rey ; <hi rend="i">ce
                qui fut pareillement prononcé par tous ceux qui estoient presens. Aussi-tost cent
                Musiciens qui estoient sur les bases des pyramides, chanterent les louanges de S.M.
                Dans le mesme tems Mrs les deputez du Tribunal de la Fortification</hi> (<hi
                rend="i">qui avoient eu le soin de faire la Statuë</hi>) <hi rend="i">jettoient de
                deux balcons qui estoient sur les avenues de la place, au peuple quantité de
                medailles d’argent &amp; de cuivre, qui representoient d’un côté, la figure de la
                Statuë, autour de laquelle estoit le nom du Roy, &amp; de l’autre côté une femme
                assise qui representoit Partenope armée d’une cuirasse, &amp; tenant d’une main une
                pique, &amp; de l’autre une corne d’abondance ; les paroles suivantes estoient
                autour</hi>, Adventui Principis Felicissimo. <hi rend="i">Aprés que cette Statuë eut
                esté découverte, Mr le Viceroy alla à l’Eglise Royale des Dames de Sainte Claire,
                où il entendit le</hi> Te Deum, <hi rend="i">qui fut chanté en Musique
                pendant une triple salve de l’Infanterie qui estoit dans la cour de la mesme Eglise,
                &amp; des salves du canon des quatre Châteaux de la Ville de Naples.</hi></p>
            <p><hi rend="i">La nuit estant venuë, toute la place fut éclairée par une grande
                quantité de lumieres, &amp; la machine &amp; le tour de la Statuë par un grand
                nombre de flambeaux de cire de Venise, &amp; cent Musiciens chanterent une belle
                serenade à la louange de Sa Majesté Catholique.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-12_16">
          <head>[Relation du Couronnement de Stanislas I. Roy de Pologne, &amp; de la Reine
            Catherine sa femme]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1705 [tome 12], p. 16-41.</bibl>
          <p>La Relation suivante vient de Pologne ; je ne sçais si elle a esté faite par un
            François ou par quelque Suedois, la langue Françoise estant fort familiere aux Suedois.
            Je n’ay pas crû en devoir reformer le style, afin que les choses y parussent plus
            naturellement comme elles se sont passées.</p>
          <quote>
            <label>RELATION<lb/>Du Couronnement de Stanislas I. Roy de Pologne, &amp; de la Reine
              Catherine sa Femme, qui s’est fait à Warsovie le 4. Octobre dernier.</label>
            <p><hi rend="i">Les Senateurs &amp; les Nonces des Palatinats de Pologne ayant dressé
                les</hi> Pacta Conventa, <hi rend="i">le Roy Stanislas alla la veille de son
                Couronnement à l’Eglise de Saint Jean pour jurer de les observer religieusement.
                S.M. partit du Palais de Belinsky où Elle logeoit. Les Carosses des Palatins &amp;
                des Nonces commençoient la marche, &amp; ceux des Evêques &amp; des Senateurs les
                suivoient ; Le Carosse du Roy, dans lequel S.M. se trouvoit seule, étoit précedé par
                quantité de noblesse à cheval &amp; suivi par ses Gardes du Corps pareillement à
                cheval. Le Roy traversa l’Eglise éclairée par un double rang de flambeaux, jusqu’au
                Grand Autel, où il trouva l’Archevêque de Leopol revêtu de ses habits Pontificaux,
                qui luy lût les</hi> Pacta Conventa <hi rend="i">&amp; le Formulaire du serment.
                S.M. l’ayant prêté à genoux, fut reconduite audit Palais dans le mesme ordre, avec
                cette difference que l’Archevêque de Leopol &amp; l’Evêque de Caminiek
                étoient au retour dans son Carosse sur le devant.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le jour suivant qui étoit le</hi> 4. <hi rend="i">Octobre, Leurs
                Majestez allerent</hi> incognito <hi rend="i">au Château, aprés avoir jeûné trois
                jours de suite pour se préparer à cette solemnité &amp; pour communier.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Sur les</hi> 10. <hi rend="i">heures du matin, tout étant prest, on
                avertit les Ambassadeurs de Suede, qui se rendirent aussitôt au Château, où ils
                furent reçûs d’une maniere convenable à leur rang.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ils trouverent dans la premiere Cour un Bataillon sous les Armes
                tambours battants.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le Maréchal de la Cour, le Sieur Poninsky, les reçût au bas du grand
                escalier à la descente de leurs Carosses. Le Comte Sapieha, Pissart ou Grand
                Commissaire de Lithuanie, les attendoit quelques degrés plus haut, &amp; les
                conduisit jusques à la Salle des Gardes, où le Colonel desdits Gardes, le Sieur
                Poniatowsky, vint au devant d’eux. A la porte de l’antichambre du Roy se trouva le
                Castellan de Siradie, qui est Senateur, avec quelques Députez, qui les
                complimenterent de la part du Roy &amp; de la Republique, &amp; dans l’antichambre,
                le Grand Tresorier de Lithuanie faisant la fonction de grand Maréchal, s’avança vers
                eux &amp; les mena dans les Cabinets de leurs Majestez.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Voicy de quelle maniere tout étoit disposé dans l’Eglise.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Dans le Chœur, vis-à-vis le grand Autel, sur une estrade de niveau avec
                ledit Autel, étoient élevez deux Thrônes sous deux Dais, entourez de Gardes du
                Corps ; un costé du Chœur étoit destiné pour les Generaux &amp; les Officiers
                Suedois, l’autre pour les Grands &amp; pour les Nonces Polonois.</hi></p>
            <p><hi rend="i">A l’égard des Ambassadeurs de Suede, il y avoit entre le premier banc
                &amp; l’Autel trois fauteüils ; au dessus de cet endroit il y à une fenestre &amp;
                une chambre qui communique au Château, de laquelle les Rois de Pologne ont coûtume
                d’entendre la Messe. Elle étoit destinée pour le Roy de Suede, qui voulut estre
                spectateur de cette Ceremonie avec le Comte de Piper, le Duc de Wirtemberg &amp;
                quelques autres Seigneurs Suedois. De l’autre costé vis-à-vis, il y avoit un petit
                Balcon pour la Mere du Roy &amp; les Dames les plus qualifiées.</hi></p>
            <p><hi rend="i">La Marche commença par les Gentilshommes des Ambassadeurs de Suede ;
                ensuite venoient les Nonces Polonois &amp; une grande partie de la
              noblesse.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Aprés eux marcherent de suite le Porte-épée de Posnanie avec l’Epée ; le
                Castellan de Radziec avec la Pomme ; les Castellans de Juny, Wladislaw &amp; de
                Leure, avec les sceptres ; le grand General de Lithuanie &amp; le Castellan de
                Siradie avec les Couronnes.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ces marques de la Royauté estoient suivies par le Tresorier Sapieha,
                faisant la fonction de grand Maréchal de la Couronne.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Au devant du Roy marchoient les Ambassadeurs Wachslager &amp;
                Palmberg.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le Roy, armé de toutes pieces &amp; ayant un Manteau rouge doublé de
                Martres Zibelinies sur les épaules, étoit conduit par le Pissart ou Grand
                Commissaire de Pologne Potocky, &amp; par le Staroste Sapieha. La Reine, qui parut
                ensuite en habit de drap d’argent &amp; les cheveux épars, étoit menée par le Baron
                Horn, premier Ambassadeur de Suede, les Dames &amp; les principaux Officiers de la
                Cour étoient les derniers. Dez que les premiers furent à l’Eglise, on commença la
                Musique sur les trois Tribunes. Les marques de la Royauté furent mises entre les
                mains des Ecclesiastiques, qui les mirent sur le grand Autel, la Couronne du Roy un
                peu plus haut que le reste.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Deux Evêques &amp; deux Prélats le reçûrent &amp; le complimenterent au
                bas du Thrône, dont les deux premiers menerent S.M. à l’Autel ; &amp; la Reine
                cependant passa dans la Sacristie.</hi></p>
            <p><hi rend="i">L’Archevêque étoit assis devant l’Autel, revestut des ses habits
                Pontificaux, auquel l’Evêque de Caminiek dit les paroles suivantes.</hi></p>
            <p>Nôtre Mere Sainte Eglise desire que ce vaillant Chevalier, éleu Roy, soit couronné.
                <hi rend="i">L’Archevêque demanda s’il en étoit digne, &amp; s’il étoit dans le
                dessein de remplir ses devoirs. L’Evêque répondit :</hi> Oüy, il en est digne &amp;
              il remplira ses devoirs. <hi rend="i">Aprés quoy, on ôta au Roy son Casque, Il se mit
                à genoux &amp; promit encore par serment beaucoup de choses conformes aux</hi> Pacta
              Conventa. <hi rend="i">S.M. baisa l’anneau de l’Archevêque, fit sa confession de foy
                &amp; son serment, en mettant les deux mains sur l’Evangile. L’Archevêque ayant la
                teste nüe se mit à genoux avec les autres Ecclesiastiques ; &amp; le Roy se
                prosterna les bras étendus. On chanta les Litanies &amp; plusieurs autres Prieres,
                lesquelles finies, l’Archevêque s’assit sur sa chaire Episcopale ; &amp; le Roy se
                leva sur ses genoux. On luy ôta le Manteau Royal &amp; les brassarts. L’Archevêque,
                avec le pouce de la main droite, luy oignit le dedans de la main droite, le coude
                &amp; le haut des vertebres entre les épaules, prononçant ces mots :</hi> Je t’oins
              pour estre Roy ; au nom du Pere, du Fils, &amp; du S. Esprit. Amen. <hi rend="i">Il
                s’essuya ensuite le pouce avec du pain, &amp; se lava, pendant qu’un Evêque essuya
                le Roy avec du pain frais &amp; avec du coton. Ensuite de quoy on conduisit S.M.
                dans la Sacristie, où elle changea l’habit militaire en un habit Episcopal tout
                blanc, qui doit être gardé pour son enterrement. On trouve que le Roy Jean a de
                mesme esté enterré dans l’habit qu’il avoit porté à son Couronnement. On reconduisit
                S.M. à l’Autel ; l’Archevêque luy donna l’épée nüe. Le Roy la mit entre les mains du
                Porte-épée, qui la remit dans le foureau, &amp; la mit ensuite au côté du Roy ;
                &amp; aprés l’avoir tirée de nouveau, il la brandit plusieurs fois dans l’air, pour
                marquer l’usage qui en doit estre fait, &amp; la remit ensuite dans le foureau. La
                Couronne fut mise sur la teste du Roy par l’Archevesque &amp; les autres Evesques ;
                le Sceptre, dans la main droite, &amp; la Pomme, dans la gauche. Toutes ces
                ceremonies se faisoient avec des prieres &amp; des exhortations convenables à chaque
                sujet. S.M. se leva ; &amp; portant les susdites marques de Royauté, donna l’Epée au
                Porte-épée. Elle monta sur le Thrône, conduite par les Evesques &amp; les principaux
                des Seculiers, où les derniers demeurérent. Peu de temps aprés, le Roy fut reconduit
                par deux Evêques &amp; deux Prelats, à l’Autel, où Sa Majesté demanda à l’Archevêque
                de couronner la Reine. L’Archevêque ayant promis de le vouloir faire ; les deux
                Evêques la menerent de la Sacristie devant l’Autel, où les Ceremonies des deux
                Couronnements furent presque pareilles. La Reine se prosterna, pendant qu’on luy
                donna la Benediction ; on luy oignit la main &amp; le dos entre les épaules, &amp;
                on l’essuya. On la reconduisit dans la Sacristie ; &amp; on la revêtit d’un manteau
                de drap d’argent, doublé d’hermines. Les Evêques la ramenerent devant l’Autel, on
                luy mit la Couronne sur la teste, &amp; le Sceptre dans la main droite ; &amp; l’on
                fit des prieres &amp; des exhortations, comme auparavant. Elle fut conduite ensuite
                à son Thrône. Sept Dames de la premiere qualité porterent sa queuë, &amp; toutes les
                plus distinguées se rangerent autour de Sa Majesté.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Cela fini, on chanta le</hi> Te Deum, <hi rend="i">pendant qu’on faisoit
                trois salves du canon du Château, &amp; de la mousqueterie. Un des Evesques porta
                l’Evangile aux Throsnes pour estre baisé par leurs Majestez ; aprés quoy deux
                Evêques les ramenerent à l’Autel pour y faire leurs offrandes. Elles baiserent
                derechef l’anneau de l’Evesque &amp; quelques Saintes Reliques, &amp; se mirent
                ensuite sur leurs Throsnes pendant la grande Messe, à la fin de laquelle leurs
                Majestez communierent pour cette fois sous les deux especes. L’Archevesque donna la
                benediction à leurs Majestez &amp; au peuple ; &amp; le grand Maréchal de la
                Couronne proclama</hi> vive le Roy &amp; la Reine : <hi rend="i">ce qui fut repeté
                par toute l’Eglise.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On retourna au Château, dans le mesme ordre qu’on avoit observé en
                allant. Dans la grande salle, l’Evêque de Caminiek fit une belle harangue au nom des
                Senateurs &amp; de la Noblesse.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le Tresorier Sapieha luy répondit de la part de leurs Majestez ; aprés
                quoy les deux Etats les Grands &amp; la Noblesse furent admis à leur baiser les
                mains.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Dans la Salle où leurs Majestez mangerent, il y avoit trois tables, dont
                celle du milieu estoit quarrée &amp; élevée de quelques degrez au dessus des autres.
                C’étoit celle de leurs Majestez, qui furent servies par les principaux Officiers du
                Royaume ; les Ambassadeurs de Suede y estoient.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Celle de la droite estoit pour les Senateurs &amp; pour les Nonces ;
                &amp; l’autre pour les Dames &amp; pour plusieurs Officiers &amp; Seigneurs, tant
                Suedois que Polonois.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le Prince Alexandre pendant cette solemnité s’estoit retiré à sa terre
                de Villanova, moins par crainte d’irriter le Roy Auguste contre ses freres
                prisonniers, que pour éviter toute dispute avec les Ambassadeurs de Suede, qui luy
                avoient fait dire que dans une telle ceremonie, &amp; à la table du Roy ils ne
                pouvoient luy donner la préséance. Ce fut pour la même raison que la Princesse mere
                du Roy s’en absenta aussi ; d’autant qu’on avoit un exemple, qu’au Couronnement du
                Roy Michel, sa mere avoit esté assise à table au dessous des Ambassadeurs de
                Suede.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le Roy &amp; la Reine s’estant levez de table, furent reconduits dans
                leur Palais par tout ce qu’il y avoit de gens de qualité.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le lendemain leurs Majestez furent felicitées de nouveau par plusieurs
                Seigneurs &amp; Dames.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Elles dînerent chez M<hi rend="sup">r</hi> le Comte Horn, Ambassadeur de
                Suede, où il y eut un bal &amp; masquarade bien avant dans la nuit.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 6. <hi rend="i">elles dînerent toutes seules. Le soir on celebra
                les noces du Castellary de Mezeriz &amp; d’une Dame de la Cour. La ceremonie fut
                faite par l’Archevêque dans l’appartement de la Princesse Mere du Roy, parce qu’elle
                estoit un peu indisposée. Le Roy soupa dans la grande gallerie en public, à la
                maniere des Rois Polonois nouvellement couronnez ; la Reine &amp; les nouveaux
                mariez estoient à la même table. On en avoit placé une autre bien grande, un peu au
                dessous, pour les Senateurs, les Dames, les Nonces, les Generaux, Seigneurs &amp;
                Officiers Suedois. Il y avoit aussi quelques tables dans l’appartement du
                Maréchal.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le soupé fini, leurs Majestez passerent dans un autre appartement, où il
                y eut bal ; il n’y avoit pour toutes chaises que deux fauteuils pour le Roy &amp;
                pour la Reine.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le Roy dansa le premier avec la nouvelle mariée, précedé de douze
                Senateurs &amp; Seigneurs, dansans deux à deux.</hi></p>
            <p><hi rend="i">La Reine prit ensuite la mariée, précedée des mêmes Seigneurs, &amp;
                suivie de quelques Dames, se tenans aussi deux à deux. Aprés cela, le Roy dansa avec
                la Reine de la même maniere. Cela fini, le Roy donna la liberté de danser à tout le
                monde. La Reine se retira à onze heures, &amp; le Roy environ à minuit.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Et le lendemain, les affaires prirent la place des divertissemens ;
                &amp; cela continua les jours suivants.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il est à remarquer que toutes les ceremonies &amp; circonstances ont
                esté observées à ce Couronnement ; on n’a negligé que celles qui n’étoient pas de
                consequence. On compte du nombre de ces dernieres, la coûtume de jetter des
                medailles au peuple par le Tresorier. Il en est de même du lieu du Couronnement, qui
                est ordinairement à Cracovie ; mais cela n’a pas toûjours esté observé.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Cette Ville a envoyé des Députez, qui ont donné au Roy les clefs pour
                marque de sa soumission. Le Primat fait ordinairement le Sacre du Couronnement ;
                mais on a des exemples que d’autres Evêques l’ont aussi fait, en cas de besoin. Pour
                ce cas-ci, outre que le Cardinal ne pouvoit pas se rendre à Warsovie ; il a declaré,
                qu’il approuvoit tout ce qu’on auroit fait en son absence, &amp; qu’il le tiendroit
                comme fait par luy mesme. Plusieurs Deputez sont arrivez à Warsovie, aprés le
                Couronnement, qui n’avoient pas crû, qu’il dût se se faire si tost. Il est trés
                remarquable, qu’il n’y a pas un Palatinat, ny dans la Prusse, ny dans la grande
                Pologne, ny dans la petite, &amp; mesme dans la Lithuanie &amp; dans la Samogitie,
                où sont les troupes ennemies, qui n’ait envoyé quelques Deputez. Les Cosaques ont
                empesché ceux de la Russie de de s’y rendre ; nonobstant cela, les principaux
                d’entr’eux ont pourtant témoigné leur obéissance. Les hautes vertus, &amp;
                particulierement l’éloquence du Roy, jointes à son pouvoir de distribuer les
                premieres charges du Royaume, aussi bien que le peu de tems qu’il a donné à ceux qui
                veulent avoir part à l’amnistie, font esperer que tout se rangera bien-tôt à son
                devoir.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-12_70">
          <head>[Réjoüissances faite par la Compagnie des Arquebusiers d’Etampes]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1705 [tome 12], p. 70-79.</bibl>
          <p>Monsieur le Duc de Vendosme s’estant acquis beaucoup de gloire par le gain du Combat de
            Cassano, les Chevaliers de la Compagnie Royale de l’Arquebuse d’Estampes, qui sont sous
            la protection de ce Prince, voulant luy donner des marques particulieres de leur
            reconnoissance, s’assemblerent dans l’Hostel de Vendosme, pour resoudre tous les
            préparatifs de cette Feste, &amp; ils chargerent de l’execution Mr Rivet, leur
            Commandant, dont ils connoissent le zele &amp; l’affection. Mr Rivet, écrivit aussitost
            à Mr l’Archevesque de Sens, pour obtenir la permission de faire chanter un <hi rend="i"
              >Te Deum</hi> ; ce qu’il parut accorder avec beaucoup de joye. Mr Crozat, Intendant du
            Conseil de Son Altesse, marqua aussi son zele, en permettant aux Chevaliers, la Chasse
            sur les plaisirs du Prince, la veille de cette réjoüissance.</p>
          <p>On commença à trois heures aprés midy, par la publication de l’Ordonnance des
            Officiers ; &amp; le soir l’on fit battre les Tambours &amp; sonner toutes les Cloches
            de la Ville. L’on dressa un Feu à quatre faces, devant la porte de l’Hostel, où d’un
            costé Mr de Vendosme estoit representé poursuivant l’Armée des Alliez, avec ces mots :
              <hi rend="i">Fiat Angelus persequens &amp; coarctans eos</hi>. Ps. 34. On voyoit, d’un
            autre côté, ce Prince qui mettoit le feu dans les Montagnes du Piémont, en les touchant
            seulement avec une baguette ; &amp; tous les peuples qui, pour éviter l’embrasement,
            montoient au sommet, &amp; sembloient se précipiter, avec ces mots : <hi
              rend="i">Tange montes, &amp; fumigabunt</hi>, Ps. 144. <hi rend="i">Quis se abscondet
              à calore ejus</hi>, Ps. 18. On voyoit dans une autre face Monsieur de Vendosme
            presentant au Roy divers peuples enchaînez, avec ces mots : <hi rend="i">Non timebo
              millia populi circumdantis me</hi>. Ps. 3. <hi rend="i">Omnia subjecisti sub pedibus
              ejus</hi>, Ps. 8. Et la quatriéme face representoit la Victoire, montrant au Roy les
            quatre Saisons, avec ces mots : <hi rend="i">Regnum tuum, regnum omnium sæculorum</hi>,
            Ps. 144. Ce Feu estoit terminé par une Pyramide, aussi à quatre faces, où estoient
            representées toutes les Conquestes de Son Altesse en Italie, avec une Renommée au
            dessus.</p>
          <p>Tout l’Edifice du Feu estant ainsi en état, la Compagnie s’assembla à trois heures
            aprés midy à la porte de leur Commandant, au nombre de cinquante Chevaliers tous sous
            les armes, proprement vêtus, tous leurs chapeaux estant ornez de plumes blanches ; ils
            se rendirent à la porte de Mr Hochereau, Roy de l’Oiseau, qui se mit à leur teste, &amp;
            qui les conduisit à la Butte, où il fut tiré pour Prix trois Eguierres. Ces Prix estant
            tirez, la Compagnie revint à l’Hostel pour disposer la marche. Mrs les Maire perpetuel
            &amp; Lieutenant General de Police marchoient à la teste, suivis de tous les Officiers
            de Ville en robes noires, précedez de leurs Hallebardiers &amp; de leurs Bedeaux en
            robes rouges. Ensuite dequoy, le Roy de la Compagnie richement vêtu, avec ses Officiers,
            l’Esponton à la main, le Drapeau déployé &amp; suivi de tous les Chevaliers, chacun
            selon son rang, entra dans l’Eglise de Nostre-Dame, au bruit de toute l’Artillerie, qui
            avoit esté conduite à la place de l’Eglise, &amp; de trois décharges de Mousqueterie. Le
            tour du Chœur estoit illuminé d’un tres-grand nombre de lamperons ; &amp; le <hi
              rend="i">Te Deum</hi> fut chanté en Musique par le Chapitre. Ce Cantique fini, les
            Tambours qui estoient au milieu du Chœur, donnerent le signal, &amp; l’Artillerie fit
            encore une décharge. La Compagnie sortit dans le mesme ordre, &amp; trouva les fenestres
            des Chevaliers &amp; la porte de l’Hostel toutes remplies de lumieres, que la nuit
            faisoit briller. Mr Hochereau, Roy, à la teste de ses Officiers, alluma le feu, pendant
            que la Compagnie en faisoit le tour au son des Tambours, &amp; au bruit des acclamations
            de <hi rend="i">Vive le Roy &amp; Son Altesse</hi>, du Canon &amp; des Fauconneaux qui
            estoient dans les tours de l’Hôtel, des Boëtes, &amp; de toute la Mousqueterie. Cette
            décharge estant finie, on tira le Feu, dont l’artifice qui estoit nombreuse, fit tout
            l’effet qu’on en pouvoit attendre, &amp; remplit toute la place où ce Feu estoit dressé.
            Aprés quoy, la Compagnie fit encore une décharge &amp; entra dans l’Hostel, où un souper
            magnifique étoit préparé &amp; où les santez du Roy, des Princes de sa Maison &amp; de
            Son Altesse furent souvent réiterées, au son des Tambours. Le souper fini, on commença
            le Bal, où quantité de Dames parurent avec beaucoup d’éclat ; &amp; ce Bal fut suivi
            d’une superbe collation : &amp; l’on peut dire que cette réjoüissance a esté des mieux
            ordonnées &amp; des mieux executées. Ces Chevaliers, en attendant quelques nouvelles
            actions de leur Prince, pour donner des marques plus éclatantes de leur zele, font faire
            des prieres continuelles pour la prosperité des Armes de Sa Majesté.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-12_79">
          <head>[Lettre remplie de plusieurs Articles d’érudition]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1705 [tome 12], p. 79-95.</bibl>
          <p>La Lettre suivante est remplie de beaucoup d’articles d’érudition.</p>
          <quote>
            <label>A…… ce 15. Novembre.</label>
            <p><hi rend="i">Voicy, mon Reverend Pere, les ouvrages nouveaux qui paroissent depuis
                quelque temps dans les Pays étrangers, &amp; dont j’ay reçu des Lettres de plusieurs
                de mes Amis.</hi></p>
            <p>Description de l’Isle Formosa en Asie ; du Gouvernement, des Loix, des Mœurs, &amp;
              de la Religion des Habitans : dressée sur les Memoires du Sr George Psalmanaazaar,
              natif de cette Isle ; avec une ample &amp; exacte Relation de ses Voyages dans
              plusieurs endroits de l’Europe, de la persecution qu’il y a soufferte, &amp;c. par le
              Sr N.F.D.B.R. <hi rend="i">à Amsterdam.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Celuy sur les Memoires duquel cette Relation a esté dressée, est Payen
                de naissance ; il eut pour Précepteur, un Jesuite, qui passoit pour Japonois comme
                luy, &amp; par consequent pour Payen. Cette pieuse fraude ne luy servit de rien,
                &amp; quoy qu’il eust engagé le Disciple à passer en Europe, il ne put l’attirer à
                sa Communion. Un Ministre Anglican fut plus heureux ; il gagna le jeune Japonois,
                dans un voyage qu’il fit en Angleterre.</hi></p>
            <p><hi rend="i">La Relation est bien écrite. On trouve dans le</hi> 33<hi rend="sup"
                >e</hi>
              <hi rend="i">Chapitre un détail bien circonstancié de la persecution faite dans le
                Japon aux Missionnaires de nostre Societé, dans laquelle il a peri depuis</hi> 1549.
                <hi rend="i">jusqu’en</hi> 1616. <hi rend="i">plus de</hi> 500000. <hi rend="i"
                >Chrétiens. On trouve dans le</hi> 37<hi rend="sup">e</hi>
              <hi rend="i">Chapitre, les raisons qui engagerent le jeune Japonois à préferer la
                Communion de l’Eglise Anglicane à celle de la Presbyterienne.</hi></p>
            <p>Phil. Reinh. vitriarii, Jurisconsulti &amp; Antecessoris ordinarii institutiones
              Juris naturæ &amp; gentium, in usum Serenissimi Principis Christiani Ludovici,
              Marchionis, Brandeburgici, &amp;c. &amp; ad Methodum Hugonis Grotii conscriptæ. <hi
                rend="i">C’est un ouvrage que Jean-Jacques Vitriarius, Docteur en Droit, &amp; qui y
                a fait des Notes, a publié depuis peu à Leyde ; il y a mis dans un bel ordre tout ce
                que le sçavant Grotius, Puffendorf &amp; plusieurs autres celebres Ecrivains ont
                rassemblé sur cette importante matiere. Mr Vitriarius qui nous donne cette édition,
                est fils de</hi> Phil. Reinh. Vitriarius, <hi rend="i">Auteur de ce Livre. La
                premiere édition de cet excellent Ouvrage, parut en</hi> 1692. <hi rend="i">il en
                parut, peu de temps aprés, une seconde en Allemagne ; &amp; voicy la troisiéme, qui
                a esté augmentée d’une ample Table des Matieres.</hi></p>
            <p>Voyage de Guinée, contenant une Description nouvelle &amp; tres-exacte de cette Côte,
              &amp;c. <hi rend="i">C’est un Ouvrage que Guillaume Bosman, Conseiller &amp; premier
                Marchand dans le Chasteau S. George d’Elmina, &amp; sous-Commandant de la Côte, a
                composé, &amp; qui a esté imprimé à Vtrecht. L’Auteur a demeuré</hi> 13 <hi rend="i"
                >ans en Guinée ; ainsi il a eu le tems de s’instruire pleinement de tout ce qui
                regarde le Pays. Cette Relation contient vingt-deux Lettres. On trouve dans la
                quinziéme des choses étonnantes des Fourmis de ce pays-là. On remarque dans la
                dix-neuviéme, que la Polygamie est le principal obstacle que les Missionnaires
                trouvent à la conversion de ces peuples. Dans la derniere, l’Auteur dit, qu’ayant
                demandé aux Habitans de Cabamonte, de quelle Religion ils étoient ; ils
                répondirent</hi>, qu’elle consistoit à bien obeïr au Roy &amp; à leurs Gouverneurs,
              &amp; qu’ils ne se mettoient pas en peine d’autre chose.</p>
            <p><hi rend="i">Voicy un autre Voyageur qui nous donne la Description des Isles
                Septentrionales de l’Afrique ; c’est une Description des Royaumes de Barbarie,
                Tripoli, Tunis, &amp; Alger, &amp;c. de sorte que dans ces deux Ouvrages on a la
                description de toute l’Afrique ; puisque dans le premier, c’est-à-dire, dans le</hi>
              Voyage de Guinée, <hi rend="i">on trouve une description d’une partie des Costes
                Meridionales de l’Afrique. Le Voyage de Tripoli est composé de quatre Lettres ; la
                quatriéme est une espece de Dissertation sur la Tradition de l’Eglise, pour le
                rachat &amp; le soulagement des Captifs. L’Auteur la fait remonter, cette Tradition,
                jusqu’à Abraham, qui délivra Loth son neveu, qui avoit esté fait prisonnier. C’est
                prendre la chose d’un peu loin.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Un Philosophe Anonyme a publié dans le monde, des</hi> Reflexions sur la
              transmutation des Metaux. <hi rend="i">Il dit sur ce sujet des choses fort curieuses ;
                &amp; il démontre l’impossibilité de cette transmutation, par l’impossibilité qu’il
                y a, par exemple, de faire meurir le Plomb, comme quelques Philosophes prétendent
                qu’il meuriroit dans les entrailles de la terre, si on l’y laissoit un certain
                temps. Nostre Philosophe s’inscrit en faux contre l’experience de Van-Helmont, qui
                prétendit autrefois avoir changé le Mercure en eau ; &amp; il assure que ce celébre
                Chimiste ne prit pas assez garde à toutes les circonstances de son operation. Il m’a
                parû que cet Auteur est partisan de l’ancienne doctrine des atomes :</hi> Qui
              oseroit, <hi rend="i">dit-il</hi>, se promettre que parmi une infinité de corps que la
              terre nous fournit, il seroit assez heureux pour en trouver, en tâtonnant &amp; à
              l’aveugle, qui seroient propres pour en faire de l’or, &amp; en sçavoir la juste
              doze ? Ce qui seroit un hazard plus grand que si en jettant un million de dez à la
              fois, tous venoient à marquer le même nombre : car peut-estre cela n’arriveroit-il
              pas, quand on commenceroit de les jetter depuis le commencement du monde jusqu’à la
              fin ? <hi rend="i">On juge par ce trait que nôtre Philosophe ne fait pas beaucoup de
                fonds sur les operations de la Chimie.</hi></p>
            <p>Atlas historique ou nouvelle Introduction à l’Histoire, à la Chronologie, &amp; à la
              Geographie ancienne &amp; moderne : representée dans de nouvelles Cartes, où l’on
              remarque l’établissement des Rois &amp; Empires du monde, leur durée, leur chûte &amp;
              leurs differens gouvernemens ; la Chronologie des Consuls Romains, des Papes, des
              Empereurs, des Rois &amp; des Princes, &amp; qui ont été depuis le commencement du
              monde jusqu’à present ; &amp; la Genealogie des Maisons Souveraines de l’Europe, par
                M<hi rend="sup">r</hi> C… avec des Dissertations sur l’histoire de chaque Etat ; par
                M<hi rend="sup">r</hi> Gueudeville. A Amsterdam 1705.</p>
            <p><hi rend="i">On trouve dans cet Ouvrage des Cartes de Geographie, tant pour
                l’ancienne histoire que pour la nouvelle : on y trouve aussi des tables
                chronologiques, qui contiennent par ordre les évenemens les plus considerables de
                l’Histoire, tant Sacrée que Profane. L’Auteur a joint au portrait des Empereurs, une
                marque qui apprend ce qu’il a été ; à peu prés selon la methode de Mr Martel dans
                ses</hi> Tablettes Chronologiques. <hi rend="i">L’opinion de l’Auteur sur le
                Pontificat de S. Pierre, est qu’il a gouverné l’Eglise</hi> 24. <hi rend="i">ans,
                cinq mois &amp; dix jours, &amp; qu’il fut crucifié la tête en bas, environ le</hi>
                29. <hi rend="i">Juin.</hi></p>
            <p>Discours touchant la felicité des gens de bien &amp; la punition des méchans dans
              l’autre monde. Premiere partie, qui contient les preuves de l’immortalité de l’ame
              &amp; de la vie éternelle. Par M<hi rend="sup">r</hi> Sherlock, Doyen de S. Paul à
              Londres, &amp;c. <hi rend="i">Cet ouvrage est traduit de l’Anglois.</hi> Si on
              pouvoit, <hi rend="i">dit l’Auteur</hi>, prouver par la raison, qu’il est impossible
              que l’ame puisse vivre separée du corps, ce seroit un fort argument contre la verité
              de la revelation, qui nous dit positivement le contraire. Mais jamais homme ne
              prouvera l’impossibilité de la vie aprés la mort, &amp; jamais personne n’a entrepris
              de la prouver. Tout homme raisonnable doit avoüer que cette vie est trés possible.
              S’il y a donc une revelation Divine, &amp; c’est le seul article qu’il faut prouver,
              &amp; ce que la droite raison nous montre sensiblement n’estre pas impossible, doit
              devenir l’objet propre de nôtre foy, dés que nous sommes assurez par la revelation que
              cela est veritable. <hi rend="i">Voilà un des raisonnemens de Mr Sherlock.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il court trois Lettres dans le monde qui font beaucoup de bruit : La
                premiere, est une Lettre en Prose &amp; en Vers sur l’incertitude du Roy Auguste en
                matiere de Religion ; elle est bien écrite &amp; elle finit par ces deux
              Vers.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l>Il verra ce qu’il en coûte,</l>
                <l>Quand on ose tromper Dieu.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">La seconde, regarde une These de Philosophie qui a été soûtenuë en
                Lorraine, &amp; où leurs A.R. ont assisté. Le Pere Augustin de S. Paul, Professeur
                de Philosophie des Peres Cordeliers de Nancy l’avoit dédiée à Monsieur le Duc de
                Lorraine ; le portrait de ce Prince étoit dans une medaille de quatre pouces de
                diametre soûtenuë par deux Renommées, &amp;c. Le compliment de celuy qui ouvrit la
                These fut admiré ; le sçavant Religieux qui le fit, argumenta en François sur la
                pesanteur de l’air. Mr Petitdidier fut aussi écouté avec plaisir.</hi></p>
            <p><hi rend="i">La troisiéme Lettre est sur les qualitez d’un bon Juge. L’Auteur
                remarque qu’il ne faut pas suivre l’opinion de</hi> Monsieur.… <hi rend="i">sans
                approfondir si</hi> Monsieur.… <hi rend="i">suit la régle de la Justice &amp; de
                l’équité. Je suis</hi>, &amp;c.</p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-12_95">
          <head>[Ceremonie faite dans la Chapelle de S. Symphorien, presentement appellée S.
            Luc]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1705 [tome 12], p. 95-105.</bibl>
          <p>L’Eglise Collegiale de Saint Denis, dite de Saint Symphorien, prés Saint Denis de la
            Chartre, dans la Cité, l’une des plus anciennes de Paris, ainsi qu’il est prouvé par le
            Testament d’Ermentrude, qui vivoit sous la premiere Race de nos Rois, écrit sur du
            papier d’Egypte, &amp; gardé aux Archives de Saint Denis en France ; &amp; comme il se
            voit encore par la Fondation qu’y fit Matthieu, Comte de Beaumont, l’an 1206 en
            consideration du lieu qui avoit servy de Chartre au Bienheureux Saint Denis, avec le
            consentement d’<hi rend="i">Odo</hi> ou <hi rend="i">Vde</hi> soixante-onziéme Evêque de
            Paris, pour trois Chanoines Prébendez ; a esté desservie fort long-temps par ces
            Chanoines. On ignore quand elle fut érigée en Paroisse ; on sçait seulement que Robert
            de la Chambre &amp; Jeanne sa femme y ont fait quelques legs en 1214. &amp; qu’en 1225.
            Raoul Chevenacier legua 125. livres parisis pour la fondation d’un Chapelain ; qu’elle a
            esté dediée à S. Denis &amp; à Sainte Catherine, &amp; depuis à S. Symphorien &amp; à S.
            Blaise.</p>
          <p>Cette Eglise qui a esté ensuite Paroisse, ayant subsisté jusqu’au 30<hi rend="sup"
              >e</hi>. Decembre 1698. que par Decret de Monsieur le Cardinal de Noailles, elle fut
            supprimée, éteinte &amp; réunie à Sainte Marie-Madeleine de la même Cité. Elle a esté
            venduë par Contrat du 3. May 1704. à la Communauté des Arts de Peinture &amp; de
            Sculpture de cette Ville, qui l’ayant ornée, embellie, &amp; décorée ; &amp; aprés
            qu’elle a esté visitée par M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Chapellier, Doyen de S. Germain
            l’Auxerrois, &amp; Grand-Vicaire de Son Eminence, il a esté en consequence permis d’y
            celebrer le service divin, sous l’invocation de <hi rend="i">Saint Luc &amp; de Saint
              Jean l’Evangeliste</hi>, leurs Patrons. Cette permission aïant esté obtenuë, cette
            Communauté, aprés s’estre empressée d’en rendre de tres-humbles graces à Dieu, alla
            supplier son Altesse Serenissime Madame la Duchesse de Nemours, Souveraine de
            Neufchastel &amp; de Val-Engin, en Suisse, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de
            Chastillon, de leur faire l’honneur de vouloir bien donner le nom à la Cloche de leur
            Chapelle, lorsqu’elle seroit benite, &amp; de leur marquer le jour qu’il leur plairoit
            choisir pour cette ceremonie, qu’ils fixerent au Samedy 17<hi rend="sup">e</hi>.
            d’Octobre dernier. Et cette Communauté s’étant assemblée dés le matin du même jour dans
            son Bureau, les Gardes-Jurez, les Anciens, les Modernes &amp; les Jeunes chargerent M<hi
              rend="sup">r</hi> l’Abbé le Maistre du soin des ceremonies Ecclesiastiques, &amp; M<hi
              rend="sup">r</hi> Pezey, des Laïques. L’Assemblée convint que lorsque la Princesse
            Maraine &amp; le Duc Parain paroistroient, toute la Communauté sortiroit &amp; se
            tiendroit en haye des deux costez de la ruë, depuis leur Eglise jusques au bout du Pont
            Nostre-Dame, que les sieurs Elies, Martin, Besançon &amp; Slodze, leurs Gardes-Jurez en
            Charge, &amp; les sieurs le Chantre, Tristan &amp; Goupille, Anciens, précedez du
            Maistre des Ceremonies, avanceroient jusques à la vûë de la Princesse &amp; du Duc,
            qu’ils salueroient d’une profonde reverence ; qu’ils seroient en habit uniforme noir, en
            manteau &amp; en épée, &amp; qu’ils les conduiroient jusques en leur Eglise, où M<hi
              rend="sup">r</hi> l’Abbé Chastelain, Chanoine de l’Eglise de Paris, qu’ils avoient
            choisi pour en faire les benedictions, accompagné de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé
            Balin, leur Aumosnier, de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé le Maistre, &amp; de
            tout le Clergé assistant, viendroient à la porte leur presenter de l’eau-benite. Madame
            de Nemours arriva à trois heures &amp; demie, accompagnée de M<hi rend="sup">r</hi> le
            Duc de Chastillon, de M<hi rend="sup">e</hi> la Duchesse son épouse, de M<hi rend="sup"
              >r</hi> le Comte de Luz leur fils, de Mlle de Neuf-chastel, &amp; de M<hi rend="sup"
              >r</hi> de Maulondin, &amp;c. Cette Princesse alla se placer sur un fauteüil qui luy
            avoit esté préparé, qui estoit élevé sur une estrade vis-à-vis la Credence, sur laquelle
            estoient posées toutes les choses necessaires pour cette benediction. M<hi rend="sup"
              >r</hi> le Duc de Chastillon se plaça à sa gauche, ainsi que M<hi rend="sup">e</hi> la
            Duchesse de Chastillon, sur des fauteüils plus bas que l’estrade. Les Gardes-Jurez de la
            Communauté &amp; les Anciens étoient debout prés de la Cloche, psalmodiant avec le
            Clergé. Aprés que la Maraine &amp; le Parain eurent sonné avec le battant de la Cloche
            jusques à trois fois, &amp; les Gardes une seule, son Altesse &amp; M<hi rend="sup"
              >r</hi> le Duc de Chastillon l’ayant nommée <hi rend="i"
              >Marie-Jeanne-Lucase-Sigismonde</hi>, ils furent reconduits dans le même ordre jusques
            à leurs Carosses.</p>
          <p>La Feste de Saint Luc, leur premier Patron, se rencontra le lendemain, on la celebra
            pour la premiere fois dans cette Chapelle, &amp; la Feste fut solennisée avec autant de
            joye que d’éclat ; les Gardes, tous les Anciens, les Modernes &amp; les Jeunes s’y
            estant trouvez, l’Assemblée fut fort nombreuse. Toute cette Communauté alla à
            l’Offrande, selon son rang, &amp; tous les Anciens voulurent avoir l’honneur d’y rendre
            le Pain-benit ce jour-là.</p>
          <p>Trois jours aprés, cette Communauté députa les sieurs Besançon, Slodze, Dumesnil &amp;
            Chauveau, (ces deux derniers élûs nouvellement Gardes) les sieurs Tristan, Bonnard, le
            Goupille, Elies &amp; Martin, qui allerent tous ensemble, avec M<hi rend="sup">r</hi>
            l’Abbé Balin leur Aumônier, prier M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Chastelain de vouloir
            bien les accompagner chez Madame la Duchesse de Nemours &amp; chez M<hi rend="sup"
              >r</hi> le Duc de Châtillon, pour les remercier, &amp; les prier de signer l’Acte de
            Baptême sur leur Registre, qui leur fut presenté avec la plume par le sieur François,
            Greffier, accompagné de M<hi rend="sup">r</hi> Pezey, Maître des Ceremonies. Ils
            remercierent tous ensemble cette Princesse &amp; ce Duc, au nom de toute leur
            Communauté, de l’honneur qu’ils avoient bien voulu leur faire.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-12_106">
          <head>[Extrait d’une Lettre d’un Ecclesiastique demeurant chez Mrs de la Mission de Rome,
            à un de ses amis en Languedoc, écrite au sujet de la célèbre Colonne de marbre Granit
            Oriental, nouvellement découverte en une des maisons de Missionnaires de la même
            Ville]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1705 [tome 12], p. 106-112.</bibl>
          <quote>
            <label>EXTRAIT<lb/>D’une Lettre d’un Ecclesiastique demeurant chez M<hi rend="sup"
                >rs</hi> de la Mission de Rome, à un de ses amis en Languedoc, écrite au sujet de la
              celebre Colonne de marbre Granit Oriental, nouvellement découverte en une des Maisons
              des Missionnaires de la même Ville.</label>
            <p><hi rend="i">Rome, dont les antiquitez ont de tout temps fait l’attention de tout
                l’Univers, vient de faire la nôtre en ce même genre, dans cette Maison. Le mesme
                jour que je vous envoyay la Bulle du Pape, que je ne pûs accompagner d’un mot de
                Lettre, on a fait dans le Jardin de cette Maison, une des plus belles fonctions en
                matiere de Statique, qu’on ait fait en Europe depuis l’érection de l’Obelisque de
                saint Pierre. On éleva &amp; on coucha une Colonne de marbre Granit, rouge,
                Oriental, toute d’une piece, haute de soixante-sept Palmes, &amp; grosse de
                vingt-six &amp; demi. Il y a prés de</hi> 16 <hi rend="i">cens ans qu’elle étoit
                plantée en cette Ville de Rome, ayant esté élevée en l’honneur d’Antonin, lorsqu’on
                fit son Apotheose. Le pié-destal est tout d’une piece, de la hauteur de dix-huit
                Palmes ; on y lit d’un costé l’Inscription suivante, en gros caracteres,
                non-seulement gravez fort avant dans le marbre, mais encore sur un airain qui y est
                fort avant enfoncé :</hi></p>
            <quote>
              <lg rend="center">
                <l>DIVO ANTONINO AUGUSTO PIO</l>
                <l>ANTONINUS AUGUSTUS, ET VERUS AUGUSTUS FILII.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">Le costé opposé est orné de tres-beaux Bas-reliefs, qui representent
                autant de Symboles de l’Apotheose. On voit au milieu un jeune homme aîlé, que les
                Sçavans disent estre le Genie. Il a les aîles déployées comme en posture volante ;
                il a sous ses pieds quantité d’instrumens de Guerre, comme Carquois, Fléches,
                Boucliers, Ecus, &amp;c. Il tient avec la main droite une Draperie volante, qui luy
                sert de Manteau, &amp; avec la gauche il presente un Globe celeste étoilé, où l’on
                voit la Lune, &amp; une partie du zodiaque, sur laquelle sont représentez les Signes
                des Poissons &amp; du Belier, qui sont les Symboles de Fevrier &amp; de Mars, temps
                auquel les Auteurs anciens disent que se fit l’Apotheose. Ce jeune homme porte sur
                ses épaules Antonin, d’un costé, &amp; Faustine de l’autre. Le premier tenant en
                main un Sceptre, au bout duquel est une Aigle ; Faustine est couverte d’un voile,
                symbole de la déification. On voit en haut deux Aigles volantes, qui representent
                les Ames de ces deux Princes qui s’envolent aux Cieux. On voit au dessus, du costé
                droit, Rome avec un Casque en teste, montrant avec le doit ledit jeune homme aîlé.
                Son bras gauche est appuyé sur un Ecu, ou est représenté la Louve qui alaite Remus
                &amp; Romulus. Du costé gauche est représenté un jeune homme nud qui embrasse avec
                la main gauche un Obelisque ; la main droite luy manque. On remarque aussi un
                Serpent &amp; un Coq, Symboles de la prudence &amp; de la vigilance
              d’Antonin.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le Château qui devoit porter le poids de la Colonne est composé de six
                grosses Antennes ou Colonnes, faites chacune avec douze grosses poûtres ; elles sont
                hautes de cent dix Palmes, &amp; grosses de seize. Les poutres sont attachées
                ensemble avec de grosses machines de fer, &amp; des cordes pour suppléer, en cas que
                le fer se cassast. On avoit fait sur ces Colonnes un beau Château, tres-bien
                fortifié, qui portoit dix-huit des plus grosses poutres qu’on ait pû trouver,
                ausquelles devoient estre attachées toutes les poulies &amp; les roües. Il y avoit
                douze Cabestans, deux leviers de vingt-cinq Palmes chacun, &amp;c. &amp; cinq cens
                hommes travailloient, &amp;c. Le tout réussit fort bien.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Dés que la Colonne fut abaissée, cinquante Mortiers, les Canons du
                Château Saint-Ange, quantité de Tambours &amp; de Trompettes, la Cloche de la Curia,
                &amp;c. en annoncerent la nouvelle à la Ville. Je suis, &amp;c.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-12_126">
          <head>Ode</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1705 [tome 12], p. 126-137.</bibl>
          <p>La cure que Mr Raisin, Chirurgien du Roy à Toulouse, y vient de faire, est si
            singuliere, &amp; peut devenir si utile au public, que je ne dois pas oublier de vous en
            parler. Mr l’Abbé Fresquet, homme de qualité &amp; de merite, sentoit depuis son enfance
            des douleurs extrêmes, &amp; des retentions d’urine dont on ne pouvoit deviner la cause.
            Il fit consulter son mal à Paris ; &amp; les plus habiles Medecins &amp; Chirurgiens
            crurent qu’il avoit la pierre. Ils furent d’avis qu’il se fist sonder ; il le fit, &amp;
            Mr Raisin sentit bien que cette pierre estoit tres-grosse. L’operation estoit
            dangereuse, mais le mal estoit extrême. Mr Fresquet la demanda ; il se prépara sagement
            à la mort, &amp; se livra courageusement entre les mains de cet homme, déja fameux par
            plusieurs belles cures. Il fit cette Operation au mois d’Avril dernier, en présence de
            tout ce qu’il y a d’habiles gens à Toulouse. Elle fut violente, mais heureuse ; &amp; il
            arracha une pierre noire, rameuse, plus grosse qu’un gros œuf, &amp; pesant environ une
            livre. Cette pierre estant enracinée dans la Vessie, le Malade souffrit beaucoup, &amp;
            le Chirurgien s’acquit beaucoup de gloire. Toute la Ville voulut voir cette pierre ; ce
            qui obligea de la faire graver, afin que les Curieux en pussent avoir des Estampes. Les
            suites de cette operation ont esté heureuses, puisque Mr Fresquet joüit d’une parfaite
            santé. Le Pere D.L. fameux Predicateur de l’Ordre des Freres Prescheurs, voulant rendre
            cette guerison celebre, a composé l’Ode suivante, adressée à Mr Fresquet, Curé de Revel,
            que j’ay crû vous devoir envoyer ; parce qu’on ne peut rendre trop public une si belle
            cure, ni donner trop de loüanges à ceux, dont le profond sçavoir est si utile au genre
            humain.</p>
          <quote>
            <label><hi rend="i">ODE.</hi></label>
            <lg>
              <l>Enfin mes justes allarmes</l>
              <l>Se changent en doux transports ;</l>
              <l>Enfin, amy plein de charmes,</l>
              <l>Tu reviens de mille morts.</l>
              <l>Une pierre meurtriere</l>
              <l>De ton corps fit sa carriere,</l>
              <l>Et t’aprocha du tombeau :</l>
              <l>Mais une main Souveraine</l>
              <l>A de ta vie incertaine</l>
              <l>Ralumé l’heureux flambeau.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> Puis-je contenir ma joye ?</l>
              <l>Puis-je taire ton bonheur ?</l>
              <l>Que ma Muse icy déploye</l>
              <l>Mille chants en ton honneur !</l>
              <l>Je fais tréve avec mes veilles,</l>
              <l>Et des celestes merveilles</l>
              <l>Je suspens les saints Portraits,</l>
              <l>Pour chanter d’un ton d’Oracle,</l>
              <l>Le salutaire Miracle</l>
              <l>Dont tu conserve les traits.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> Grand Dieu, dont la Providence.</l>
              <l>Blesse &amp; guerit les mortels,</l>
              <l>A fin que leur main encense</l>
              <l>Toujours tes sacrez Autels ;</l>
              <l>Permets que ma gratitude</l>
              <l>Me dérobe à mon étude</l>
              <l>Pour annoncer tes faveurs ;</l>
              <l>Ranime ma foible Lyre,</l>
              <l>Et sur ce qu’elle va dire,</l>
              <l>Répans de vives ardeurs.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> Aprés l’équitable hommage</l>
              <l>Que j’ay fait au Tout-Puissant ;</l>
              <l>C’est à toy que mon langage</l>
              <l>S’adresse, amy renaissant.</l>
              <l>O quelles douleurs mortelles,</l>
              <l>O quelles langueurs cruelles,</l>
              <l>Ont souffert tes tristes jours !</l>
              <l>Helas, tu formas toy-même,</l>
              <l>Malgré toy, le mal extrême</l>
              <l>Dont tu nourrissois le cours.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> Tel qu’un nuage paisible,</l>
              <l>Qui brille au milieu des airs,</l>
              <l>Paîtrit dans son sein terrible,</l>
              <l>La source de mille éclairs ;</l>
              <l>Une exhalaison brûlante</l>
              <l>S’y condense, s’y fomente,</l>
              <l>Et forme un ardent carreau,</l>
              <l>Qui choquant ses flancs humides,</l>
              <l>Romp ses barrieres liquides</l>
              <l>D’où pleut la pierre avec l’eau.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> Telle fut ta destinée,</l>
              <l>Modeste &amp; brillant Fresquet ;</l>
              <l>Ton sein, comme une nuée,</l>
              <l>Forma son pierreux bouquet ; *</l>
              <l>Il nâquit dans ton enfance,</l>
              <l>Il crût avec ta souffrance</l>
              <l>Que causoient ses mouvemens,</l>
              <l>Qui déchirant tes entrailles,</l>
              <l>Preparoient tes funerailles</l>
              <l>Avec nos gemissemens.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> Combien de tristes complaintes</l>
              <l>Forma ton troupeau cheri !</l>
              <l>Combien de cuisantes craintes</l>
              <l>Sentit mon cœur attendri !</l>
              <l>Déja tout un Peuple en larmes</l>
              <l>Pleuroit tes vertus, tes charmes,</l>
              <l>Et je secondois ses pleurs ;</l>
              <l>Il perdoit un beau modele,</l>
              <l>Je perdois un cœur fidele :</l>
              <l>Tes maux causoient nos malheurs.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> Mais l’intrepide Science,</l>
              <l>Du sage &amp; sçavant Raisin</l>
              <l>Ranima nostre esperance,</l>
              <l>Et rétablit ton destin.</l>
              <l>Cet Esculape celebre,</l>
              <l>Foüillant dans ton corps funebre,</l>
              <l>En sçût arracher la mort ;</l>
              <l>Et par un rare prodige,</l>
              <l>Cherchant tes maux dans leur tige,</l>
              <l>Il te fit un nouveau sort.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> Alors parut sur la terre</l>
              <l>A ton œil épouvanté,</l>
              <l>Un monstre formé de pierre,</l>
              <l>Par ta douleur enfanté ;</l>
              <l>Dur, herissé, noir, énorme :</l>
              <l>Il fit connoistre à sa forme</l>
              <l>Quel fut l’excés de tes maux.</l>
              <l>Non, les climats les plus sombres</l>
              <l>Ne cachent pas sous leurs ombres</l>
              <l>De si hideux mineraux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> A peine fut répanduë</l>
              <l>Ta fameuse guerison,</l>
              <l>Qu’une affluence éperduë</l>
              <l>Vint assieger ta maison.</l>
              <l>La mere des beaux Genies,</l>
              <l>La source des harmonies,</l>
              <l>Toulouse enfin s’atroupa.</l>
              <l>Elle doutoit du miracle ;</l>
              <l>Mais ce monstrueux spectacle</l>
              <l>La ravit, la détrompa.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> O toy, dont la main sçavante</l>
              <l>A fait cet effort divin,</l>
              <l>A ta Cité qui te vante,</l>
              <l>Sois utile, heureux Raisin ;</l>
              <l>Sauve mille illustres testes,</l>
              <l>Cause mille douces Festes</l>
              <l>Par ton art, par ta vertu.</l>
              <l>Ta pieuse &amp; docte vie</l>
              <l>Desarme la noire envie,</l>
              <l>Dont tout autre est combattu.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> Pour toy, que le Ciel rapelle</l>
              <l>Des approches du trépas</l>
              <l>Benis l’en, ami fidele,</l>
              <l>Et ne t’en exempte pas,</l>
              <l>Tantost fervent sans relâche</l>
              <l>Offres-luy l’Agneau sans tache</l>
              <l>Devant ton Troupeau joyeux ;</l>
              <l>Tantost rempli d’éloquence,</l>
              <l>Presche ta reconnoissance</l>
              <l>Sur des Theatres fameux.</l>
            </lg>
            <note><p>* Cette pierre a plusieurs branches, comme un bouquet.</p></note>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-12_188">
          <head>[Rencontre de l’Himen et de l’Amour]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1705 [tome 12], p. 188-193.</bibl>
          <p>Les Vers suivans ont esté faits par un Maître des Comptes, qui n’a pas moins de goust
            pour la Poësie, que pour les Sciences, &amp; dont l’esprit a souvent brillé dans l’une
            des Academies établies par Sa Majesté.</p>
          <quote>
            <label>RENCONTRE DE L’HYMEN ET DE L’AMOUR,<lb/>Le jour du Mariage de deux personnes de
              la premiere distinction dans la Robe.</label>
            <lg>
              <label>L’AMOUR.</label>
              <l> Où court le Dieu de l’Hymenée ?</l>
              <l>Et quel est le sujet de son empressement ?</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>L’HYMEN.</label>
              <l> Je vais pour accomplir l’heureuse destinée</l>
              <l>D’un Magistrat illustre, en qui rien ne dément</l>
              <l>L’éclat de tant d’Ayeux, dont il fait l’ornement ;</l>
              <l> Et d’une Epouse fortunée,</l>
              <l>Que Themis vit un jour naistre dans son Palais,</l>
              <l>Et qui dés ce moment par le Ciel fut ornée,</l>
              <l>D’esprit &amp; de vertu, de graces &amp; d’attraits.</l>
              <l>Aujourd’huy, par mes soins, un doux nœud les assemble ;</l>
              <l>Au Temple, où l’on m’attend, on doit trouver ensemble</l>
              <l> La Foy, la Pudeur, l’Equité,</l>
              <l> La Sagesse, la Probité,</l>
              <l>Et les autres Vertus que tu ne connois gueres,</l>
              <l>Lorsque seul &amp; sans moy tu forges tes mysteres.</l>
              <l> Adieu, ne me retarde pas.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>L’AMOUR.</label>
              <l> Et moy je vôle sur tes pas,</l>
              <l> Je veux estre de la partie ;</l>
              <l>Cette union sans moy seroit mal assortie :</l>
              <l>Quoy ! peut-on sans l’Amour former de si beaux nœuds ?</l>
              <l>Et crois-tu qu’ils n’ont pas déja senty mes feux ?</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>L’HYMEN.</label>
              <l> Non, ton secours ne m’est pas necessaire,</l>
              <l>Ton air badin, folastre, indiscret, temeraire,</l>
              <l>Sieroit mal aux grands cœurs que je vais rendre heureux.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>L’AMOUR.</label>
              <l>Hymen, ignores-tu que je prends, quand je veux ;</l>
              <l>Mais avec toy, sur tout, un autre caractere.</l>
              <l>Tu me verras discret, tendre, sage &amp; sincere ;</l>
              <l> J’auray pour armes ces traits d’or,</l>
              <l>Qui causent sous mes loix les secrettes blessures,</l>
              <l>Dont se sentent picquer les ames les plus pures :</l>
              <l>Du flambeau que je tiens, tu verras naistre encor,</l>
              <l>D’innocentes ardeurs, &amp; des feux legitimes,</l>
              <l> Pour enflamer &amp; l’Epouse &amp; l’Epoux.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>L’HYMEN.</label>
              <l>A ces conditions l’accord est entre nous ;</l>
              <l>Que d’Hymen &amp; d’Amour leurs cœurs soient les victimes,</l>
              <l>Mêlons de nos flambeaux, &amp; la flâme &amp; l’ardeur,</l>
              <l>Unissons-nous, allons consommer leur bonheur.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-12_193">
          <head>[Lettre écrite à Mr de Baville]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1705 [tome 12], p. 193-198.</bibl>
          <p>Je croy devoir faire préceder la Lettre que vous allez lire, à l’article du mariage de
            Mlle de Lamoignon. Cette Lettre a esté écrite à M<hi rend="sup">r</hi> de Bâville,
            Intendant de Languedoc, sur la mort de M<hi rend="sup">e</hi> de Lamoignon, sa mere,
            &amp; grand’mere de Mlle de Lamoignon, fille du President à Mortier de ce nom, &amp; qui
            vient d’épouser M<hi rend="sup">r</hi> le premier President Nicolaï, dont je vous
            parleray ensuite de cette Lettre.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">J’ay esté tres-sensible à la grande perte que vous venez de faire de
                feuë Me vostre illustre Mere ; je ne doute point, que dans cette triste occasion,
                vous n’ayez eu besoin, de toute la fermeté que vous avez fait éclater en tant
                d’autres. En effet, cette Dame estoit également respectable par ses vertus &amp; par
                son rang ; &amp; sa mort a esté aussi glorieuse que sa vie. Trop heureux, si je
                pouvois à cette heure representer à vos yeux fins &amp; delicats, la grandeur de son
                ame, la pureté de ses intentions, la solidité de sa pieté, la vigueur de sa foy,
                l’ardeur de son zele, l’exactitude de sa justice, la profondeur de son humilité,
                l’étenduë de sa charité, l’innocence de sa conduitte, la sainteté de ses
                mœurs, l’austerité de sa penitence, les douceurs de sa patience &amp; de sa parfaite
                obéissance. Mais il faudroit entrer dans vostre cœur affligé, pour se former le
                portrait naïf &amp; fidele que vous y gardez prétieusement, &amp; que les
                traits animez de vostre seule éloquence pourroient égaler. Pour moy, à qui il seroit
                difficile d’exprimer assez bien ces diverses &amp; excellentes qualitez, je me
                contenteray de les admirer, &amp; de prier le Seigneur qu’il vous console luy-même
                dans vostre accablante affliction. C’est le souhait de celuy qui est avec autant de
                ressentiment que de respect, &amp;c.</hi></p>
          </quote>
          <p>Cette Lettre estoit suivie des Epitaphes que vous allez lire.</p>
          <quote>
            <label>EPITAPHES<lb/><hi rend="sc">de Madame de Lamoignon.</hi></label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Aprés avoir servi ton Dieu,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Rempli de bonne odeur ce lieu,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Par des bienfaits d’éternelle memoire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Admirable Potier, tu descends au Tombeau ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et de tant de beaux jours, que couronna la gloire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ton dernier jour est le plus beau.</hi></l>
            </lg>
            <lg>
              <label>Autre.</label>
              <l> <hi rend="i">Muse, tes foibles sons ne sçauroient assez dire ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sa rare Charité, que l’Orphelin admire ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sa pieté, qui sert au siecle de flambeau,</hi></l>
              <l><hi rend="i">La suit, sans la quitter, jusque dans le Tombeau.</hi></l>
            </lg>
            <lg>
              <label>Autre.</label>
              <l> <hi rend="i">Potier a pris sa place, au celeste sejour ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Elle est parmi les Saints, éclatante de Gloire ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ses illustres Vertus, l’exemple de la Cour,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Des ombres de la mort ont sauvé sa memoire.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-12_263">
          <head>[Abbaye donnée par le Roy à Mr l’Abbé Tamisier, Secretaire de Mr le Nonce]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1705 [tome 12], p. 263-267.</bibl>
          <p>Le Roy a donné l’Abbaye de S. Martin d’Aurion de l’Ordre de S. Benoist, Diocese de
            Châlons en Champagne, vacante par la mort de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de la Roche
            Jaquelin Aumonier de Madame la Duchesse de Bourgogne, à M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé
            Tamisier, Secretaire de M<hi rend="sup">r</hi> le Nonce de Sa Sainteté, en France. Cet
            Abbé est de la Ville d’Avignon, où sa famille est connuë il y a tres long-temps. Le
            choix que M<hi rend="sup">r</hi> le Nonce a fait de luy pour estre son Secretaire, ce
            qui répond à l’employ de Secretaire d’Ambassade, est une preuve de son merite &amp; de
            son intelligence dans les affaires les plus delicates du Ministere. D’ailleurs on sçait
            que son goust répond à celuy de M<hi rend="sup">r</hi> le Nonce, c’est-à-dire, qu’il en
            a un tres-sûr pour les belles Lettres &amp; pour la connoissance des Livres. M<hi
              rend="sup">r</hi> le Nonce ayant formé une tres-belle Bibliotheque des seuls livres
            qu’il a acheté depuis qu’il est en France, M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Tamisier a eu
            grande part au choix de la pluspart des livres qui composent cette Bibliotheque. Il faut
            que son merite &amp; toutes les qualitez qui le rendent recommandable, soient bien
            connuës du Roy, puisque Sa Majesté l’a nommé à l’Abbaye, dont je viens de vous parler,
            sans en avoir esté sollicitée, ny même que personne luy ait parlé en sa faveur. M<hi
              rend="sup">r</hi> le Nonce ayant esté remercier le Roy du choix que Sa Majesté a bien
            voulu faire de cet Abbé, pour répandre sur luy des graces qu’il n’auroit osé souhaiter,
            ce Monarque luy a parlé du choix qu’il avoit fait, d’une maniere qui luy a fait encore
            plus de plaisir que le choix même. Il a esté applaudi de tous ceux qui en ont oüi
            parler, &amp; toute la Cour en a fait compliment à M<hi rend="sup">r</hi> le Nonce ;
            &amp; M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Tamisier en a été felicité par une infinité de gens
            qu’il ne connoist pas, &amp; à qui son merite est connu. Je vous en parle, sur la foy de
            plusieurs personnes de distinction &amp; de probité, qui m’ont assuré que je n’en
            pouvois dire trop de bien. Et en effet, il n’occuperoit pas la place qu’il tient auprés
            de M<hi rend="sup">r</hi> le Nonce, s’il n’avoit autant d’érudition que de merite ;
            puisqu’il est difficile d’avoir un sçavoir plus profond, &amp; de s’appliquer plus à
            l’étude, que fait M<hi rend="sup">r</hi> le Nonce, qui y employe presque toutes les
            journées entieres, &amp; qu’il est difficile de tirer de son Cabinet, à moins que les
            affaires qui l’en font sortir, ne soient essentielles &amp; de consequence.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-12_288">
          <head>[Livres nouveaux]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1705 [tome 12], p. 288-297.</bibl>
          <p>Le S<hi rend="sup">r</hi> Giffard, Libraire &amp; Graveur du Roy, rüe S. Jacques, à
            l’Image de sainte Therese, vend depuis quelques jours, un Livre nouveau qui a pour
            titre : <hi rend="i">Histoire de la derniere Conjuration de Naples</hi> en 1701. Cet
            ouvrage est traduit du Latin, imprimé à Anvers en 1704. Cette traduction a toute la
            pureté &amp; toute la delicatesse de nostre Langue ; &amp; elle a eu l’approbation de
            plusieurs personnes, dont le bon goust est generalement reconnu. L’Approbateur même de
            l’ouvrage, qui au sentiment de tout le monde connoist parfaitement la Langue, a declaré
            plusieurs fois qu’il avoit peu examiné de livres mieux écrits que celuy-là. Le texte
            latin a esté composé par un des plus grands Seigneurs du Royaume de Naples, qui a eu
            beaucoup de part à la deffaite des conjurez de ce Royaume. Sa maniere d’écrire est fort
            belle &amp; fleurie ; l’enchaînement &amp; la liaison des évenemens s’y trouvent d’une
            maniere tres-naturelle. La situation sur tout où estoit l’Europe à la mort du feu Roy
            d’Espagne, est détaillée d’une maniere tres-exacte &amp; tres-interessante. Ce morceau
            d’Histoire fournira un jour de grands éclaircissemens pour l’Histoire generale
            d’Espagne. L’Auteur s’est attaché à exprimer le plus sensiblement qu’il a pû, le dépit
            où estoient la pluspart des Princes de l’Europe, qui estoient liez d’interest avec la
            Maison d’Austriche, de voir entrer une des plus grandes successions du monde dans la
            Maison de France. Si l’Auteur Latin a bien exprimé la disposition de ces Princes, le
            Traducteur n’a pas moins bien réüssi à rendre en nôtre langue tous les faits differens
            qui sont contenus dans le texte original. Le tour qu’il a donné aux pensées de l’Auteur
            qu’il a traduit, a quelque chose de si neuf, que l’on peut dire qu’il luy
            appartient.</p>
          <p>Mr Bulifon, Auteur de la Relation de ce qui s’est passé à Naples à la découverte de la
            Statuë Equestre, érigée à la gloire de Philippe V. &amp; qui a passé de France à Naples
            dés l’année 1670. où il a toûjours demeuré depuis ce temps-là, a composé plusieurs
            Ouvrages, qui regardent tous le Royaume de Naples. En voici la liste.</p>
          <p>Le premier Tome de l’histoire de Naples, concernant tout ce qui s’est passé dans ce
            Royaume-là, depuis la naissance de Nôtre-Seigneur jusqu’en l’année 1284.</p>
          <p>Il a sait aussi plusieurs Ouvrages détachez, qui ont pour titre, <hi rend="i">Les Vies
              des Rois de Naples ; les Curiositez de Naples &amp; de Pouzol ; l’histoire du
              Mont-Vesuve ; les descriptions de l’acclamation faite à Naples pour le
              possesse du nouveau Roy Philippe V. La solennelle entrée faite par sa
              Majesté Catholique à Naples ; &amp; celle du Legat</hi> à Latere, <hi rend="i">que le
              Pape Clement XI. lui envoya.</hi></p>
          <p>Le même Auteur a fait aussi une histoire exacte des évenemens de la conjuration de
            Naples du 23. Septembre 1701. dont il a presenté une copie à sa Majesté Catholique
            pendant le séjour qu’elle a fait à Naples.</p>
          <p>Il travaille presentement aux Vies des hommes illustres du même Royaume.</p>
          <p>Dom Diego de Aguirre, premier Professeur du Droit Civil dans le College de la Sapience,
            a fait imprimer une petite dissertation Italienne, intitulée, <hi rend="i">Brevissima
              Epitome della Giurisdittione é podesta degli Eminentissimi é Reverendissimi Cardinali
              &amp;c.</hi> dans laquelle, aprés avoir parlé de ce qui regarde les prérogatives &amp;
            la Jurisdiction du Cardinal Camerlingue ; il traite aussi de la dignité du grand
            Chancelier du College de la Sapience.</p>
          <p>On a aussi imprimé à Rome, chez François Gonzague, un <hi rend="i">in</hi> 4°. latin de
            prés de 400. pages. C’est une dissertation historique sur les Basiliques des Saints
            Martyrs Marcellin, Prêtre, &amp; Pierre, Exorciste, composée par un Prêtre de
            l’Oratoire.</p>
          <p>Le Livre qui a pour titre <hi rend="i">Sacro Arsenali</hi> ou <hi rend="i">Vera
              practica del sancto Officio</hi> ; c’est-à-dire, <hi rend="i">l’Arsenal sacré</hi>, ou
              <hi rend="i">la pratique du Saint Office</hi>, est de l’Imprimerie de la Chambre
            Apostolique. Le fonds de l’Ouvrage a été composé par le Pere Thomas Merghini,
            Dominicain ; mais les Notes sont de Mr Jean Pascaloni.</p>
          <p>La Chambre Apostolique a fait faire aussi une nouvelle édition de l’<hi rend="i"
              >Indice</hi>, dans laquelle on a ajoûté tous les Livres défendus jusqu’au mois de Juin
            1704.</p>
          <p>Le Livre <hi rend="i">de furibus Librariis</hi>, fait un fort grand bruit en Hollande ;
            Mr Crenius qui en est l’Auteur, s’est attiré une infinité d’ennemis.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-12_306">
          <head>[Feste de S. Lazare célebrée à l’Abbaye de S. Germain des Prez]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1705 [tome 12], p. 306-308.</bibl>
          <p>Le 17. de ce mois la feste de S. Lazare fut celebrée avec la magnificence &amp; les
            ceremonies ordinaires dans l’Eglise de l’Abbaye de S. Germain des Prez. Je ne vous feray
            point ici le détail des ceremonies qui s’y observent, &amp; sur tout lorsqu’on y reçoit
            quelques Chevaliers de l’Ordre de S. Lazare, vous en ayant déja envoyé sept ou huit
            grandes relations depuis 29. ans que j’ay commencé à vous écrire des lettres remplies de
            nouvelles. Le jour de la derniere feste de S. Lazare, M<hi rend="sup">rs</hi> les
            Chevaliers de ce nom &amp; de Nostre-Dame de Mont-Carmel estant assemblez, receurent
            Chevaliers deux de leurs Eleves, dont l’un est de la maison de Conflans, &amp; l’autre
            de la maison de Chabannes. Monsieur le Cardinal d’Estrées se trouva <hi rend="i"
              >incognito</hi> à cette ceremonie, dans une tribune fermée, dressée dans le Chœur prés
            de l’Autel. M<hi rend="sup">r</hi> le Comte d’Aguilar, Grand d’Espagne, &amp; l’un des
            Capitaines des Gardes du Corps de Sa Majesté Catholique, depuis quelque tems à la Cour,
            où quelques affaires de la plus haute importance &amp; de confiance l’ont fait venir,
            fut aussi present à cette ceremonie, où assisterent quelques étrangers de distinction
            &amp; plusieurs personnes qualifiées des deux sexes.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1705-12_379">
          <head>[Feste donnée par S.A.S. Monsieur le Prince]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1705 [tome 12], p. 379-383.</bibl>
          <p>Je viens d’apprendre que S. A.S. Monsieur le Prince a traité Monsieur le Comte
            d’Aguillard, &amp; comme Prince ne fait rien qu’avec une ingenieuse magnificence, &amp;
            que l’esprit, l’invention, la galanterie, &amp; le bon goust, égalent l’abondance dans
            tous les repas qu’il donne, il n’y a pas lieu de douter que celuy où il a convié
            Monsieur le Comte d’Aguillard n’ait esté une Feste dans toutes les formes ; mais n’ayant
            pas le temps d’en ramasser toutes les circonstances, parce que je me trouve obligé de
            finir ma Lettre dans le temps que j’apprends que cette Feste s’est donnée ; je vais vous
            dire tres imparfaitement ce qui en est venu à ma connoissance. Il ne se trouva que des
            conviez à cette Feste, du nombre desquels estoit Monsieur le Duc, Mr de Luxembourg, Mrs
            les Comtes de Fimarcon, de Fiesque, &amp; de Lussant, Mr le Marquis de Langeron, &amp;
            plusieurs autres, d’un âge aussi mûr. Les Dames estoient, Madame la Princesse de Conty ;
            Mesdemoiselles d’Enguien &amp; de Conty, Mes de Barbesieux &amp; de Ris, &amp; Mlle de
            Langeron. Le divertissement fut ouvert par un tres-beau concert de Haut-bois, ensuite de
            quoy il y eut une espece de petit Balet, composé de plusieurs entrées &amp; dansé par
            les meilleurs Danseurs &amp; par les meilleures Danseuses de l’Opera ; ce qui dura
            jusqu’au soupé, qui fut servi sur une table de vingt-cinq couverts, avec toute la
            propreté, la delicatesse, &amp; la magnificence possibles. La Symphonie se fit entendre
            pendant tout le repas, qui dura long-temps, &amp; cette Symphonie, qui fut fort variée,
            fut trouvée fort belle, &amp; fit beaucoup de plaisir. A peine fut-on sorty de table que
            quatre Danseurs &amp; quatre Danseuses donnerent un nouveau divertissement. L’ouverture
            du Bal se fit ensuite par Monsieur le Duc, &amp; par Mademoiselle de Conty, &amp; qui
            estoit Reine du Bal. Le Bal fut long, parce qu’il fut plusieurs fois agreablement
            interrompu par de nouvelles Entrées de Balet.</p>
          <p>Aprés quoy on passa dans un lieu separé ou l’on trouva une collation des plus
            magnifiques, &amp; les liqueurs les plus exquises y furent prodiguées ; cette colation
            fut suivie de nouvelles entrées de balet, aprés lesquelles le bal recommença de nouveau.
            Ces plaisirs durerent jusqu’à pres de quatre heures du matin, que la feste finit. Je
            n’oze vous parler davantage de la magnificence de Monsieur le Prince, de crainte de
            blesser sa modestie, ce Prince traitant de bagatelles les choses les plus magnifiques
            lorsqu’elles viennent de sa part. On doit remarquer qu’il donne toûjours de si bons
            ordres &amp; qui sont toûjours si bien executez qu’il n’y a jamais eu de confusion dans
            les Festes qu’il a données, quoy qu’elles ayent été souvent si grandes qu’elles
            pouvoient meriter le nom de Royale.</p>
        </div>
      </div>
    </body>
  </text>
</TEI>